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03/12/2012 | FRANCE | N°11/01315

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 03 décembre 2012, 11/01315


BR-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 413 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 01315
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 23 juin 2011, Section Commerce.
APPELANTE
SARL MAJORE 1, Rue Lady Fish-Sandy Ground 97150 SAINT-MARTIN Représentée par Me WINTER-DURENNEL substituant Me NICOLAS (TOQUE 69) avocat au barreau de GUADELOUPE.

INTIMÉ
Monsieur Jean-Luc Z......97150 SAINT-MARTIN Ayant pour avocat Me Anne SEBAN (TOQUE 12) avocat au barreau de GUADELOUPE, Dispensé

de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 alinéa 2 et 946 du code d...

BR-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 413 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 01315
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 23 juin 2011, Section Commerce.
APPELANTE
SARL MAJORE 1, Rue Lady Fish-Sandy Ground 97150 SAINT-MARTIN Représentée par Me WINTER-DURENNEL substituant Me NICOLAS (TOQUE 69) avocat au barreau de GUADELOUPE.

INTIMÉ
Monsieur Jean-Luc Z......97150 SAINT-MARTIN Ayant pour avocat Me Anne SEBAN (TOQUE 12) avocat au barreau de GUADELOUPE, Dispensé de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 alinéa 2 et 946 du code de procédure civile.

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jean DE ROMANS, Conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 03 décembre 2012
GREFFIER Lors des débats, Mme Juliette GERAN, adjointe administrative principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, que M. Z...a perçu de la Société MAJORE une rémunération pour une activité de change, à compter du mois d'avril 2007 jusqu'au mois de juillet 2008.
Le 30 juillet 2008 le gérant de la Société MAJORE adressait à M. Z...un courrier par lequel il mettait un terme au contrat qui le liait à son salarié, en lui reprochant un certain nombre de griefs.
Le 12 juin 2009, M. Z...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ainsi que diverses indemnités.
Par jugement du 23 juin 2011, la juridiction prud'homale condamnait la Société MAJORE à payer à M. Z...les sommes suivantes :-11 640 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,-1940 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,-11 640 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail,-194 euros à titre de congés payés,-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il était en outre ordonné à la Société MAJORE, sous astreinte, de remettre à M. Z..., l'ensemble de ses bulletins de paie, un nouveau certificat travail et une attestation ASSEDIC conforme.

Le 29 septembre 2011, la Société MAJORE interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 16 septembre 2011.
****
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 7 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société MAJORE sollicite l'infirmation du jugement déféré et soulève l'incompétence de la juridiction prud'homale pour connaître des contestations élevées par M. Z...en faisant valoir que les relations entre ce dernier et elle-même résultaient de l'existence d'une société en participation créée entre les parties, et que l'intitulé « lettre de licenciement » du courrier remis à M. Z...ne saurait être pris en compte pour établir l'existence d'un quelconque contrat de travail entre elle-même et M. Z....
Elle explique que cherchant à développer son réseau d'activité de change manuel, elle a convenu de s'associer avec M. Z...qui cherchait des recettes complémentaires à son activité de salle de jeu de billard, afin d'ouvrir un change manuel dans le centre d'affaires d'Howell Center à Saint-Martin, les bénéfices de cette société en participation étant répartis entre les 2 associés suivant un récapitulatif établi mensuellement, M. Z...se voyant attribuer une somme de 1200 euros outre 35 % des bénéfices avant impôt. Elle ajoute que la lettre de notification de dissolution à son initiative, de la société en participation, était intitulée à tort « lettre de licenciement ».
La Société MAJORE réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Par conclusions notifiées à la partie adverse le 10 avril 2012, M. Z...sollicite la confirmation du jugement entrepris, réclamant en outre les sommes complémentaires suivantes :-1940 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-485 euros au titre de l'indemnité de licenciement,-2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses demandes M. Z...soutient qu'il avait la qualité de salarié de la Société MAJORE, faisant état des termes de la lettre de licenciement qui, selon lui relatait très exactement la nature des relations entre le gérant de la Société MAJORE et lui-même.
Il précise qu'il a commencé à travailler pour le compte de la Société MAJORE début avril 2007, comme le prouvent les sommes qui lui ont été versées au titre des mois d'avril, mai et juin 2007. Il fait valoir qu'il n'a jamais été déclaré à hauteur des sommes réellement versées par son employeur, lequel en a donné le détail, mois après mois, dans la lettre de licenciement, faisant apparaître une rémunération moyenne nette de 1940 euros par mois.
Il demande en conséquence que lui soit remis l'ensemble des bulletins de paie rectifiés conformément aux sommes reconnues par l'employeur dans la lettre de licenciement, ainsi qu'une attestation ASSEDIC rectifiée. Il réclame par ailleurs paiement d'une somme de 11 640 euros pour travail dissimulé.
Il estime que la mesure de licenciement à son égard est injustifiée, relevant qu'il a travaillé une année entière pour le compte de l'agence de la Société MAJORE sans jamais recevoir le moindre reproche ni avertissement de la part de son employeur.
**** Le présent arrêt est rendu contradictoirement, M. Z...étant dispensé sur la demande de son conseil, de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du code de procédure civile,

