COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 307 DU SEIZE JUILLET DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 01348
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 septembre 2011.
APPELANT
LE COLLEGE Eugène YSSAP Etablissement Public Lieudit VALLETTE 97180 SAINTE ANNE Représenté par la SCP F. HERMANTIN. F. KACY-BAMBUCK (TOQUE 98) avocats au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉ
Madame Maryse X......-... 97180 SAINTE ANNE Représentée par Me TROUPE substituant la SCP NAEJUS-HILDEBERT (TOQUE 108) avocats au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, rapporteur, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 2 juillet 2012 puis le délibéré a été prorogé au 16 juillet 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Jacques FOUASSE, Conseiller, aux lieu et place de M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, légitimement empêché (article 456 du CPC) et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCÉDURE :
Aux termes de deux contrats signés le même jour 07 septembre 2009 à savoir un contrat d'avenir, et une convention, Mme X... a été recrutée par le Collège Eugene YSSAP aux conditions suivantes :
- Contrat à durée déterminée (deux ans) à compter du 1er octobre 2009- Salaire brut de 992, 00 euros pour 28 heures hebdomadaires-Affectation au Collège YSSAP de SAINTE ANNE'
Suite à divers incidents intervenus début 2010 dans l'enceinte de l'établissement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 Février 2010, Mme la Principale du collège a procédé au licenciement de Madame Maryse X... pour faute grave.
Mme X... a contesté ce licenciement devant la juridiction prud'homale.
Par jugement du 7 septembre 2011, le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE a statué comme suit :
- il n'y a pas lieu de retenir la faute grave,
- dès le 05 février 2010, sans aucun entretien préalable, il était remis à Madame X... un courrier l'informant de la rupture de son contrat de travail,
- condamne le Collège Eugène YSSAP à payer à Madame X... les sommes suivantes :
18 951, 00 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive,
997, 46, € pour non-respect de la procédure de licenciement,
1 000, 00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile..
DEBOUTE Madame Maryse X... du surplus de ses demandes.
Par déclaration déposée au greffe le 19 septembre 2011, le Collège Eugène YSSAP a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et DEMANDES des PARTIES :
Au soutien de son appel, le Collège YSSAP, par conclusions déposées le 30 avril 2012 et reprises oralement à l'audience, fait valoir que :
- la lettre de licenciement à effet immédiat a été annulée quatre jours plus tard, par une mention figurant au dernier paragraphe de la lettre du 9 février 2010 de convocation à l'entretien préalable.
- elle conteste l'analyse des faits tels que retenus par le Conseil de Prud'hommes, et soutient au contraire que Madame X... a commis une faute grave, justifiant son licenciement, faute grave établie par les faits intervenus le 26 janvier 2010 et le 5 février 2010.
- le COLLEGE EUGENE YSSAP, lieu de transmission du savoir, d'éducation des jeunes, ne saurait être transformé en arène de violence physique, et d'injures grossières.
Le Collège YSSAP demande à la Cour :
- au principal, vu l'annulation par courrier du 9 février de la lettre du 5 février 2010 débouter Mme X... de sa demande fondée sur l'article L 1232-6
- subsidiairement donner acte au COLLEGE EUGENE YSSAP de ce qu'il offre de régler à Mme X..., l'équivalent d'un mois de salaire soit 997. 46 €.
DIRE et JUGER :
- que Madame X... a commis une faute grave justifiant son licenciement.
- la débouter de ses demandes,
- la condamner à payer au Collège EUGENE YSSAP la somme de trois mille euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Mme X... Maryse conteste ces demandes par conclusions déposées le 13 mars 2012 et reprises oralement à l'audience, elle expose que :
- c'est le 5 février 2010, jour de la reprise de son travail après un arrêt de travail pour maladie, que Madame Maryse X... a été brutalement évincée de son poste par un courrier établi le jour même par l'employeur.
