COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 191 DU QUATORZE MAI DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 00564
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 17 mars 2011.
APPELANTE
SARL T. B. T. C. Chemin de Grande Route Sarcelle 97128 GOYAVE Représentée par Maître Jacques URGIN (TOQUE 122) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉ
Monsieur Jean-Sauvener X......... 97139 LES ABYMES Représenté par M. Y... (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 27 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 14 mai 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat à durée déterminée en date du 8 avril 2009, M. Jean X... a été embauché par la Société T. B. T. C. en qualité d'ouvrier maçon OP1, moyennant un salaire horaire de 8, 71 euros, à raison de 7 heures par jour, soit 35 heures par semaine, ce contrat prenant effet à compter du 8 avril 2009 et devant prendre fin le 8 juillet de la même année.
Par avenant en date du 9 juillet 2009, M. X... se voyait engagé par un nouveau contrat de travail à durée déterminée à compter du 9 juillet 2009 jusqu'à fin de chantier, moyennant une rémunération horaire de 8, 71 euros.
Dans un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 avril 2010, l'employeur indiquait que, suite à un entretien avec le salarié en date du 19 avril 2010, au cours duquel il avait informé celui-ci des difficultés de trésorerie rencontrées par la société, il était dans l'incapacité " de solder les caisses " afin d'être à jour au niveau des cotisations, ce qui entraînait " un manque de marché ". En conclusion l'employeur avait décidé de licencier M. X... pour manque de marché à la fin du mois d'avril. Il était précisé à celui-ci que la date de paie serait le 17 mai 2010.
Le 18 mai 2010, M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement de diverses indemnités, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 17 mars 2011, la juridiction prud'homale jugeait que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait la Société T. B. T. C. à payer à celui-ci les sommes suivantes :-1 503 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,-2 386, 44 euros pour différentiel salarial d'avril 2009 à avril 2010,-1 503 euros pour indemnité compensatrice de préavis,-1 361, 90 euros pour indemnité compensatrice de congés,-601, 64 euros d'indemnité conventionnelle de transport pour la période d'avril 2009 à avril 2010,-1 695, 16 euros d'indemnité conventionnelle de panier pour la même période,-323, 35 euros d'indemnité légale de licenciement,-193 euros de dommages intérêts pour non-respect d'information DIF,-500 euros de dommages intérêts pour absence de proposition de convention de reclassement personnalisée,-500 euros de dommages intérêts pour absence de priorité de réembauchage dans la lettre de licenciement,-750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 12 avril 2011, la Société T. B. T. C.. interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions régulièrement notifiées à la partie adverse le 27 février 2012, et auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société T. B. T. C. entend voir constater que M. X... n'a pas fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'en présence d'autres salariés, la rupture du contrat de travail de M. X... s'est faite à l'amiable, et demande qu'il soit jugé que la procédure introduite par M. X... est manifestement abusive. Elle réclame paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et celle de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions déposées au greffe de la Cour le 10 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la confirmation du jugement entrepris à l'exception de l'indemnité compensatrice de congés payés, celle-ci ayant été réglée par la caisse des congés payés du bâtiment postérieurement au jugement du conseil de prud'hommes.
Il demande que les sommes dues au titre du différentiel salarial, et au titre des indemnités conventionnelles de transport et de panier produisent intérêts au taux légal à compter de l'échec de la conciliation du 24 juin 2010. Il réclame paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision :
Sur les demandes de rappels de salaire et d'indemnités de transport et de panier :
La convention collective des ouvriers du bâtiment et des travaux publics de la Guadeloupe en date du 28 février 2002 a fait l'objet d'un arrêté ministériel d'extension en date du 20 juillet 2004. Dans le cadre de cette convention collective un accord salarial a été conclu le 4 juin 2009.
Il résulte de cet accord salarial qu'à compter du 1er mars 2009 le salaire horaire minimal conventionnel d'un ouvrier OP1 s'élevait à 9, 91 euros, alors que les bulletins de salaire de M. X... font apparaître un taux de rémunération horaire de 8, 71 euros d'avril à juillet 2009, puis de 8, 82 euros.
Il ressort ainsi de la comparaison des salaires versés pendant la période d'avril 2009 à avril 2010, avec les salaires conventionnels dus pour la même période, une différence de 2 386, 44 euros. Les premiers juges ont donc pu à juste titre condamner l'employeur à payer cette somme à M. X....
La convention collective régionale prévoit en son titre VIII une indemnité de remboursement de frais de transport qui a pour objet d'indemniser forfaitairement les ouvriers pour des frais de déplacement du domicile au lieu de travail ou d'embauche pour les entreprises qui considèrent que l'embauche journalière se fait au siège.
Selon l'accord salarial du 4 juin 2009, cette prime de transport était fixée à 46, 28 euros par mois à compter du 1er mars 2009. Aucune prime de transport ne figure sur les bulletins de paie de M. X..., et contrairement à ce que soutient la Société T. B. T. C. il n'est nullement justifié que celle-ci ait assuré le transport des ouvriers de leur domicile au lieu de travail ou d'embauche. En conséquence l'indemnité conventionnelle de transport allouée à hauteur de 601, 64 euros par les premiers juges sera confirmée.
Selon le même accord salarial, la prime de panier prévue à la convention régionale a été fixée à la somme de 6, 53 euros par jour à compter du 1er mars 2009. Aucune prime de panier n'ayant été versée à M. X..., et l'employeur n'opposant aucune contestation quant aux conditions matérielles prévues conventionnellement pour l'octroi de cette prime, l'indemnité de 1 695, 16 euros allouée par les premiers juges sera confirmée.
