COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 189 DU QUATORZE MAI DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 00561
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 17 mars 2011.
APPELANTE
SARL T. B. T. C. Chemin de Grande route Sarcelle 97128 GOYAVE Représentée par Maître Jacques URGIN (TOQUE 122) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉ
Monsieur Lafoi X...... 97180 SAINTE ANNE Représenté par M. Y... (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 27 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 14 mai 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat à durée déterminée en date du 23 septembre 2008, M. Lafoi X... a été embauché par la Société T. B. T. C. en qualité d'ouvrier maçon CP1, moyennant un salaire horaire de 11, 67 euros, à raison de 7 heures par jour, soit 35 heures par semaine, ce contrat prenant effet à compter du 23 septembre 2008 et devant prendre fin le 23 décembre de la même année.
Par avenant en date du 24 décembre 2008, M. X... se voyait engagé par un nouveau contrat de travail à durée déterminée à compter du 24 décembre 2008 jusqu'à fin de chantier, moyennant une rémunération horaire de 11, 67 euros.
M. X... faisait l'objet d'une mise à pied disciplinaire à compter du 31 mars 2010, pour fautes professionnelles, pour avoir perturbé le climat entre les salariés et avoir été insolent envers son employeur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 avril 2010, l'employeur notifiait à M. X... son licenciement pour mauvais comportement, non-respect à l'égard de son employeur, menaces et fautes professionnelles entravant ainsi le bon fonctionnement de l'équipe. Il était également reproché un " manque de stabilité " envers ses collègues. Le salarié était invité à récupérer le 15 avril 2010 son bulletin de paie et divers documents.
Le 29 avril 2010, M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement de diverses indemnités, et notamment des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Par jugement du 17 mars 2011, la juridiction prud'homale jugeait que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait la Société T. B. T. C. à payer à celui-ci les sommes suivantes :-653, 52 euros de rappel de salaire,-3 102, 07 euros pour indemnité compensatrice de congés,-1 769, 98 euros pour indemnité compensatrice de préavis,-824, 79 euros d'indemnité conventionnelle de transport pour la période d'octobre 2008 à mars 2010,-2 648, 76 euros d'indemnité conventionnelle de panier pour la même période,-1 769, 98 euros pour non-respect de l'article L 1232-4 du code du travail,-644, 74 euros d'indemnité légale de licenciement,-292, 80 euros de dommages intérêts pour non-respect d'information DIF,,-750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 12 avril 2011, la Société T. B. T. C.. interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions régulièrement notifiées à la partie adverse le 27 février 2012, et auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société T. B. T. C. entend voir constater que M. X... a fait l'objet d'un licenciement pour fautes graves, et voir infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle demande qu'il soit jugé que la procédure introduite par M. X... est manifestement abusive. Elle réclame paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et celle de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société appelante fait valoir que M. X..., perturbateur notoire, incitait au désordre et n'a pas cessé de multiplier les absences sans motif légitime, qu'il a proféré envers son patron insultes et menaces, ce qu'il n'a pas contesté, et qu'il a fait l'objet de trois lettres d'avertissement et d'une lettre de licenciement pour faute grave.
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Par conclusions déposées au greffe de la Cour le 10 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qui concerne l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, et en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Il fait savoir qu'il se désiste de la demande de paiement d'indemnité compensatrice de congés payés, et réclame paiement de la somme de 10 560 euros pour licenciement abusif, et à défaut celle de 1 769, 76 euros pour procédure irrégulière de licenciement.
Il fait valoir que l'employeur ne peut sanctionner deux fois les mêmes faits, qu'il ressort surtout des différents courriers, l'existence de difficultés relationnelles entre l'employeur et le salarié, et que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont imprécis, sans indication de temps et de lieu, ce qui ne permet pas d'en apprécier la réalité.
Il demande en outre paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision :
Sur les demandes de rappels de salaire et d'indemnités de transport et de panier :
La convention collective des ouvriers du bâtiment et des travaux publics de la Guadeloupe en date du 28 février 2002 a fait l'objet d'un arrêté ministériel d'extension en date du 20 juillet 2004. Dans le cadre de cette convention collective des accords salariaux ont été conclus les 26 février 2008 et 4 juin 2009.
Il résulte de ces accords salariaux qu'à compter du 1er février 2008 le salaire horaire minimal conventionnel d'un ouvrier CP1 s'élevait à 11, 23 euros, puis à compter du 1er mars 2009 à 11, 64 euros.
Les bulletins de salaire de M. X... faisant apparaître un taux de rémunération horaire de 11, 67 euros à partir de septembre 2008, il en résulte que M. X... a toujours été rémunéré à un taux horaire supérieur au taux minimal conventionnel correspondant à sa qualification. Il ne peut donc avoir droit à un rappel de salaire. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
La convention collective régionale prévoit en son titre VIII une indemnité de remboursement de frais de transport qui a pour objet d'indemniser forfaitairement les ouvriers pour des frais de déplacement du domicile au lieu de travail ou d'embauche pour les entreprises qui considèrent que l'embauche journalière se fait au siège.
Selon les accords salariaux des 26 février 2008 et 4 juin 2009, cette prime de transport était fixée à 44, 63 euros par mois à compter du 1er février 2008 puis à 46, 28 euros par mois à compter du 1er mars 2009. Aucune prime de transport ne figure sur les bulletins de paie de M. X..., et contrairement à ce que soutient la Société T. B. T. C. il n'est nullement justifié que celle-ci ait assuré le transport des ouvriers de leur domicile au lieu de travail ou d'embauche. En conséquence l'indemnité conventionnelle de transport allouée à hauteur de 824, 79 euros par les premiers juges sera confirmée.
