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18/06/2012 | FRANCE | N°10/00788

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 18 juin 2012, 10/00788


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 230 DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00788
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre du 11 février 2010.
APPELANT
Monsieur Pascal X......... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Maître Laurent HATCHI (Toque 44) substitué par Maître Amaury MIGNOT, avocats au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉE

SA EXODIS, prise en la personne de ses représentants légaux, 10 Bld Marquisat de Houelbourg 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Chantal G

ARRIC-FAYET, avocat au barreau de Fort de France

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 230 DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00788
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre du 11 février 2010.
APPELANT
Monsieur Pascal X......... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Maître Laurent HATCHI (Toque 44) substitué par Maître Amaury MIGNOT, avocats au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉE

SA EXODIS, prise en la personne de ses représentants légaux, 10 Bld Marquisat de Houelbourg 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Chantal GARRIC-FAYET, avocat au barreau de Fort de France

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 juin 2012
GREFFIER Lors des débats Madame Valérie FRANCILLETTE, Greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Juliette GERAN, greffier à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée en date du 3 août 2007, M. X... a été embauché par la Société EXODIS pour exercer les fonctions d'ingénieur commercial à compter du 17 septembre 2007, le salarié bénéficiant du statut de V. R. P., sa rémunération étant composée d'une base brute mensuelle fixe de 1200 €, et d'une indemnité de clientèle mensuelle de 200 €, outre des commissions et primes.

Par courrier recommandé en date du 19 mai 2008, adressé avec avis de réception, M. X... était convoqué à un entretien préalable fixé au 28 mai 2008, en vue de son licenciement.
Par lettre recommandée en date du 11 juin 2008, adressée avec avis de réception, M. X... se voyait notifier son licenciement pour faute grave.
Le 6 juin 2008, M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de diverses indemnités, outre le montant de commissions et primes.
Par jugement du 11 février 2010, la juridiction prud'homale, considérant que le licenciement prononcé était motivé par une faute grave, déboutait M. X... de l'intégralité de ses demandes.
Par déclaration du 14 avril 2010, M. X... interjetait appel de cette décision.
****
Par conclusions du 27 juin 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... entend voir constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et sollicite paiement des sommes suivantes :
-2006, 73 € correspondant à un préavis d'un mois conformément à l'article L7313-9 du code du travail,-14 034, 19 € à titre de commissions,-256, 66 € à titre d'indemnité de clientèle,-3950 € à titre d'indemnité de déplacement,-2006, 73 € pour non-respect de la procédure de licenciement,-20 067, 30 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail-2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses demandes M. X... relève deux irrégularités quant à la procédure de licenciement, à savoir que lors de l'entretien préalable le gérant était absent et avait donné mandat à Mme Z... qui est étrangère à l'entreprise, et que par ailleurs la lettre de licenciement n'est pas signée par le gérant mais par une dame Véronique A... qui est également étrangère à la Société EXODIS.
****

Par conclusions du 21 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société EXODIS sollicite la confirmation

en toutes ses dispositions du jugement entrepris. Elle réclame paiement de la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses conclusions, la Société EXODIS soutient que si le chef d'entreprise doit en principe être l'interlocuteur du salarié lors de l'entretien préalable, il est cependant admis, pour des raisons d'ordre pratique, qu'il puisse se faire remplacer par la personne qui a qualité dans l'entreprise pour embaucher ou licencier le personnel, en l'espèce il s'agit de Mme Z... salariée de la Société NEW COMMERCIAL STRATÉGY qui a pour vocation de gérer des sociétés commerciales du groupe, dont la Société EXODIS. Il est ajouté que la lettre de licenciement ne serait pas signée par un tiers extérieur à l'entreprise, mais pour ordre pour le président.
La Société EXODIS expose que si M. X... sollicite un rappel de commissions d'un montant de 14 034, 19 € pour la période de septembre 2007 à mai 2008, le requérant n'explique en aucun cas quelles ventes auraient été réalisées de son fait, postérieurement à son licenciement, qui lui ouvriraient droit à commissions. Par ailleurs elle fait valoir que l'indemnité de clientèle pour le mois d'avril 2008 a été réglée à M. X..., que celui-ci ne justifie nullement avoir droit à une indemnité de déplacement, ni d'ailleurs à une indemnité de repas.

