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04/06/2012 | FRANCE | N°11/00313

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 04 juin 2012, 11/00313


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 206 DU QUATRE JUIN DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00313
Décision déférée à la Cour : Jugement du conseil de prud'hommes de POINTE A PITRE du 15 février 2011- Section Encadrement.
APPELANT
Monsieur Gérard Maurice X...... 56100 LORIENT Représenté par Me Pascal BICHARA-JABOUR, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE

SAS AUBRET 44540 ST MARS LA JAILLE Représentée par Me MATRONE, substituant la SCP DERAINE, avocats au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En app

lication des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 206 DU QUATRE JUIN DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00313
Décision déférée à la Cour : Jugement du conseil de prud'hommes de POINTE A PITRE du 15 février 2011- Section Encadrement.
APPELANT
Monsieur Gérard Maurice X...... 56100 LORIENT Représenté par Me Pascal BICHARA-JABOUR, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE

SAS AUBRET 44540 ST MARS LA JAILLE Représentée par Me MATRONE, substituant la SCP DERAINE, avocats au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 19 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jacques FOUASSE, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président,, M. Jacques FOUASSE, conseiller, rapporteur Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 21 mai 2012, prorogé au 04 juin 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Courant de l'année 1993 Monsieur X... Gérard s'occupait de la distribution exclusive des produits de la société AUBRET dans le cadre d'un contrat d'agent commercial.

Le 29 Août 2001 Monsieur X... Gérard et la société AUBRET ont signé un contrat de travail avec effet au 1er Février 2002 pour une durée indéterminée.
Monsieur X... Gérard devenait ainsi salarié de la dite société en qualité de cadre responsable pour le marché Antilles Guyane. Son contrat comportait une clause dite de fidélité et d'exclusivité.
Estimant que M. X... ne respectait pas cette clause du contrat, du fait de ses intérêts dans les sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE, la société AUBRET le licenciait pour faute lourde le 1er octobre 2004.
Contestant cette décision, M. X... saisissait la juridiction prud'homale.
Par jugement du 15 février 2011, le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE :
- Dit et juge en tout état de cause que le licenciement de M. X... Gérard est fondé sur de nombreuses fautes lourdes,
- Déboute M. X... Gérard de ses demandes, fins et conclusions,
- Déboute la société AUBERT de sa " demande de préjudice ",
Condamne M. X... Gérard aux éventuels dépens de l'instance.
Par déclaration déposée au greffe le 28 février 2011, M. X... Gérard a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES

Au soutien de son appel, M. X... Gérard, par conclusions déposées le 13 décembre 2011 et reprises oralement à l'audience, expose que :

- c'est bien la direction de la Société AUBRET et non Monsieur X... qui fixait les conditions de paiement ; en fait, AGRODOM permettait à AUBRET d'écouler des produits avec des Dates Limites de Vente (DLV) extrêmement courtes que les grandes surfaces refusaient ; le Conseil se contente de constater l'existence de crédits accordés aux Sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE, sans rechercher les éléments factuels qui pouvaient justifier cette stratégie commerciale,
- sur la sous-tarification : si effectivement, Monsieur X... négociait des prix à la baisse, c'est précisément, eu égard aux DLV trop courtes ; AGRODOM et LA CHARCUTIÈRE acceptaient d'en prendre livraison, mais avaient notamment droit à un tarif préférentiel ; il s'agissait de produits qui auraient dû être détruits.
- les Sociétés LA CHARCUTIÈRE et AGRODOM étaient des partenaires privilégiés de la SAS AUBRET ct c'est à ce titre d'ailleurs que, AGRODOM bénéficiait d'un contrat de coopération commerciale de 3 % sur le Chiffre d'Affaires Annuel réalisé, ceci en reconnaissance des services rendus par AGRODOM et LA CHARCUTIÈRE au niveau des produits achetés par elles avec des DLV à moins de 15 jours de vie.

- à la suite d'une enquête et d'une instruction longues et minutieuses, le Juge d'Instruction près le Tribunal de Grande Instance de Pointe à PITRE devait rendre une ordonnance de non lieu en date du 03 octobre 2008 en faveur de Monsieur X..., considérant qu'aucune des accusations portées à son encontre par la Société AUBRET n'était fondée. Par arrêt en date du 05 mars 2009, la Chambre de l'Instruction de la Cour d'appel de BASSE-TERRE devait également débouter la Société AUBRET de toutes ses accusations portées contre Monsieur X..., et confirmait en tous points l'ordonnance du Juge d'Instruction, et à la suite du pourvoi formé, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation devait, par arrêt en date du 24 mars 2010, le rejeter.

