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17/09/2012 | FRANCE | N°10/01975

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 17 septembre 2012, 10/01975


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 328 DU DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 01975
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Cayenne du 17 octobre 2007.
APPELANT
Monsieur Maurice X...... 97351 MATOURY (GUYANE) Représenté par Me Charles-Henri COPPET, substituant Me Alex LEBLANC, avocat au barreau de GUYANE.

INTIMÉE

SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), 22-30 avenue de Wagram 75008 PARIS Représentée par Me Pascal BICHARA-JABOUR substituant Me Patrick LINGIBE, avocat au barreau de GUYANE



COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2012, en audience publ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 328 DU DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 01975
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Cayenne du 17 octobre 2007.
APPELANT
Monsieur Maurice X...... 97351 MATOURY (GUYANE) Représenté par Me Charles-Henri COPPET, substituant Me Alex LEBLANC, avocat au barreau de GUYANE.

INTIMÉE

SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), 22-30 avenue de Wagram 75008 PARIS Représentée par Me Pascal BICHARA-JABOUR substituant Me Patrick LINGIBE, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 septembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

M. Maurice X...était engagé en qualité de mécanicien de précision par la Société EDF à compter du 1er février 1986. En 1992 il était muté sur un poste d'agent administratif, puis en 1993 il était à nouveau affecté sur un poste d'agent technique, puis à un poste de contremaître dans l'atelier de reconditionnement du service production du centre EDF GUYANE, une dizaine de personnes étant placées sous ses ordres.
Le 8 septembre 1997 M. X...faisait l'objet d'une mutation d'office sur un poste d'agent technique.
M. X...ayant saisi en janvier 1998 la formation de référé du Conseil de Prud'hommes de Cayenne aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour mutation abusive, ainsi que des primes statutaires, la juridiction saisie, par ordonnance du 2 octobre 1998, se déclarait incompétente et renvoyait M. X...à mieux se pourvoir.
Le 24 mai 2002, M. X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Cayenne aux fins d'obtenir réparation du préjudice résultant de la discrimination et du harcèlement dont il se prétendait victime, ainsi que l'annulation de la mesure de mutation prise par son employeur en 1997, sollicitant par voie de conséquence son reclassement indiciaire.
Par jugement du 17 octobre 2007, la juridiction prud'homale déboutait M. X...de l'ensemble de ses demandes.
Le 6 novembre 2007 M. X...interjetait appel de cette décision, laquelle était confirmée par arrêt du 7 février 2009 de la Chambre détachée de Cayenne de la Cour d'Appel de Fort-de-France.
Cet arrêt était cassé par décision du 6 juillet 2010 de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, l'affaire étant renvoyée devant la Cour d'Appel de Basse-Terre, celle-ci étant saisie par déclaration du 4 novembre 2010 de M. X....
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 4 juin 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X...reproche à son employeur sa mutation d'office qui ne serait qu'une sanction disciplinaire déguisée, ne s'expliquant que par une discrimination en faveur du syndicat majoritaire au sein de l'établissement. Il fait valoir en outre que cette mutation d'office constitue une modification substantielle du contrat de travail. Il en serait résulté une absence d'évolution de carrière, puisque M. X...n'a bénéficié d'aucune formation et a été écarté de toute procédure d'avancement.
Par ailleurs l'appelant fait état d'attestations de collègues et de constats d'huissier qui démontreraient des actes graves de harcèlement moral, notamment par la description de ses conditions matérielles de travail.
Il demande en conséquence la condamnation de la Société EDF à lui payer la somme de 170 000 euros en réparation du préjudice matériel du fait de l'absence d'évolution de carrière, ainsi que la somme de 70 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il sollicite en outre l'annulation de la mutation d'office prise par l'employeur en 1997, et entend voir enjoindre à la Société EDF de le restaurer dans ses droits, en l'occurrence le reclasser en " GF 9- NR 240 " et ce avec effet rétroactif à compter de l'année 1997, ainsi que sa réintégration en " plage F ". Il réclame par ailleurs paiement de la somme de 2650 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****
Par conclusions du 23 mai 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société EDF sollicite à titre principal la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et le rejet de l'intégralité des demandes de M. X....
La Société EDF invoque les dispositions contenues dans le statut national du personnel des industries électriques et gazières (circulaire PERS 212 du 30 novembre 1951), selon lesquelles la mutation peut être prononcée d'office si les nécessités du service l'exigent, faisant valoir que l'employeur n'avait jamais fait grief à M. X...d'être la cause des tensions relationnelles ayant existé dans son équipe, mais qu'il existait une situation de conflit permanent et qu'il était clair que dans de telles conditions il était de l'intérêt du service de procéder à sa mutation.
La Société EDF conteste la modification du contrat de travail invoquée par M. X..., en expliquant que le poste sur lequel il a été muté, était pleinement conforme à sa spécialisation et à ses compétences professionnelles, celui-ci ayant notamment pour mission d'enseigner aux agents de la centrale de production la mécanique de précision qui constitue le coeur de son métier. En outre M. X...n'aurait subi aucne baisse de salaire, les fiches de paies produites permettant d'établir que le salaire de l'intéressé n'a pas été affecté et a régulièrement progressé.
La Société EDF fait valoir que M. X...ne peut se prévaloir d'un préjudice de carrière, en exposant qu'en février 1998, le salarié a bénéficié d'un classement de rémunération GF8 niveau 9, et a, par la suite, pu suivre de nombreux stages et actions de formation professionnelle. Il est ajouté que M. X...n'a jamais voulu se soumettre aux entretiens professionnels annuels qui sont nécessaires aux propositions d'avancement, de choix, ou de reclassement des agents, et qu'il ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait demandé à bénéficier d'un avancement ou d'une promotion professionnelle qui lui aurait été refusé par la direction de la Société EDF.
Invoquant une mesure de mutation justifiée par l'intérêt du service, la Société EDF fait valoir que M. X...ne rapporte aucun élément de preuve de nature à établir l'existence d'une discrimination au profit d'un syndicat.
La Société EDF expose encore que le changement de local professionnel de M. X...et la limitation corrélative de ses contacts avec des salariés vis-à-vis desquels il était en situation de conflit ouvert depuis plusieurs années ne sauraient constituer une mesure de harcèlement, mais une décision prise par l'employeur en considération des nécessités du service.
Subsidiairement au cas où la Cour viendrait à juger fondées les demandes de l'appelant, la Société EDF entend voir limiter le quantum des

