La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2012 | FRANCE | N°09/01809

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 16 juillet 2012, 09/01809


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 277 DU SEIZE JUILLET DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 09/ 01809
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 24 novembre 2009.
APPELANTE
ASSOCIATION EPHPHETHA DEVELOPPEMENT, Route de Neuf Château-Bélair 97130 CAPESTERRE BELLE-EAU Représentée par Me José GALAS (TOQUE 43) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
Mademoiselle Suzelle X... ... 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par M. Ernest DAHOME, délégué syndical ouvrier

COMPOSITION DE LA COUR :

L

'affaire a été débattue le 07 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 277 DU SEIZE JUILLET DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 09/ 01809
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 24 novembre 2009.
APPELANTE
ASSOCIATION EPHPHETHA DEVELOPPEMENT, Route de Neuf Château-Bélair 97130 CAPESTERRE BELLE-EAU Représentée par Me José GALAS (TOQUE 43) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
Mademoiselle Suzelle X... ... 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par M. Ernest DAHOME, délégué syndical ouvrier

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour 2 juillet 2012 puis le délibéré a été prorogé au 16 juillet 2012

GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, aux lieu et place de M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, légitimement empêché (article 456 du CPC) et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Mme Suzelle X... a été embauchée en qualité de psychomotricienne le 1er octobre 1986 par l'Association EPHPHETHA assurant la gestion du centre d'éducation spécialisé pour déficients auditifs situé à Capesterre Belle-Eau. Par lettre d'engagement du 2 juillet 1999 Mme X... se voyait confier le poste de directrice du centre. Elle était positionnée dans l'emploi de directeur d'établissement, niveau 2, avec affectation du coefficient 668, telle que prévue par la Convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
Il était stipulé qu'elle devait percevoir une indemnité mensuelle de responsabilité de 60 points, et que sa prime de technicité de « 30 % » (gelée par la D. A. S. S.) était maintenue, sa rémunération mensuelle brute s'élevant à 19 370, 74 francs, comprenant la prime de technicité à hauteur de 3143, 62 francs.
Le 26 janvier 2007, Mme X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses indemnités, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages intérêts pour harcèlement moral.
Le 1er février 2007, Mme X... déposait plainte auprès des services de gendarmerie, à l'encontre du président du conseil d'administration de l'Association EPHPHETHA, pour harcèlement professionnel.
Par lettre du 19 avril 2007, Mme X... se voyait notifier à la fois son licenciement et une mise à pied à titre conservatoire avec effet à compter du 18 avril 2007 jusqu'au 30 avril 2007.
Par jugement du 24 novembre 2009, la juridiction prud'homale, rejetant la demande de sursis à statuer présentée par l'employeur en l'attente de la suite donnée à la plainte déposée par la salariée pour harcèlement moral, constatait le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et constatait la rupture de ce contrat au 20 avril 2007, imputant ladite rupture à l'employeur et l'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ce jugement l'Association EPHPHETHA était condamnée à payer à Mme X... les sommes suivantes :-28 695, 25 euros à titre de rappel de salaire de février 2002 à décembre 2006,-35 110, 98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-6380, 63 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-70 221, 96 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-87 777, 45 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11 décembre 2009, l'Association EPHPHETHA interjetait appel de cette décision.
****
Par conclusions du 3 décembre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'Association EPHPHETHA sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir juger que le licenciement de Mme X... est régulier et justifié par une cause réelle et sérieuse. L'association réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste les motifs invoqués par Mme X... à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, à savoir qu'un élément essentiel de son contrat de travail aurait été modifié, que les dispositions conventionnelles n'auraient pas été respectées et que le président de l'Association EPHPHETHA lui aurait fait subir un harcèlement moral dans le but d'obtenir sa démission.
Elle expose que Mme X... dès les premiers contacts avec son nouvel employeur, n'a pas entendu respecter le principe de subordination en acceptant les ordres et directives de ce dernier qui avait pour souci d'améliorer leur collaboration dans l'intérêt du service. Elle fait valoir que Mme X... refusait de travailler en équipe avec le personnel d'encadrement, et que s'agissant de l'insuffisance professionnelle elle n'avait pas été en mesure notamment de présenter un projet d'établissement au conseil d'administration, et que par ailleurs plusieurs rappels ou injonctions ont dû lui être faits pour obtenir l'observation de la réglementation dans l'exécution de tâches résultant de son contrat de travail, en particulier en matière de congés du personnel. Il est également reproché à Mme X... d'avoir, dans un courrier adressé le 7 décembre 2007 à l'autorité de tutelle, en réalité l'autorité de tarification et de contrôle de la mise en oeuvre du projet d'établissement, contesté la mesure prise par l'Association EPHPHETHA pour assurer le fonctionnement normal de l'établissement en son absence pour raison de maladie. Il est invoqué également différentes carences de la directrice portant sur les services éducatifs généraux, l'hygiène et la sécurité, en matière d'information du personnel sur les différentes possibilités de formation (DIF, CIF …) Il est fait état également d'un comportement injurieux à l'égard du président du centre.
****

