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16/07/2012 | FRANCE | N°11/00123

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 16 juillet 2012, 11/00123


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 278 DU SEIZE JUILLET DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00123
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 21 décembre 2010.
APPELANTE
SOCIETE TRANSPORT COTE SOUS LE VENT 58 rue Saint Jean 97116 POINTE NOIRE Représentée par Me CESAR de la SCP CESAR/ LACLUSE substituant Me Jean-Louis ANDREAU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE
Madame Yvonette Y...... 97116 POINTE NOIRE Représentée par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) avocat au barreau de GUADELOUPE e

t par M. Gaby Z..., délégué syndical ouvrier.

INTERVENANT VOLONTAIRE
LE SYNDICAT U...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 278 DU SEIZE JUILLET DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00123
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 21 décembre 2010.
APPELANTE
SOCIETE TRANSPORT COTE SOUS LE VENT 58 rue Saint Jean 97116 POINTE NOIRE Représentée par Me CESAR de la SCP CESAR/ LACLUSE substituant Me Jean-Louis ANDREAU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE
Madame Yvonette Y...... 97116 POINTE NOIRE Représentée par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) avocat au barreau de GUADELOUPE et par M. Gaby Z..., délégué syndical ouvrier.

INTERVENANT VOLONTAIRE
LE SYNDICAT UNION GENERALE DES TRAVAILLEURS DE LA GUADELOUPE (U. G. T. G) Représenté par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) avocat au barreau de GUADELOUPE et par M. Gaby Z..., délégué syndical ouvrier.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 juillet 2012

GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.

ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, aux lieu et place de M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, légitimement empêché (article 456 du CPC) et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
La Société Transport Côte Sous le Vent, ci-après désignée TCSV est une entreprise de transport public de voyageurs, intervenant par convention en la forme d'une délégation de service public conclu avec le Conseil Général du département de la Guadeloupe, et ce sur quatre lignes. Elle emploie 27 salariés en contrat à durée indéterminée, dont 25 conducteurs receveurs. Cette entreprise devait s'organiser pour répondre au cahier des charges imposé par le Conseil Général.
Par acte huissier en date du 9 juin 2010, Mme Y..., comme d'autres salariés de l'entreprise, faisait citer l'employeur devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir notamment le paiement de rappels de salaires, d'heures supplémentaires, d'une indemnité de congés payés et d'une indemnité pour contrepartie de repos compensateurs. Il était également demandé d'ordonner à la Société TCSV de communiquer l'ensemble des documents lui ayant permis de calculer les salaires pour les années 2008, 2009 et 2010. Mme Y... sollicitait en outre paiement d'indemnités à la suite de la rupture de son contrat de travail qu'elle qualifiait d'abusive.
Par décision du 29 juin 2010, le bureau de conciliation de la juridiction prud'homale désignait deux conseillers rapporteurs avec pour mission générale de mettre l'affaire en état d'être jugée et pour mission particulière de tenter de concilier les parties ou à défaut réunir sur cette affaire les éléments d'information nécessaires au conseil pour statuer, et plus précisément en entendant les parties, et en recueillant auprès de celles-ci tout document justificatif propre à éclairer le conseil. Il était alloué à Mme Y... la somme de 8026, 38 euros de provision sur salaire.
Les conseillers rapporteurs déposaient leur rapport le 15 septembre 2010. Dans ce rapport il était constaté l'absence d'éléments suffisants pour définir le montant supposé des heures effectives de travail du salarié, ainsi que le fait que M. C..., le gérant de la Société TCSV, n'avait pas produit l'ensemble des documents réclamés, estimant que les chauffeurs avaient bien effectué des heures supplémentaires mais qu'en l'état actuel il était impossible de définir leur nombre.
Par décision du 21 décembre 2010, le conseil de prud'hommes, jugeait que Mme Y... avait bien effectué des heures supplémentaires et condamnait la Société TCSV à payer, notamment à Mme Y..., la somme de 12 152, 62 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2008 et 2009 ainsi que la somme de 1215, 27 euros à titre d'indemnité de congés payés sur les salaires. Il était en outre ordonné à chacune des parties de produire au conseil une note détaillée relatant les conditions d'exécution du contrat de travail et faisant ressortir pour chaque chef de demande, un décompte précis accompagné autant que faire se peut des pièces justificatives, l'affaire étant renvoyée à l'audience du bureau de jugement du 16 mai 2011.
Par déclaration adressée le 14 janvier 2011, la Société TCSV interjetait appel du jugement du 21 décembre 2010, à l'encontre de Mme Y....
Il était procédé à l'audience du 12 décembre 2011 à une tentative de conciliation devant le président de la chambre sociale de la Cour, chargé de l'instruction de l'affaire, un délai de réflexion étant accordé aux parties jusqu'au 9 janvier 2012 afin de se prononcer sur les propositions de conciliation, lesquelles ne recueillaient finalement pas l'accord des parties.
Parallèlement à la tentative de conciliation, il était fixé par ordonnance, à l'audience du 12 décembre 2011, avec l'accord des parties qui étaient toutes comparantes, y compris M. C..., le gérant de la Société TCSV, un calendrier de procédure fixant pour chacune d'elles les délais de communication de pièces et de conclusions, l'audience des débats étant fixée au 7 mai 2012.
Le renvoi de l'affaire à l'audience des débats du 7 mai 2012 était donc contradictoire à l'égard de toutes les parties, et bien que les délais fixés pour l'échange des pièces et conclusions aient été fixés en application des dispositions des articles 446-2 et 939 du code de procédure civile, après avoir recueilli l'accord des parties, la Société TCSV, représentée à l'audience du 7 mai 2012, par Me Cesar, avocat au Barreau de Guadeloupe, substituant Me Jean-Louis Andreau, avocat au Barreau de Paris, sollicitait le renvoi de l'affaire à une date ultérieure en faisant état d'un courrier en date du 20 avril 2012, duquel il résultait que n'avaient pas pu être menés à bien par l'employeur et son conseil des travaux importants destinés à préciser le détail du temps de travail de chacun des salariés, comparé aux fiches de paye et aux revendications des salariés.
Le renvoi de l'affaire était refusé au motif que l'appel interjeté par la TCSV remontait au 19 janvier 2011, soit près de 16 mois avant l'audience des débats, et que 5 mois avant celle-ci, avaient été fixés les délais pour l'échange des dernières pièces et conclusions des parties, la société appelante ayant dès lors bénéficié de délais amplement suffisants pour être en état de débattre de l'affaire au fond.
Subsidiairement le conseil de l'appelante faisait référence aux conclusions du 10 novembre 2011 déposées dans l'intérêt de sa cliente.
Par ces conclusions, la Société TCSV sollicite l'infirmation pure et simple du jugement déféré. Elle critique le calcul théorique du conseil de prud'hommes, duquel il ressort que l'entreprise devrait compter 35 chauffeurs à temps plein pour accomplir les trajets tels qu'ils résultent des obligations prescrites par le Conseil Général, alors qu'elle ne pouvait assurer l'ensemble des services définis par la collectivité territoriale compte tenu des difficultés rencontrées dans le cadre du contrat conclu avec celle-ci.
Elle fait valoir que la durée du travail effectif des demandeurs est distincte de l'amplitude de la journée de travail, de laquelle il convient de déduire les temps de pause ou coupures. Elle explique que la salariée était affectée à un service régulier, lequel suivait des horaires définis et non continus, dont le planning a été remis à l'intéressée. Elle reproche à la salariée de réclamer le paiement (avec majoration au titre des heures supplémentaires) de périodes de temps où elle ne travaille pas et peut vaquer librement à ses occupations, et d'ajouter un temps fictif de 50 minutes dont on ignore complètement la source.