- postérieurement à la rupture intervenue le 5 février 2010, le Collège YSSAP de Sainte-Anne a adressé un deuxième courrier de licenciement à Mme Maryse X... daté du 26 février 2010, au terme duquel il lui reproche une faute grave qui résulterait cette fois, de prétendus propos dénigrants de la salarié sur l'établissement ainsi que de propos injurieux et d'une agression physique qu'elle aurait commis sur un membre du personnel.
- en cours de procédure, le collège YSSAP se borne à produire cinq attestations de membres de l'établissement : tout cela n'est en réalité qu'un scénario grossier monté de toute pièce par. le collège YSSAP. En réalité, la Cour ne manquera pas de relever le caractère douteux du licenciement de Madame X... qui est intervenu comme par hasard, le jour même où la salariée reprenait son poste de travail.
Mme X... Maryse demande à la Cour :
- Constater la rupture anticipée du fait du COLLEGE EUGENE YSSAP en violation de l'article 1243-1 du code du travail.
- Dire et Juger irrégulière et abusive le rupture du contrat de travail de Mme Maryse X....
En conséquence,
Confirmer le jugement du 7 septembre 2011 en ce qu'il a condamné le COLLEGE EUGENE YSSAP à payer à Madame Maryse X... les sommes suivantes :
Dommages Intérêts pour rupture abusive : 18. 951, 74 euros,
Dommages Intérêts pour licenciement irrégulier 997, 46 euros,
Pour le surplus, infirmer le jugement du 7 septembre 2011 et y ajoutant,
Condamner le COLLEGE EUGENE YSSAP à payer à Madame Maryse X..., la somme de 5. 984, 76 € à titre de préjudice particulier et la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 7 mai 2012.
MOTIFS de la DÉCISION :
Par lettre recommandée avec AR du 9 février 2010, Mme la Principale du Collège a convoqué Madame X... à l'entretien préalable prévue pour le 23 février 2010
Mme X... ne s'y est pas rendue.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 Février 2010, la Principale a procédé au licenciement de Madame Maryse X..., à cause de :
« propos dénigrants sur l'établissement lors de l'entretien qui se déroulait « dans mon bureau avec Melle B..., référente des contrats aidés.
« propos injurieux et agression physique d'un personnel de la vie scolaire.
« Ces actes ont été commis à l'accueil de l'administration devant élèves et parents d'élèves et personnels de l'établissement »
« Je vous rappelle que les faits qui vous sont reprochés sont constitués d'une faute grave et ont profondément nuit à la sérénité de l'établissement.
« La cause de rupture anticipée de votre contrat de travail excluant l'exécution d'un préavis, votre contrat prendra fin dès notification de sa « rupture.
« Je vous adresserai l'ensemble des documents obligatoires de fin de contrat par voie postale. »
Il convient de rappeler les principes en matière de faute grave :- le caractère réel : le motif réel est à la fois un motif existant, un motif exact et un motif objectif.- le caractère sérieux : le motif sur lequel se fonde le licenciement doit en outre avoir un caractère sérieux, c'est à dire une cause revêtant une certaine gravité qui rend impossible, sans dommage pour l'entreprise, la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement.
- le caractère objectif : la cause doit être objective, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des faits, des griefs matériellement vérifiables,- le caractère matériellement vérifiable : la cause du licenciement doit être établie c'est à dire que le motif allégué par l'employeur doit avoir une réalité concrète et vérifiable. Cela implique, en principe, le rejet de tout motif inconsistant (allégation vague), des faux motifs ou des motifs contradictoires.
En l'espèce, la Cour constate que diverses pièces confirment les griefs développés à l'encontre de Mme X... :
« RAPPORT DU CHEF D'ETABLISSEMENT (5 février 2010) :
Madame Maryse X... bénéficie d'un contrat aidé de type CAV dans l'établissement depuis le 1er octobre 2009.
Suite à différents troubles au sein du service Vie Scolaire où elle est affectée, j'ai décidé de procéder à un changement d'affection dans l'intérêt du service.