Par conclusions notifiées à la partie adverse le 4 avril 2012, Mme X... sollicite la confirmation de la décision entreprise concernant l'octroi de l'indemnité compensatrice de préavis, de dommages intérêts pour harcèlement moral et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Formant appel incident elle sollicite la condamnation de l'Association EPHPHETHA à lui payer les sommes suivantes :
-31 981, 77 euros de rappel sur la prime de technicité de février 2002 à décembre 2005,-31 410, 40 euros d'indemnité de sujétion spéciale de février 2002 à avril 2007,-175 554, 90 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-105 332, 94 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,-9850, 32 euros d'indemnité compensatrice de congés payés.

Mme X... demande en outre la remise sous astreinte d'un nouveau certificat de travail, d'une nouvelle attestation Pôle Emploi et de nouvelles fiches de paie conformes à la décision à intervenir, ainsi que le paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est fondée tout d'abord sur la modification d'un élément essentiel du contrat de travail, s'agissant de la mesure de gel appliquée à la prime de technicité à compter du 1er janvier 1994, Mme X... estimant que cette mesure ne pouvait être opposable à la salariée, la prime de technicité devant être considérée comme une gratification d'usage, devenue un élément normal et permanent du salaire.
Il est également reproché à l'employeur le non-respect des dispositions conventionnelles en ce qui concerne le droit pour le personnel d'encadrement à l'indemnité liée au fonctionnement des établissements et services.
Il est invoqué en outre des faits de harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet à partir de la prise de fonction de M. A... en qualité de président du conseil d'administration de l'Association EPHPHETHA, comme le montreraient les " échanges incessants de courriers ".
Elle conteste la forme de son licenciement et les motifs invoqués postérieurement, faisant valoir qu'elle a fait l'objet d'un licenciement notifié verbalement, confirmé par la lettre du 19 avril 2007.

Motifs de la décision :

Sur le gel de la prime de technicité à compter du 1er janvier 1994 :
Une lettre conjointe d'une part de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, dépendant du Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville, d'autre part de la Direction des Actions de Solidarité Départementale, dépendant du Conseil Général du département de la Guadeloupe, adressée le 6 octobre 1993 aux directions des institutions sociales et médico-sociales du département, indiquait qu'il avait été mis en place un dispositif devant régler définitivement le problème de la prime de " 30 % " qui constituait un avantage local et circonstanciel accordé à certaines catégories de personnel, s'agissant d'un avantage dérogatoire à la convention collective nationale du 15 mars 1966 et à l'article 20 du décret 88-279 du 24 mars 1988
Dans ce courrier il est rappelé qu'il avait été décidé en 1990 la non-application de cette prime à tout nouveau contrat de travail, puis le 29 octobre 1992 une mesure transitoire était entrée en application à compter du 1er novembre 1992, disposant que le personnel ayant obtenu sa mutation dans un autre établissement social ou médico-social à but non lucratif, gardait le bénéfice de cette prime sous réserve qu'elle soit gelée au niveau du montant perçu à la veille du jour de sa mutation. Il était précisé que dans le but d'harmoniser les situations, il était décidé d'appliquer la mesure de gel à tous les bénéficiaires de cette prime, cette mesure prenant effet à compter du 1er janvier 1994, et la convention collective nationale du 15 mars 1966 devant être appliquée de façon rigoureuse pour tous les autres contrats de travail.
L'examen des bulletins de paie de Mme X... montre qu'effectivement le montant de sa prime de technicité de 30 % du salaire brut est resté constant bien qu'à partir du mois d'octobre 1994 ce salaire brut ait augmenté.

