BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 410 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 01052
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 juin 2011, Section Commerce.
APPELANTE
SARL ROM
Rue Alfred Lumière-ZI de Jarry
97122 BAIE-MAHAULT
Représentée par Me COUROUX substituant la SCP MORTON et ASSOCIES (TOQUE 104) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉ
Monsieur José Clément X...
...
97130 CAPESTERRE BELLE-EAU
Comparant en personne, assisté de M. Y..., délégué syndical ouvrier
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur,
M. Jean DE ROMANS, Conseiller,
Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 03 décembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées aux débats, que M. José Clément X...a été engagé par contrat de travail écrit, à durée déterminée, à temps partiel, en date du 9 juillet 2007 par la Société ROM en qualité d'agent de collecte d'ordures ménagères, pour la période du 10 juillet 2007 jusqu'au 10 janvier 2008, en raison d'un accroissement temporaire d'activité, pour une durée hebdomadaire de 30 heures réparties du lundi au samedi, à raison de 5 heures par jour (pièce no1 de la Société ROM).
Par avenant daté du « 10 janvier 2007 », en réalité en date du 10 janvier 2008, signé par chacune des parties, le contrat de travail à durée déterminée était renouvelé pour une durée de 12 mois expirant le 9 janvier 2009.
La relation de travail s'étant poursuivie au-delà de cette date, les parties signaient le 17 décembre 2009 un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, reprenant les mêmes conditions de durée et de répartition du temps de travail.
L'employeur adressait les 18 janvier et 22 mars 2010, par lettres recommandées avec avis de réception, 2 avertissements à M. X...pour avoir quitté prématurément son poste de travail et avoir quitté l'entreprise sans avoir procédé au graissage d'un camion comme il lui était demandé, ce qui était qualifié par l'employeur d'abandon de poste.
Par courrier recommandé avec avis de réception, en date du 27 avril 2010, l'employeur adressait à M. X...une convocation à un entretien préalable à une sanction éventuelle pouvant aller jusqu'au licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire à compter du 26 avril 2010, en reprochant au salarié d'avoir le vendredi 23 avril 2010, à l'issue de la collecte des ordures ménagères, alors que son supérieur hiérarchique lui ordonnait de procéder au lavage d'un camion de collecte d'ordures, refusé d'y procéder en indiquant qu'il le ferait quand il l'aurait décidé.
Par lettre recommandée en date du 25 mai 2010, dont l'avis de réception était signé par le destinataire le 28 mai 2010, l'employeur notifiait à M. X...son licenciement pour faute grave, en rappelant les deux avertissements précédemment notifiés, les faits évoqués dans la lettre de convocation et en ajoutant que le lundi 26 avril 2010, M. X...avait opposé un même refus à son supérieur hiérarchique, qui, à 6H30 du matin lui avait demandé à nouveau de laver le camion de collecte.
Le 10 juin 2010, M. X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de dommages intérêts pour rupture abusive ainsi que les indemnités de fin de contrat.
Par jugement du 16 juin 2011, la juridiction prud'homale condamnait la Société ROM à payer à M. X...les sommes suivantes :
-3439, 80 euros à titre d'indemnité pour 3 mois de préavis,
-343, 98 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-11 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif.
Par déclaration du 19 juillet 2011, la Société ROM interjetait régulièrement appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 21 juin 2011.
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Par conclusions régulièrement notifiées à la partie adverse le 27 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société ROM sollicite l'infirmation du jugement entrepris et entend voir juger que le licenciement est fondé sur une faute grave. À titre subsidiaire elle demande que le licenciement soit jugé comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, et demande que l'indemnité compensatrice de préavis soit cantonnée à 2 mois de salaire, soit la somme de 2303, 60 euros. Elle réclame en tout état de cause paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur conteste le fait que M. X...ait, le 23 avril 2010, commencé sa journée de travail à 2 heures du matin comme celui-ci le prétend, et fait valoir que le salarié a quitté le lieu de travail sans avoir procédé à l'entretien du matériel de collecte alors que cela lui était demandé. Il rappelle que son contrat de travail mentionnait qu'il était chargé du ramassage des ordures ménagères et qu'il pouvait de manière ponctuelle être appelé à d'autres tâches nécessaires à l'entreprise en fonction des besoins de celle-ci et que M. X...ne pouvait nullement se croire autorisé à refuser d'accomplir l'entretien qui est inhérent à l'emploi qu'il occupait, comme en atteste la fiche no K 2303 « Nettoyage des espaces urbains » issue du Répertoire Opérationnel des Métiers et Emplois, du Pôle Emploi, le nettoyage et l'entretien des équipements de collecte au titre des activités complémentaires de l'agent de collecte de déchets ménagers entrant bien dans le cadre de l'exécution normale du contrat de travail de M. X....
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Par conclusions du 25 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X...sollicite la confirmation du jugement déféré tout en demandant la condamnation de la Société ROM à lui payer la somme de 25 783, 78 euros correspondant à :
-3439, 80 euros à titre d'indemnité pour 3 mois de préavis,
-343, 98 euros au titre d'indemnité légale de licenciement,
-22 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif.
