BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 416 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 01448
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 07 septembre 2011, Section Activité diverses.
APPELANTE
ASSOCIATION ASFO EMPLOI Angles des rues Euvremont GENE Route de la Gabarre Zone des Petites Industries 97110 POINTE A PITRE Représentée par Me WINTER-DURENNEL de la SCP WINTER-DURENNEL et PREVOT (TOQUE 83) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE
Mademoiselle Sandrina X...... 97170 PETIT BOURG Représentée par Me URGIN substituant la SCP NAEJUS-HILDEBERT (TOQUE 108) avocats au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jean DE ROMANS, Conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 03 décembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat à durée déterminée conclu pour accroissement temporaire d'activité, l'Association ASFO EMPLOI engageait Mme Sandrina X...en qualité d'employée administrative à compter du 6 novembre 2006 jusqu'au 6 décembre 2006.
Par un « avenant de renouvellement d'un contrat à durée déterminée » en date du 7 décembre 2006, il était stipulé par les parties que le contrat était renouvelé et transformé en un contrat conclu pour le remplacement d'un salarié absent, en l'occurrence Mme Annette Z..., absente pour maladie, et que le nouveau contrat pour l'emploi d'agent de bureau à compter du 7 décembre 2006, se poursuivrait jusqu'au retour de Mme Z....
Au retour de la salariée remplacée, le 12 janvier 2007, le contrat de travail à durée déterminée de Mme X...prenait fin.
Madame Z...étant par la suite à nouveau en congé maladie, un nouveau contrat à durée déterminée, était conclu pour le remplacement de celle-ci, entre l'employeur et Mme X.... Ce contrat daté du 26 janvier 2007, était signé par cette dernière, laquelle portait la mention manuscrite « lu et approuvé le 8 février 2007 ».
Mme X...bénéficiait à compter du 30 mars 2007 jusqu'au 2 mai 2007, d'un congé maladie en rapport avec un état pathologique résultant d'un état de grossesse. À compter du 2 mai 2007 Mme X...était en congé maternité.
L'Association ASFO EMPLOI établissait pour Mme X...un dernier bulletin de paie pour la période du 1er mai au 2 mai 2007, sur lequel était mentionné le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 315, 07 euro, ainsi qu'une « prime de précarité (indemnité de fin de contrat) » d'un montant de 253, 17 euros.
Le 8 janvier 2008, Mme X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement de dommages intérêts pour rupture abusive ainsi qu'une indemnité de préavis. Elle sollicitait par la suite diverses autres indemnités.
Par jugement du 7 septembre 2011, la juridiction prud'homale qualifiait d'abusif le licenciement de Mme X...et condamnait l'Association ASFO EMPLOI à lui payer les sommes suivantes :-1260 euros au titre de l'indemnité de requalification,-1260 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-126 euros au titre des congés payés liés au préavis,-1260 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,-3840 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,-700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il était ordonné la remise sous astreinte de la lettre de licenciement à la date du 2 mai 2007.
Le 3 octobre 2011, l'Association ASFO EMPLOI interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 11 janvier 2012, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, l'Association ASFO EMPLOI sollicite l'infirmation du jugement déféré et le rejet de l'intégralité des demandes de Mme X.... Elle réclame paiement de la somme de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
À l'appui de ses demandes, l'Association ASFO EMPLOI fait valoir que Mme X...n'a pas été licenciée. Elle conteste la requalification du 3e contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en faisant valoir que ce contrat indique clairement la date du 26 janvier 2007 et respecte donc le formalisme édicté par l'article L 1242-13 du code du travail, lequel n'impose pas l'apposition de la signature par la salariée dans les 2 jours de sa date, mais seulement la remise du document à la salariée dans ce délai. Elle ajoute que Mme X...ne peut valablement se prévaloir de son propre atermoiement pour profiter d'une requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
L'Association ASFO EMPLOI précise qu'il n'y a pas eu de licenciement, mais que Mme X...n'est simplement plus jamais venue travailler. Ainsi, selon elle, si le contrat devait être requalifié, la Cour serait amenée à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X...à effet du 2 mai 2007, aux torts de cette dernière puisque c'est elle qui a été défaillante dans ses obligations contractuelles consistant à venir travailler ou fournir un arrêt travail.
Elle explique que même en cas de requalification du contrat de travail, l'indemnité de requalification ne serait pas pour autant due puisqu'elle n'est octroyée qu'en cas d'irrégularité de forme du contrat à durée déterminée et non en cas de contrat régulier en la forme signé tardivement par la salariée.