Si Mme X... soutient que cette prime de technicité est un élément normal et permanent du salaire dans la mesure où son usage était constant, fixe et général, il y a lieu de rappeler que dans les établissements privés gérant un service social ou médico-social à but non lucratif et dont les dépenses de fonctionnement sont supportées directement ou indirectement par une personne morale de droit public ou un organisme de sécurité sociale, un accord collectif à caractère salarial ne peut légalement prendre effet qu'après agrément ministériel, et que dans un tel système, l'usage doit être soumis aux mêmes conditions. La rémunération des personnels des établissements gérés par l'Association EPHPHETHA, étant supportée par la collectivité publique, la gratification d'usage en cause ne pouvait être poursuivie faute d'agrément ministériel.

En conséquence il ne peut être imputé à l'employeur une modification d'un élément essentiel du contrat de travail résultant du gel de la prime de technicité à compter de janvier 1994, puisque ladite prime qui constituait un avantage local et circonstanciel, dérogatoire à la convention collective nationale du 15 mars 1966 et à l'article 20 du décret 88-279 du 24 mars 1988, ne pouvait être considérée comme constituant un élément permanent du salaire.

Sur la revendication d'indemnité de sujétion liée au fonctionnement des établissements et services :

Mme X... explique que s'il lui a été attribué l'indemnité liée au fonctionnement de l'association, telle que prévue par l'article 12. 1 de l'annexe 6 de la convention collective relative au personnel d'encadrement, il lui serait dû l'indemnité de sujétion particulière liée au fonctionnement des établissements et services, laquelle est prévue par l'article 12. 2 de ladite annexe.
Comme le relève l'Association EPHPHETHA, l'indemnité liée au fonctionnement de l'Association EPHPHETHA, dont le paiement n'est pas revendiqué par Mme X..., et qui n'apparaît d'ailleurs pas sur les bulletins de paie de la salariée, ne lui est pas due dans la mesure où elle est réservée au directeur d'une association employant au minimum 200 salariés.
Par contre l'indemnité de sujétion liée au fonctionnement des établissements et services, dont le versement est réclamé par Mme X..., apparaît avoir été intégrée dans sa rémunération. Elle apparaît sur les bulletins de paie sous forme de prime de responsabilité, ressortant dans un premier temps par l'attribution d'une prime spécifique, puis à compter du 1er novembre 2005, sous la forme de l'octroi de 200 points d'indice.
L'employeur apparaît ainsi avoir respecté les dispositions de l'article 12 de l'annexe 6 de la convention collective nationale, le non-respect des dispositions conventionnelles invoquées par Mme X... n'étant donc pas établi.

Sur le harcèlement moral :

Dans le but de justifier le harcèlement moral qu'elle reproche au président du conseil d'administration de l'Association EPHPHETHA, M. A..., Mme X... produit un certain nombre de lettres que lui a adressées ce dernier et les réponses qu'elle a apportées, en lui reprochant d'avoir cru devoir utiliser l'envoi « incessant » de courriers, et d'avoir institué dès le début une relation conflictuelle avec elle.

