COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 208 DU QUATRE JUIN DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 08/ 01949
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 novembre 2008.
APPELANTE
Madame Ariane Tatianna Y..., à l'enseigne AURIALY COIFFURE174 La Collinette-Grand Camp97142 ABYMES Représentée par Maître Robert RINALDO (Toque 24) substitué par Maître Roland EZELIN, avocat au barreau de la Guadeloupe
INTIMÉE
Madame Betty A...... 97110 POINTE-A-PITRE Représentée par Maître Cinthia MINATCHY (Toque 21) substituée par Maître Elisabeth CALONNE, avocat au barreau de la Guadeloupe
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 001674 du 17/ 06/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, rapporteur qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 juin 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat à durée indéterminée du 5 décembre 2003, Mlle Betty A... a été embauchée en qualité de coiffeuse par Mme Ariane Y... exerçant le métier de coiffeuse sous l'enseigne AURIALY COIFFURE, avec une prise d'effet le 15 décembre 2003 et moyennant un salaire brut mensuel de 1 215, 11 € pour une durée hebdomadaire de travail de 169 heures.
Le 9 mars 2004, Mlle Betty A... recevait de son employeur une lettre, à titre d'avertissement, pour lui rappeler ses horaires de travail.
Par avenant du 22 mars 2004, l'employeur modifiait, avec l'accord de la salariée, le contrat de travail initial en prévoyant une réduction de son temps de travail à une durée hebdomadaire de 84, 50 heures pour un salaire brut mensuel de 607, 55 €.
Par lettre du 24 septembre 2004, Mlle Betty A... est prévenue qu'une prochaine altercation dans le salon sera considérée comme faute grave, et il lui est rappelé ses obligations de ponctualité.
Par lettre du 4 novembre 2004, il lui est interdit les opérations de caisse.
Par lettre simple du 14 janvier 2005, Mlle Betty A... est convoquée à un entretien préalable de licenciement, prévu le 31 janvier 2005 à 9 heures.
Le 2 février 2005, un licenciement pour faute grave lui est notifié par lettre simple dans les termes suivants : " Suite à notre entretien du 31 janvier 2005 en présence de M. H..., MME I..., je vous confirme votre licenciement au sein du salon pour le motif suivant : faute grave. Suite à vos injures du 15 janvier au salon. Depuis le mois de septembre 2004, je vous ai donné plusieurs avertissements que vous n'avez pas respecté. Je ne peux vous permettre de venir passer votre mauvaise humeur sur moi dans mon salon. De ce fait, votre licenciement prendra effet à partir du mardi 8 février 2005 (...) ".
Par requête reçue le 19 avril 2005, Mlle Betty A... a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir condamner son employeur au paiement des sommes suivantes : * 983 € à titre d'heures supplémentaires pour les mois de décembre 2003 et de février 2005, * 2493, 59 € à titre d'indemnité de préavis, * 12467, 95 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 12467, 95 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 20 novembre 2008, le conseil de prud'hommes a :- déclaré le licenciement de Mlle Betty A... irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,- condamné l'entreprise AURIALY COIFFURE, en la personne de son représentant légal, à payer à Mlle Betty A... les sommes suivantes :
* 639, 24 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, * 1 917, 72 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, * 2 556, 96 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,- débouté Mlle Betty A... de ses autres demandes,- condamné l'entreprise AURIALY COIFFURE aux éventuels dépens,- prononcé l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue le 18 décembre 2008, Mme Ariane Y... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions remises le 1er juin 2010 soutenues oralement à l'audience du 5 mars 2012, Mme Ariane Y..., représentée, demande à la cour de :- déclarer son appel recevable et bien fondé,- dire et juger que le licenciement de Mlle Betty A... procède d'une cause grave rendant celui-ci dépourvu de toute indemnité,- statuer ce que de droit sur la régularité du licenciement,- moduler l'indemnité en fonction de la modicité avérée, inférieure au SMIC, des revenus de l'employeur lors de la période du licenciement.
Au soutien de ses prétentions, elle expose qu'elle a exploité un modeste salon de coiffure à l'enseigne " Aurialy Coiffure " du 24 juillet 2003 au 22 septembre 2005 et qu'à cette date, cette exploitation était totalement déficitaire ; qu'elle a effectivement embauché Mlle Betty A... dans ce cadre suivant contrat du 5 décembre 2003 pour un salaire brut mensuel de 1 215 €, lequel a été réduit de moitié à compter du 22 mars 2004 d'un commun accord ; que celle-ci a été licenciée pour son comportement gravement répréhensible, n'étant pas ponctuelle, accordant des facilités de paiement aux clients et n'acceptant aucune remarque ; que le salon de coiffure a fini par perdre une partie de sa clientèle féminine ; que Mlle Betty A... faisait également montre d'insolence et d'insubordination ; que c'est ainsi que divers courriers lui ont été envoyés à titre d'avertissements ; que le 14 janvier 2005, elle adresse à la salariée une convocation pour un entretien en vue de son licenciement, lequel a été notifié le 2 février 2005 pour injure du 15 janvier 2005 au salon ; que la matérialité des faits est établie comme en attestent les déclarations de Messieurs Lucien J..., Franklin K... et Christian L... ; que la faute grave ainsi prouvée rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Elle dit reconnaître l'irrégularité de la procédure de licenciement mais elle demande à la cour de tenir compte de l'absence de revenus à la date du licenciement pour diminuer le montant de l'indemnité allouée à ce titre.
