COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 314 DU TREIZE AOUT DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 00926
Décision déférée à la Cour : Décision du Bureau de Conciliation du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 25 janvier 2011.
APPELANTES
L'ASSOCIATION INSTITUT REGIONAL DE FORMATION AUX METIERS DE LA SECURITE (IRSEC)
24 Rue Becquerel
Jarry
97122 BAIE-MAHAULT
SARL ANTILLES PROTECTION
ZAC de l'Etang Z'abricot
Immeuble AGORA
97200 FORT DE FRANCE (MARTINIQUE)
SARL ANTILLES SURETE GUADELOUPE
Chez IRSEC-Immeuble TEG
24 rue Henri Becquerel-Jarry
97122 BAIE-MAHAULT
Représentées par la SELARL SAINTE-LUCE, avocats au barreau de la Martinique
INTIMÉE
Madame Ernestine A...
...
97180 SAINTE-ANNE
Comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 30 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur
M. Jacques FOUASSE, conseiller,
Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 juillet 2012, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 13 août 2012.
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 juillet 2006, Mme Ernestine A...a été engagée par la Société Antilles Protection en qualité de directrice moyennant un salaire brut mensuel de 4000 euros, le lieu de travail étant fixé à l'aéroport Pôle-Caraïbes.
Alors que la Société Antilles Protection est une société à responsabilité limitée, il était stipulé que Mme A...pouvait être affectée à tout moment et indifféremment dans les lieux où s'exerce l'activité de " l'association ".
Mme A...devait par la suite exercer également des fonctions de directrice au sein de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et de l'Association IRSEC (Institut Régional de Formation aux Métiers de la Sécurité), lesquelles font partie du même groupe que la Société Antilles Protection.
Par requête adressée le 25 mai 2010 au Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre, Mme A...entendait voir ordonner à la Société Antilles Protection, à la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et à l'Association IRSEC, de lui délivrer des bulletins de paie, et obtenir de chacune de ces trois personnes morales diverses indemnités et des dommages et intérêts, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Chacune des personnes morales concernées était convoquée à l'audience du bureau de conciliation fixée au 28 septembre 2010 à 9 heures.
À cette audience de conciliation Mme A...présentait des conclusions aux termes desquelles elle entendait voir :
- ordonner à la Société Antilles Protection de lui remettre ses bulletins de paie des mois de mars, juin et août 2007, des mois de mars, avril, juin et juillet 2008, des mois de mars, septembre et octobre 2009 et de janvier 2010, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision du bureau de conciliation,
- ordonner à l'Association IRSEC de lui délivrer ses bulletins de paie du 4 juillet 2006 au 15 février 2010, ainsi que son certificat travail et son attestation Pôle-Emploi, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision du bureau de conciliation,
- ordonner à la Société Antilles Sûreté Guadeloupe de lui délivrer l'ensemble de ses bulletins de paie du 1er mars 2008 au 15 février 2010, ainsi que son certificat de travail et son attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision du bureau de conciliation,
- condamner l'Association IRSEC à lui payer la somme provisionnelle de 9839, 88 euros à titre de salaires et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction et avec anatocisme, le cas échéant, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la Société Antilles Sûreté Guadeloupe à lui payer la somme provisionnelle de 9955, 56 euros à titre de salaires et accessoires avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction et avec anatocisme, le cas échéant, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner les trois personnes morales à lui payer chacune la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les trois personnes morales aux entiers dépens.
Les représentants des trois personnes morales et leur conseil ne comparaissaient pas lors des débats devant le bureau de conciliation. Ils adressaient le 11 octobre 2010, une note en délibéré en date du 7 octobre 2010, accompagnée de 37 pièces.
Par courrier du 14 octobre 2010, le conseil de Mme A..., faisant savoir au président du bureau de conciliation, qu'elle venait de recevoir copie d'une note en délibéré de près de 10 pages, 15 jours après audience de conciliation, annonçant en sus 37 pièces dont elle n'avait pas reçu copie, demandait d'écarter toute note en délibéré, rappelant que l'oralité de la procédure devant le conseil de prud'hommes imposait aux parties de comparaître ou de se faire représenter pour formuler valablement des prétentions, les justifier et en débattre contradictoirement, toute observation formulée par écrit étant au surplus, après clôture des débats, irrecevable.