L'examen du contenu de ces courriers ne révèle nullement des propos de nature à produire une dégradation des conditions de travail de la directrice, ni susceptibles de porter atteinte à ses droits, ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Les courriers, il est vrai réguliers et fréquents que le président du conseil d'administration adresse à la directrice ne sont jamais discourtois, et ont pour unique objet d'assurer un fonctionnement efficient de l'institution gérée par l'Association EPHPHETHA. Il est notamment demandé à la directrice d'organiser diverses réunions en soulignant la nécessité de sa présence.
Il y a lieu de rappeler que le fonctionnement de l'institution a été sérieusement perturbé par un conflit social en juin 2004 à l'appel des syndicats U. G. T. G et F. O. ceux-ci réclamant le départ de la directrice, comme le rappelle Mme X... elle-même dans la plainte qu'elle a déposée auprès des services de gendarmerie le 1er février 2007.
Ainsi dans le protocole d'accord de fin de conflit conclu entre l'association et l'intersyndicale, il est mentionné, concernant la directrice, que l'association prend en compte les difficultés de celle-ci dans la gestion des personnels et s'engage à les lui signifier, et qu'il en résulte la nécessité de son accompagnement dans la gestion du centre, de son départ en formation, de l'amélioration des relations extérieures (éducation nationale, tutelle …) et de la mise en place de nouvelles modalités de gestion et de procédures de contrôle.
Outre ce conflit social, il apparaît que l'institution connaissait de graves dysfonctionnements, à tel point que la Direction des Actions de Solidarité Départementale, dépendant du Conseil Général du département, a dû désigner un consultant pour établir un diagnostic et comprendre les problèmes rencontrés dans la structure.
En outre Mme X... précise dans sa déposition auprès des services de gendarmerie que ladite direction a dû nommer un administrateur provisoire pour un an, compte tenu de la déficience du président de l'Association EPHPHETHA de l'époque.
Compte tenu de ces difficultés importantes pour l'Association EPHPHETHA, il est bien certain que le nouveau président de l'Association EPHPHETHA, en la personne de M. A... qui a pris ses fonctions en 2006, se devait, à l'opposé de son prédécesseur, s'impliquer activement dans le redressement de l'institution.
C'est pourquoi M. A... a été amené à intensifier les nécessaires concertations et consultations des instances de l'Association EPHPHETHA (bureau du conseil d'administration, encadrement, parents d'élèves …) en provoquant un certain nombre de réunions, auxquelles il demandait à la directrice d'assister.
Si dans certains courriers des remarques et observations ont été faites à la directrice, elles n'avaient pour but que de remédier aux retards et dysfonctionnements observés dans la gestion administrative.
Il ressort des échanges de courriers entre le président de l'Association EPHPHETHA et la directrice, que celle-ci, sans doute trop longtemps confrontée à la carence du précédent président, a mal supporté la reprise en main, par le nouveau président, de l'administration de l'association, et du contrôle du fonctionnement de l'institution dont la gestion revient à l'Association EPHPHETHA.
Il doit être rappelé que la fiche de poste qui accompagnait la lettre d'engagement du 2 juillet 1999 (bien antérieure à la prise de fonction de M. A...) de Mme X... en qualité de directrice, précisait que celle-ci assurait ses fonctions par délégation du président du conseil d'administration, et était chargée des fonctions d'animation, de direction technique et d'administration générale de l'établissement. Il ressort de cette fiche de poste que la directrice était chargée de l'application des orientations et décisions du conseil d'administration.
Dès lors il apparaissait légitime que le président du conseil d'administration donne un certain nombre d'instructions et de directives afin de pallier les dysfonctionnements de l'institution, et d'en assurer la bonne organisation.
Aucune des demandes, observations ou instructions données par M. A... à Mme X..., lesquelles avaient pour but d'assurer le bon fonctionnement de l'institution, ne laisse apparaître un quelconque propos, ou mesure pouvant porter atteint à la dignité de la directrice ou à ses droits, ou à ses conditions de travail.
S'il apparaît que Mme X... a pu souffrir de perturbations au point d'être en arrêt maladie du 30 novembre 2006 au 8 décembre 2006, il apparaît s'agir d'un comportement réactionnel personnel, uniquement suscité par la subjectivité de la salariée, qui n'a manifestement pas supporté, au regard de son environnement de travail antérieur, que des instructions lui soient adressées par l'autorité hiérarchique, celles-ci n'ayant objectivement que pour but d'améliorer le fonctionnement de l'institution, sans jamais remettre en cause la place et les fonctions de la directrice.
Il est caractéristique de constater que Mme X... a adopté le même type de comportement, se montrant hostile à tout contrôle et refusant toute collaboration, lors de l'inspection diligentée à la demande de la DASS de la Guadeloupe.
Ainsi dans son rapport du 12 décembre 2001, l'inspectrice pédagogique et technique des établissements pour jeunes sourds relevant du ministère de l'emploi et de la solidarité, mentionne que dès la première rencontre avec la directrice, celle-ci a réitéré ses doutes sur l'opportunité de rapports d'inspection, alors qu'il lui était fait savoir qu'il s'agissait de l'un des aspects réglementaires du travail d'un inspecteur, et qu'à partir de ce moment " les échanges ont été pratiquement inexistants et dénués parfois de marques élémentaires de collaboration auxquelles l'inspectrice pouvait s'attendre de la part d'une directrice d'établissement ". Il était relevé que les inspectrices de l'éducation nationale n'avaient pas été traitées avec plus d'égard, ce manque de professionnalisme apparaissant inquiétant.
Ainsi il peut être constaté que le harcèlement moral allégué par Mme X... n'est nullement caractérisé.
Dans ces conditions il n'est établi aucun manquement de l'employeur à ses obligations à l'égard de Mme X..., la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par cette dernière étant, par conséquent, non fondée.
Sur le licenciement de Mme X... :