dommages et intérêts mis à sa charge, faisant valoir que M. X...avait occupé son poste de travail de façon constante et continue, perçu une rémunération correspondant à sa prestation de travail, et ne justifiant pas avoir subi une quelconque baisse de rémunération suite à sa mutation.

La Société EDF demande en tout état de cause paiement de la somme de 4500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

Sur la mutation d'office :
Certes dans la circulaire PERS 212, relative au personnel des industries électriques et gazières, il est prévu qu'une mutation peut être prononcée d'office si les nécessités du service l'exigent, encore faut-il que cette mutation ne modifie pas de façon substantielle le contrat de travail du salarié.
En l'espèce il n'est pas contestable qu'une mesure de mutation d'office à l'égard de M. X...était justifiée par les nécessités du service, dans la mesure où il ressort des explications fournies par les parties, et des pièces produites que des tensions étaient apparues entre M. X...et les agents de son groupe au point que le 21 janvier 1997, comme le rapporte M. X...lui-même, 8 des 10 agents EDF placés sous ses ordres, au demeurant membres du syndicat Union des Travailleurs Guyanais, majoritaire au sein de la centrale EDF GUYANE, décidaient d'entreprendre un mouvement collectif visant la mise à l'écart de M. X.... Celui-ci explique que le jour même, convoqué par le chef du site EDF, il a été mis en présence de l'ensemble du personnel EDF, et que des propos attentatoires à sa dignité lui ont été adressés par certains membres du personnel (" il sera hué durant plus de 2 minutes par près d'une cinquantaine de personnes, membres du syndicat UTG "). Il apparaît ainsi que toute relation professionnelle, et même toute communication, paraissait dès lors impossible à poursuivre entre M. X...et des agents placés sous ses ordres.
Dans son courrier du 31 janvier 1997 adressé au chef de service, le directeur du Centre EDF GUYANE, après avoir rappelé que depuis près de 2 ans la situation s'était progressivement tendue entre M. X...et les agents de son groupe sans que les différentes interventions de la hiérarchie puissent améliorer la situation, que le niveau de détérioration était devenu tel que plus aucune relation n'était possible entre M. X...et ses agents et qu'il s'agissait d'une situation de fait pour laquelle M. X...n'avait jamais été mis en cause par la direction, indique que celui-ci lui a personnellement demandé d'être " sorti de son poste ", compte tenu de la détérioration des relations dans son groupe. Le directeur du Centre EDF GUYANE poursuit en indiquant qu'il a été trouvé une situation transitoire en confiant une autre mission à M. X...et en assurant son intérim, sans que la mesure administrative de mutation ne soit prononcée, cela permettant « de se donner le temps de trouver une solution durable ».
Par décision du 8 septembre 1997, intitulé « modification de situation » le directeur du Centre EDF GUYANE affectait M. X...à