M. X... demande à la Cour :

Infirmer le jugement,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que le licenciement de M. Gérard X... est sans cause réelle et sérieuse,
Débouter la société AUBRET de ses moyens, fins et conclusions,
Condamner la société AUBRET à payer à M. X... Gérard les sommes suivantes :
- indemnités de déplacement : 4 721, 11 €- indemnités de préavis : 18 855, 56 €- indemnité légale de licenciement : 13 834, 74 €- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 226 386, 72 €

Condamner la société AUBRET à payer à M. X... Gérard la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SELARL BICHARA-JABOUR.

La société AUBRET, par conclusions déposées le 9 février 2012 et reprises oralement à l'audience, indique que la faute lourde est celle commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise : en l'espèce, la faute lourde est à l'évidence caractérisée :

- M. X... a prélevé des marchandises dans l'entrepôt de son employeur sans qu'elles soient facturées et ce, au profit de deux sociétés lui appartenant en propre ou à son épouse,
- M. X... a utilisé des prête-noms aux fins de dissimuler que les sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE lui appartenaient en violation des dispositions de son contrat de travail (article 6 « obligations professionnelles »),

- M. X... a accordé un crédit inconsidéré aux sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE,

La société AUBRET demande à la Cour de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Gérard X... est fondé sur de nombreuses fautes lourdes et débouté celui-ci de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société AUBRET de sa demande en paiement de la somme de 100 000 € en réparation de la violation par M. X... de sa clause d'exclusivité inscrite à l'article 6 de son contrat de travail,
Condamner M. Gérard X... à payer à la société AUBRET la somme de 100 000 € au titre du préjudice subi par elle,
Condamner M. Gérard X... à payer à la société AUBRET la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 19 mars 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la faute lourde :

La lettre de licenciement fixe les limites du litige :
Celle-ci mentionne trois fautes lourdes :
"- M. X... a prélevé des marchandises dans l'entrepôt de son employeur sans qu'elles soient facturées et ce, au profit de deux sociétés lui appartenant en propre ou à son épouse,
- M. X... a utilisé des prête-noms aux fins de dissimuler que les sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE lui appartenaient en violation des dispositions de son contrat de travail (article 6 « obligations professionnelles »),
- M. X... a accordé un crédit inconsidéré aux sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE "

La société AUBRET SAS, ayant pour objet social le commerce de gros de produits agroalimentaires, a recruté M Gérard X... suivant contrat de travail à durée indéterminée le 29 août 2001 en qualité de « Responsable Antilles »

