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12/11/2012 | FRANCE | N°11/00264

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 12 novembre 2012, 11/00264


VF-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 380 DU DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00264
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre du 2 décembre 2010- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur Roger X......97110 POINTE-A-PITRE Représenté par Maître Michaël SARDA (Toque 1), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉE
Madame Marlène Y... ......97100 BASSE-TERRE Comparante en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code d

e procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2012, en audience publique, les parties ...

VF-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 380 DU DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00264
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre du 2 décembre 2010- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur Roger X......97110 POINTE-A-PITRE Représenté par Maître Michaël SARDA (Toque 1), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉE
Madame Marlène Y... ......97100 BASSE-TERRE Comparante en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, rapporteur Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller M. Jean de ROMANS, conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 novembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Mme Marlène Y... a été embauchée par M. Roger X...le 20 janvier 1980 en qualité d'employée de commerce.
Courant 2007 M. X...envisageait de céder le fonds de commerce dans lequel travaillait Mme Y....
Le 29 janvier 2007, M. X...faisait signifier à Mme Y..., par acte huissier, une lettre dans le dans lequel il faisait 3 propositions : « 1o) vous rachetez le fonds de commerce du magasin dans lequel vous travaillez actuellement, et pour lequel je vous ai exceptionnellement fait une proposition de rachat de 12 000 euros. Dans ces conditions, vos indemnités de départ couvriraient presque entièrement cette valeur de rachat. Vous continuez à exercer, en devenant propriétaire du fonds. 2o) Nous négocions les termes d'un départ négocié selon les termes de la loi, et à ce propos, votre indemnité de licenciement a été calculée à 11 651, 99 euros au 30 juin 2007. 3o) étant donné que ma décision de vendre le magasin est irrévocable, à court terme vous allez conserver votre emploi mais avec le nouveau repreneur. »

M. X...précisait que le processus de vente du fonds étant engagé, il lui fallait une réponse sous 48 heures, faute de quoi il serait dans l'obligation d'opter pour la troisième solution. Il indiquait également que cette démarche n'était faite que dans un souci d'offrir à la salariée la meilleure sortie possible, « l'entreprise n'étant pas dans l'obligation de faire de telles propositions à sa salariée ».
Par courrier du 30 juin 2007 Mme Y... répondait à M. X...que par acte huissier du 29 juin 2007, il l'avait informée de son intention de mettre fin à leur collaboration professionnelle, qu'il avait fixé le montant de l'indemnité de licenciement à 11 651, 99 euros au 30 juin 2007, qu'il lui avait fait sommation de répondre dans les 48 heures, et que par conséquent elle lui demandait de verser cette somme dans les 48 heures en lui faisant parvenir également dans le même délai son certificat travail, sa lettre de licenciement et son attestation ASSEDIC.
Une réunion était tenue le 13 juillet 2007, à laquelle étaient présents M. X..., M. David Z..., comptable de l'entreprise, Mme Chantal A...conseillère de la salariée, affiliée au syndicat CTU, M. Josué B..., ingénieur financier BICIF, Mme Y..., M. Jocelyn C..., conseiller de la salariée, affilié au syndicat CTU.
Il était rédigé un compte rendu signé par chacune des personnes présentes dans lequel il était constaté que Mme Y..., après réflexion, avait opté pour le licenciement économique, 3 propositions lui ayant été faites, soit de reprendre le fonds de commerce pour 12 000 euros, les frais (8000 euros) étant pris en charge par l'entreprise de M. X..., soit partir dans le cadre d'un licenciement pour cessation d'activité, soit accepter d'être reprise par la nouvelle responsable du magasin dans des conditions salariales au moins égales à celles qui étaient en cours. Il était stipulé que Mme Y... n'était pas démissionnaire et devait prétendre à tous les avantages liés à un licenciement pour cessation d'activité. Il était précisé que toutes les parties en présence certifiaient qu'aucune des 2 personnes n'avait ni contrainte ni forcée d'accepter cet arrangement, la réunion s'étant déroulée " dans une ambiance sereine et détendue ". Il était ajouté que Mme Y... avait perçu une somme globale de 11 404, 71 euros, le détail figurant sur sa dernière fiche de paie, et qu'elle avait reçu son attestation ASSEDIC, l'attestation de reconversion et son certificat de travail, l'intéressée ayant remis à M. X...des clés du magasin, le dernier fonds de caisse et le code d'accès au magasin.

Le 27 septembre 2007, Mme Y... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement de dommages intérêts pour rupture abusive ainsi qu'une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, réclamant en outre la remise sous astreinte de son certificat travail, et de l'attestation ASSEDIC.