un poste d'agent technique. Il résulte de la pièce 5 de l'intimée, que les missions du poste confié à M. X...étaient définies de la façon suivante :- gestion de documentation-suivi informatique-appui technique mécanicien de précision.

Dans son courrier du 28 octobre 1997 adressé au directeur du Centre EDF GUYANE, M. X...conteste avoir confirmé par écrit qu'il désirait sortir de son poste de contremaître d'atelier, comme indiqué dans la lettre du 31 janvier 1997 suscité. M. X...rappelle que la direction lui a certes confié une mission, afin de " trouver une solution entre-temps ", mais que dix mois se sont écoulés, et qu'il a été récemment muté d'office avec effet au 1er septembre 1997. Il ajoute qu'il s'agit d'une mutation d'office arbitraire, que son poste a été publié de façon illicite et qu'il considère que cette affaire relève plus d'une sanction lui causant un préjudice moral et financier.
Il ressort de l'examen de ces courriers, que si M. X...a accepté, en janvier 1997, de se voir confier une mission autre que celle qui était l'objet de son emploi de contremaître d'atelier, ce n'était qu'à titre temporaire, en l'attente d'une solution durable, comme le mentionne le directeur du Centre EDF GUYANE dans son courrier du 31 janvier 1997, mais il n'apparaît pas que l'intéressée ait demandé sa mutation sur un autre emploi.
Il apparaît ainsi, que même si M. X...a été muté sur un poste ayant le même classement que celui de contremaître, c'est-à-dire " G. F. O. 08 ", et que l'agent lui-même conservait un classement dans un groupement fonctionnel et un niveau de rémunération équivalent, à savoir " G. F. A. 08, N. R. 08 ", les fonctions confiées à M. X...étaient totalement différentes de celle de contremaître d'atelier ayant sous sa responsabilité dix agents, les nouvelles fonctions attribuées à M. X...portant sur la gestion de la documentation, le suivi informatique, mais ne comportant que de façon très marginale, la mise oeuvre de compétences en matière de mécanique de précision, encore qu'il ne ressort nullement des pièces versées aux débats que M. X...ait effectivement enseigné la mécanique de précision, comme le prétend l'employeur, cette mission étant en tout état de cause fondamentalement différente de celle de contremaître chargé de l'encadrement d'agents techniques opérationnels.
La modification unilatérale du contrat de travail, s'analyse en un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles.
En l'espèce la direction du Centre EDF GUYANE, bien que confrontée à un conflit collectif, ne peut invoquer ni un motif économique ni un cas de force majeure l'ayant conduit à modifier le contrat de travail de M. X..., puisqu'aucune difficulté économique n'est à l'origine de la modification d'emploi, et qu'il s'agit d'une cause interne à l'entreprise, qui au demeurant n'était pas imprévisible, puisque les rapports conflictuels au sein du groupe encadré par M. X...se sont progressivement détériorés au cours des deux années précédentes.
Le salarié dont le contrat a été modifié unilatéralement est fondé à demander son exécution aux conditions antérieures, il y a donc lieu de faire droit à la demande d'annulation de la mutation d'office.
Par contre M. X...n'apporte aucune justification à sa demande de reclassement en groupe fonctionnel 9, niveau de rémunération 240, s'agissant du niveau maximal de rémunération des agents de maîtrise. Il n'explique pas dans quelles conditions et en vertu de quelles dispositions internes à l'entreprise, il aurait pu accéder à un tel classement. Il ne peut donc être fait droit à cette demande. Il en est de même de sa demande d'intégration en " plage F ", qui n'est fondée sur aucune justification et à l'appui de laquelle il n'est donné aucune explication.
Sur la demande de réparation du préjudice matériel lié à l'absence d'évolution de carrière :