Selon les mêmes accords salariaux, la prime de panier prévue à la convention régionale a été fixée à la somme de 6, 30 euros par jour à compter du 1er février 2008, puis à 6, 53 euros par jour à compter du 1er mars 2009. Aucune prime de panier n'ayant été versée à M. X..., et l'employeur n'opposant aucune contestation quant aux conditions matérielles prévues conventionnellement pour l'octroi de cette prime, l'indemnité de 2 648, 76 euros allouée par les premiers juges sera confirmée.
Sur la rupture du contrat de travail :
L'avenant au contrat de travail signé par les parties le 24 décembre 2008 ne prévoyant pas de fin de contrat précise, puisqu'il indique que le contrat prendra fin " en fin de chantier ", ce contrat n'indiquant pas par ailleurs de quel chantier il s'agit, et n'entrant pas dans le cadre des dispositions des articles L 1242-12 et D 1242-1 du code du travail, il doit être qualifié de contrat à durée indéterminée.
M. X... a fait l'objet de la part de son employeur d'avertissements adressés par courriers recommandés avec avis de réception en date des 16 et 30 mars 2010 ainsi que d'une mise à pied disciplinaire notifiée par courrier recommandé du 30 mars 2010. Dans ces courriers il lui était reproché des retards de chantier et des absences fréquentes sans justificatif, ainsi que des fautes professionnelles. Il lui était reproché notamment de perturber le climat entre les salariés et d'être insolent à l'égard de son employeur, son comportement nuisant gravement au bon fonctionnement de l'entreprise.
Le motif invoqué à l'appui du licenciement notifié le 9 avril 2010 était le suivant :
« A cause de mauvais comportements de votre part, ainsi de non-respect envers votre employeur, des menaces faites et des fautes professionnelles commises ce qui entrave le bon fonctionnement de l'équipe ainsi d'un manque de stabilité envers vos collègues. »
Comme le relève M. X..., les griefs contenus dans la lettre de licenciement reprennent pour l'essentiel ceux déjà exprimés dans les courriers d'avertissements et de mise à pied disciplinaire, ces faits ayant déjà été une première fois sanctionnés. L'employeur ne justifie pas de comportements ou de faits fautifs postérieurs aux dernières lettres du 30 mars 2010 portant d'une part avertissement et d'autre part mise à pied disciplinaire. Par ailleurs l'employeur ne fournit aucune indication précise permettant de donner consistance à ses reproches, n'apportant aucune précision de temps et de lieu quant aux faits reprochés. La réalité des griefs ainsi invoqués ne peut être vérifiée. Il en résulte que le licenciement prononcé à l'égard de M. X... doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités résultant de la rupture du contrat de travail :
M. X... ayant moins de 2 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise à la date de son licenciement, ne peut, en application de l'article L 1235-5 du code du travail, bénéficier des dispositions de l'article L 1235-3 du même code, et donc prétendre à une indemnité minimale forfaitaire de 6 mois de salaire. L'intéressé ne justifiant pas de l'étendue du préjudice qu'il a subi à la suite de son licenciement, et en particulier ne fournissant aucun élément révélant une période de chômage ou permettant de déterminer l'étendue d'une telle période, il lui sera alloué seulement la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts.
La Société T. B. T. C ne justifiant pas avoir, préalablement au licenciement de M. X..., procédé à la convocation de celui-ci selon les modalités fixées par les articles L 1232-2 et suivants du code du travail, et n'ayant pas fait savoir au salarié qu'il avait la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié, il y a lieu de constater que la procédure de licenciement est irrégulière, le préjudice en résultant pour le salarié devant être réparé par une indemnité de 1 769, 98 euros telle qu'allouée par les premiers juges, correspondant à un mois de salaire.
M. X... ayant une ancienneté de 18 mois et demi à la date de son licenciement, a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire, soit la somme de 1 769, 98 euros.
En application des dispositions des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail, M. X... a droit à une indemnité légale de licenciement équivalente à 1/ 5 de mois de salaire par année d'ancienneté. La durée de son ancienneté à la date de la fin de son préavis étant de 19 mois et demi, et son salaire moyen étant de 2 036, 03 euros calculé sur les 12 derniers mois de salaires, heures supplémentaires comprises, l'indemnité légale de licenciement doit être fixée à 644, 74 euros..
Selon les dispositions de l'article L 6323-19 du code du travail, l'employeur doit, dans la lettre de licenciement, informer le salarié de ses droits en matière de " droit individuel à la formation " (DIF). En l'absence d'une telle information, M. X... qui avait acquis le bénéfice d'un droit individuel de formation à hauteur de 32 heures pour 19 mois de travail, est fondé à obtenir indemnisation de son préjudice à hauteur de 292, 80 euros.
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Au regard du comportement de M. X..., tel que décrit dans les lettres portant avertissements et mise à pied disciplinaire, et non expressément contesté par l'intéressé, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimé, les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel, il sera donc débouté de sa demande formée devant la Cour aux fins d'obtenir une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la Société T. B. T. C. à payer à M. X... la somme de 3 102, 07 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, et celle de 653, 52 euros à titre de rappel de salaire, et en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
Le réformant sur ces trois chefs de demandes et statuant à nouveau,
Constate que M. X... se désiste de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés,
Déboute M. X... de sa demande de paiement de rappel de salaire,
Condamne la Société T. B. T. C. à payer à M. X... la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail,
Condamne la Société T. B. T. C. aux entiers dépens,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.