Par décision prononcée le 25 janvier 2011, qualifiée de réputée contradictoire, le bureau de conciliation ordonnait à la Société Antilles Protection, à la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et à l'Association IRSEC de verser à Mme A...une provision sur salaires et accessoires de 38 000 euros. Il était en outre ordonné la remise des bulletins de salaires sollicités par la requérante sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8e jour suivant la réception de la notification de la décision. L'affaire était renvoyée devant le bureau de jugement à l'audience du 28 juin 2011.
Par déclaration remise au secrétariat greffe de la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Basse-Terre le 23 juin 2011, la Société Antilles Protection, la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et l'Association IRSEC formaient chacune un recours contre la décision du bureau de conciliation en qualifiant leur recours d'appel-nullité.
Malgré une ordonnance en date du 14 novembre 2011 du magistrat de la chambre sociale chargé de l'instruction l'affaire, impartissant un délai de 2 mois aux appelantes pour notifier à la partie adverse leurs pièces et conclusions, et à la suite, un autre délai de 2 mois à l'intimée pour notifier en réponse ses pièces et conclusions, l'audience des débats étant fixée au 30 avril 2012, la Société Antilles Protection, la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et l'Association IRSEC prétextant que leur acte d'appel était motivé, se bornaient à notifier à la partie adverse uniquement leurs pièces, par acte huissier en date du 8 février 2012, après avoir tenté vainement une notification par voie postale le 14 décembre 2011 ; elles s'abstenaient de notifier à l'intimée leurs moyens et prétentions.
Néanmoins, à l'audience du 30 avril 2012, Mme A...s'opposant au renvoi l'affaire et ne présentant aucun moyen, s'en tenait à la confirmation de la décision déférée.
Dans leur acte d'appel, auquel il était fait référence lors de l'audience des débats, la Société Antilles Protection, la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et l'Association IRSEC entendent voir annuler purement et simplement l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions pour excès de pouvoir, et réclament paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société Antilles Protection, la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et l'Association IRSEC entendent caractériser les excès de pouvoir reprochés au bureau de conciliation de la façon suivante :
- la condamnation provisionnelle sur salaires a été prononcée contre les trois personnes morales alors que la demande de provision ne visait que l'Association IRSEC et la Société Antilles Sûreté Guadeloupe,
- aucune condamnation solidaire n'a été demandée par Mme A...,
- Mme A...n'a demandé paiement que de la somme de 9839, 88 euros à l'Association IRSEC et celle de 9555, 56 euros à la Société Antilles Sûreté Guadeloupe,
- alors qu'il s'agit de trois demandes distinctes, le bureau de conciliation a condamné in fine « on ne sait qui » à délivrer des bulletins de salaire,
- il n'a pas été fait référence dans la décision critiquée à la note en délibéré que le bureau de conciliation a autorisé à déposer pour tempérer l'erreur du greffe qui n'aurait pas invité les défendeurs à pénétrer dans la salle de conciliation lors de l'audience du 28 septembre 2010, ce qui constitue une violation du principe du contradictoire, les défendeurs ayant été considérés comme non comparants,
- en qualifiant de contrat de travail la prétendue relation contractuelle avec l'Association IRSEC et la Société Antilles Sûreté Guadeloupe, alors qu'au vu de la note en délibéré produite, le bureau de conciliation aurait dû se déclarer incompétent et renvoyer l'examen de la cause devant le bureau de jugement, ledit bureau a violé les pouvoirs qui lui sont accordés par l'article R 1454-14 du code du travail.
Motifs de la décision :
Il résulte des dispositions de l'article R 1454-16 du code du travail que les décisions prises par le bureau de conciliation en application des articles R 1454-14 et R 1454-15 ne peuvent être frappées d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond.
Toutefois l'appel immédiat de la décision du bureau de conciliation est recevable quand celui-ci a commis un excès pouvoir.
Il ne peut être valablement reproché au bureau de conciliation d'avoir prononcé, à l'encontre des trois personnes morales, une condamnation solidaire qui n'était pas demandée, puisse que le dispositif de la décision ne prévoit aucune solidarité entre les défenderesses.
En outre il ne peut être reproché au bureau de conciliation, à titre d'excès de pouvoir, d'avoir maintenu jointes les demandes présentées par Mme A..., qui n'a d'ailleurs saisi le Conseil de Prud'hommes que d'une seule requête introductive d'instance. La décision de maintenir jointes les demandes ou de les disjoindre, sont des mesures d'administration judiciaire non susceptibles d'appel.