Elle indique que Mme X...a perçu les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés liés au préavis, que si le 3e contrat était judiciairement résilié aux torts de Mme X..., aucune indemnité de préavis ne serait due, et que s'il était résilié aux torts de l'Association ASFO EMPLOI, ou si l'on considérait que celle-ci avait procédé au licenciement de la salariée, cette dernière ayant une ancienneté inférieure à 6 mois, n'aurait droit à aucune indemnité de préavis.
L'Association ASFO EMPLOI explique enfin que n'étant pas à l'origine de la rupture, elle ne saurait se voir reprocher une irrégularité pour un licenciement inexistant, et que s'il était jugé que l'employeur était à l'origine d'un licenciement, l'indemnité pour licenciement irrégulier ne se cumule pas avec celle pour licenciement abusif. Relevant que la salariée comptait moins de 2 ans d'ancienneté, et dans la mesure où Mme X...serait susceptible d'obtenir une indemnisation calquée sur le préjudice qu'elle aurait éventuellement subi, l'employeur fait valoir qu'elle ne justifie pas d'un tel préjudice, ne fournissant aucun élément relatif à sa situation après le 2 mai 2007.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 16 mars 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...sollicite la confirmation en toutes ses dispositions du jugement du 7 septembre 2011, portant cependant sa demande de dommages intérêts pour rupture illicite à la somme de 7560 euros, sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 1300 euros, et réclamant en outre paiement de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 7560 euros.
Elle entend voir juger que la relation travail doit être requalifiée en contrat travail à durée indéterminée à compter du 6 novembre 2006, date du premier contrat à durée déterminée, faisant valoir que le contrat à durée déterminée conclu soit avec un terme précis soit avec un terme imprécis, devient à durée indéterminée lorsque les relations contractuelles se poursuivent après son échéance. Elle explique que dès le 7 décembre 2006, elle était liée à l'Association ASFO EMPLOI par un contrat à durée indéterminée, dès lors que l'avenant du 7 décembre 2006 n'avait pas été conclu avant le terme prévu pour le contrat à durée déterminé précédent, précisant qu'il s'est poursuivi jusqu'à son congédiement intervenu verbalement à la date du 2 mai 2007, alors qu'elle était en congé maternité.
Elle soutient que contrairement à ce que prétend l'Association ASFO EMPLOI, le contrat souscrit le 7 décembre 2007 n'était pas un second contrat, mais qu'il était qualifié de renouvellement d'un contrat à durée déterminée. Elle ajoute que le contrat daté du 26 janvier 2007 lui a été soumis le 8 février 2007 alors qu'elle était en poste depuis plusieurs jours, ce qui constituerait un indice suffisant pour qualifier ce contrat de contrat à durée indéterminée.
Mme X...expose qu'elle est restée en poste après le départ de la salariée remplacée, le 8 février 2007, et ce jusqu'à son congé maternité.
Elle entend voir juger que son licenciement est nul puisque intervenu pendant son congé maternité, et qu'en tout état de cause il est sans cause réelle et sérieuse.
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Motifs de la décision :
Sur la requalification du contrat de travail :
Certes le premier contrat de travail à durée déterminée a pris fin le 6 décembre 2006, et « l'avenant de renouvellement » du 7 décembre 2006, n'a pas été signé avant le terme prévu par le premier contrat comme le prescrit l'article L 1243-13 alinéa 3 du code du travail.
Toutefois en l'espèce le contrat du 7 décembre 2006, qui n'a pas été conclu, comme le contrat précédent pour un accroissement temporaire d'activité, mais pour le remplacement d'une salariée absente pour maladie, Mme Z..., doit être considéré comme un second contrat à durée déterminée distinct du premier, et non comme le renouvellement de celui-ci. En conséquence, sa conclusion à la date du 7 décembre 2006, ne peut entraîner la requalification du premier contrat en contrat à durée indéterminée.
Ce contrat du 7 décembre 2006 a normalement pris fin avec la reprise par Mme Z...de son emploi. Si un 3e contrat à durée déterminée pouvait être conclu pour le remplacement de Madame Z...lorsqu'elle a été à nouveau en congé maladie, ce contrat devait être remis à la salariée, au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant l'embauche comme le prescrit l'article L 1242-13 du code du travail.