Je la reçois ce jour, en présence du correspondant des contrats aidés, Mademoiselle Ayana B..., pour la signature de l'avenant qui précise les missions d'accueil (comme elle en avait émis le souhait) ainsi que les nouveaux horaires.
La communication est difficile, les propos concernant le collège, insultants, certains gestes sont surprenants (à un moment Madame Maryse X... saisit une paire de ciseaux et la tient contre sa gorge).
Madame Maryse X... quitte mon bureau, avant la fin de nos échanges, se rend à l'accueil de l'administration où elle tient des propos très grossiers.
Alertée par des cris, j'apprends qu'elle a agressé verbalement et physiquement un personnel de la vie scolaire, Mademoiselle Carole C....
Très choquée, Mademoiselle Carole C... m'informe qu'elle avait déjà reçu des menaces de la part de Madame Maryse X....
Madame Maryse X..., de par les propos qu'elle tient à l'intérieur du Collège, de par la violence de ses actes, met en cause la sérénité des élèves et du personnel et porte préjudice au bon fonctionnement de l'établissement.
Je remets en mains propres à Madame Maryse X... (condition pour qu'elle quitte l'établissement) l'interdiction de pénétrer dans l'établissement, pour des raisons de sécurité.
Je lui précise que ce courrier lui sera adressé par voie postale.
La Principale,
R Y... «
Une autre pièce est régulièrement produite par l'appelant :
RAPPORT D'INCIDENT
« Ce Vendredi 05 Février 2010, vers 9 h 50, Madame X... Maryse se présente dans l'établissement scolaire EUGENE YSSAP où je travaille dans le cadre d'un contrat d'avenir à la vie scolaire, m'a agressé (devant témoin) verbalement et physiquement dans l'enceinte de l'Etablissement.
« Elle a tenu des propos injurieux et grossiers.
« Elle m'a tiré les cheveux et frappé à la tête avec son portable.
« J'ai dû crier pour qu'elle puisse me lâcher. »
Madame C... Carole «
Celle-ci a déposé plainte et Madame X... a été convoquée en vue d'une procédure de composition pénale pour : « violence sur D... Carole épouse C..., en faisant usage d'une arme, en l'espèce un téléphone portable, sans I. T. T.. »
D'autres enseignants ou membres du personnel, qui ont assisté à la scène, ont confirmé cette agression, à savoir :
- Madame Rosette E... :
« … Madame C... qui passait par là a été agressée physiquement par elle. Elle lui a porté un coup au front avec le portable qu'elle avait en main et tiré les cheveux. »
- Madame F... Darline :
« J'ai vu Madame X... assise en train de pleurer et d'injurier, quand C... est passée près d'elle. Elle s'est levée, l'a prise par les cheveux et lui a donné un coup de point avec son portable dans la main sur la tête. «
Au vu de ces pièces, la Cour, en infirmation du jugement dont appel, considère que les critères permettant de retenir la faute grave sont en l'espèce parfaitement caractérisés : les caractères réel, sérieux, objectif et matériellement vérifiable des faits reprochés.
Comme justement souligné par l'appelant, un collège, lieu de transmission du savoir, d'éducation des jeunes, ne saurait être transformé en arène de violence physique, et d'injures grossières : le personnel tenu de donner l'exemple dans sa tâche éducative, ne peut se livrer à des actes de violence en agressant un autre collègue.
S'agissant d'une rupture pour faute grave, aucun salaire n'est du par l'employeur.
- sur la procédure :
La lettre du 5 février 2010 a été annulée par courrier du 9 février ; Mme X... a été convoqué à un entretien préalable auquel elle ne s'est pas présentée. Il convient donc de débouter Mme X... de sa demande pour procédure irrégulière.
- sur les frais irrépétibles :
Compte tenu des éléments de la cause, il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme X... Maryse de toutes ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Mme X... Maryse aux éventuels dépens.
Le Greffier, P/ Le Président,