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26/11/2012 | FRANCE | N°08/01107

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 26 novembre 2012, 08/01107


VF-JF

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 399 DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 08/ 01107

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 4 juin 2008- Section Activités diverses.

APPELANTE

CABINET EDMOND X..." GEOMETRES EXPERTS "
...-
...
97139 LES ABYMES
Représenté par Maître Socrate-pierre TACITA (Toque 91), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ

Monsieur Sandro Y...
...
97115 SAINTE-ROSE
Représenté par Maître Tan

ia GALVANI (Toque 62), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article...

VF-JF

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 399 DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 08/ 01107

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 4 juin 2008- Section Activités diverses.

APPELANTE

CABINET EDMOND X..." GEOMETRES EXPERTS "
...-
...
97139 LES ABYMES
Représenté par Maître Socrate-pierre TACITA (Toque 91), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ

Monsieur Sandro Y...
...
97115 SAINTE-ROSE
Représenté par Maître Tania GALVANI (Toque 62), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jacques FOUASSE, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président,
M. Jacques FOUASSE, Conseiller, rapporteur
Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 10 septembre 2012, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé respectivement au 15 octobre puis au 26 novembre 2012.

GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffier

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE :

Monsieur Y... Sandro affirme qu'il est entré sans contrat de travail au service du cabinet de géomètres experts Edmond X..., à la fin de l'année 1996, en qualité d'aide géomètre. Il a ensuite été embauché suivant contrat d'accès à l'emploi en date du 2 Juin 1998 par ce même cabinet, pour une durée de 24 mois, la rémunération mensuelle étant fixée à 1 015, 87 €.

A l'expiration du contrat la relation de travail s'est tacitement poursuivie ;

Cependant à compter de l'année 2003, les relations entre les parties se sont dégradées.
Le 17 juin 2003, M. Y... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins d'obtenir un rappel de salaire, de congés payés et d'indemnité de déplacement.

Le 8 juin 2004, Monsieur Y... a été déclaré inapte à tous les postes de l'entreprise X...par la Médecine du Travail et le 14 juin 2004, M. X...adressait à M. Y... une lettre de licenciement pour faute grave.
Par jugement du 4 juin 2008, le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE condamnait l'employeur Monsieur Edmond X...à payer à Monsieur Y... Sandro les sommes suivantes :
972, 08 € d'indemnité légale de licenciement,
20 000, 00 € de dommages intérêts en réparation du préjudice,
91, 47 € en remboursement de retenue sur salaire de mai 2005,
1 500, 00 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Il ordonnait la remise de la lettre de licenciement sous astreinte de 10 € par jour de retard à compter du 8ème jour du prononcé de la décision, ainsi que le paiement des cotisations aux organismes sociaux sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ème jour du prononcé de la décision.
Il déboutait le défendeur de ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Par déclaration déposée au greffe le 10 juillet 2008, M. Edmond X..., géomètre expert a relevé appel de ce jugement.
M. Edmond X...est décédé le 8 mars 2009.
Par acte déposé au greffe le 13 janvier 2011, son fils X...Eric a déclaré reprendre l'instance au lieu et place de son père

MOYENS et DEMANDES des PARTIES :
Au soutien de son appel, par conclusions déposées le 19 septembre 2011 et reprises oralement à l'audience, M. X...Eric fait valoir que :
- avant même d'exposer les critiques à l'encontre du jugement, il échet de soulever avec fermeté l'irrecevabilité de la demande en paiement de 15. 000, 00 € présentée pour la première fois en cause d'appel ; il serait en effet de droit constant et indiscuté que toute demande de réparation d'un préjudice qui n'a pas été soumise à l'appréciation du premier juge, ne peut être présentée devant la Cour ; il y aurait en effet dans ce cas méconnaissance manifeste et tentative d'échapper au respect de la règle fondamentale du double degré de Juridiction ;

- le bureau de jugement a eu à connaître et à statuer sur une demande tout-à-fait différente de celle dont les parties ont débattu devant le bureau de conciliation ; ainsi la procédure en matière prud'homale n'a pas été respectée alors que c'est une exigence de l'article R 1454-10 du code du travail. Cette violation de la procédure peut être constatée et soulevée à toute hauteur de la procédure et elle entraîne l'irrecevabilité de la demande pour vice de procédure.