****

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail :

Il résulte du jugement déféré, que M. X... a expliqué devant les premiers juges que M. B..., le directeur de la Société EXODIS était absent lors de l'entretien préalable, et qu'il avait dû faire parvenir un mandat de représentation pour que Mme Z..., qui n'était pas une employée de l'entreprise EXODIS mais de la Société NEW COMMERCIAL STRATEGY dont la gérante était Mme Chantal B..., puisse le représenter, Mme Z... s'étant contentée au cours de l'entretien de poser des questions au salarié sur des faits datant des mois de septembre 2007 à février 2008, et ayant répondu, alors que M. X... lui demandait les motifs du licenciement, que M. B... lui avait juste remis un questionnaire.

La finalité même de l'entretien préalable interdit à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien. Il s'agit là d'une irrégularité de la procédure de licenciement qui sera indemnisée par l'octroi d'une indemnité d'un montant de 2006, 73 €, correspondant au montant moyen d'un mois de salaire, M. X... n'ayant pu dans ces circonstances s'entretenir avec son employeur des motifs de son licenciement, et de discuter les griefs reprochés.
La lettre de licenciement en date du 11 juin 2008 notifiée à M. X..., a été signée de la façon suivante : « Le président Y... ». Il apparaît ainsi, comme l'explique M. X..., que la lettre de licenciement n'a pas été signée par le président de la Société EXODIS, M. B..., mais par Mme Véronique A..., qui est employée par la Société NEW COMMERCIAL STRATÉGY, et qui est donc étrangère à la Société EXODIS.

Toutefois la lettre de licenciement a été signée " pour ordre du président " de la Société EXODIS et la procédure a été menée à son terme, il en résulte que le mandat de signer la lettre de licenciement a été ratifié. La Cour de Cassation dans un arrêt du 10 mai 2012 (pourvoi no C 10-28-769) a d'ailleurs entériné ce principe.

En conséquence la signature de la lettre de licenciement par Mme véronique A... pour ordre du président de la Société EXODIS, n'est pas de nature à vicier le licenciement, et le priver de cause réelle et sérieuse.
Dans ladite lettre de licenciement il était rappelé à M. X... que par courrier du 30 avril 2008, il lui avait été indiqué qu'après vérification de son activité du mois d'avril, il y avait beaucoup d'informations erronées et inexactes, et qu'il devait prendre les dispositions nécessaires dans les plus brefs délais pour justifier de sa fiche d'activité du mois d'avril 2008. Il était constaté que par mail du 2 mai 2008, M. X... reconnaissait qu'il s'était trompé dans son compte rendu d'activité, et que dans le rectificatif qu'il avait transmis, apparaissaient 11 visites dans le mois au lieu des 64 rendez-vous qui figuraient dans sa première fiche.
L'employeur considérait que M. X... avait voulu tromper l'entreprise sur son activité réelle et qu'il avait ainsi voulu masquer son manque de travail. Il lui était reproché également de refuser de suivre les procédures commerciales mises en place par la Société EXODIS, notamment pour présenter des propositions aux clients, le salarié voulant lui-même faire ses propositions alors que les procédures en vigueur au sein de l'entreprise imposaient de passer par le secrétariat commercial. Il était relevé qu'il ressortait des différents courriers de M. X... que celui-ci voulait se comporter comme un indépendant et refuser la discipline et les méthodes de l'entreprise. Il était conclu que la direction ne pouvait suivre son activité ni ses propositions commerciales, ce qui ne permettait en aucun cas d'avoir un suivi de l'activité commerciale développée par M. X....
Le contrat de travail stipule que l'ingénieur commercial est tenu de remplir et de transmettre chaque semaine, le vendredi après-midi, une note succincte de ses activités professionnelles journalières, selon le formulaire adéquat (fiche d'activité). Il était prévu que la non transmission de cette note entraînait le constat de l'absence durant la semaine considérée et qu'en cas de récidive elle caractérisait la faute grave.
Il y a lieu de constater que la transmission d'une fiche erronée d'activité a été unique et ponctuelle, et qu'il ne peut être reproché à M. X... une réitération de ses errements à ce sujet.
Par ailleurs contrairement à ce qui est exposé dans le jugement déféré, il ne résulte nullement des pièces versées aux débats par la Société EXODIS, et communiquées en cause d'appel par bordereau de communication de pièces en date du 24 octobre 2011, que ladite société ait dû, par courrier des 14 et 30 avril 2008, rappeler à M. X... la procédure en vigueur dans l'entreprise sur les propositions commerciales, ni que par courrier du 2 mai 2008, ce dernier ait décidé de ne pas se plier à ses obligations contractuelles et professionnelles. Il en résulte que les faits reprochés à M. X... ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

