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10/09/2012 | FRANCE | N°10/02182

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 10 septembre 2012, 10/02182


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 321 DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 02182
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 novembre 2010.
APPELANTE
Madame ALICE X......97115 SAINTE ROSE Représentéepar Maître Patrick ADELAIDE (Toque 1), avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉE
Madame Marila A.........97139 LES ABYMES Représentée par Maître Jean HIRCAU (Toque 85), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositi

ons de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 21 Mai 2012, en au...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 321 DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 02182
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 novembre 2010.
APPELANTE
Madame ALICE X......97115 SAINTE ROSE Représentéepar Maître Patrick ADELAIDE (Toque 1), avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉE
Madame Marila A.........97139 LES ABYMES Représentée par Maître Jean HIRCAU (Toque 85), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 21 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 10 septembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Marie-Luce CAFAFA, Greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Mme Marila A...a été engagée au service de la pharmacie exploitée par Mme Alice X...à compter du 17 février 1991.
Par courrier du 19 septembre 2006, Mme X...adressait à Mme A...un avertissement au motif que le 16 septembre elle avait refusé d'exécuter l'une de ses tâches habituelles, le nettoyage de la pharmacie, malgré injonction qui lui en avait été faite. Dans ce courrier l'employeur regrettait en outre l'insolence que la salariée avait manifestée à son égard, cette dernière ayant fait savoir avec véhémence sa volonté de ne plus s'acquitter de cette tâche, coupant court à la discussion en vociférant devant les clients, Mme X...relevait que cette attitude portait atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise.
Dans un courrier du 29 septembre 2006 Mme X...adressait à Mme A...un nouvel avertissement, déplorant que la salariée ne s'était pas amendée puisqu'elle ne faisait toujours pas le nettoyage de la pharmacie.
Par courrier recommandé du 27 juin 2007, Mme A...était convoquée à un entretien préalable fixé au 6 juillet 2007, en vue de son licenciement.
Par courrier du 18 juillet 2007, Mme X...notifiait à Mme A...son licenciement pour faute grave.
Par acte huissier en date du 31 octobre 2007, Mme A...faisait citer Mme X...devant le Bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de dommages intérêts pour licenciement abusif ainsi que diverses indemnités de fin de contrat.
Par jugement du 25 novembre 2010, la juridiction prud'homale jugeait que le licenciement de Mme A...était abusif et condamnait la pharmacie X... à payer à cette dernière les sommes suivantes :-2 970, 16 euros à titre d'indemnité de préavis,-3 213, 52 euros à titre d'indemnité de licenciement,-1 113, 81 euros à titre d'indemnité de congés payés,-14 850 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,-800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Pharmacie X... était en outre condamnée, en la personne de son représentant légal, à remettre sous astreinte, à Mme A..., une attestation ASSEDIC, ainsi que ses fiches de paie et son certificat de travail. La pharmacie était également condamnée à verser à l'ASSEDIC une contribution de 2 970, 13 euros.
Par déclaration du 23 décembre 2010, Mme X...interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions en date du 17 septembre 2011, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...entend voir juger valide le licenciement de Mme A...basé sur la faute grave, compte tenu des griefs reprochés et corroborés par les diverses attestations versées aux débats. Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré et le rejet de l'ensemble des demandes de Mme A.... Elle réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et entend voir appliquer les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de son avocat.