Il y a lieu d'observer en premier lieu que M. X..., à la suite de sa mutation d'office a conservé un classement dans le même groupe et au même niveau de rémunération qu'antérieurement, s'agissant du classement " G. F. A. 08, N. R. 08 ", étant relevé qu'en février 1998, soit après la saisine de la formation de référé du conseil de prud'hommes, il a été classé au niveau de rémunération N. R. 09.
Contrairement à ce que soutient M. X..., celui-ci ne justifie nullement par les pièces qu'il produit, avoir subi à un moment quelconque un classement inférieur.
M. X...se plaint d'avoir été écarté de toute procédure d'avancement au choix. L'employeur fait valoir que M. X...n'a pas voulu se soumettre aux entretiens annuels servant de base aux propositions d'avancement, de choix ou de reclassement des agents, ce que ne conteste pas l'intéressé.
On relève d'ailleurs que dans une lettre du 3 juillet 1999 adressée au syndicat CFDT, le chef du service production fait savoir qu'en ce qui concerne le reclassement de M. X..., il a déjà été confirmé que sa situation serait examinée en fin d'année avec un entretien en début de second semestre, ce qui montre bien que l'intéressée n'a pas été exclu de tout entretien au sujet de l'évolution de sa carrière, étant relevé qu'à cette époque M. X...avait déjà saisi la juridiction prud'homale pour contester la mutation dont il faisait l'objet, et qu'ainsi la procédure engagée par le salarié ne faisait pas, pour la direction, obstacle à des entretiens de carrière.
Ainsi il n'est nullement démontré que l'absence de promotion s'explique par la volonté de la direction de la Société EDF de bloquer la carrière de M. X...en raison de la saisine, par lui, de la juridiction prud'homale.
Dans ses écritures M. X...entend tirer abusivement avantages du courrier du 3 juillet du chef de production dans lequel il est indiqué : « M. X...a engagé une procédure externe, aux prud'hommes et cela ne nous permet pas d'intervenir en interne sur ce dossier ». Ainsi M. X...entend en tirer comme conclusion que l'évolution de sa carrière a été bloquée en raison d'une discrimination fondée sur la procédure contentieuse qu'il a engagée devant le conseil de prud'hommes. Or il résulte clairement du courrier du chef de service, que c'est sur l'application de la note DP 17. 1 (relative aux avantages matériels accompagnant une mutation réalisée à la demande de l'agent), que la direction n'entend pas intervenir. Cette position apparaît logique compte tenu de l'objet de la note DP 17. 1 et dans la mesure où M. X...contestait déjà sa mutation d'office, laquelle avait déjà fait l'objet de l'engagement d'une procédure contentieuse,
Par ailleurs l'avancement au choix dont M. X...se plaint d'avoir été privé, repose sur l'appréciation des qualités professionnelles du salarié, celui-ci ne peut donc prétendre bénéficier de plein droit à un avancement au choix. Il y a lieu de constater que même si M. X...n'avait pas fait l'objet d'une mutation d'office, ses chances d'avancement au choix ne sont nullement démontrées dans la mesure où il a montré qu'il n'était pas en mesure de surmonter, en sa qualité de contremaître, ses difficultés relationnelles avec les agents placés sous sa responsabilité. Ainsi M. X...ne démontre pas avoir subi un préjudice lié à l'absence d'évolution de carrière.
Au surplus il ne précise pas le niveau de carrière qu'il aurait été empêché d'atteindre, sauf à revendiquer le niveau maximum de rémunération 240 des agents de maîtrise, sans donner cependant aucune explication ni justification concernant les circonstances qui lui auraient permis d'atteindre un tel niveau. En outre il ne justifie pas avoir sollicité un quelconque avancement, aucun courrier en ce sens n'étant produit, s'étant abstenu de se soumettre aux entretiens annuels servant de base aux propositions d'avancement, et se bornant à revendiquer, dans le cadre du contentieux judiciaire au cours des années écoulées, indemnisation pour une absence d'évolution de carrière, ce qui n'est pas de nature à permettre une appréciation, dans les conditions prévues statutairement, de ses qualités professionnelles.