La Société T. B. T. C. ayant été représentée par sa gérante et assistée de son conseil lors de la tentative de conciliation qui s'est tenue le 24 juin 2010 devant le conseil de prud'hommes, et ayant eu à cette occasion connaissance des demandes formulées par M. X..., les sommes allouées à celui-ci en application des dispositions de la convention collective régionale, doivent produire intérêts au taux légal à compter de cette date.
Sur la rupture du contrat de travail :
L'avenant au contrat de travail signé par les parties le 9 juillet 2009 ne prévoyant pas de fin de contrat précise, puisqu'il indique que le contrat prendra fin " en fin de chantier ", ce contrat n'indiquant pas par ailleurs de quel chantier il s'agit, et n'entrant pas dans le cadre des dispositions des articles L 1242-12 et D 1242-1 du code du travail, il doit être qualifié de contrat à durée indéterminée.
La Société T. B. T. C. entend se prévaloir d'une rupture amiable du contrat de travail, alors qu'elle n'en justifie pas. Il y a lieu de rappeler à ce titre que les articles L 1237-11 et suivants du code du travail prévoient les conditions d'une rupture amiable impliquant l'établissement d'une convention signée par les parties. Tel n'est pas le cas en l'espèce.
Dans sa lettre de licenciement du 22 avril 2010, l'employeur invoque des difficultés de trésorerie l'empêchant de solder les caisses d'assurances sociales, ce qui entraîne pour elle l'absence de marché. Force est de constater que l'employeur n'apporte aucun justificatif de ces difficultés de trésorerie. Par ailleurs la Société T. B. T. C. soutient vainement qu'elle aurait proposé à M. X..., lors d'un entretien du 23 avril 2010, lequel apparaît postérieur à la lettre de licenciement datée du 22 avril 2010, un travail sur un autre chantier avec une autre société ; en effet l'employeur ne justifie pas avoir offert une telle proposition, ni d'ailleurs avoir proposé un quelconque reclassement.
Dès lors il y a lieu de considérer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités résultant de la rupture du contrat de travail :
La Société T. B. T. C ne justifiant pas avoir, préalablement au licenciement de M. X..., procédé à la convocation de celui-ci selon les modalités fixées par les articles L 1232-2 et suivants du code du travail, il y a lieu de constater que la procédure de licenciement est irrégulière, le préjudice en résultant pour le salarié devant être réparé par une indemnité de 1 503 euros telle qu'allouée par les premiers juges, correspondant à un mois de salaire au taux horaire conventionnel, hors heures supplémentaires.
M. X... ayant une ancienneté d'un an à la date de son licenciement, a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire, soit, compte tenu du salaire conventionnel la somme de 1 503 euros.
M. X... faisant savoir que ses congés payés ont été réglés par la caisse des congés payés du bâtiment postérieurement au jugement du conseil de prud'hommes, la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges sera infirmée.
En application des dispositions des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail, M. X... a droit à une indemnité légale de licenciement équivalente à 1/ 5 de mois de salaire par année d'ancienneté. La durée de son ancienneté à la date de la fin de son préavis étant de 13 mois et 15 jours, et son salaire moyen au taux horaire conventionnel étant de 1492, 39 euros calculé sur les 12 derniers mois de salaires tels qu'ils auraient dû être versés par l'employeur, heures supplémentaires comprises, l'indemnité légale de licenciement doit être fixée à 323, 35 euros..
L'employeur invoquant un motif économique à l'appui du licenciement prononcé, devait en application des dispositions de l'article L 1233-65 du code de travail proposer, lors d'un entretien préalable, qui n'a d'ailleurs pas eu lieu, une convention de reclassement personnalisée. L'employeur s'en étant abstenu, le salarié est fondé à obtenir indemnisation à hauteur de 500 euros, telle que fixée par les premiers juges.
Selon les dispositions de l'article L6323-19 du code du travail, l'employeur doit, dans la lettre de licenciement, informer le salarié de ses droits en matière de " droit individuel à la formation " (DIF). En l'absence d'une telle information, M. X... qui avait acquis le bénéfice d'un droit individuel de formation à hauteur de 20 heures pour son année de travail, est fondé à obtenir indemnisation de son préjudice à hauteur de 193 euros.
Par ailleurs la Société T. B. T. C. qui a entendu licencier M. X... pour motif économique n'a pas mentionné dans la lettre de licenciement la priorité de réembauchage dont bénéficiait le salarié comme prévu à l'article L 1233-16 du code du travail. Compte tenu de cette omission, l'employeur n'est pas fondé à invoquer, comme il le fait dans une lettre du 8 juin 2010, le fait que M. X... n'aurait pas donné suite à une offre d'embauche qui lui aurait été faite. L'indemnisation à hauteur de 500 euros octroyée par les premiers juges sera confirmée pour réparer le préjudice subi à la suite de cette omission
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Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimé, les frais irrépétibles qu'il a exposés tant devant les premiers juges que devant la Cour d'appel, il lui sera alloué la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle déjà allouée sur le même fondement par les premiers juges.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la Société T. B. T. C. à payer à M. X... la somme de 1 361, 90 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
Réforme ledit jugement sur ce chef de demande,
Et statuant à nouveau,
Donne acte à M. X... de ce que ces congés payés lui ont été réglés par la caisse de congés payés du bâtiment, et en conséquence dit n'y avoir lieu à condamner la Société T. B. T. C. à payer une indemnité compensatrice de congés payés,
Et y ajoutant,
Dit que les sommes de 2 386, 44 euros, 601, 64 euros et 1 695, 16 euros, allouées à M. X... respectivement à titre de rappel de salaire et d'indemnités conventionnelles de transport et de panier, produisent intérêts au taux légal depuis le 24 juin 2010,
Condamne la Société T. B. T. C. à payer à M. X... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Société T. B. T. C. aux entiers dépens,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.