COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 325 DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 01066
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 22 juin 2011.
APPELANT
Monsieur Olivier X......75015 PARIS Représenté par Maître NIBERON (SCP MORTON et ASSOCIES-Toque 104), avocat au barreau de la Guadeloupe.
INTIMÉS
Maître Marie-Agnès Y...ès-qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL PROACTIVE INGENIERIE ... 97190 GOSIER
Représenté par Maître Roland EZELIN substituant Maître Jamil HOUDA (Toque 29), avocats au barreau de la Guadeloupe.
CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 21 mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 10 septembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Marie-Luce CAFAFA, Greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Faits et procédure :
Par contrat de travail à durée déterminée en date du 9 octobre 2006 M. Olivier X...était engagé par la Société PROACTIVE INGENIERIE en qualité de consultant chargé de mission pour une période de 12 mois à compter du 20 janvier 2007 moyennant une rémunération fixe de 2500 euros par mois outre une rémunération variable fixée à 6 % de la marge brute dégagée sur chaque mission réalisée, et des commissions au taux de 6 ou 8 % selon les cas, sur le chiffre d'affaire réalisé pour chaque étude prospectée et signée par le salarié.
Par avenant en date du 11 janvier 2008, le contrat de travail arrivant à échéance le 16 janvier 2008 était prorogé jusqu'au 31 janvier 2008.
Le 8 juillet 2008, M. X...saisissait en référé le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement d'un solde de commissions à hauteur de 2124, 52 euros. La Société PROACTIVE INGENIERIE ayant réglé ce montant en cours d'instance, le désistement de M. X...était constaté par décision du 6 octobre 2008.
Le 23 mars 2009, M. X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir un rappel de salaire à hauteur de 3233, 61 euros. Il devait par la suite demander à cette juridiction de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, et solliciter paiement de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et diverses indemnités de fin de contrat.
Par jugement du 22 juin 2011 la juridiction prud'homale déboutait M. X...de l'intégralité de ses demandes et le condamnait à restituer à la société les 2 devis appartenant à celle-ci ainsi que tous les autres documents de l'entreprise qu'il aurait conservés sans autorisation depuis la fin de son contrat de travail.
Par déclaration du 20 juillet 2011, M. X...interjetait appel de cette décision.
****
Par conclusions du 17 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X...sollicite l'infirmation de la décision déférée et entend voir requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée faisant valoir que son contrat ne mentionnait par de tâche précise et temporaire. Il réitère sa demande de paiement de rappel de commissions à hauteur de 3233, 61 euros, et entend voir condamner le liquidateur de la Société PROACTIVE INGENIERIE ainsi que les AGS à lui payer les sommes suivantes :-2 500 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée,-2 500 euros d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-5 000 euros représentant deux mois de préavis,-5 000 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,-15 000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
****
Par conclusions du 2 avril 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Maître Marie-Agnès Y..., es qualités de mandataire liquidateur de la Société PROACTIVE INGENIERIE, sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet de l'ensemble des demandes de M. X..., en faisant valoir que son contrat de travail indique clairement son terme et son motif, et que celui-ci ne rapporte nullement la preuve de ce que sa demande de commissions à hauteur de 3233, 61 euros remplit les conditions contractuelles.
Maître Y...explique que M. X...n'a jamais entendu rester au sein de la Société PROACTIVE INGENIERIE et qu'il ne peut invoquer aucun préjudice du fait de l'arrivée à échéance de son contrat de travail à durée déterminée, et que faute d'avoir accepté un contrat à durée indéterminée faisant suite au contrat à durée déterminée, M. X...ne peut soutenir que la fin de son contrat s'assimile à un licenciement.
Le liquidateur entend voir constater que M. X...avait déjà trouvé un emploi à l'INRA avant même la fin de son contrat de sorte qu'il ne justifie d'aucun préjudice. Il entend voir confirmer le jugement en ce qu'il a enjoint à M. X...de restituer 2 devis appartenant à la Société PROACTIVE INGENIERIE, et tous autres documents de l'entreprise qu'il a conservés sans autorisation depuis la fin de son contrat de travail. Le liquidateur réclame enfin paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
****
Par conclusions du 16 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le CGEA-AGS sollicite la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir que le contrat à durée déterminée de M. X...avait été conclu de manière régulière dans le cadre de la réalisation d'une mission ponctuelle.
