COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 349 DU VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 01483
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 octobre 2010.
APPELANTE
Maître Marie-Agnès Z..., ès qualité de mandataire liquidateur de l'ASSOCIATION POUR LE TRAVAIL ET L'INSERTION (A. T. I) ...97190 LE GOSIER dispensée de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du code de procédure civile, sur la demande de son conseil la SCP MORTON et ASSOCIES (TOQUE 104) avocats au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉES
Madame Véronique X...... 97110 POINTE A PITRE Représentée par Me Pascal NEROME (TOQUE 82) avocat au barreau de GUADELOUPE
CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS Imm. EURYDICE Centre de Dillon Valmenière Route de la Pointe des Sables 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 septembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Mme Véronique X...divorcée A...a été embauchée par l'Association pour le Travail et l'Insertion (ATI) par contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 1999, en qualité de formatrice. Par avenant en date du 1er juin 2000, la salariée s'est vue confier le poste de responsable pédagogique au sein de la structure.
Par courrier du 18 décembre 2006, Mme X...reprochait à son employeur le non paiement du salaire du mois de novembre 2006.
Par courrier du 10 juillet 2007 Mme X...relevait que son employeur ne respectait pas son obligation de paiement de salaire, faisant valoir que le salaire du mois de mai 2007 ainsi que celui du mois de juin 2007 n'avaient pas encore été versés.
Par courrier du 3 août 2007, Mme X...rappelant son courrier précédent, ainsi que les retards récurrents de paiement de salaire, et en particulier le fait que le salaire du mois de mai 2007 avait été payé en espèces en deux temps, le 13 juillet puis le 30 juillet 2007, informait son employeur qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de ce dernier compte tenu des retards de paiement mentionnés dans son courrier.
Le 7 août 2007, Mme X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre devant lequel elle présentait des demandes en paiement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnités de fin de contrat, elle sollicitait en outre la remise des documents de fin de contrat.
Par jugement du 20 octobre 2010, la juridiction prud'homale jugeait que l'Association ATI représentée par Maître Marie-Agnès Z..., es qualités de mandataire liquidateur, devait à Mme X...les sommes suivantes :-1878, 74 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-3757, 48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-2007, 26 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-11 272, 44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il était en outre ordonné la remise d'un certificat travail, du solde de tout compte, des bulletins de paie et de l'attestation ASSEDIC.
Par déclaration du 10 octobre 2011, Me Marie-Agnès Z..., es qualités de mandataire liquidateur de l'Association ATI interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions du 2 février 2012 auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le mandataire liquidateur sollicite la réformation du jugement déféré et entend voir constater que la prise d'acte de la rupture par Mme X...s'analyse en une démission, abusive de surcroît. Il demande paiement de la somme de 3757, 48 euros à titre de rupture abusive pour non-respect du préavis, ainsi que la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le mandataire liquidateur reproche aux premiers juges d'avoir pris en considération le retard de paiement d'un mois de salaire, celui du mois de juillet 2007 payé en août 2007, alors que Mme X...justifie d'une ancienneté de plus de 10 ans sans incident, et alors que l'Association ATI était en grande difficultés financières et a été finalement liquidée.
À l'appui de ses prétentions, il explique que dès les premières difficultés financières de l'Association ATI, la directrice organisait régulièrement des réunions d'information avec l'ensemble des salariés, et que les parties se mettaient d'accord sur le fait que les salaires seraient payés avec retard mais le seraient " coûte que coûte ". Selon le mandataire liquidateur Mme X..., à l'instar de ses autres collègues, était informée de cette situation et avait consenti à percevoir son salaire avec retard.
Le mandataire liquidateur explique que la demande de requalification de la prise d'acte en licenciement est dépourvue de cause réelle et sérieuse et ne peut être que rejetée, la rupture du contrat de travail s'analysant en une démission imputable à Mme X.... Il s'ensuit qu'il n'est dû à celle-ci aucune indemnité de préavis, ni de licenciement, ni pour procédure irrégulière de licenciement.
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Par conclusions du 23 février 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le Centre de Gestion et d'Etude AGS de Fort de France sollicite l'infirmation du jugement entrepris, faisant valoir qu'il s'associe aux explications de Me Z...sur l'imputabilité de la rupture, laquelle doit être analysée en une démission. Il conclut au rejet de l'intégralité des demandes de Mme X....