- l'intimé ne produit aucun élément constituant la preuve de l'embauche dès la fin de 1996 ;

- doivent être écartées aussi les allégations concernant les remises tardives des bulletins de paie, le règlement des salaires « en deux temps » et la non rémunération des heures supplémentaires. En effet ces allégations qui ne correspondent à aucune réalité sont fermement contestées par le concluant et de plus elles ne sont étayées par aucune preuve, aucune date, aucune période n'étant mentionnée concernant les prétendues heures supplémentaires qui auraient été accomplies.

- M. Y... Sandro manifestait une constante et totale désinvolture dans l'exécution de son contrat de travail ce qui a conduit directement à la dégradation des liens : M. Y... ne savait pas arriver à son travail à l'heure car il était tous les jours en retard ; le 12 Février 2003 en plein cours de formation organisée par l'Ordre des Géomètres experts le salarié s'est endormi ; le 13 Mai 2003, de retour d'un chantier, au volant de la voiture de l'entreprise, Y... qui devait rentrer aux bureaux de l'entreprise pour y faire son rapport de la journée, choisit et décide, sur l'horaire du travail d'aller faire ses courses personnelles. Il s'agit, là encore, d'une faute grave qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

- les excès-véritables fautes graves-du salarié Y... sont prouvés et reconnus par l'intéressé lui-même. En raison de ces fautes graves, feu X...a envisagé de prendre la décision de le licencier. Il a donc conformément à la loi convoqué le salarié pour le lundi 14 juin 2004 à 16 heures pour l'entretien préalable au licenciement. M. Y... ne s'est pas présenté à cet entretien pour la bonne raison qu'il savait lui depuis le 8 juin 2004 que le contrat de travail était rompu car à cette date du 9 juin 2004, la médecine du travail l'avait déclaré inapte à tous les postes de travail au cabinet X.... Ainsi donc, en fait, la rupture était déjà consommée alors que l'employeur n'en était qu'à l'intention de licencier. N'étant pas encore informé de la décision de la médecine du travail concernant la déclaration de l'inaptitude, l'employeur a certes par courrier daté du 16 juin 2004 adressé la lettre de licenciement, mais force est de reconnaître que la rupture du contrat était déjà effective depuis 8 jours plus tôt.

