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23/04/2012 | FRANCE | N°11/00221

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 23 avril 2012, 11/00221


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 167 DU VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00221
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 26 janvier 2011.
APPELANTE
ASSOCIATION VERNATURE BP 197 97118 SAINT FRANCOIS Représentée par Maître WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ

Monsieur Denis X...... 97150 SAINT MARTIN Représenté par Maître SZWARCBART substituant Maître Jeanne-hortense LOUIS (Toque 62), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMP

OSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 février 2012, en audience publique, devant...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 167 DU VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00221
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 26 janvier 2011.
APPELANTE
ASSOCIATION VERNATURE BP 197 97118 SAINT FRANCOIS Représentée par Maître WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ

Monsieur Denis X...... 97150 SAINT MARTIN Représenté par Maître SZWARCBART substituant Maître Jeanne-hortense LOUIS (Toque 62), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, rapporteur. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 avril 2012 puis le délibéré a été prorogé au 23 avril 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par contrat à durée déterminée du 20 août 2008, M. Denis X... a été embauché par l'Association VERNATURE, association d'insertion, en qualité de jardinier moyennant une rémunération selon le SMIC horaire en vigueur, en application de l'article L. 322-4-16-1 ancien du code du travail (article L. 5132-5 nouveau).
La durée du contrat de travail était d'un an, du 20 août 2008 au 19 août 2009 et la durée hebdomadaire de travail de 35 heures, du lundi au vendredi, de 7 heures à 14 heures.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 mars 2009, M. Denis X... a été convoqué par son employeur à un entretien préalable prévu le 20 mars suivant.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 6 avril 2009, l'employeur lui signifiait son licenciement pour faute grave.
Par requête reçue le 7 août 2009, M. Denis X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de faire constater le caractère abusif de son licenciement et de condamner son employeur au paiement des sommes de 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée et de 1700 € au titre de l'indemnité de précarité.
Par jugement du 26 janvier 2011, le conseil de prud'hommes a déclaré recevable et bien fondée la requête de M. X..., dit que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la faute grave, dit que le licenciement de M. X... n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamné l'Association VERNATURE à payer à l'intéressé les sommes sollicitées, ordonné à l'association la remise d'un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et le bulletin de paye du mois de mars 2009.
Par déclaration enregistrée le 7 février 2011, l'Association VERNATURE a relevé appel de cette décision.
Par conclusions remises le 22 novembre 2011 et soutenues à l'audience du 6 février 2012, l'Association VERNATURE, représentée, demande à la Cour de :- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- débouter M. X... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif après avoir constaté que les motifs de la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée sont réels et sérieux et parfaitement démontrés,- dire et juger n'y avoir lieu à indemnité de précarité conformément aux dispositions de l'article L. 1243-10 (1 o et 4o) du code du travail.

A l'appui de ses prétentions, l'Association VERNATURE rappelle qu'aux termes de l'article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ; que la faute grave doit résulter d'un comportement volontaire, imputable au salarié contrevenant aux normes disciplinaires dans l'entreprise, c'est-à-dire aux mesures d'organisation générale de l'entreprise destinées au bon fonctionnement de l'ensemble et à assurer un minimum d'harmonie collective ; que la lettre de licenciement est extrêmement claire et précise ;

que les différents griefs reprochés sont justifiés ; qu'en effet, M. X... ne pouvait unilatéralement décider d'utiliser le véhicule de l'entreprise à des fins personnelles, notamment pour l'achat d'une bouteille de gaz ; que l'unique motif susceptible d'atténuer une telle faute est l'absence de sanction antérieure du salarié et de son ancienneté, or, M. X... a, durant toute la relation contractuelle, commis de nombreuses fautes qui lui ont valu des sanctions, mais encore, ce dernier cumulant une ancienneté d'environ 5 mois et demi, était absent durant de nombreuses semaines ; qu'en plus, c'est également à tort que les premiers juges se sont fondés sur des résultats d ‘ examens de laboratoire lesquels ont été effectués le 20 mars 2009, soit postérieurement à la lettre de convocation préalable en vue du licenciement en date du 11 mars 2009, qu'ainsi, ceux-ci ne pouvaient pas se prévaloir de tels résultats pour affirmer que M. X... ne s'adonnait pas à l'alcool, qu'il est notoire que l'élimination de traces d'absorption d'alcool tant dans le sang que dans les urines s'effectue en quelques heures, voire seulement en quelques jours, qu'il n'est donc pas anormal que des examens médicaux, effectués plusieurs jours, voire plusieurs semaines après l'absorption d'alcool sur son lieu de travail, constatée tant par M. B... le 6 mars 2009 que par M. C... en août 2008 et M. D..., soient négatifs ; qu'en outre, la Cour constatera que les fiches de paie versées aux débats portent l'indication précise des nombreuses absences répétées et non justifiées de M. X... alors que celui-ci a été embauché à plein temps au SMIC horaire ; qu'enfin, les nombreux comportements fautifs de ce dernier ont engendré des dysfonctionnements dans l'entreprise et ont même fait courir des risques à l'un de ses collègues, M. B... qui a été également licencié.