Elle entend voir rejeter l'ensemble des demandes de la salariée pour ce qui a trait à la durée du travail et notamment au paiement des heures supplémentaires, de congés payés sur lesdites heures, et de dommages intérêts pour travail dissimulé. Elle réclame le paiement de la somme de 450 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées au conseil de la partie adverse le 16 avril 2012, Mme Y... sollicite la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions prises en sa faveur.
Elle demande en outre la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein depuis son embauche, le 15 septembre 2008, et la condamnation de la société à lui payer son salaire à temps plein depuis cette date en deniers ou quittances à hauteur de la somme de 18 582, 03 euros tel que calculé dans le tableau figurant dans ses conclusions. Elle entend voir en outre condamner la Société T. C. S. V. à lui payer ses salaires échus depuis sa mise à pied de fait jusqu'au 7 mai 2012, date de l'audience des débats devant la Chambre sociale de la Cour d'appel, faisant valoir qu'elle n'avait pas reçu de lettre de licenciement et qu'elle devait toujours de ce fait figurer aux effectifs de l'entreprise.
****
Le Syndicat Union Générale des Travailleurs de la Guadeloupe (U. G. T. G.), faisant valoir qu'il intervient en la cause au titre de l'article L 2132-3 du code du travail, et soutenant que le comportement du gérant avait pénalisé gravement les intérêts matériels et moraux du syndicat et de ses salariés, dans la mesure où l'accord de fin de conflit en date du 15 octobre 2009 n'avait pas été appliqué de façon loyale par la direction, les élections de délégués du personnel ayant été reportées à plusieurs reprises pour n'être organisées que le 6 mai 2010 dans des conditions tardives et contestables, et dans la mesure où deux salariés avaient été licenciés sans pouvoir bénéficier d'une possibilité de se présenter aux élections des délégués du personnel, réclame paiement d'une indemnité d'un euro au titre de son préjudice moral et matériel, ainsi que le versement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le Syndicat U. G. T. G. demande en outre que soit ordonnée l'application de l'accord de fin de conflit du 3 janvier 2011 et le paiement des salaires, primes et indemnités prévus tant par cet accord que par la convention collective régionale du transport de Guadeloupe du 30 mai 2011.
Motifs de la décision :
Selon les dispositions de l'article L3121-1 du code du travail la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon les dispositions de l'article 2 du décret no 2003-1142 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes, la durée du travail effectif est égale à l'amplitude de la journée travail, diminuée de la durée totale des coupures et du temps consacré au repas, à l'habillage et au casse-croûte.
Il y a lieu de rappeler que l'accord du 18 avril 2002 relatif à l'aménagement, l'organisation et la réduction du temps de travail et aux rémunérations des personnels des entreprises de transport routier de voyageurs, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, qui a fait l'objet d'un arrêté d'extension du 22 décembre 2003, et qui prévoit dans son article 4 que le temps de travail effectif des conducteurs
comprend les temps de conduite, les temps de travaux annexes et les temps à disposition, tels que définis par ce même texte, n'est pas applicable en l'espèce, puisque la convention collective nationale du 21 décembre 1950 a pour périmètre d'application le territoire métropolitain.
Il résulte des pièces versées aux débats, que par courrier du 15 mars 2010, l'inspecteur du travail a adressé au gérant de la Société TCSV un certain nombre d'observations, en particulier en ce qui concerne la durée du travail des salariés.
C'est ainsi qu'il était relevé au visa des dispositions de l'article 7 du décret no 2003-1242 du 22 décembre 2003, à titre d'exemple, que l'examen des parcours et horaires de la ligne 2-1, bus A, montrait que le salarié prenait son poste à 4 heures 45 et le quittait à 15 heures 45 après avoir effectué 6 rotations, l'amplitude théorique étant de 11 heures, mais que toutefois il convenait d'ajouter à ces 11 heures le trajet de 20 minutes que le salarié parcourait aux commandes du véhicule du lieu de remisage de ce bus à Pigeon (commune de Bouillante) jusqu'au lieu de départ de la ligne à Pointe-Noire. Il était également indiqué que le chauffeur était tenu de se trouver avec son véhicule au lieu de départ 10 minutes avant l'heure de départ pour satisfaire aux obligations de billetterie, et qu'il en était de même de la fin de service (15 heures 45) qui doit être augmentée des 20 minutes du trajet Pointe-Noire-Pigeon (lieu de remisage du bus) et des 10 à 20 minutes nécessaires au réapprovisionnement en gasoil du véhicule. L'inspecteur du travail considérait que l'amplitude journalière réelle des salariés était au moins égale ou supérieure à 13 heures et il constatait que le respect des périodes d'interruption prescrites par l'article 7 du décret précité, variant d'une heure et demie continue (lorsque l'amplitude est prolongée au-delà de 12 heures et jusqu'à 13 heures) à 3 heures continues (lorsque l'amplitude est prolongée au-delà de 13 heures), n'apparaissait pas sur les plannings mis à sa disposition. L'inspecteur du travail demandait à l'employeur de lui faire parvenir dans les meilleurs délais ses observations sur les faits ainsi évoqués, et de tenir à sa disposition les documents justificatifs individualisés prévus par la législation.
L'inspecteur du travail poursuivait ses observations en relevant que la durée effective de travail des salariés n'était pas correctement retranscrite. Il demandait à l'employeur de tenir à sa disposition les plannings de travail individualisés et autres documents justificatifs du temps de travail de tous les personnels roulants, en application de l'article 10 du décret no 2003-1242 du 22 décembre 2003. Il précisait qu'il devait être vérifié que le salarié ne dépassait pas le nombre d'heures maximum de temps de travail au service de l'employeur, et qu'il observait à ce propos un problème au sujet du temps d'attente du salarié aux stations de Basse-Terre et Pointe Noire. Il relevait que ce temps était nécessairement fluctuant compte tenu des délais de route, les 10 minutes affectées au fonctionnement de la billetterie devant être considérées comme du temps de travail, et qu'il en était de même à son avis de la vérification (concernant le véhicule), prévue à l'article 6 du règlement intérieur, indiquant qu'il n'avait pas été demandé d'autorisation administrative pour ce dépassement d'amplitude. Il faisait savoir qu'il entendait procéder en priorité au contrôle de la durée de travail d'un certain nombre de salariés choisis sur le registre du personnel, et que sauf situation nouvelle démontrée au cours des vérifications à venir, il y avait lieu de croire que des heures supplémentaires étaient dues ainsi que des compensations.