****
Motifs de la décision :
Sur la relation de travail :
Plusieurs éléments ressortant des pièces de la procédure montrent qu'il existait une relation de travail salarié entre les parties.
Non seulement la Société MAJORE a établi régulièrement des bulletins de paie au nom de M. Z..., faisant apparaître sur ceux-ci un " code salarié S001 ", des congés payés et une durée de préavis soumis aux articles L223-2 à 8, et L 122-6 à 8 du code du travail, le prélèvement de cotisations sociales " maladie " et " vieillesse " à la charge du salarié, ainsi que des cotisations sociales à la charge de l'employeur, et un décompte des congés payés, mais il résulte encore clairement de la lettre de rupture, intitulée « lettre de licenciement » adressée le 30 juillet 2007 par la Société MAJORE à M. Z..., qu'il existait un lien de subordination auquel était soumis ce dernier, puisque le gérant de la Société MAJORE reprochait à son employé de nombreux manquements aux instructions qui lui ont été données, lui reprochant par exemple de ne pas respecter les règles imposées par le gérant de la Société MAJORE, lui faisant grief en outre d'être nonchalant et de ne pas être assidu à sa tâche.

Les menaces de poursuites judiciaires dont a fait état M. Z...dans son courrier du 31 août 2008, adressé au représentant de la Société MAJORE, dans lequel il fait référence à des renseignements recueillis auprès de l'inspection du travail, ne sauraient démontrer l'existence d'une société en participation, même si le salarié entend voir imposer un « arrangement » dont il fixe les conditions pour régler le conflit né de la rupture de la relation travail.

