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10/09/2012 | FRANCE | N°10/00256

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 10 septembre 2012, 10/00256


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 319 DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00256
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 1er décembre 2009.
APPELANT
EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER Plage du NOVOTEL Bas du Fort 97190 GOSIER Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉ
Monsieur Rollé X... ...59280 ARMENTIERES Représenté par Maître Maurice MARIANNE (Toque 64) substitué par Maître ADELAIDE, avocats au barreau de

la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 9...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 319 DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00256
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 1er décembre 2009.
APPELANT
EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER Plage du NOVOTEL Bas du Fort 97190 GOSIER Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉ
Monsieur Rollé X... ...59280 ARMENTIERES Représenté par Maître Maurice MARIANNE (Toque 64) substitué par Maître ADELAIDE, avocats au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 21 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 10 septembre 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Marie-Luce CAFAFA, Greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Par contrat de professionnalisation soumis aux dispositions des articles anciens L981-1 et suivants du code du travail, telles qu'applicables à l'époque dudit contrat, M. Rollé X... était engagé par l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER en qualité d'assistant base nautique pour une période d'un an du 1er février 2006 au 31 janvier 2007.
L'entreprise s'engageait à faire suivre au salarié une formation de CAPACITAIRE-PCM-CRO, dispensée par le centre de formation FORMAR, pour une durée de 455 heures devant se dérouler du 6 mars 2006 au 10 juillet 2006. Le contrat de professionnalisation n'était enregistré par la Direction Départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle que le 29 janvier 2007.
Par un courrier du 10 janvier 2006 (en réalité 2007), M. X... faisait connaître à son employeur un certain nombre de reproches, notamment d'avoir négligé de revaloriser son salaire postérieurement à la réévaluation du SMIC intervenue le 30 juin 2006. Il déplorait que les formations prévues dans le cadre de la convention de formation professionnelle conclue le 3 mars 2006 ne lui avaient pas été dispensées. Il faisait état d'un dépassement de l'horaire légal de travail hebdomadaire.
Par courrier du 24 janvier 2006, M. X... relevant que le contrat de travail signé le 1er février 2006 n'avait pas été déposé auprès de la Direction départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle, et constatant que les formations qui devaient lui être dispensées dans le cadre de ce contrat ne l'avaient pas été, considérait que le contrat de travail ne saurait être qualifié de contrat de professionnalisation et devait s'analyser en un contrat de travail à durée indéterminée. Il faisait savoir qu'à l'issue de ses congés soit le 1er février 2007 il reprendrait son travail.
Par courrier du 1er février 2007 M. X... indiquait à l'employeur, que suite à l'entretien du jour même il avait pris bonne note que ce dernier lui avait interdit de travailler, il constatait en conséquence la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.
Le 2 août 2007, M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'être indemnisé pour le non-respect par son employeur des stipulations du contrat de travail.
Par jugement de départage du 1er décembre 2009, la juridiction prud'homale requalifiait le contrat de travail de M. X... en contrat à durée indéterminée et condamnait le CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER à lui payer les sommes suivantes :-539, 24 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages intérêts pour requalification du contrat,-6109, 28 euros au titre du rappel de salaire avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2007,-3235, 44 euros à titre d'indemnité pour rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,-800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il était en outre ordonné la remise sous astreinte par l'employeur de bulletins de paie conformes aux dispositions du jugement.

Par déclaration du 29 janvier 2010, l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER interjetait appel de cette décision.