Ledit contrat stipulait que « Dans ce cadre et compte tenu des directives générales ou particulières qui lui seront données par la Direction, M. X... sera chargé de représenter la société auprès de la clientèle des Antilles françaises et anglaises.
M. X... sera responsable pour le marché des Antilles de la prospection, de la négociation des marchés, de la prise des commandes, du règlement des éventuels litiges et plus généralement du suivi de cette clientèle.
Une attention toute particulière devra être apportée à la surveillance des en-cours clients et à la gestion des stocks afin d'éviter tout impayé et marchandise périmée »
Le contrat de travail de M. X... comprenait également une clause " de fidélité et d'exclusivité " ainsi libellée :
« l'ensemble des activités professionnelles de M. X... se feront exclusivement au profit de la société AUBRET SA. ;
A ce titre, M. X... atteste avoir cédé, avec garantie de passif, l'intégralité de ses cartes de représentation à la société AUBRET, en particulier la carte VIANDE France SALAISON.
Les activités exercées par M. X... en son nom et pour son compte liées à la vente et au négoce de produits alimentaires si elles perdurent au jour de la signature du présent contrat seront transférées à la société ».
Or, suite à un audit interne, il est apparu en septembre 2004, que M. X... contrôlait via des prête-noms, en l'espèce sa secrétaire, sa femme et une amie de sa femme, deux sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE, que des marchandises avaient été sorties de l'entrepôt d'AUBRET sans qu'elles soient facturées et ce, au profit de ces deux mêmes sociétés, et qu'enfin M. X... avait accordé un crédit inconsidéré aux sociétés AGRODOM et LA CHARCUTIERE,
Si sur le plan pénal, les poursuites n'ont pas été engagées après l'ouverture d'une information, il n'en demeure pas moins que sur le plan social, dans le cadre des rapports contractuels ayant existé entre l'employeur et le salarié, les déclarations des parties permettent à la Cour de retenir divers éléments factuels importants :
- dans le courrier de licenciement pour faute lourde en date du 11 Octobre 2004 la société AUBRET reprochait à M. X... d'avoir prélevé des marchandises dans l'entrepôt de la société sans qu'elles fassent l'objet d'une facturation : or il apparaît qu'un stock de marchandise d'une valeur de 103 960, 02 € n'a pas été facturé. En cause d'appel, Monsieur X... Gérard n'apporte aucune preuve de ce qu'il a été établi des factures correspondant au stock manquant ou transmis au siège d'AUBRET les éléments et demandes d'établissement des dites factures,
- surtout Monsieur X... Gérard n'a pas respecté les dispositions de l'article 6 de son contrat de travail (obligation professionnelle) en exerçant des activités en son nom et pour son compte, dans le négoce de produits alimentaires. Dans le cadre de l'information, Monsieur X... Gérard reconnaît qu'il a sciemment contrevenu à ses obligations contractuelles en déclarant lors d'une procédure sur commission rogatoire datée du 11 Mai 2006 qu'il avait placé deux gérants de paille et des prêtes nom en guise d'actionnaires pour les raisons suivantes : il ne pouvait pas avoir d'entreprise à son nom car sur son contrat avec la société AUBRET, il était salarié, il confirmait détenir 70 % de la société AGRODOM
De plus, entendue dans le cadre d'une commission rogatoire comme témoin, Madame Z... confirmait en disant :

« je suis la gérante AGRODOM de droit et c'était Monsieur X... qui était réellement le patron, d'autant plus il détenait 80 % des parts soit 70 % de sa femme et mes 10 %. «

Monsieur X... reconnaît également lors de son interrogatoire du 11 Mai 2006 être le gérant de la société LA CHARCUTIÈRE et qu'il lui est arrivé d'effectuer le paiement de ses employés de LA CHARCUTIÈRE.
Compte tenu de ces éléments, les fautes lourdes sont bien établies et le licenciement de ce chef est justifié. Le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

- Sur l'indemnité légale de licenciement :

M X... sollicite l'octroi d'une indemnité de 13 834, 74 € sur le fondement de l'article L 122-9 du Code du travail
Cependant l'article L 1234-9 du code du travail exclut le droit à l'indemnité de licenciement lorsque celui-ci est motivé par la faute grave du salarié.
M. X... sera en conséquence débouté de sa demande aux fins de paiement d'une indemnité légale de licenciement et le jugement querellé confirmé sur ce point également.

- Sur l'indemnité de préavis :

La faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Par conséquent, M. X... sera débouté de cette demande.

- Sur les indemnités de déplacement :

M. X... ne justifie pas de sa demande, ni en son principe, ni en son quantum. Il en sera donc débouté.

- Sur la demande en dommages-intérêts présentée par l'intimée :

Les dépositions de M. Gérard X... dans le cadre de sa garde à vue ont été particulièrement nettes : il reconnaît explicitement avoir dissimulé la création des entreprises LA CHARCUTIÈRE et AGRODOM et y avoir placé des gérants et des actionnaires dits « de paille » aux fins de poursuivre une activité de négoce alimentaire qui lui était strictement interdite aux termes de l'article 6 de son contrat de travail Or la clause d'exclusivité liant un salarié à son employeur produit ses effets jusqu'à la rupture définitive du contrat. Sa violation ouvre droit à des dommages et intérêts.

En l'espèce, la violation par M. X... de ses obligations contractuelles a causé un préjudice certain à la société AUBRET SAS puisque la privant d'un chiffre d'affaire supplémentaire. M. X... sera condamné à lui payer la somme de 5 000 € en réparation de ce préjudice.
- Sur les frais irrépétibles :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais qu'elle a du engager en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par décision contradictoire, et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le rejet de la demande en dommages-intérêts présentée par la société AUBRET,
Statuant à nouveau sur ce chef de demande,
Condamne M. X... à payer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non respect de la clause contractuelle de non-concurrence,
Y ajoutant,
Condamne M. X... au paiement de la somme de 1 200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les éventuels dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00313
Date de la décision : 04/06/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-06-04;11.00313 ?
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