M. X...demande à la Cour de :
- déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée en appel de 15. 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- constater que les dispositions de l'art. R1454-10 du code du travail concernant le préliminaire de conciliation n'ont pas été respectées ;
- déclarer en conséquence le jugement du 4 juin 2008 atteint de nullité d'ordre public ;
et subsidiairement de :
- dire qu'il n'est pas rapporté la preuve de la mauvaise exécution du contrat de travail par X...
-dire que la rupture du contrat de travail sur ordre de la médecine du travail est antérieure à la lettre de licenciement du 16 juin 2004 ;
- réformer le jugement querellé,
- débouter M. Y... Sandro de toutes ses prétentions ;
- le condamner à payer la somme de 1. 500, 00 € au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.
M. Y... Sandro s'oppose à ces demandes et expose que :
- Monsieur Edmond X...a tout au long de la relation de travail, gravement manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ; Monsieur Y... a travaillé pendant près de deux années sans être déclaré puisqu'il est entré au service du Cabinet X...à la fin de l'année1996 et n'a pu bénéficier d'un contrat de travail qu'au mois de juin 1998 ; les fiches de paye étaient systématiquement remises à Monsieur Y... avec plusieurs mois de retard ; le salaire était fractionné et payé en deux temps ; de surcroît, Monsieur Y... a plus d'une fois effectué des heures supplémentaires qui n'ont jamais été rémunérées ; l'employeur n'hésitait pas à exiger de Monsieur Y... des tâches totalement étrangères à la relation de travail,
- Monsieur Y... n'avait pas le droit d'être malade, la moindre absence étant considérée comme une faute par l'employeur ; Monsieur X...est entièrement responsable de la dégradation de l'état de santé de son salarié, par un long processus d'usure mentale, Monsieur X...a conduit Monsieur Y... à la dépression. Monsieur Y... a été mis en arrêt maladie pendant de nombreux mois, étant incapable de travailler.
- le 05 avril 2004, Monsieur Y... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour le 16 avril 2004 ; le 02 juin 2004, Monsieur Y... a de nouveau été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 14 juin 2004 ; le 08 juin 2004, Monsieur Y... a été déclaré inapte à tous les postes de l'entreprise X...par la Médecine du Travail ; le 14 juin 2004, Monsieur Y... s'est présenté sur son lieu de travail dans le but de récupérer divers documents ; Monsieur Eric X..., fils de Monsieur Edmond X..., travaillant avec lui, a alors exigé de Monsieur Y... qu'il se rende à une mission d'arpentage, alors même qu'il savait pertinemment que Monsieur Y... était désormais inapte à tous les postes de l'entreprise et ce en raison de la notification qui est faite à l'employeur le jour même par le Médecin du Travail. Monsieur Y... a bien évidemment refusé de se rendre sur le terrain Monsieur Eric X...s'est alors jeté sur Monsieur Y..., le rouant de coups, le Docteur Franck C...qui a examiné Monsieur Y... le jour même, a constaté des contusions sur plusieurs régions du corps ainsi qu'un état de phobie et de déprime, le Docteur C...a conclu à 10 jours d'ITT,
- le préjudice qui en résulte pour Monsieur Y... est considérable et ne saurait être inférieur à 20 000 euros,
- le 14 juin 2004, M. X...adressait à M. Y... une lettre de licenciement pour faute grave, sans aucune indemnité. Or Monsieur Y... a été déclaré inapte à tous les postes de l'entreprise X...par la Médecine du Travail le 08 juin 2004. Monsieur Y... aurait donc dû être licencié pour inaptitude. Il en résulte que le licenciement prononcé par le Cabinet X...est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Monsieur Y... a été victime d'un accident de la circulation à son retour d'une mission d'arpentage le 13 mai 2003 et sous la contrainte Monsieur Y... a signé un document entièrement rédigé par Monsieur X..., qui est contraire à la vérité. Monsieur X...a alors opéré une retenue de 91, 47 euros sur le salaire du mois de mai 2003, correspondant aux frais du sinistre. Le Cabinet X...est assuré
pour ce type de sinistre et le salarié, Monsieur Y... n'a donc à supporter aucun frais. Par conséquent, Monsieur Y... est fondé à solliciter le remboursement de la somme de 91, 47 euros arbitrairement retenue par le Cabinet X...sur son salaire du mois de mai 2003.

M. Y... Sandro demande à la Cour de :
- condamner Monsieur Eric X...à payer à Monsieur Sandra Y... la somme de 20 000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, en vertu des dispositions combinées des articles L 121-1 du code du Travail et 1134 alinéa 3 et 1147 du Code Civil,
- dire et juger que le licenciement de Monsieur Sandra Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
et en conséquence de :
- condamner Monsieur Eric X...à payer à Monsieur Sandra Y... la somme de 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- condamner Monsieur Eric X...à payer à Monsieur Sandra Y... la somme de 972, 08 euros, à titre d'indemnité légale de licenciement,
- ordonner la remise de la lettre de licenciement sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
- dire et juger que la retenue sur salaire opérée par le Cabinet Edmond X...sur le salaire du mois de mai 2003 est illégale et en tous les cas injustifiée,
- condamner Monsieur Eric X...à rembourser à Monsieur Sandro Y... la somme de 91, 47 euros,
- condamner Monsieur Eric X...à payer les cotisations sociales éludées sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision,
- condamner Monsieur Eric X...au paiement de la somme de 3 000 euros, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 23 janvier 2012.