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Par conclusions du 21 janvier 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER sollicite la réformation du jugement entrepris en faisant valoir que M. X... était titulaire d'un contrat de professionnalisation à durée déterminée qui a été rompu à l'arrivée du terme le 31 janvier 2007. Elle entend voir juger que ce contrat a été régulièrement conclu avec l'ensemble des organismes concernés, et qu'il y a lieu en conséquence de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes.
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Par conclusions du 9 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... soulève l'irrecevabilité de l'appel en faisant valoir que la déclaration d'appel est antérieure à la date de notification du jugement.
Il demande qu'en tout état de cause le jugement entrepris soit confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement de la somme de 4464, 3 euros au titre de 420 heures 30 minutes d'heures supplémentaires ainsi que la demande d'indemnité de licenciement portant sur 6 mois de salaires calculés sur la base du SMIC.
Il fonde sa demande de paiement d'heures supplémentaires sur un décompte qu'il produit aux débats, en expliquant qu'il était présent avant l'ouverture du Centre pour préparer le matériel, et qu'il terminait sa journée de travail bien après la fermeture du Centre, fixée à 17 heures, pour ranger le matériel. Il fait également état des heures de formation de CAPACITAIRE qui n'ont pas été rémunérées.
Il reproche non seulement à son employeur ne pas l'avoir fait bénéficié d'un encadrement professionnalisant au cours de l'exécution de son contrat de travail, mais aussi des faits de harcèlement dans la mesure où ne lui étaient confiées que des tâches d'exécution, non valorisantes et même humiliantes.
Il réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité d'appel :
L'examen des pièces du dossier montre que le jugement du Conseil de Prud'hommes a été notifié au CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER le 30 décembre 2009 et non le 30 décembre 2010 comment mentionné dans les écritures des parties. En conséquence l'appel interjeté 29 janvier 2010, soit dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision, est recevable.
Sur la demande de requalification du contrat de travail :
Conformément aux dispositions des articles L980-1 et suivants du code du travail, la convention de formation professionnelle conclue entre M. X... et l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER prévoyait que pendant la période d'un an, l'entreprise s'engageait à faire suivre au salarié une formation de CAPACITAIRE-PCM-CRO, dispensée au centre de formation FORMAR, laquelle devait se dérouler du 6 mars 2006 au 10 juillet 2006. Il était stipulé que l'employeur s'engageait à mettre tout en oeuvre pour que la formation se déroule dans les meilleures conditions. Dans l'article 5 du contrat de professionnalisation, il était stipulé que le bénéficiaire de ce contrat serait suivi et assisté en entreprise par le gérant M. Emmanuel Z...qui devait exercer les fonctions de tuteur du salarié, chargé de l'orienter, de l'informer et de l'aider.