Sur la demande d'indemnisation du préjudice moral :

Il ne résulte d'aucune des pièces de la procédure que M. X...ait fait l'objet d'une discrimination syndicale, en effet il ne ressort d'aucun des éléments du débat que la décision de mutation d'office ait été prise en considération de son appartenance syndicale. Si l'employeur apparaît avoir cédé aux revendications d'agents appartenant à un syndicat majoritaire, il n'en demeure pas moins que la décision de mutation d'office prise par l'employeur a été motivée par la tension extrême affectant les relations de M. X...avec les agents placés sous sa responsabilité.
Il résulte des explications fournies par M. X...lui-même, que le conflit avait pour origine le rapport d'autorité qu'il entendait exercer sur ses agents, sur lesquels il entendait accroître son contrôle, notamment à la suite de disparitions importantes de combustible, les conditions d'exercices de ce rapport hiérarchique étant manifestement contestées par les agents d'exécution. Ainsi l'employeur, en prenant la décision de mutation d'office, n'a pas eu à trancher une rivalité syndicale, mais avait pour objet de mettre un terme à une situation d'affrontement caractérisée par de graves difficultés de communication entre l'agent de maîtrise et les agents d'exécution.
Par contre c'est à juste titre que M. X...reproche à son employeur de l'avoir laisser dans une situation caractérisant les éléments du harcèlement moral tels que prévus par les dispositions de l'article 1152-1 du code du travail, selon lesquelles aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteint à ses droits et à sa dignité, altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il ressort des procès-verbaux de constat établis les 16 juillet 2002, 11 octobre 2002 et 21 janvier 2003 par Me Marcel B..., huissier de
justice à Cayenne, ainsi que des attestations versées au débat, et plus particulièrement celle émanant de M. Franck C...qui est la seule contemporaine des faits dénoncés, que M. X...a été laissé pendant plusieurs mois, à compter de septembre 2002, dans un petit local, au début presque vide, sans climatisation, dans une atmosphère suffocante, dans lequel ont été stockés par la suite divers meubles de rangement surmontés d'un bureau renversé, empêchant la circulation dans la pièce, alors que le local voisin était désaffecté et offrait la place nécessaire pour le rangement du mobilier stocké, M. X...étant laissé ainsi sans occupation fonctionnelle, et en tout cas dans des conditions ne lui permettant pas d'exercer de telles occupations. Une telle dégradation des conditions de travail de M. X...était de nature à porter atteint à ses droits et à sa dignité, et d'altérer sa santé physique, dans la mesure où il était mis dans l'impossibilité d'exercer les fonctions de son emploi, et placé dans des conditions physiquement insupportables, caractérisant ainsi, compte tenu de la persistance de cette dégradation pendant plusieurs mois, des faits de harcèlement moral.
Toutefois compte tenu de la période limitée dans laquelle les conditions matérielles de travail de M. X...se sont trouvées ainsi dégradées, le préjudice subi par celui-ci sera réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X...les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Déclare nulle la décision du 8 septembre 1997, à effet du 1er septembre 1997, portant mutation d'office de M. Maurice X..., par laquelle la direction du centre EDF GUYANE a affecté M. X...à un poste d'agent technique 2 D,
Condamne la Société EDF à payer à M. X...la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, et celle de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société EDF
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01975
Date de la décision : 17/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-09-17;10.01975 ?
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