Sur les rappels de rémunération au titre des années 2008 à 2009 :

À l'appui de sa demande de paiement de rémunération, Mme Y... produit un tableau détaillé faisant apparaître :- le nombre et le montant des heures de travail payées,- le nombre d'heures de travail effectif mensuelles, sur la base de l'horaire quotidien compris entre le début de la prise de fonction et la fin de la journée de travail,- le nombre d'heures supplémentaires majorées et leur montant, et le solde dû par l'employeur pour chacun des mois de l'année 2009. Il résulte de ce tableau que la Société TCSV reste redevable à l'égard du salarié de la somme de 6 997, 41 euros au titre de l'année 2009 outre 699, 74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférentes à ce solde de rémunération.

Par contre il n'est produit aucun décompte détaillé d'heures supplémentaires au titre des années 2008 et 2010, ainsi que pour la contrepartie des temps de repos compensateurs obligatoires, la salariée se bornant à avancer un chiffre global, et ne fournissant aucun élément permettant d'étayer ses prétentions pour ce poste de demande.
Il y a lieu de rappeler que selon les dispositions de l'article D 3171-8 du code du travail, lorsque les salariés d'un service ou d'une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :- 1oquotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;- 2o chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

Par ailleurs il résulte des dispositions de l'article 10 du décret no 2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes, que l'ensemble des heures effectuées, constitutif de la durée du temps passé au service de l'employeur, par les personnels de conduite, fait l'objet d'un décompte quotidien et de récapitulations hebdomadaires et mensuelles, et que le conducteur a le droit d'obtenir communication :- en cas de conduite d'un véhicule équipé d'un appareil de contrôle défini par l'annexe I au règlement (CEE) no 3821/ 85 du 20 décembre 1985, des feuilles d'enregistrement de l'appareil le concernant et les documents récapitulatifs de ses horaires de travail,- en cas de conduite d'un véhicule équipé d'un appareil de contrôle défini par l'annexe I B du même règlement, des données électroniques enregistrées dans la mémoire de sa carte personnelle de conducteur et des données le concernant enregistrées dans celle de l'unité véhicule de l'appareil téléchargées sur un support de sauvegarde.