Par jugement du 2 décembre 2010, la juridiction prud'homale considérant que la rupture du contrat de travail de Mme Y... s'analysait en un licenciement abusif, et que le contrat de travail avait débuté le 20 janvier 1987 et s'était terminé le 13 octobre 2007, préavis compris, condamnait M. X...à lui payer les sommes suivantes :-1630, 60 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-680, 40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-19 567, 20 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,-500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il était ordonné à M. X...de remettre à Mme Y... un certificat travail allant du 20 janvier 1980 au 13 octobre 2007, une attestation pôle-emploi portant la mention « licenciement », et le bulletin de paie du mois de juillet 2007.

Par déclaration du 15 février 2011 M. X...interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 14 mai 2012, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, M. X...entend voir constater que la rupture du contrat de travail est intervenue dans le cadre d'un départ négocié, et que la somme de 11 651, 99 euros a été intégralement payée à Mme Y..., le départ négocié intervenant le jour de l'acceptation de Mme Y... par courrier en date du 30 juin 2007. Il fait valoir qu'un tel accord est irrévocable et que Mme Y... ne rapporte pas la preuve d'un vice du consentement. Il dénonce des manoeuvres développées par Mme Y... pour parvenir à un prétendu licenciement qui n'a jamais eu lieu.
Il sollicite en conséquence l'infirmation du jugement déféré et le rejet de l'ensemble des demandes de Mme Y.... Il réclame paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, au cas où la Cour estimerait qu'il a procédé au licenciement de Mme Y..., M. X...entend voir constater que cette dernière ne justifie d'aucun préjudice et encore moins du quantum de ses demandes, et que le contexte de cette affaire ne justifie pas l'allocation de dommages et intérêts. Il demande que la somme de 11 651, 99 euros soit déduite de toute éventuelle condamnation, et à minima d'en tenir compte.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 6 juillet 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y... sollicite la confirmation de la décision entreprise, sauf à porter à la somme de 39 134, 40 euros le montant des dommages intérêts pour rupture abusive. Elle entend voir fixer l'indemnité légale de licenciement à la somme de 6520, 71 euros et réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses demandes elle invoque un courrier du 5 juillet 2007 que lui avait adressé M. X..., faisant état notamment d'un entretien préalable au licenciement, et mentionnant que la salariée avait choisi d'être licenciée plutôt que de reprendre l'entreprise ou de rester salariée comme normalement cela aurait dû se faire. Elle en conclut qu'il ne s'agit nullement d'un départ négocié mais bien d'un licenciement

Elle explique que la réunion du 13 juillet 2007 était organisée par M. X...qui s'est fait accompagner par le comptable de l'entreprise et par un ingénieur financier, M. Josué B..., elle-même se faisant assister par 2 conseillers du syndicat CTU, Mme Chantal A...et M. Jocelyn C..., cette réunion n'ayant eu pour but que d'officialiser son départ et de lui remettre les documents relatifs à la rupture, à savoir un certificat travail, une attestation ASSEDIC et ses fiches de paie.
Rappelant que l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement, Mme Y... fait valoir qu'à défaut de cette mise en oeuvre, tout acte de sa part caractérisant la rupture (lettre disant que le contrat est rompu, remise ou envoi de l'attestation Pôle Emploi, ou du certificat travail) s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle insiste sur l'importance de son préjudice en invoquant son âge de 48 ans au moment de la rupture, et en faisant valoir qu'elle n'a pu trouver d'emploi stable, seuls quelques contrats de travail précaire lui ayant été proposés.
Elle explique que sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement, est fondée sur le fait que dans la lettre de convocation à l'entretien préalable du 5 juillet 2007, elle n'a pas été informée de la possibilité de se faire accompagner par un conseiller du salarié. Elle fait état par ailleurs d'une insuffisance de versement de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité légale de licenciement.
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Motifs de la décision :

Le licenciement d'un salarié est caractérisé par la décision unilatérale de l'employeur de rompre le contrat de travail.