Par ailleurs la rémunération allouée à M. Z..., composée d'une partie fixe de 1200 euros par mois et d'une part variable correspondant à un pourcentage des bénéfices de l'entreprise, n'est nullement incompatible avec la qualité de travailleur salarié.
Sur la rupture du contrat de travail :
Dans sa lettre de licenciement du 30 juillet 2008, le gérant de la Société MAJORE reproche à M. Z...un grand nombre de manquements, pour lesquels le salarié ne fournit aucune explication. En particulier il est reproché au salarié de ne pas respecter les horaires fixés pour l'ouverture et la fermeture du bureau de change, de fermer celui-ci à sa guise, et de ne pas respecter les règles de sécurité du bureau de change en n'avertissant pas par téléphone, le service de sécurité à chaque fois qu'il rentre et qu'il sort de ce bureau. Ce manquement est attesté par le personnel chargé de la surveillance du bureau, et plus précisément par MM. Félix C...et Adrien D..., lesquels certifient, qu'étant en charge du système de sécurité du bureau de change Howel Center, ils n'ont quasiment jamais reçu d'appel à leur service, de la part de M. Z..., lequel devait les avertir de sa présence le matin, afin de pouvoir exercer une surveillance lors de son entrée, et les avertir 5 minutes avant sa sortie, afin que celle-ci puisse être surveillée. Ils attestent également avoir constaté des retards importants d'ouverture ainsi que des fermetures inexpliquées pendant la période à laquelle M. Z...travaillait au bureau de change.
S'agissant de manquements mettant en cause la sécurité du bureau de change, griefs auxquels n'a pas répondu le salarié, les faits ainsi reprochés sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. Toutefois aucune mise en garde, ni mise en demeure n'ayant été au préalable adressée au salarié, les faits reprochés ne sauraient être constitutifs d'une faute grave.
M. Z...est donc fondé à solliciter paiement d'une indemnité de préavis équivalent à un mois de salaire, en application des dispositions de l'article L 1234-1 du code de travail, dans la mesure où son ancienneté au sein de l'entreprise, est comprise entre 6 mois et 2 ans. Il est également dû à M. Z...le paiement d'une indemnité de congés payés sur ce préavis.
M. Z...ayant plus d'un an d'ancienneté à la date de son licenciement est fondé à réclamer paiement de l'indemnité légale de licenciement, à hauteur de 485 euros, compte tenu d'un salaire moyen mensuel de 1 940 euros.
M. Z...ayant été licencié sans avoir été convoqué à un entretien préalable, et par conséquent sans avoir pu être assisté par un conseiller du salarié comme le prévoit l'article L 1132-4 du code du travail, il est en droit de réclamer paiement d'une indemnité pour le préjudice ainsi subi, ayant été privé de la possibilité de faire valoir ses droits auprès de son employeur, la réparation du préjudice étant fixée à la somme de 1000 euros.

Par ailleurs l'examen comparé des bulletins de salaire délivrés à M. Z...par la Société MAJORE, et le montant des rétributions allouées mensuellement à celui-ci, et récapitulées mois par mois dans la lettre de licenciement par l'employeur, montre une importante distorsion entre les montants des salaires figurant sur les fiches de paye et déclarés aux organismes sociaux, et les sommes réellement versées à M. Z..., ces dernières pouvant être, pour certains mois, jusqu'à près de 3 fois supérieures à celles figurant dans les bulletins de paie. En outre dans ses conclusions, l'employeur reconnaît qu'il avait été convenu initialement que M. Z...soit rétribué par une somme fixe de 1200 euros outre 35 % des bénéfices avant impôt. Les bulletins de salaire délivrés ne correspondent ni à cette stipulation, ni aux montants effectivement versés, et ne comportent d'ailleurs pas, pour la plupart d'entre eux, le nombre d'heures travaillées. En conséquence il y a lieu de considérer qu'il s'agit de bulletins de salaires fictifs, ne correspondant pas à la réalité des salaires versés et ne satisfaisant pas aux dispositions de l'article L3243-2 du code du travail, et que par suite l'employeur a contrevenu intentionnellement, compte tenu de la répétition de ses agissements pendant plus d'un an, aux dispositions de l'article L8221-5 du code du travail. M. Z...est donc fondé à réclamer paiement de l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire prévue par l'article L8223-1 du code du travail, soit la somme de 11 640 euros.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Z...les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la Société MAJORE,
Au fond,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. Z...est justifié par une cause réelle et sérieuse,
Condamne la Société MAJORE à payer à M. Z...les sommes suivantes :
-1000 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,
-1940 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-194 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,
-485 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-11 640 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. Z...de sa demande de paiement de la somme de 11 640 euros pour rupture abusive,
Dit que la Société MAJORE devra remettre à M. Z..., les documents suivants, et ce dans le délai de 2 mois suivant la notification du présent arrêt, chaque jour de retard étant assorti d'une astreinte de 50 euros, :- l'ensemble des bulletins de paie depuis avril 2007, faisant apparaître les sommes réellement versées à M. Z..., telles que précisées dans la lettre de licenciement du 30 juillet 2007,- un nouveau certificat de travail faisant apparaître le mois d'avril 2007 comme début du contrat de travail,- une attestation ASSEDIC conforme aux dispositions du présent arrêt, et faisant apparaître les sommes réellement versées à M. Z...telles que précisées dans la lettre de licenciement du 30 juillet 2008,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société MAJORE,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01315
Date de la décision : 03/12/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-12-03;11.01315 ?
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