Si le bureau de conciliation n'a pas précisé la ou les personnes morales tenues à la remise de bulletins de salaire, cette omission peut être complétée par la mise en oeuvre des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, mais cette omission ne saurait constituer un excès pouvoir.
Par ailleurs il ne ressort nullement de l'examen des pièces de la procédure poursuivie devant le bureau de conciliation, que le dépôt d'une note en délibéré ait été sollicité, ni même autorisé par ledit bureau, aucune des parties n'ayant été invitée à fournir des explications de droit ou de fait, ou à préciser ce qui aurait pu paraître obscur comme le prévoient les dispositions des articles 442 et 445 du code de procédure civile, la réouverture des débats n'ayant pas non plus été ordonnée comme le permettent les dispositions des articles 444 et 445 du même code.
Si dans leur déclaration d'appel motivée, la Société Antilles Protection, la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et l'Association IRSEC reconnaissent que leurs représentants et leur conseil se sont présentés en retard à l'audience du bureau de conciliation, il n'est nullement établi que le greffe leur aurait indiqué " d'attendre car l'affaire n'aurait pas été appelée ". En conséquence c'est à juste titre que le bureau de conciliation a considéré que la Société Antilles Protection, la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et l'Association IRSEC étaient non comparantes, et qu'il n'a pas fait référence à la note en délibéré du 11 octobre 2010, ni aux 37 pièces accompagnant celle-ci.
Par contre il y a lieu de constater que le bureau de conciliation a condamné l'Association IRSEC ainsi que la Société Antilles Protection et la Société Antilles Sûreté Guadeloupe à payer à Mme A...la somme de 38 000 euros à titre de provision sur salaires et accessoires, alors que dans les conclusions présentées au bureau de conciliation Mme A...sollicitait la condamnation de l'Association IRSEC à lui payer la somme de 9839, 88 euros seulement, et la condamnation de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe à lui payer celle de 9 555, 56 euros, aucune provision sur salaire n'étant demandée à la Société Antilles Protection. En conséquence le bureau de conciliation a commis un excès pouvoir et la décision entreprise doit être annulée partiellement, la Société Antilles Protection ne pouvant être condamnée au paiement d'une provision sur salaires et les condamnations prononcées à l'égard de l'Association IRSEC et de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe ne pouvant porter tout au plus que sur les sommes réclamée par Mme A....
En allouant à la requérante une somme à titre de provision sur salaires mise à la charge l'Association IRSEC et de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe, le bureau de conciliation n'a fait qu'exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R 1454-14 du code du travail, et n'a pu à ce titre commettre un excès pouvoir, étant observé qu'en tout état de cause aucune contestation sérieuse n'a été régulièrement soulevée devant le bureau de conciliation.
De même en ordonnant la remise de bulletins de salaire à la requérante, le bureau de conciliation n'a pas excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par le même article R 1454-14.
Il importe peu que le bureau de conciliation ait pris l'initiative de qualifier la rupture de la relation de travail, de licenciement, puisque cette mention ne figure pas dans le dispositif de la décision entreprise et n'a eu aucune incidence sur le contenu du dit dispositif.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevables les appels immédiats de la Société Antilles Protection, de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et de l'Association IRSEC à l'encontre de la décision du 28 septembre 2010 du bureau de conciliation en ce qu'ils portent sur la condamnation de l'Association IRSEC et de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe à payer à Mme A...une provision sur salaires et accessoires, et ordonne la remise de bulletins de salaire,
Les déclare partiellement recevables en ce qu'ils portent sur le montant de 38 000 euros mis à la charge de la Société Antilles Protection, de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et de l'Association IRSEC au profit de Mme A...,
Annule partiellement la décision du bureau de conciliation en ce qu'elle fixe à 38 000 euros le montant des condamnations de la Société Antilles Protection, de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe et de l'Association IRSEC au profit de Mme A..., lesdites condamnations à titre de provision sur salaires et accessoires étant limitées à la somme de 9839, 88 euros à l'encontre de l'Association IRSEC, et à la somme de 9 555, 56 euros à l'encontre de la Société Antilles Sûreté Guadeloupe, aucune provision sur salaire n'étant à la charge de la Société Antilles Protection,
Dit que les dépens de la présente instance suivront le sort des dépens de l'instance au fond,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.