En l'espèce il résulte des courriers échangés entre les parties les 29 et 30 juin 2007, ainsi que du compte rendu de la réunion du 13 juillet 2007, que la rupture du contrat de travail ne résulte pas d'une décision unilatérale de l'employeur, mais d'un accord entre les parties, Mme Y... ayant manifestement choisi de donner son accord pour que son contrat de travail soit rompu, moyennant le versement d'une somme de 11 404, 71 euros par l'employeur, alors que celui-ci lui proposait de choisir soit de reprendre le fonds de commerce pour 12 000 euros, en précisant que les indemnités de départ couvriraient presque entièrement cette valeur de rachat, soit d'accepter un départ négocié avec le versement d'une indemnité de 11 651, 99 euros, soit de conserver son emploi avec le nouveau repreneur.
Il y a lieu de relever que la rupture du contrat de travail est intervenue avant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 25 juin 2008 encadrant par des modalités précises la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Antérieurement à ses dispositions fixant des conditions précises, les parties au contrat pouvaient résilier celui-ci d'un commun accord. En l'espèce M. X...et Mme Y... pouvaient à l'époque valablement décider d'un commun accord de la rupture du contrat de travail, dans la mesure où il n'existait aucun litige entre les parties, et où cet accord ne faisait pas suite à une mesure de licenciement, auquel cas il se serait agi d'une transaction, soumis elle-même à certaines conditions de validité.

Certes dans leurs écrits les parties évoquent le terme de " licenciement ", en particulier dans le courrier du 28 juin 2007 de M. X..., la réponse du 30 juin 2007 de Mme Y..., la convocation de M. X...en date du 5 juillet 2007, et dans le compte rendu de la réunion du 13 juillet 2007, cependant il convient de restituer à la rupture intervenue la qualification juridique qui s'y applique, en l'occurrence celle de résiliation d'un commun accord, la rupture du contrat de travail n'étant nullement imposée par l'employeur, lequel d'ailleurs n'a jamais adressé à la salariée de lettre de licenciement, la rupture faisant l'objet d'un accord formalisé par le compte rendu de la réunion du 13 juillet 2007 signé par les parties.
Aucun vice du consentement ne peut être relevé, Mme Y... ayant été assistée de deux représentants du syndicat CTU, lors de la signature dudit compte rendu, fixant les termes et conditions de la rupture du contrat de travail. Il est d'ailleurs précisé dans ce compte rendu que « la réunion s'est déroulée dans une ambiance sereine et détendue », et que « toutes les parties en présence certifient qu'aucune des 2 personnes n'a été contrainte ni forcée à accepter cet arrangement ».
Ce mode de rupture qui a été choisi par Mme Y..., alors que l'employeur lui avait fait savoir expressément qu'elle pouvait « accepter d'être reprise par la nouvelle responsable du magasin dans des conditions salariales au moins égales à celles actuelles », ne saurait donner lieu à paiement par l'employeur de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Cette rupture amiable ne constituant pas un licenciement il ne saurait être alloué à la salariée d'indemnité pour non respect de la procédure.
S'il est stipulé dans l'accord formalisé par le compte rendu de réunion du 13 juillet 2007, que « Mme Y... Marlène n'est pas démissionnaire et doit prétendre à tous les avantages liés à un licenciement pour cessation d'activité », il y a lieu de constater que contrairement à ce que celle-ci soutient, elle a été entièrement remplie de ses droits en ce qui concerne le montant de l'indemnité de compensatrice de préavis figurant sur le bulletin de paie du mois de juillet 2007, puisque cette indemnité allouée à hauteur de 3 mois de salaire, ne peut être basée sur un montant mensuel de 1630, 60 euros comme le prétend Mme Y..., mais sur la somme de 1403, 80 euros correspondant aux salaires bruts mensuels qu'elle a perçus au cours des derniers mois, sous déduction des cotisations sociales. De même l'indemnité légale de licenciement ne peut être calculée sur la base d'un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, puisque à l'époque du licenciement cette indemnité devait être calculée sur la base d'un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté.

En conséquence Mme Y... sera déboutée de sa demande de paiement de solde d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et d'indemnité légale de licenciement.

Mme Y... n'est pas fondée à demander à ce que son certificat travail soit modifié en y faisant figurer la date du 13 octobre 2007 comme date de fin du contrat de travail, dans la mesure où, même si une indemnité de préavis, a été versée, l'accord sur la rupture du contrat de travail a été formalisé le 13 juillet 2007, et la cessation du travail de Mme Y... a été effective à compter de cette date.

Il n'y a pas lieu non plus à ordonner la rectification de l'attestation ASSEDIC, le montant des indemnités de rupture y figurant ainsi que le motif de la rupture tel que les parties ont voulu le qualifier.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Déboute Mme Y... de l'ensemble de ses demandes,
Dit que les dépens sont à la charge de Mme Y...,
Déboute M. X...de de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00264
Date de la décision : 12/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-11-12;11.00264 ?
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