Selon les dispositions du même texte, l'entreprise doit remettre aux conducteurs qui en font la demande, selon le cas :- une copie des feuilles d'enregistrement, dans un format identique à celui des originaux,- une copie des fichiers issus du téléchargement des données électroniques contenues dans leurs cartes personnelles de conducteur, sur support informatique ou support papier à leur convenance.

Il ressort des explications fournies au cours des débats, que la Société TCSV utilise ces types d'appareils d'enregistrement. Il incombait à l'employeur, en application du décret suscité, de produire outre les feuilles d'enregistrement de conduite, les documents récapitulatifs des horaires de travail.
Il est produit aux débats copies des lettres recommandées avec avis de réception adressées par les salariés le 10 mai 2010, portant mise en demeure adressée au gérant de la Société TCSV dans les termes suivants :
« Me communiquer, en ma qualité de conducteur au sein de votre Société TCSV, tous les éléments que vous avez enregistrés pouvant établir la durée du temps passé à votre service que vous devriez d'ailleurs annexer chaque mois à ma fiche de paie pour les années 2008-2009 et 2010. Ces documents doivent préciser le total cumulé des heures supplémentaires effectuées et des repos compensateurs acquis par mois, et le nombre d'heures de repos compensateurs effectivement pris chaque mois. »

Si l'employeur a nécessairement remis à chacun des conducteurs les horaires à respecter pour assurer le service de ligne de voyageurs dont il lui était confié la charge, ces horaires ne peuvent rendre compte du temps effectif de travail accompli par la salariée.
Il y a lieu de constater que non seulement l'employeur ne produit pas les enregistrements de la durée du temps de conduite de chacun des conducteurs concernés, mais en outre il ne précise pas le temps consacré par chaque conducteur aux travaux annexes qui doivent s'ajouter au temps de conduite pour déterminer le temps effectif de travail, ces temps de travaux annexes comprenant en particulier le temps de prise et de fin de service, celui consacré à la mise en place du support d'enregistrement, à la préparation du véhicule, à la montée et au débarquement des passagers, à la vente des titres de transport, à la remise de la recette.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, les horaires de travail journaliers invoqués par les salariés, ne peuvent être qualifiés d'exagérés, car comme l'a relevé l'inspecteur du travail, en examinant le seul planning de la ligne 2-1 du bus A, l'horaire atteint 11 heures, augmentées des seules sujétions annexes qu'il a retenues, pour s'établir à 12 heures par jour, ce qui donne un horaire mensuel d'environ 264 heures.
Aucune mesure d'instruction, de type expertise n'apparaît utile, l'employeur s'étant révélé au cours de la présente procédure dans l'incapacité d'exploiter ses propres enregistrements et de fournir le temps de travail effectif de chacun de ses salariés.
Ainsi l'employeur ne produisant pas les éléments permettant de critiquer le décompte détaillé des heures de travail dont le paiement est réclamé par la salariée, il y a lieu de faire droit à la demande de celle-ci concernant le paiement des sommes de 6 997, 41 euros au titre du rappel de salaire pour l'année 2009, et de 699, 74 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents à ce rappel.
Par contre dans la mesure où il n'est produit aucun décompte détaillé ni du nombre d'heures supplémentaires qui auraient été accomplies au titre de l'année 2008, ni du montant réclamé à ce titre, ni de la contrepartie de repos compensateurs obligatoires, la salariée se bornant à avancer un chiffre global sans fournir d'éléments de nature à étayer ses prétentions pour ces postes de demande, il ne peut être fait droit à ceux-ci.
Sur la rupture du contrat de travail :
Selon contrat de travail en date du 6 octobre 2008, Mme Y... a été engagée par la Société T. C. S. V. en qualité de chauffeur à compter du 15 septembre 2008, pour une durée mensuelle de travail de 117 heures, moyennant une rémunération mensuelle de 1019, 07 euros.
Mme Y... explique que lors d'une réunion générale du personnel de la Société T. C. S. V., le samedi 20 juin 2009, elle a dénoncé le nombre d'heures de travail qu'elle effectuait, plus de 300 heures par mois sans la rémunération correspondante, plus de 5 jours par semaine, au mépris de toute réglementation sur la durée de repos quotidien, de repos hebdomadaire et de repos compensateur. Elle fait valoir que l'employeur depuis le 22 juin 2009 l'a maintenue dans ses effectifs sans travail, sans rémunération, sans revenus de remplacement, sans fiches de paie, sans lettre de licenciement.
Toutefois elle reconnaît que par courrier du 1er octobre 2009, l'employeur a prononcé son licenciement en lui reprochant « son absence sans excuse, ni motif depuis le 22 juin 2009 ».
Sont produit aux débats :
- les lettres en date des 7 juillet 2009, 31 août 2009 et 12 septembre 2009, par lesquelles l'employeur reproche à Mme Y... d'être absente de son poste de travail sans excuse ni motif, depuis le 22 juin 2009, et l'a convoquée à des entretiens fixés respectivement au 13 juillet 2009, 4 août 2009 et 18 septembre 2009,
- la lettre de licenciement du 1er octobre 2009, mentionnant pour objet « mise en demeure de réintégration de poste », mais dans laquelle l'employeur prononce le licenciement de la salariée, qui selon lui aurait reconnu, lors des entretiens des 18 et 21 juin 2009, avoir abandonné son poste de travail, sans excuse ni motif et ne plus vouloir venir travailler.
Il résulte de l'examen de ces pièces, que le contrat de travail de Mme Y... a bien été rompu le 1er octobre 2009 à l'initiative de l'employeur, mais que le refus de Mme Y... de reprendre son poste de travail est motivé par le faite qu'elle accomplissait un temps de travail bien supérieur à celui fixé dans son contrat à temps partiel, étant rappelé qu'il lui a été alloué la somme de 6997, 41 euros au titre des heures supplémentaires travaillées entre janvier et juin 2009.
Le refus par Mme Y... de reprendre ses fonctions, étant motivé par le manquement de l'employeur à son obligation de rémunérer la totalité des heures de travail, ne peut être imputé à faute à la salariée. Il en résulte que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur, et que le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence il sera alloué à Mme Y... une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2906, 30 euros, correspondant à 2 mois de salaire, sur la base d'une rémunération mensuelle de 1453, 15 euros.
L'indemnité légale de licenciement due à hauteur de 1/ 5 ème du salaire mensuel par année d'ancienneté, doit être fixée à 290, 63 euros, compte tenu d'une ancienneté d'un an de la salariée.