À titre subsidiaire, si le contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, il demande qu'il soit statué ce que de droit sur la demande de préavis et de congés payés afférents, ainsi que sur l'indemnité pour non respect de la procédure et l'indemnité pour requalification du contrat, mais entend voir débouter M. X...de sa demande de dommages intérêts, celle-ci n'étant fondée ni en fait ni en droit, dans la mesure notamment ou le salarié relève des dispositions de l'article L 1235-2 du code du travail.
Le CGEA-AGS entendait voir ordonner une compensation entre l'indemnité de précarité indûment payée lors du solde de tout compte à hauteur de 3380, 72 euros et les sommes éventuellement fixées par l'arrêt à intervenir.
****
Motifs de la décision :
Sur la demande de requalification :
Il résulte des dispositions de l'article L 1242-2 du code du travail, qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans le cas de remplacement d'un salarié, d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, d'emploi à caractère saisonnier, ou pour le remplacement d'un chef d'entreprise.
Il est mentionné à l'article 4 du contrat de travail de M. X..., que celui-ci était engagé en qualité de chargé de mission pour intervenir dans les domaines suivants :- diagnostic de projets industriels, diagnostic déchets …- étude de faisabilité,- étude d'impact, de danger,- audit conseil et formation en : qualité, hygiène, sécurité et environnement.
Il y a lieu de constater que si le contrat de M. X...comporte un terme précis, il n'a été nullement conclu dans l'un des cas prévus par l'article L 1242-2 suscité, ni dans le cadre de l'un des secteurs d'activité prévus à l'article D 1242-1 du code du travail, dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée. Il n'a pas été conclu non plus dans l'un des cas prévus à l'article L 1242-3 du même code, à savoir au titre des dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, ou lorsque l'employeur s'engage pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.
En conséquence, dans la mesure ou le contrat de travail à durée déterminée de M. X...a été conclu en violation des dispositions des articles L 1242-2, et L1242-3 du code du travail, ce contrat doit être, en application de l'article L 1245-1, requalifié en contrat à durée indéterminée.
Dans la mesure où il est fait droit à la demande de requalification du contrat de travail de M. X..., celui-ci est fondé à solliciter, en application des dispositions de l'article L 1245-2 alinéa 2 du code du travail, une indemnité d'un montant de 2500 euros, correspondant à un mois de salaire.
Sur la rupture du contrat de travail :
La Société PROACTIVE INGENIERIE ne justifie pas qu'il ait été proposé un contrat à durée indéterminée à M. X..., à l'issue de son contrat à durée déterminée.
Le contrat de M. X...étant requalifié en contrat à durée indéterminée, et la rupture dudit contrat ne résultant que de la seule échéance du terme convenu, à savoir l'expiration au 31 janvier 2008 de la période de renouvellement du contrat, cette rupture doit être considérée comme ne procédant pas d'une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, cette rupture qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qui est intervenue sans qu'ait été respectée la procédure prévue aux articles L 1232-2 et suivants du code du travail, donne droit à M. X...à une indemnité de 2500 euros, correspondant à un mois de salaire, au titre de la réparation du préjudice subi pour procédure irrégulière de licenciement, l'intéressé n'ayant pas été, notamment, informé de la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié lors d'un entretien préalable.
En outre M. X...qui entend se prévaloir de l'application de la convention collective SYNTEC pour un chargé de mission (Convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987), est fondé à réclamer une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 5000 euros, correspondant à 2 mois salaire, outre 500 euros d'indemnité de congés payés sur ce préavis.
M. X...ayant moins de 2 ans d'ancienneté ne peut se prévaloir, en application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail, des dispositions de l'article L 1235-3 du même code prévoyant une indemnité minimale équivalente à 6 mois de salaires.
M. X...ne fournit aucun élément permettant d'apprécier l'importance du préjudice qu'il a subi à la suite de la rupture de son contrat de travail. Il se borne à produire un contrat à durée déterminée pour une période de un mois et six jours, en date du 18 février 2008, prévoyant une rémunération de 2046 euros par mois, mais il ne fournit aucune pièce permettant de rendre compte d'une éventuelle situation de chômage à la suite de la rupture intervenue. En conséquence il sera indemnisé des conséquences de cette rupture par l'octroi de dommages intérêts à hauteur de 10 000 euros, correspondant à 4 mois de salaire.
Il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce que soutient le CGEA-AGS, l'indemnité de précarité, lorsqu'elle est perçue par le salarié à l'issue du contrat, lui reste acquise nonobstant une requalification ultérieure de ce contrat en contrat à durée indéterminée. La Cour de Cassation dans un arrêt du 9 mai 2001 a d'ailleurs adopté ce principe. En conséquence il ne sera pas ordonné de compensation entre l'indemnité de précarité payée à M. X...et les sommes qui lui sont allouées par la présente décision.