La Cour a constaté que les parties mentionnent que l'employeur a, par courrier daté du 16 juin 2004, adressé la lettre de licenciement à M. Y....
Or, alors même que cette lettre est mentionnée comme pièce no 1 dans le bordereau de communication de M X...Edmond du 14 mai 2007, dans le cadre de l'instance prud'homale, elle ne figure pas parmi les pièces produites en cause d'appel bien que ce même bordereau de communication soit produit, mais sans les documents, en pièce no 25 par le salarié.
Par arrêt avant dire droit du 12 mars 2012, la Cour a donc invité les parties à verser aux débats la lettre de licenciement adressée le 16 juin 2004 par M. X...à M. Y... et ordonné la réouverture des débats à l'audience de plaidoiries du lundi 18 juin 2012 à 14h 30.

A cette audience, les parties ont produit le document demandé et réitéré leurs demandes et moyens.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 18 juin 2012.

MOTIFS de la DECISION :

M. Edmond X...est décédé le 8 mars 2009.
Par acte déposé au greffe le 13 janvier 2011, son fils X...Eric a déclaré reprendre l'instance au lieu et place de son père.
Il convient en conséquence de lui donner acte de la reprise de l'instance en son nom.

sur la procédure :
Au regard des dispositions de l'article R 1454-10 du Code du travail, l'appelant soutient deux demandes :
- la nullité du jugement du 4 juin 2008 du fait du non respect du préliminaire du conciliation,
- l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée en appel, à hauteur de 15 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient de relever que les demandes formées devant le bureau de conciliation qui s'est réuni le 22 octobre 2003 (selon mention figurant au dossier de première intance) ont été nécessairement différentes de celles exposées devant le bureau de jugement, puisque M. Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes le 17 juin 2003, alors qu'il n'était pas encore licencié, et qu'en vertu du principe de l'unicité de l'instance édicté par l'article R 1452-6 du code du travail, et du principe de recevabilité des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail, même en cause d'appel, édicté par l'article R 1452-7 du même code, M. Y... était recevable à présenter des demandes différentes de celles exposées devant le bureau de conciliation, le dernier texte cité précisant expressément qu'en cas de demandes nouvelles, l'absence de tentative de conciliation ne peut être opposée.
En conséquence les demandes de nullité du jugement d'une part, et d'irrecevabilité de la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'autre part, seront rejetées.