Il ressort de l'examen des pièces du dossier, et des explications fournies par les parties, que M. X... n'a pu suivre au centre de formation que la formation de CAPACITAIRE, et que dans le cadre de son activité au sein de l'entreprise, selon les attestations établies par M. Willy A..., M. Thierry B..., M. Marc C..., M. Livio D..., M. Mahitsy E...et M. Marick F..., il était confié à M. X... essentiellement des tâches subalternes d'exécution et d'entretien du matériel, l'intéressé devant sortir les transats et matériels de plage, encaisser les locations, changer les serviettes sales, nettoyer avec une éponge le matériel et ranger celui-ci à la fin de la journée.
Il ne ressort d'aucun des éléments de la cause que l'employeur se soit attaché à assurer à M. X..., au sein de l'entreprise, une formation lui permettant d'acquérir une qualification professionnelle, M. X... s'étant vu assigner des tâches sans relation avec les objectifs professionnels fixés. Il ne ressort pas non plus des pièces versées aux débats que l'employeur se soit attaché à créer les conditions permettant à M. X... de suivre auprès du centre de formation l'intégralité de la formation prévue ; ce n'est qu'au cours du dernier mois de contrat que l'employeur, d'une part obtient l'enregistrement (le 29 janvier 2007) du contrat auprès de la Direction départementale du travail, et d'autre part apparaît, selon son courrier du 4 janvier 2007, se préoccuper de la mise en oeuvre effective de la formation, renvoyant cependant le salarié à demander plus d'information auprès de l'organisme de formation OPCAREG,
Ainsi le contrat de professionnalisation ne constitue en l'espèce qu'un habillage juridique permettant d'embaucher dans des conditions financières avantageuses un agent chargé du gardiennage et de l'entretien du matériel de plagiste.
Dans ces conditions et dans la mesure où l'employeur n'a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour assurer la formation à laquelle avait droit le salarié, le contrat en cause qui ne remplit pas les conditions d'un contrat de professionnalisation, ne répond pas non plus aux critères d'un contrat à durée déterminée tel que prévu par les articles L 1242-2 et L 1242-3 du code du travail, et doit donc être requalifié en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée.
Sur la rupture du contrat de travail :
Le contrat de travail devant être considéré comme étant un contrat à durée indéterminée depuis sa conclusion, le fait que l'employeur se soit
opposé à la poursuite de l'exécution du contrat de travail postérieurement au 31 janvier 2007 au seul motif que le contrat à durée déterminée était expiré, comme cela résulte des courriers versés aux débats (lettre du 1er février 2007 de M. X... prenant note qu'il lui est interdit de travailler ledit jour), conduit à considérer que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur doit être analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence M. X... est fondé à solliciter indemnisation du préjudice subi à la suite de cette rupture du contrat de travail imputable à l'employeur. En allouant à M. X... la somme de 3 235, 44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le premier juge a fait une juste appréciation du montant de l'indemnisation due à M. X..., étant rappelé que celui-ci n'ayant qu'une année d'ancienneté à la date de son licenciement, ne peut prétendre à l'indemnité minimale de 6 mois de salaires prévue par l'article L 1235-3 du code du travail.
Sur la demande de rappel de rémunération au titre du salaire de base :
Le contrat de travail de M. X... ne répondant pas aux conditions de contrat de professionnalisation, et étant requalifié en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, le salaire de M. X... doit être fixé sur la base du SMIC, et non sur un pourcentage de celui-ci. Ainsi pour 35 heures hebdomadaires de travail, compte tenu d'un SMIC mensuel d'un montant de 1 217, 91 euros au cours du premier semestre 2006, réévalué à compter de juillet 2006, il est dû un rappel de salaire de 6 109, 28 euros pour l'ensemble de la période travaillée.
Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires :
M. X... devant être rémunéré sur la base du SMIC, à raison de 35 heures de travail par semaine, n'est pas fondé à réclamer paiement, à titre d'heures supplémentaires, des heures de formation, qu'il a accomplies en dehors de son horaire quotidien de travail.
Par ailleurs il y a lieu de relever que si les heures supplémentaires pour lesquelles le salarié est fondé à réclamer paiement sont celles que l'employeur a expressément exigées, il n'en demeure pas moins qu'il a également droit au paiement des heures supplémentaires nécessitées par l'accomplissement du service qui lui est imposé.
Ainsi, si comme en l'espèce il n'apparaît pas que l'employeur ait exigé de M. X... qu'il soit présent sur son lieu de travail avant l'ouverture du Centre à 9 heures, pour préparer les transats et matériels de plage, dans la mesure où le Centre fermait à 17 heures, cet horaire impliquait nécessairement que M. X... devait terminer son service plus tard pour ranger l'ensemble du matériel du Centre, ce qui est confirmé par les attestations de M. Thierry B..., M. Marc C..., M. Livio D..., M. Mahitsy E..., M. Marick F..., qui font état d'une fin de service à 17 H 30.
Si l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER produit un témoignage émanant d'un dénommé Damien G..., selon lequel le Centre devait fermer à 17 heures, il ressort de cette attestation que dans la mesure où des clients restaient jusqu'à la fermeture, le matériel et les transats devaient nécessairement être rangés après 17 heures.
En conséquence il sera alloué paiement d'heures supplémentaires à M. X..., à raison d'une demi-heure par jour, soit la somme de 927, 46 euros, comprenant la majoration de 10 % applicable à l'époque de l'exécution du contrat de travail.
Il doit être observé que si M. X... a été amené à prendre ses repas sur son lieu de travail, l'heure accordée pour le déjeuner ne peut être assimilée à une heure de travail effectif. Il ne peut donc demander que cette heure soit prise en compte pour la détermination de ses heures supplémentaires.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée par le premier juge sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, et sauf à préciser que le délai dans lequel l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER doit remettre à M. X... des bulletins de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, est fixé à 2 mois suivant la notification de la présente décision, l'astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai étant maintenue,
Et statuant à nouveau sur la demande de paiement d'heures supplémentaires,
Condamne l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER à payer à M. X... la somme de 927, 46 euros au titre des heures supplémentaires,
Y ajoutant,
Condamne l'EURL CENTRE NAUTIQUE BLEU OUTREMER à payer à M. X... la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00256
Date de la décision : 10/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-09-10;10.00256 ?
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