Subsidiairement, au cas ou la rupture serait jugée imputable à l'employeur, l'AGS s'oppose au paiement de l'indemnité de congés payés et des frais de déplacement, relevant qu'aucun bulletin de paye n'est versé aux débats de sorte qu'il est impossible de vérifier si des sommes restent dues du chef des congés payés, et aucun justificatif n'étant produit, ni aucun document contractuel attestant de ce qu'habituellement des frais de déplacement étaient remboursés par l'Association ATI. L'AGS fait valoir en outre que Mme X...ne peut prétendre à une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement dans la mesure où elle a pris acte de la rupture de son contrat. Elle demande enfin qu'il soit fait une stricte application des dispositions de l'ancien article L 122-14-4 du code du travail, après avoir constaté que la demanderesse ne verse aux débats aucune preuve de préjudice.
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Par conclusions du 30 mars 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...sollicite la confirmation du
jugement entrepris en toutes ses dispositions et réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle entend voir constater que sa prise d'acte de rupture du contrat de travail est parfaitement fondée.
À l'appui de ses demandes Mme X...rappelle les retards de paiement de salaires des mois de :- novembre 2006 payé par chèque remis le 21 décembre 2006,- décembre 2006 payé par chèque remis le 31 janvier 2007,- février 2007 payé le 12 mars 2007,- avril 2007 payé le 8 juin 2007. Elle fait en outre état de paiements fractionnés de salaires pour le mois de mars 2007, d'abord par un chèque remis le 20 avril 2007, qui a été rejeté, puis par des chèques remis les 30 avril et 4 mai 2007, le mois de mai 2007 étant payé les 13 et 30 juillet 2007, les salaires des mois de juin et juillet 2007 étant resté impayés.
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Motifs de la décision :
Il ressort des courriers adressés par Mme X...à son employeur, que celui-ci a, à plusieurs reprises, réglé les salaires de la requérante avec retard, ce qui n'est pas contesté par l'appelante.
Par ailleurs il résulte du courrier adressé par l'employeur le 23 août 2007 à Mme X..., qu'à cette date le salaire du mois de juillet 2007 n'était toujours pas payé.
Compte tenu des retards importants et répétés de l'employeur dans le paiement des salaires de Mme X..., et dans la mesure où à la date du 3 août à laquelle la prise d'acte de rupture de la salariée a été adressée à l'employeur, le salaire du mois de juillet n'était toujours pas réglé, la salariée était fondée à imputer la rupture du contrat de travail à son employeur. Il s'ensuit que cette rupture de contrat du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme X...ayant plus de 2 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise, est en droit de réclamer, par application des dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail, une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 2 mois de salaire, soit la somme de 3757, 48 euros.
Mme X...ayant une ancienneté de 8 ans et 3 mois au sein de l'association, a droit, en application des dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail, au paiement d'une indemnité de licenciement, calculée, non pas à raison de 1/ 5ème de mois de salaire par année d'ancienneté, comme le prétend la salariée, le décret no 2008-715 du 18 juillet 2008 n'étant pas applicable à la date de la rupture du contrat de travail, mais à raison de 1/ 10 ème de mois de salaire par année d'ancienneté, soit en l'espèce la somme de 1549, 96 euros.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas engagé de procédure de licenciement et n'a pas pris de décision de licenciement, il ne peut lui être réclamé le paiement d'une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.
En application des dispositions de l'article L 1234-3 du code du travail, Mme X...est fondée à solliciter paiement d'une indemnité de 11 272, 44 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce montant correspondant à l'indemnité minimale de 6 mois de salaires prévue par ce texte.
L'appelante ne produisant pas les bulletins de salaire de la salariée, et ne justifiant pas, par conséquent, du règlement des congés payés acquis à la date de la rupture du contrat de travail, il doit être alloué à Mme X...une indemnité compensatrice de congés payés équivalente à un mois de salaire, soit la somme de 1878, 74 euros.
Par ailleurs la salariée est fondée à réclamer les documents de fin de contrat tels que le certificat travail, les bulletins de paie mentionnant les indemnités allouées, et l'attestation ASSEDIC, le tout conforme aux dispositions du présent arrêt, le solde de tout compte ne pouvant être remis qu'après paiement des créances de la salariée
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Fixe la créance de Mme X...au passif de la liquidation judiciaire de l'Association ATI, aux sommes suivantes :
-3757, 48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-1549, 96 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-1878, 74 euros à titre d'indemnité de congés payés,
-11 272, 44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que Maître Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de l'Association ATI devra remettre à Mme X...son certificat travail, ses bulletins de paie et son attestation ASSEDIC, le tout conforme aux dispositions du présent arrêt,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de Mme X...dans les conditions prévues à l'article L3253-8 et suivants du code du travail, et qu'en aucun cas l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'est garantie par l'AGS, ne s'agissant pas d'une créance salariale,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'Association ATI,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.