au fond :
sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail :
M. Y... invoque plusieurs faits pour justifier sa demande : engagement en 1996 sans être déclaré pendant deux années, exécution de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, retard dans le paiement des salaires. Toutefois, faute de justificatifs venant étayer ces griefs, les faits ainsi reprochés ne peuvent être retenus.
M. Y... fait valoir qu'il faisait l'objet d'un harcèlement constant et que son employeur est entièrement responsable de la dégradation de son état de santé.
Il aurait été exigé de lui des tâches totalement étrangères à la relation de travail, faisant état de travaux carrelages chez son employeur, et de déménagement pour une amie de celui-ci. Effectivement il ressort d'une attestation d'un dénommé Willy D...que M. Y... est intervenu pour des travaux de carrelage, tant au cabinet X..., qu'au domicile de son employeur. L'attestation de Mme Philomène E...produite par l'employeur, montre également que M. Y... a participé au déménagement de ce chef d'entreprise, en compagnie du fils de
M. X...Edmond, à la demande ce celui-ci.
M. Y... qui fait état de la pression psychologique qu'il a subi, verse aux débats d'autres éléments et attestations.
- le 28 août 2003 Monsieur X...a adressé à Monsieur Y... un second avertissement rédigé en ces termes :
« Le 23 juillet 2003, vous m'avez adressé un avis d'arrêt de travail s'étalant du 17 juillet au 05 aout 2003.
« Le 08 août 2003, je reçois à nouveau un autre arrêt de travail allant du 06 août au 31 août 2003.
« Je tiens à vous signaler que ces différents agissements perturbent le bon fonctionnement du travail au sein du cabinet.
« Je considère cela comme un abandon de poste et en tire les conséquences qui s'imposent. »
Si l'employeur est bien sûr en droit de signaler à son employé que ses absences perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise, il est par contre particulière abusif qu'il fasse pression sur celui-ci en invoquant " un abandon de poste ", lequel ne peut s'appliquer à un arrêt maladie ;
- le 13 mai 2003, Monsieur Y... a été victime d'un accident de la circulation à son retour d'une mission d'arpentage. Il s'est alors présenté au Cabinet Edmond X...en compagnie de Monsieur Laurent F...qui était impliqué dans l'accident. Monsieur X...a alors demandé à Monsieur Y... de signer une attestation en vertu de laquelle il reconnaissait être entièrement responsable de l'accident causé puisqu'il était parti régler des affaires personnelles sur son temps de travail. Monsieur X...a également exigé de Monsieur Y... qu'il prenne en charge les frais découlant du sinistre. Devant le refus de Monsieur Y..., Monsieur X...a alors, selon les propos relatés par M. Y..., haussé le ton et l'a menacé de licenciement.
Ces faits sont confirmés par Monsieur F...qui indique dans son attestation régulièrement versée aux débats (pièce no 7 de l'intimé) :
« Le propriétaire du véhicule, Monsieur X...Edmond a fait preuve de malhonnêteté envers moi et son employé Monsieur Sandro Y....
« Ce dernier conducteur du véhicule lors de l'accident subissait une grande pression de la part de son employeur qui exigeait de signer une attestation lui demandant de prendre les frais découlant de ce sinistre à sa charge, sous la menace d'être mis à la porte s'il refusait de signer.
« Monsieur X...Edmond menaçait également de ne pas signer le constat amiable d'accident, si Monsieur Y... Sandro n'apposait pas sa signature sur le document qu'il avait rédigé.
Monsieur Y... Sandro était harcelé et a signé sous la pression. »
Ces différents faits, intervenus à des périodes différentes, avec des tiers différents, attestent, sinon de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, tout du moins de pressions psychologiques de la part de l'employeur, entraînant une dégradation des conditions de travail, de nature à porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et d'altérer sa santé physique et mentale, le salarié ayant produit un certificat médical en date du 19 juin 2003 du Docteur Paul G..., de la Clinique de Choisy à Saint-Anne, par lequel il est constaté au M. Y... Sandro présente un syndrome dépressif, que celui-ci attribue aux difficultés professionnelles rencontrées, des avis médicaux d'arrêt de travail en date des 2 et 10 juin 2003 et 8 août 2003, pour asthénie, psychasténie et dépression réactionnelle, corroborant l'état de dégradation de santé de l'intéressé, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité fixée à la somme de 1 200 € en réparation du préjudice subi.