M. X...explique que c'est à la suite d'une négociation avec le syndicat UGTG qu'il a obtenu le 17 décembre 2009 un contrat de travail écrit, étant resté 12 mois sans contrat écrit jusqu'au 9 janvier 2009. Il fait remarquer qu'à la suite de la création de la section syndicale UGTG au sein de la Société ROM le 31 mars 2009, et de la tenue des élections des représentants du personnel le 21 octobre 2010, il est le 3e syndiqué UGTG licencié subitement pour faute grave.
Il conteste ce qui lui est reproché, en expliquant qu'il ne peut, comme son employeur le prétend dans la lettre de licenciement, avoir pris son travail à 4 heures du matin et avoir refusé à 6 heures 30 de procéder au lavage du camion, puisqu'il ne peut en 2 heures 30, se rendre à la fois sur son circuit, effectuer ledit circuit, aller vider le camion à la décharge et retourner à sa base. Il fait valoir qu'en réalité il a pris son travail à 2 heures du matin comme tous les jours avec son collègue chauffeur, qu'ils sont rentrés à la base à 8 heures, qu'il avait ainsi épuisé son temps de travail de 6 heures, et qu'en toute légalité il a pu refuser de continuer de faire des heures supplémentaires qui ne lui étaient jamais payées.
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Motifs de la décision :
Les contrats de travails successifs conclus entre les parties précisent, que M. X...est chargé du ramassage ordures ménagères, et qu'il pourra également de manière ponctuelle être appelé à d'autres tâches nécessaires à l'entreprise en fonction des besoins de celle-ci ou des impératifs économiques.
Toutefois il n'a pas été précisé, comme le prévoit l'article L3123-14 du code du travail, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
Par ailleurs selon les dispositions de l'article L3123-20 du même code, le refus d'accomplir les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement, il en est de même, à l'intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de 3 jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
Il reste donc à vérifier si M. X...avait accompli des heures complémentaires non prévues au contrat, auquel cas son refus de les exécuter n'aurait pas été un motif de licenciement.
Selon les dispositions du contrat de travail en date du 17 décembre 2009, régissant les droits et obligations des parties, la durée de travail hebdomadaire de M. X...est fixée à 30 heures par semaine réparties à raison de 5 heures par jour du lundi au samedi.
Il en résulte que si M. X...a commençé son travail à 4 heures du matin, il devait être la disposition de son employeur jusqu'à 9 heures du matin.
M. X...prétend que le 26 avril 2010 il a commencé son travail à 2 heures du matin. Toutefois il n'apporte aucun élément corroborant cette allégation.
Au contraire l'employeur produit l'attestation de M. Henri B..., responsable du suivi de la collecte des ordures ménagères au sein de l'entreprise, lequel déclare que M. X...commençait sa prestation à partir de 4 heures.
En outre, et surtout, il est versé aux débats le compte rendu d'une réunion du 12 octobre 2009 à laquelle participait d'une part M. Raymond Y..., délégué syndical central UGTG, assisté d'une délégation de salariés, et d'autre part les représentants des sociétés du groupe dont fait partie la Société ROM. Au sujet des heures de travail de nuit, il est fait état du travail effectif de certains salariés à compter de 4 heures du matin, mais il n'est nullement évoqué que certains salariés commencent leur travail à 2 heures du matin, étant relevé que ce compte rendu, s'il a fait l'objet d'observations de la part de M. Y..., lesdites observations ne portent nullement sur la plage horaire de travail.
Ainsi les allégations de M. X...concernant sa prise de travail à 2 heures du matin ne peuvent être retenues.
L'employeur prétend qu'il a été demandé à M. X...de procéder au lavage du camion de collecte à 6 heures 30 du matin, alors que
M. X...dit qu'il est revenu à sa base à 8 heures du matin. À supposer que l'heure avancée par M. X...soit exacte, il n'en demeure pas moins qu'il était tenu d'accomplir le travail qui lui était confié, et ce jusqu'à 9 heures du matin, étant observé que le nettoyage des équipements de collecte, est accessoire au ramassage des ordures ménagères, et que si au cours de la réunion du 12 octobre 2009, évoqué ci-avant, le syndicat UGTG a fait savoir qu'elle souhaiterait que la direction envisage l'embauche d'un salarié spécialement affecté au nettoyage des camions de ramassage des ordures ménagères, l'organisation syndicale a précisé qu'il s'agissait d'une demande sans contrainte syndicale, ni aspect revendicatif.
Il apparaît ainsi que le refus opposé par M. X...à la demande qui lui était faite de procéder au nettoyage du camion, dans la limite des heures de travail fixée contractuellement, justifie, dans la mesure où deux avertissements préalables en date des 18 janvier et 19 mars 2010 avaient déjà été adressés à M. X...pour avoir écourté son temps de travail, le licenciement pour faute grave de celui-ci, l'opposition réitérée par M. X...à l'accomplissement du travail qui lui était demandé rendant impossible la poursuite de la relation de travail.
En conséquence M. X...sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, et dans la mesure où la faute grave est privative des indemnités de préavis et de licenciement, il doit être débouté de ses demandes tendant au paiement des dites indemnités.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Déboute M. X...de l'ensemble de ses demandes,
Dit que les dépens sont à sa charge,
Déboute la Société ROM de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président.