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Par conclusions du 4 novembre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme A...sollicite la confirmation du jugement entrepris, portant toutefois sa demande de dommages intérêts pour licenciement abusif à 89 104, 80 euros, et sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 4000 euros.
Contestant l'ensemble des griefs qui lui sont reprochés, elle expose que les faits des 12 et 18 mai 2007 invoqués par l'employeur ne reposent sur aucun fondement, dans la mesure où Mme X...n'a jamais donné la responsabilité de son coffre, ni de l'alarme, ni celle de fermer la pharmacie à aucune employée.
Par ailleurs elle fait valoir que la version des faits reprochés pour les 18 mai et 21 juin 2007 dans la lettre de licenciement, est différente de la version invoquée dans les conclusions du 19 septembre 2011 de l'appelante. Elle relève également de larges modifications apportées dans l'attestation de Mme B...produite en cause d'appel, par rapport à l'attestation émanant de la même personne versée en première instance.
Elle conteste l'ensemble des attestations produites par l'appelante qu'elle qualifie d'attestations de complaisance, et qui selon elle, ont été forcément rédigées sous la contrainte pour " se créer les bonnes grâces de Mme X...", employeur des témoins, précisant, en ce qui concerne Mme C...D..., infirmière libérale, que celle-ci s'est vue contrainte et forcée de faire un geste en faveur de la pharmacienne qui lui adresse beaucoup de clients.
Elle ajoute que la vraie cause de son licenciement, c'est son refus d'accomplir les tâches ménagères, c'est-à-dire son refus d'accepter la modification de son contrat de travail, l'employeur évitant soigneusement d'en parler dans la lettre de licenciement, préférant se rabattre sur des faits qui ne sont pas avérés, ceux-ci n'étant, pour la plupart, même pas à l'ordre du jour de l'entretien préalable.
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Les conclusions du 20 mai 2012 de l'appelante, ayant été notifiées à l'avocat de la partie adverse le 21 mai 2012, soit le jour des débats, sans laisser un temps suffisant pour que l'intimée se voit transmettre par son conseil les dites conclusions et puisse préparer une argumentation en réponse, les dernières conclusions de l'appelante seront écartées des débats dans la mesure où leur caractère tardif fait grief à l'intimée.
Motifs de la décision :
Aucun contrat de travail écrit n'est produit aux débats, si bien que n'est pas déterminé l'emploi pour lequel Mme A...a été embauchée en 1991. Toutefois il résulte du bulletin de paie de janvier 1996, que Mme A...bénéficiait alors du coefficient 125 correspondant à la qualification professionnelle de magasinier et emballeur. Par la suite, selon bulletin de paie de novembre 2001, elle devait accéder au coefficient 145 correspondant à l'emploi de conditionneuse ou rayonniste 2e échelon et vendeuse 1er échelon. Le bulletin de salaire de janvier 2002 montre que Mme A...se voyait attribuer la qualification d'employée de pharmacie et était rémunérée au coefficient 230, lequel en réalité correspond à l'emploi de préparatrice première échelon.
Il y a lieu de relever que dans la lettre de licenciement du 18 juillet 2007, l'employeur ne fait pas état du refus de Mme A...d'accomplir des tâches de nettoyage, les faits invoqués dans les lettres d'avertissement de septembre 2006 étant d'ailleurs antérieurs de plusieurs mois à l'engagement de la procédure de licenciement.
Par ailleurs le fait que la version fournie par l'employeur dans ses conclusions du 19 septembre 2011 puisse différer de celle contenue dans la lettre de licenciement, est sans incidence sur la solution du litige puisque les limites de celui-ci sont fixées par les termes de la lettre de licenciement.
Parmi les faits reprochés dans cette lettre, certains n'apparaissent pas fondés. Il s'agit des faits du 12 mai 2007 et 19 mai 2007, qui auraient consisté pour Mme A...à fermer la pharmacie en laissant le coffre ouvert et à laisser les lumières allumées sans brancher l'alarme. En effet comme le relève Mme A..., il n'est nullement démontré, ni d'ailleurs attesté par l'un quelconque des employés de la pharmacie, que l'employeur ait jamais donné la responsabilité de son coffre, ni de l'alarme, ni de fermer la pharmacie à aucun employé, étant relevé d'ailleurs que la pharmacienne ne pouvait s'absenter et abandonner la responsabilité de la pharmacie à une simple préparatrice.
Par contre la lettre de licenciement fait état d'une série de faits qui sont corroborés par les attestations produites par l'employeur.
Il s'agit en premier lieu du refus de respecter l'emploi du temps communiqué par l'employeur le 18 mai 2007 pour la semaine du 21 au 26 mai 2007, M. Sandro E...confirmant qu'il a été obligé d'intervertir ces demi-journées travail devant le refus de Mme A...de respecter le planning annoncé par l'employeur, ce qui est corroboré par les attestations de Mmes Stéphanie B...et Guilène F....
Si l'attestation de Mme B...versée aux débats devant la Cour, diffère dans son contenu de l'attestation du même témoin, produite devant les premiers juges, il y a lieu de relever que la seconde attestation est plus précise que la première et n'en contredit pas les termes.