Par conclusions déposées le 19 septembre 2011 et soutenues à l'audience, Mlle Betty A..., représentée, demande à la cour de :- statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel,- confirmer purement et simplement le jugement du conseil de prud'hommes du 20 novembre 2008,- condamner Mme Ariane Y... à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour justifier l'absence de faute, elle soutient que Mme Ariane Y... a fait montre à son égard d'un véritable harcèlement moral ; que celle-ci exigeait d'elle des tâches qui n'étaient pas prévues au contrat tel que le nettoyage complet du salon plusieurs fois par jour ; que Mme Ariane Y... se moquait d'elle ainsi que d'autres stagiaires ; que celle-ci a même agressé une de ses employées avec un coutelas ; que son renvoi du salon de coiffure arrangeait le témoin J... qui, n'étant pas déclaré, y exerçait la profession de coiffeur illégalement.
Elle fait observer à la cour que les déclarations versées aux débats font état d'injures le 15 janvier 2005 alors qu'un jour plus tôt, par courrier du 14 janvier 2005, elle était convoquée à un entretien préalable pour discuter de son licenciement, ceci démontrant une certaine incohérence et faisant la preuve que l'appelante faisait tout pour la pousser à bout ; que le 17 janvier 2005, trois jours plus tard, l'employeur modifiait ses congés qu'elle était obligée de prendre du 21 janvier au 7 février 2005 ; que de plus, une fois en congé, elle devait se rendre à l'entretien préalable et recevait sa lettre de licenciement, Mme Y... faisant fi de toutes les règles en matière de licenciement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'IRRÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE LICENCIEMENT
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1232-4 du code du travail, lorsque il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative ; la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition ;
Attendu que les premiers juges ont constaté à juste titre que la dernière prescription n'a pas été observée puisque la lettre de convocation ne comporte pas l'adresse des services affichant la liste des conseillers et que l'omission de celle-ci constitue une irrégularité de procédure justifiant une indemnité correspondant à un mois de salaire ;
qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef en son principe qu'en son montant.
SUR LE LICENCIEMENT
Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige ;
que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
que la lettre de licenciement du 2 février 2005 est rédigée dans les termes suivants : " Suite à notre entretien du 31 janvier 2005 en présence de M. H..., MME I..., je vous confirme votre licenciement au sein du
salon pour le motif suivant : faute grave. Suite à vos injures le 15 janvier au salon. Depuis le mois de septembre 2004, je vous ai donné plusieurs avertissements que vous n'avez pas respecté. Je ne peux vous permettre de venir passer votre mauvaise humeur sur moi dans mon salon. De ce fait, votre licenciement prendra effet à partir du mardi 8 février 2005 (...) ".
qu'il ressort des pièces versées aux débats que Mme Ariane Y... ne fait pas la démonstration d'injures à son égard de nature à mettre en échec son autorité au sein de l'entreprise et constituant ainsi la faute grave ; que le terme imprécis d'altercations compris dans la lettre du 24 septembre 2004 et les expressions de " menteuse " et " ferme ta gueule " signalées par Messieurs Lucien J... et Franklin K... ne suffisent pas à caractériser la faute grave, surtout qu'il est question d'insultes prétendument tenues le 15 janvier 2005, alors que la lettre de convocation à l'entretien préalable est du 14 janvier 2005 ; que pour sa part, M. Christian L... relate dans sa déclaration du 9 septembre 2005 des faits qui se sont déroulés le 22 septembre 2004 sans préciser quel type d'insultes ;
que la cour constate également qu'aucune cliente du salon de coiffure n'a fait parvenir son témoignage au profit de l'appelante alors que celle-ci laisse entendre que l'intimée était coutumière d'insultes à son égard ;
que dès lors, la cour confirme, par motifs propres, le jugement entrepris de ce chef tant en son principe qu'en son montant, Mme Ariane Y... ayant accepté la réduction de son temps de travail en cours de contrat pour préserver son emploi et souffrant en définitive malgré cet effort d'une situation de privation d'emploi résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
SUR L'INDEMNITÉ COMPENSATRICE DE PRÉAVIS
Attendu que la cour constate que les premiers juges ont fait une exacte application des articles L. 1234- 1et L. 1234-5 du code du travail et de la convention collective régionale de commerce et de services ;
qu'il convient de confirmer la décision entreprise de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare recevable l'appel de la Mme Ariane Y... ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le greffierLe président