Dès son courrier du 19 avril 2007, par lequel il notifie à la directrice une mise à pied conservatoire avec effet du 18 avril 2007 jusqu'au 30 avril 2007, le président de l'Association EPHPHETHA fait savoir à Mme X... qu'il a été décidé de mettre fin à son contrat de travail en prononçant son licenciement pour insubordination et insuffisance professionnelle.

Si l'employeur a cru devoir réitérer la notification du licenciement par courrier du 27 avril, en invoquant les mêmes motifs, ce dernier courrier ne peut avoir d'effet dans la mesure où le licenciement avait déjà été notifié à la salariée par courrier du 19 avril, le second courrier ne faisant que confirmer que pour l'employeur la poursuite de l'exécution du contrat de travail pendant le préavis s'avérait impossible.
Si dans sa lettre de licenciement du 19 avril 2007, laquelle au demeurant a été notifiée sans respect du délai de deux jours prévus à l'article L 1232-6 du code du travail, l'employeur pouvait mentionner comme motifs de rupture l'insubordination et l'insuffisance professionnelle reprochées à la salariée, s'agissant de motifs qui par leur nature pouvaient être matériellement vérifiés, encore fallait-il que l'employeur, donne des précisions sur les faits caractérisant ces griefs et justifie de leur existence.
Pour caractériser le non-respect du principe de subordination auquel était soumise la directrice, l'employeur indique que celle-ci refusait de travailler en équipe avec le personnel d'encadrement, en dépit des formations suivies. Il ne cite à ce sujet aucun document précis pouvant mettre en évidence ce refus. Certes les demandes adressées à Mme X... l'invitant à participer à certaines réunions, paraissaient insupporter celle-ci, laquelle avançait par exemple la tardiveté de la convocation (la veille de la réunion), ou le défaut de qualité des membres de la " commission formation " du comité d'entreprise pour la convoquer, mais il n'apparaît pas un refus de principe de la part de Mme X... de participer aux instances auxquelles elle était conviée.
Lorsque l'employeur, pour justifier le grief d'insuffisance professionnelle, fait état de plusieurs rappels ou injonctions de l'employeur faits à la directrice pour obtenir l'observation de la réglementation dans l'exécution d'une tâche résultant de son contrat de travail, il ne cite ni ne produit aucune pièce portant rappel ou injonction d'accomplir de telles tâches.
Certes avec raison l'employeur cite le courrier du 7 décembre 2006, pour le moins critiquable, par lequel Mme X... s'adresse à « l'autorité de tutelle » pour stigmatiser l'état négatif de l'établissement qui selon elle aurait empiré comparativement à celui qui prévalait auparavant. Certes ce dénigrement auprès de « l'autorité de tutelle » est blâmable, dans la mesure où des efforts réels et sérieux ont été déployés par le conseil d'administration et son président pour améliorer le fonctionnement de l'institution, mais ce courrier qui n'est d'ailleurs pas cité dans la lettre de licenciement, ne saurait caractériser une insuffisance professionnelle, ni un acte d'insubordination justifiant son licenciement.
Il ressort au contraire des derniers courriers adressés au président de l'Association EPHPHETHA par Madame X..., notamment en mars 2007, que celle-ci ait obtempéré sans réserve aux sollicitations de celui-là.