Mme B...indique également qu'en juin 2007, Mme A...ayant refusé de procéder à la saisie du stock, alors que Mme G...lui avait donné la formation nécessaire à cette opération, elle avait dû y procéder elle-même, ce qui confirme le 4e grief invoqué dans la lettre de licenciement par l'employeur, lequel fait état du refus de ma A...de faire le travail demandé, celle-ci allant s'asseoir derrière le comptoir.
Il est également confirmé par Mme F...le comportement adopté le 20 juin 2007 par Mme A..., et invoqué dans la lettre de licenciement, consistant à refuser la livraison par un employé de la société COPHAG d'une commande de médicaments.
Il ressort encore des pièces produites, que Mme A...a validé le récapitulatif des éléments de facturation figurant dans le relevé du 31 mai 2007, émanant de la société SOPHARMA, sans tenir compte des avoirs et ristournes consentis à la pharmacie, ce qui est évoqué dans la lettre de licenciement, M. E...confirmant dans son attestation les erreurs commises par Mme A...dans la prise en compte des avoirs.
Dans son attestation Mme F..., fait également état d'une commande de vaccins en quantité excessive par rapport aux ventes de la pharmacie, ce qui est également reproché dans la lettre de licenciement.
D'une façon générale les attestations produites font ressortir que, lorsque Mme A...refusait d'accomplir les instructions de son employeur, elle faisait « des esclandres » devant les clients de la pharmacie, se mettant à crier et à vociférer, son caractère étant décrit comme irritable et ne supportant aucune remarque (attestations de Mmes B...et C...D...). Il ressort des attestations de Mmes H...et F..., que Mme A...n'acceptait aucune remarque de la part de Mme X..., que dès que celle-ci s'adressait à elle, elle lui tournait le dos, allant jusqu'à prendre à partie les clients, mettant tout le monde mal à l'aide, M. E...ajoutant qu'après les remarques et demandes d'explication de Mme X..., Mme A...sortait souvent du bureau en " cris de colère " et il devenait difficile de communiquer avec elle en ce qui concerne le fonctionnement de la pharmacie.
Toutes ces constatations confortent les griefs formulés par Mme X...dans la lettre de licenciement, selon laquelle, à ses observations relevant des fautes professionnelles, Mme A...opposait des réflexions désagréables, insolentes, insupportables et des attitudes inqualifiables, tournant le dos à son employeur lorsque celui-ci lui parlait, et s'en allant, répandant même auprès des clients des réflexions désagréables concernant Mme X....
Même si la plupart des attestations sont rédigées par des employés de la pharmacie, leurs contenus convergent en ce qui concerne la mauvaise volonté de Mme A...à exécuter les instructions de son employeur, et son comportement insolent et colérique, et permettent de considérer comme réels les griefs rappelés ci-dessus ; l'ensemble de ceux-ci, dans la mesure où ils apparaissent faire obstacle de façon répétée au bon fonctionnement de l'entreprise, et au pouvoir de direction de l'employeur, justifient une mesure de licenciement pour cause réelle et sérieuse. Toutefois aucun des faits reprochés ne présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail et rendre impossible la poursuite pendant le préavis de l'exécution dudit contrat, la qualification de faute grave doit être écartée.
Sur les demandes pécuniaires de Mme A...:
Mme A...ayant une ancienneté supérieure à 2 ans, a droit, en application des dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 2 mois de salaire soit la somme de 2 970, 16 euros.

En application des dispositions de l'article L 1234-9 du même code dans sa rédaction applicable à l'époque du licenciement, compte tenu d'une ancienneté dans l'entreprise de 16 ans et 7 mois, comprenant le préavis de 2 mois, Mme A...est fondée à solliciter le paiement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 3 213, 52 euros.

Mme X...ne justifiant pas avoir réglé à Mme A...ses congés payés, en particulier ceux acquis au titre de l'année 2007, il sera alloué à celle-ci la somme de 1113, 81 euros.
Le licenciement de Mme A...étant justifié par une cause réelle et sérieuse, sa demande de dommages intérêts pour licenciement abusif doit être rejetée.
La rupture du contrat de travail n'étant pas imputable à l'employeur, il ne sera mis à la charge de celui-ci aucune contribution au profit de l'ASSEDIC.
Les demandes de Mme A...étant au moins partiellement fondées, il paraît inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ; il lui sera alloué en conséquence la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme A...est justifié par une cause réelle et sérieuse,
Condamne Mme Alice X...à payer à Mme Marila A...les sommes suivantes :
-2 970, 16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-3 213, 52 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-1113, 81 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de Mme X...,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02182
Date de la décision : 10/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-09-10;10.02182 ?
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