- sur le licenciement :
La lettre de licenciement fixe les limites du litige, elle est rédigée de la façon suivante :
" Objet : Licenciement pour fautes graves
Monsieur,
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 4 juin 2004, vous avez été convoqué à un entretien préalable au licenciement.
Cet entretien était fixé au lundi 14 juin 2004 à 16h30. Vous avez reçu la convocation puisque l'avis de réception nous est parvenu par voie postale ; cependant vous n'êtes pas venu à cet entretien préalable.
Par le présent courrier, nous vous notifions votre licenciement immédiat sans préavis et ni indemnité de rupture. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à première présentation de cette lettre.
Vous êtes licencié pour les motifs suivants :
1. le mercredi 12 février 2003 : durant une formation organisée par l'Ordre des Géomètres-Experts vous vous êtes endormi parmi les gens ; vous avez estimé par la suite que c'était normal car vous étiez fatigué. Nous vous rappelons que c'est vous qui avez demandé de suivre des formations.
2. le mercredi 16 avril 2003 : vous avez autorisé un jeune stagiaire sans permis à déplacer le véhicule du cabinet et il l'a endommagé. Vous avez par la suite décliné toute responsabilité..
- le mardi 13 mai 2003 : de retour après un chantier, vous avez quitté votre trajet de travail à des fins personnelles et causé un accident de la route en effectuant un refus de priorité. Par la suite vous avez estimé qu'i1'agissait d'un accident de travail.
Suite à ces faits vous avez reçu un avertissement le 14 mai 2003, malgré tout vous avez continué :
- l e vendredi 30 mai 2003 : après un chantier au lieu de rentrer au bureau vous avez été chercher des concombres sur le terrain de quelqu'un, alors que vous étiez attendu au bureau dans le cadre de la réunion hebdomadaire. Nous avons estimé que ce n'était pas sérieux de votre part et nous vous l'avons sévèrement reproché.
Après cela vous êtes resté chez vous pendant un mois et demi sans venir au bureau, sans donner signe de vie et sans aucune justification.
- Et le 23 juillet 2003 : vous m'avez adressé un avis d'arrêt de travail s'étalant du 17 juillet au 05 Aout 2003 ainsi qu'une attestation de salaire à remplir pour le paiement de vos indemnités journalières de maladie alors que jusqu'à cette date, nous n'avons reçu aucun certificat médical.
Le premier avertissement n'ayant pas eu l'effet escompté nous vous avons envoyé un deuxième avertissement le 28 Aout 2003.
Vous êtes resté en congé de maladie jusqu'au 16 mars 2004.
Le 16 mars 2004 vous êtes venu au cabinet avec le bon de visite de la médecine du travail du 16/ 03/ 04, qui nous informait d'une deuxième visite d'inaptitude avec la CIMT le 31 mars 2004, puis vous êtes rentré chez vous.
Vous êtes retourné le 31 mars 2004, sans aucune explication, ni justificatif. Nous avons appris par la suite que vous vous étiez mis en congé de votre propre initiative.
Suite à ces agissements nous vous avons convoqué à un entretien préalable au licenciement, durant lequel nous vous avons invité à vous expliquer sur les problèmes rencontrés.
Certaines réponses nous ont étonné dont notamment : « de toute façon l'entreprise peut payer ou bien les voitures sont assurées ».
Suite à cet entretien vous êtes à nouveau installé en maladie.
A votre retour le 25 mai 2004, vous nous avez demandé de prendre vos congés. Nous vous avons accordé 2 semaines. Entretemps nous vous avons convoqué à un autre entretien préalable au licenciement après ces 2 semaines.
C'est ainsi qu'à votre retour le lundi 14 juin 2004, vous êtes resté dans le salon d'accueil puis vous êtes allé téléphoner dans la cuisine de l'entreprise. Votre supérieur vous a à maintes reprises demandé de bien vouloir cesser votre conversation téléphonique pour l'écouter ; pour toute réponse vous avez eu un comportement et des gestes marqués de mépris et vous avez élevé la voix. En sortant du cabinet, vous avez coincé volontairement la main de votre supérieur dans l'encadrement de la porte alors qu'il allait refermer celle-ci ; lui infligeant ainsi une sérieuse blessure.
Nous vous avions le même jour convoqué à 16h30 à un entretien préalable au licenciement, vous n'avez pas daigné vous présenter à cet entretien.
Pour toutes ces raisons nous ne souhaitons pas vous garder dans notre effectif.
Votre certificat de travail est tenu à votre disposition, ainsi que les salaires vous restant dus et l'indemnité compensatrice de congé payé acquise à ce jour.
......................................................... Abymes, le 23 juin 2004 "
Le 8 juin 2004, M. Y... faisait l'objet d'une fiche d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise X...Edmond, établie par le médecin du travail.

Cependant le salarié n'a pas fait l'objet d'un licenciement sur le fondement de l'impossibilité de reclassement au sein de l'entreprise, mais d'un licenciement pour fautes graves, cette décision ayant été formalisée par une lettre datée du 23 juin 2004, signifiée par acte d'huissier du 30 juin 2004.