M. X... ayant moins de deux ans d'ancienneté au sein de l'entreprise, ne peut bénéficier des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, fixant l'indemnisation minimale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à un montant équivalent aux six derniers mois de salaire. L'intéressé ne justifiant pas de l'étendue du préjudice financier et matériel qu'il aurait subi à la suite de son licenciement, ne produisant notamment aucune pièce permettant d'apprécier l'étendue d'une période de chômage, il lui sera alloué seulement à titre de dommages intérêts la somme de 2006, 73 € équivalente au montant moyen d'un mois de salaire.

Conformément aux dispositions de l'article L7313-9 du code du travail, il sera alloué à M. X..., à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2006, 73 € correspondant à un mois de salaire.

Sur les demandes de rappels de rémunération et d'indemnités :

M. X... n'apporte aucune explication, ni justificatif à sa demande de paiement de commissions à hauteur de 14 034, 19 € pour les mois de septembre 2007 à mai 2008. Il ne peut donc être fait droit à cette demande.
Il ressort du contrat de travail que pour dédommager le salarié du préjudice subi en cas de perte pour l'avenir, du bénéfice d'une clientèle qu'il a apportée, créée ou développée, il lui était alloué une indemnité mensuelle de 200 €, cette avance devant être révisée selon le degré d'aptitude professionnelle. Il en résulte que ces versements mensuels constituent une avance sur l'indemnité de clientèle en cas de rupture du contrat de travail, et que son montant n'est nullement déterminé en fonction du nombre de visites mensuelles réalisées par le salarié. En conséquence, même s'il n'a réalisé que 11 visites au mois d'avril 2008, M. X... était en droit de réclamer le paiement de la totalité de cette avance mensuelle. Il lui sera en conséquence allouée le complément réclamé à hauteur de 256, 66 €.
Si le contrat de travail prévoit pour le salarié, la mise à disposition d'un véhicule de service pour ses déplacements professionnels, il n'est pas prévu d'y ajouter le paiement d'indemnités. Au demeurant M. X... ne précise pas sur quelle base il a pu déterminer l'indemnité qu'il réclame à ce titre à hauteur de 425 €. Sa demande n'étant pas justifiée, elle sera rejetée.
De même il n'apparaît pas que l'indemnité de repas réclamée par M. X... lui soit due en vertu d'une quelconque clause contractuelle. Il ne peut donc être fait droit à cette demande d'indemnité.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 1500 € au titre de l'article 700 code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Réforme le jugement déféré, et statuant à nouveau,
Condamne la Société EXODIS à payer à M. X... les sommes suivantes :
-2006, 73 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2006, 73 € pour procédure de licenciement irrégulière,
-2006, 73 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-256, 66 € à titre de complément d'indemnité de clientèle,
-1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. X... de ses autres demandes,
Dit que les entiers dépens tant de première instance que d'appel sont à la charge de la Société EXODIS,

Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00788
Date de la décision : 18/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-06-18;10.00788 ?
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