Sur la demande de rappel de commissions :
Le contrat de travail de M. X...prévoit, outre une rémunération fixe de 2500 euros par mois, deux types de rémunérations variables.
Tout d'abord en vertu de l'article 8 du contrat, il est dû à M. X...une commission égale à 6 % de la marge brute dégagée par la Société PROACTIVE INGENIERIE sur chaque mission qu'il a réalisée, étant précisé que la marge brute effective s'entend après déduction, du chiffre d'affaires de ladite mission, des frais inhérents à celle-ci, notamment ceux liés aux autres intervenants : apporteurs d'affaires, sous-traitance, déplacements, frais techniques … Cette rémunération variable n'est due que lorsque le salarié a accompli sa mission dans les temps impartis, et son montant est dégressif selon le temps supplémentaire mis par le salarié pour accomplir sa mission.
Ensuite en vertu de l'article 9 du contrat il est prévu une commission de 8 % sur chiffre d'affaires pour toute étude prospectée et signée par le salarié, autre que les études pour des organismes publics ou para-publics ; pour ces organismes, lorsque la prospection est due au salarié, la commission est de 6 % du chiffre d'affaires généré par la mission.
Sur la base d'un tableau établi par la Société PROACTIVE INGENIERIE, figurant en pièce no 4 de l'appelant, et faisant ressortir les chiffres d'affaires réalisés auprès de 14 entreprises clientes, M. X...a obtenu paiement par son employeur de la somme de 2124, 52 euros au titre de commissions restant dues, et ce à la suite de l'action en référé qu'il a introduite initialement devant le conseil de Prud'hommes.
En appliquant un taux de commissions de 6 %, à chacun des chiffres d'affaires réalisés auprès de ces entreprises clientes, il apparaît, comme le montre le tableau figurant en pièce no 7 de l'appelant, que le total des commissions restant dû s'élève à 5358, 13 euros, étant relevé d'une part que les commissions sur chiffre d'affaires prévues à l'article 9 du contrat de travail, à la différence des commissions sur marge brute prévues par l'article 8 du même contrat, ne sont affectées par aucune déduction sur le chiffre d'affaires, telle que frais liés aux intervenants, aux déplacements ou aux frais techniques, et d'autre part que la Société PROACTIVE INGENIERIE ne justifie pas, par sa comptabilité, que le montant des chiffres d'affaires réalisés auprès des 14 clients en cause soit resté impayé, l'employeur ayant d'ailleurs lui-même dans le tableau qu'il a établi (pièce no 4 de l'appelant) fait figurer des commissions restant dues sur chacun de ces chiffres d'affaires, ce qui montre qu'il a bien encaissé les sommes correspondantes.
Compte tenu du règlement déjà effectué par la Société PROACTIVE INGENIERIE à hauteur de 2124, 52 euros, il reste dû à M. X..., au titre des commissions sur chiffre d'affaires un solde de 3233, 61 euros.
Sur la demande reconventionnelle de la Société PROACTIVE INGENIERIE :
Le liquidateur de la Société PROACTIVE INGENIERIE, relevant que M. X...produit aux débats deux devis établis par ladite société pour des prestations à destination de la Société SIMA et de la Société SOCOMI, figurant en pièces 8 et 9 de l'appelant, entend voir ordonner à celui-ci de restituer ces devis.
Il y a lieu de relever que les pièces produites par M. X...sont des copies des devis correspondant au prestations qu'il a effectuées auprès des sociétés SIMA et SOCOMI, que ces exemplaires constituaient des documents de travail pour M. X..., comme définissant ses missions auprès de ces entreprises, et qu'ils constituaient un justificatif pour le paiement de ses commissions au titre de l'article 8 du contrat de travail. En conséquence cette demande de restitution de copies de devis dont les prestations ont été exécutées, n'est pas fondée.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X...les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Fixe la créance de M. X...au passif de la liquidation judiciaire de la Société PROACTIVE INGENIERIE aux sommes suivantes :-2 500 euros d'indemnité de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée,-2 500 euros d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-5000 euros d'indemnité compensatrice de préavis,-500 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,-10 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-3233, 61 euros à titre de rappel de salaire sur commissions,-2000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de M. X...dans les conditions prévues à l'article L3253-8 et suivants du code du travail, et qu'en aucun cas l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'est garantie par l'AGS, ne s'agissant pas d'une créance salariale,
Dit que les dépens tant de première instance que d'appel sont à la charge de la Société PROACTIVE INGENIERIE,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.