M. Y... soulève la prescription de deux mois qui s'attache aux faits pouvant faire l'objet de sanction disciplinaire.

Si M. Y... a été convoqué par courrier du 5 avril 2004, pour un entretien préalable à un licenciement fixé au 16 avril 2004, force est de constater qu'aucune sanction n'a été prononcée dans le mois suivant la date fixée pour cet entretien, comme le prescrit l'article L 1332-2 du code du travail.

M. Y... a de nouveau été convoqué le 2 juin 2004 à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 14 juin 2004.

Il en résulte que tous les faits invoqués dans la lettre de licenciement, qui sont antérieurs au 2 avril 2004, et dont certains ont déjà été sanctionnés par des mesures d'avertissement en date des 14 mai 2003 et 28 mai 2003, ne peuvent fonder le licenciement, dans la mesure où ils sont antérieurs de plus de deux mois à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, et dans la mesure où certains ont déjà été sanctionnés une première fois.

Les seuls faits reprochés par l'employeur, non atteints par la prescription, sont ceux que celui-ci décrit comme s'étant déroulés le 14 juin 2004, en reprochant à M. Y... d'avoir continué à téléphoner alors que son supérieur lui demandait de l'écouter, et d'avoir volontairement coincé la main de ce dernier dans l'encadrement d'une porte, lui occasionnant une sérieuse blessure.

Toutefois, M. Y... contestant les griefs reprochés, il y a lieu de constater qu'aucun des éléments versés aux débats, ne démontre la réalité des derniers faits reprochés à M. Y.... Au contraire ce dernier a versé aux débats un certificat médical établi le 14 juin 2004, par le Docteur C..., qui a constaté que M. Y... présentait des contusions au niveau du thorax, avec un état de phobie et de déprime, ce qui accrédite la thèse selon laquelle c'est M. Y... qui a été agressé et roué de coups par M. Eric X..., lequel lui avait demandé le jour même d'effectuer une mission d'arpentage, M. Y... ayant refusé en raison de la déclaration d'inaptitude intervenue le 8 juin 2004.

En conséquence il y a lieu de considérer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

M. Y... ne produisant aucun élément permettant d'apprécier l'étendu du préjudice subi à la suite de ce licenciement, notamment en ce qui concerne la durée de la période de chômage qu'il aurait pu subir, il lui sera alloué l'indemnisation minimale prévue à l'article L 1235-3 du code du travail, à savoir 7 300 euros.

sur la retenue sur salaire :
Monsieur Y... a été victime d'un accident de la circulation à son retour d'une mission d'arpentage le 13 mai 2003.
La retenue sur salaire opérée par l'employeur à cette occasion n'étant pas justifiée par une faute lourde du salarié, dénoncée en tant que telle par l'employeur, M. Y... est donc fondé à solliciter le remboursement de la somme de 91, 47 euros.
sur les autres demandes :
L'indemnité légale de licenciement de 972, 08 €, calculée à raison de 1/ 10 ème de mois de salaire par année d'ancienneté, conformément aux dispositions de l'article R 122-2 du code du travail en vigueur à l'époque du licenciement a été attribuée à juste titre par les premiers juges.

M. Y... ne conteste pas avoir reçu la lettre de licenciement du 23 juin 2004, et en tout état de cause dans la mesure où la présente décision constate son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu d'ordonner la remise de la lettre de licenciement sous astreinte.

- sur les frais irrépétibles :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais qu'il a du engager en cause d'appel pour la défense de ses droits, il lui sera alloué en conséquence la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
La Cour :
Donne acte à M. X...Eric de la reprise en son nom de la procédure initiée par son père M. Edmond X...,

Rejette les demandes de nullité du jugement et d'irrecevabilité de la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Au fond,

Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Condamne M. Eric X...à payer à M. Sandro Y... les sommes suivantes :
-1 200 euros d'indemnité pour le harcèlement moral subi,
-7 300 euros à d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-972, 08 € d'indemnité légale de licenciement,
-91, 47 € en remboursement de la retenue sur salaire de mai 2005,
-1 500, 00 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Dit que les entiers dépens sont à la charge de M. Eric X...,

Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.

Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/01107
Date de la décision : 26/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-11-26;08.01107 ?
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