Or il résulte des mentions figurant sur le 3e contrat de travail daté du 26 janvier 2007 par l'employeur, stipulant qu'il prend effet à cette date, que ledit contrat a été soumis à Mme X...le 8 février 2007, celle-ci ayant pris soin de porter sur ledit contrat la mention « lu et approuvé le 8 février 2007 ». L'employeur ne justifie pas que le non-respect du délai de 2 jours soit imputable à une quelconque mauvaise volonté de la salariée. En conséquence ce contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
En tout état de cause, il résulte de l'attestation fournie par Mme Z..., que celle-ci a quitté son emploi le 8 février 2007 ; la poursuite du travail de Mme X...au service de l'Association ASFO EMPLOI au-delà de cette date implique nécessairement que le contrat de travail est devenu à durée indéterminée, étant rappelé que l'article 2 du 3e contrat de travail prévoyait que s'il se poursuivait jusqu'au retour de Mme Z..., ce qui en constituait le terme, le contrat pourrait également prendre fin si celui de Mme Z...venait à être rompu.
En conséquence l'octroi à hauteur de 1260 euros par les premiers juges d'une indemnité de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée doit être confirmé.
Sur la rupture du contrat de travail :
L'Association ASFO EMPLOI ayant délivré le 2 mai 2007 un bulletin de salaire à Mme X..., portant mention d'une indemnité compensatrice de congés payés et d'une prime intitulée « prime de précarité (indemnité de fin de contrat) », il apparaît que c'est bien employeur qui a mis fin unilatéralement, le 2 mai 2007, au contrat travail à durée indéterminée dont bénéficiait alors Mme X.... Cette rupture du contrat de travail s'analyse donc en un licenciement.
L'Association ASFO EMPLOI explique dans ses écritures que Mme X...a été absente à compter du 2 avril 2007, en raison de difficultés liées à un état de grossesse, d'ailleurs il est produit aux débats un avis d'arrêt de travail du 30 mars 2007, dont il était précisé qu'il était en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse.
Bien qu'informé de l'état de grossesse de la salariée, l'employeur a néanmoins rompu le contrat de travail le 2 mai 2007, et ce en violation des dispositions de l'article L 1225-4 du code du travail. En conséquence le licenciement ainsi opéré doit être déclaré nul.
À la date de son licenciement, Mme X...ne bénéficiait pas d'une ancienneté au moins égale à 6 mois, dans la mesure où celle-ci remontait au 26 janvier 2007, date à laquelle avait pris effet le contrat à durée indéterminée. Toutefois compte tenu des usages pratiqués pour le licenciement d'une employée administrative, laquelle en l'espèce avait une ancienneté de plus de 3 mois, il doit être alloué à Mme X...une indemnité compensatrice de préavis égal à un mois de salaire, soit la somme de 1260 euros. Il s'y ajoute une indemnité de congés payés liée à ce préavis, d'un montant de 126 euros.
En l'absence d'entretien préalable au licenciement, au cours duquel Mme X...aurait pu faire valoir ses droits au maintien dans l'entreprise, notamment en rappelant à son employeur son état de grossesse, il doit lui être alloué une indemnité pour procédure irrégulière de licenciement d'un montant de 1260 euros réparant le préjudice ainsi subi.
Dans la mesure où Mme X...n'a pas demandé sa réintégration, et compte tenu de la perte subséquente de ses ressources salariales, les premiers juges ont pu exactement évaluer le préjudice ainsi subi par Mme X...à la somme de 3840 euros.
Cette indemnité étant allouée pour réparer l'entier préjudice matériel et financier subi par Mme X..., il ne peut être fait droit à sa deuxième demande de dommages intérêts motivée par l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Le présent arrêt constatant la nullité du licenciement de Mme X..., il n'y a pas lieu d'ordonner la remise d'une lettre de licenciement sous astreinte.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X...les frais irrépétibles qu'elle a exposés il lui sera alloué la somme de 1300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit que le contrat à durée déterminée daté des 26 janvier et 8 février 2007 est requalifié en contrat à durée indéterminée,
Dit que le licenciement de Mme X...intervenu le 2 mai 2007 est nul,
Confirme les dispositions du jugement déféré, sauf à porter à la somme de 1 300 euros l'indemnité mise à la charge de l'Association ASFO EMPLOI au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et sauf en ce qu'il a été ordonné la remise sous astreinte d'une lettre de licenciement
Et statuant à nouveau,
Condamne l'Association ASFO EMPLOI à payer à Mme X...la somme de 1300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à condamnation de l'Association ASFO EMPLOI à la remise d'une lettre de licenciement sous astreinte,
Condamne l'Association ASFO EMPLOI aux entiers dépens,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.