Dans ses courriers des 9 et 16 mars 2007, l'employeur, sans doute irrité par la plainte déposée contre lui pour " harcèlement professionnel ", et par l'introduction de l'instance prud'homale aux fins de résiliation du contrat de travail pour les manquements qui lui sont reprochés, croit devoir relever l'impertinence, les incohérences et contradictions qui caractériseraient des courriers de la directrice, alors que ces griefs n'apparaissent pas à la lecture des courriers échangés à cette époque.

Enfin l'employeur ne peut invoquer utilement la note de synthèse de 2001 relative à l'inspection effectuée dans l'établissement, puisque les critiques émises dans cette note à l'encontre de la directrice sont antérieures de plus de 5 ans à la décision de licenciement, et n'avaient pas jusque-là suscité la moindre sanction à l'égard de celle-ci.
En conclusion il apparaît que l'employeur ne justifie pas de motifs précis et vérifiés caractérisant la faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement de Mme X....

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

La demande de paiement d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 6 mois de salaire, est fondée sur les dispositions de la convention collective relative aux cadres, et plus précisément sur l'article 9 de l'annexe 6 de ladite convention, il sera donc alloué à Mme X... la somme de 35 110, 98 euros à ce titre, outre celle de 3511, 10 euros d'indemnité de congés payés y afférente.
De même la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur la base d'un demi mois de salaire par année de service en qualité de non-cadre, dans la limite de 6 mois de salaires, et sur la base d'un mois par année de service en qualité de cadre, est fondée sur l'article 10 de l'annexe sus-citée ; en conséquence le montant de 70 221, 96 euros alloué par les premiers juges doit être confirmé, étant relevé que Mme X... ne peut demander l'équivalent de 18 mois de salaires puisqu'elle reconnaît elle-même dans ses conclusions que l'indemnité conventionnelle de licenciement perçue à titre de non-cadre et de cadre ne pouvait dépasser au total 12 mois de salaires.
Mme X... ne fournissant aucun élément, ni justificatif permettant d'apprécier l'étendue du préjudice dont elle demande indemnisation à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ne fournissant pas notamment de documents permettant d'apprécier l'étendue de la durée d'une éventuelle période de chômage qu'elle aurait pu subir, il ne peut lui être alloué que l'indemnité minimale prévue par l'article L 1235-3 du code du travail, à savoir une somme équivalente à 6 mois de salaire soit la somme de 35 110, 98 euros.
Dans la mesure où les demandes de Mme X... relatives aux rappels de primes de technicité et d'indemnité de sujétion liée au fonctionnement des établissements et services, ne sont pas justifiées, la demande de bulletins de paie rectificatifs n'est pas fondée. De même la rupture du contrat de travail étant effective à la date du licenciement, aucun préavis n'ayant été effectué, il n'y a pas lieu à délivrance d'un certificat travail mentionnant la date du 21 octobre 2007 comme date de la rupture de la relation travail. Par contre l'attestation Pôle Emploi devant mentionner les indemnités allouées à raison de la rupture du contrat de travail, l'employeur devra délivrer une attestation rectificative.

Dans la mesure où les demandes de Mme X... sont partiellement fondées, il paraît inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Mme X... la somme de 35 110, 98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et celle de 70 221, 96 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
Le réforme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Rejette la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par Mme X...,
Constate la rupture du contrat de travail au 20 avril 2007, date de la réception de la lettre de licenciement,
Dit que le licenciement de Mme X... n'est pas justifié par une cause réelle et sérieuse,
Condamne l'Association EPHPHETHA à payer à Mme X... les sommes suivantes :
-3511, 10 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
-35 110, 98 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par l'Association EPHPHETHA à Mme X..., d'une attestation Pôle Emploi portant mention des indemnités de rupture, dans la délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, chaque jour de retard étant assorti d'une astreinte de 50 euros,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de l'Association EPHPHETHA,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, P/ Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01809
Date de la décision : 16/07/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-07-16;09.01809 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award