Mme Y... ayant moins de 2 ans d'ancienneté, elle ne peut prétendre, en application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail, à l'indemnisation minimale de 6 mois de salaire prévue à l'article L 1235-3 du même code. L'intéressée ne justifiant pas de l'étendue du préjudice qu'elle a subi, en ne fournissant pas notamment d'éléments sur une quelconque durée de chômage, il lui sera alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, équivalente à un mois de salaire, soit la somme de 1453, 15 euros.

Il ne ressort pas des pièces versées aux débats que Mme Y... ait fait l'objet d'un licenciement prononcé de façon brutale, humiliante ou vexatoire, ou avec légèreté blâmable ou intention de nuire. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil.
Le contrat de travail ayant été rompu depuis le 1er octobre 2009, Mme Y... se voyant allouer le règlement des heures supplémentaires réclamées, il n'y a pas lieu de prononcé la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de la salariée des frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes du syndicat U. G. T. G. :

Dans la mesure où il apparaît que le comportement de l'employeur a lésé l'intérêt collectif des salariés, en omettant de tenir un décompte du temps de travail effectivement accompli par chacun des salariés, le Syndicat U. G. T. G. qui a oeuvré au respect des droits de ces salariés en la matière, est recevable et bien fondé à solliciter le paiement de la somme d'un euro à titre d'indemnité pour son préjudice moral, outre la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Condamne la Société TCSV à payer à Mme Y... les sommes suivantes :-6 997, 41 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2009,-699, 74 euros d'indemnité de congés payés sur ce rappel de salaire,- de 2906, 30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-290, 63 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-1453, 15 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Société TCSV à payer au Syndicat U. G. T. G. la somme d'un euro à titre d'indemnisation de son préjudice, outre celle de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens, tant de première instance que d'appel sont à la charge de la Société TCSV,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, P/ Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00123
Date de la décision : 16/07/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-07-16;11.00123 ?
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