Elle soutient ensuite que l'indemnité de précarité allouée par les premiers juges n'est pas due lorsqu'il s'agit d'un contrat de travail à durée déterminée d'insertion (CDDI) conclu dans le cadre de la politique de l'emploi et prévu par l'article L. 1242-3 du code du travail, et ce en application de l'article L. 1243-10 du même code.
Elle précise enfin qu'il est inutile pour M. X... de verser aux débats des pièces justifiant de sa qualité de bon père famille car ce ne sont pas ses capacités à éduquer ses enfants qui sont remises en cause.
Par conclusions responsives déposées le 16 janvier 2012 et soutenues oralement, M. Denis X..., représenté, demande à la Cour de :- déclarer l'appel de l'Association VERNATURE recevable mais mal fondé,- constater que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une faute grave,- déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence abusif,- confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- condamner l'Association VERNATURE à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du NCPC dont distraction au profit de M. Jeanne-Hortense LOUIS,- condamner la même aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. Denis X... fait d'abord observer que le 6 mars 2009, durant le mouvement social paralysant la Guadeloupe, il a fait un détour, avant de retourner au dépôt, pour récupérer une bouteille de gaz, rare à cet époque, et la déposer à son domicile et ce avec l'autorisation de son employeur, que son collègue B... n'a pas accepté cette situation et que sans raison, ce dernier a tiré sur le frein à main du véhicule en pleine marche, les mettant tous les deux en danger ; que l'utilisation du véhicule de l'employeur est un fait unique, malgré ce qu'indique l'appelante, preuve en est les deux courriers d'avertissement dont il a fait l'objet et qui ne font nullement état d'une faute de cette nature ; qu'il s'agit

bien d'un fait isolé autorisé par l'employeur ; que par ailleurs, s'agissant de l'absorption de stupéfiants et d'alcool pendant les heures de travail, cette accusation n'est pas démontrée, les résultats sanguins rapportés faisant la preuve d'un taux de Gamma GT négatif ; que par ailleurs, toutes ses absences ont été justifiées en temps et en heures par des arrêts de travail et des certificats médicaux ; que la lettre de licenciement est particulièrement imprécise sur ce point puisqu'aucune date d'absence n'y est portée alors que le motif du licenciement fixe les limites du débat ; que sans précision sur les dates d'absences reprochées, aucun contrôle ne peut être fait par la Cour, qu'il est important également de relever que les lettres d'avertissement des 29 septembre 2008 et 12 janvier 2009 dans lesquelles il est fait d'état d'absences, sont inopérantes puisque les griefs indiqués, à supposer qu'ils soient établis, sont couverts par la prescription de deux mois.

Il soutient aussi qu'il n'a jamais été convoqué à une quelconque visite médicale obligatoire ; que l'Association VERNATURE ne justifie pas d'un prétendu manque de respect à l'égard de la directrice ; que les attestations produites sont dépourvues de toute force probante, car d'une part, l'attestation de M. C... n'est pas manuscrite et comporte une signature qui n'est pas identique à celle apposée sur sa carte d'identité, et d'autre part, les attestations de Messieurs F..., B... et D... ont été rédigées par la même personne, les écritures étant parfaitement identiques ; que de plus, l'état de subordination des deux premiers à l'égard de l'employeur ne permet de considérer crédibles leurs déclarations.
Il poursuit enfin que la rupture anticipée du contrat est abusive et implique le versement de dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat ; que le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation des faits et des préjudices subis en fixant le montant de ceux-ci à la somme de 7000 € car les griefs reprochés sont parfaitement vexatoires, qu'il a fait l'objet d'un licenciement disciplinaire sans préavis alors qu'il élève seul ses trois enfants et qu'il a un besoin impérieux de travail et de revenus pour y faire face.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1243-1 du code du travail, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant son échéance qu'en cas d'accord des parties, de faute grave ou de force majeure ;
Attendu que la faute grave s'analyse comme un manquement intolérable rendant impossible la poursuite des relations contractuelles, qu'elle peut être le fait soit du salarié, soit de l'employeur ;
Attendu qu'en conséquence, l'employeur peut dénoncer l'inobservation des obligations contractuelles et légales par un licenciement ;
Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige ;
Attendu qu'en l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée en ces termes : " (...) nous avons le regret de vous notifier la rupture anticipée de votre CDD pour faute grave. En effet, le vendredi 6 mars, entre 13 h 30 et 15 h 00, sur la route nationale 5 entre Saint-François et le Moule, vous avez commis les faits suivants :

- utilisation du matériel de travail à des fins personnelles sans autorisation de la Direction,- absorption de stupéfiants et d'alcool pendant les heures de travail,- manque de respect à l'égard de la Directrice, Par ailleurs vous vous êtes absenté à plusieurs reprises sans autorisation et vous ne vous êtes pas présenté à la visite médicale obligatoire. Nous vous rappelons que les faits qui vous sont reprochés sont constitutifs d'une faute grave au regard des règles de vie de l'entreprise. Ces faits ont engendré des dysfonctionnements dans l'entreprise et fait courir des risques à l'un de vos collègues. Ce comportement nous contraint à mettre un terme à votre contrat. "

Attendu que les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits pour considérer que la faute grave n'était pas constituée ; qu'en effet, l'utilisation du véhicule de service par M. X... le 6 mars 2009 revêt un caractère exceptionnel compte-tenu de l'épisode de grève générale paralysant à cette époque la Guadeloupe et du fait qu'il n'est pas davantage rapporté la preuve d'une utilisation répétée de ce véhicule par l'intéressé ; qu'en outre, la consommation d'alcool et de stupéfiants pendant les heures de travail est insuffisamment étayée par l'employeur, lequel s'appuie uniquement sur les attestations de ses propres salariés, M. C... dont l'attestation comporte une signature distincte de celle apposée sur sa carte d'identité, ne relate aucun fait ayant eu lieu durant les heures de travail, pour sa part, M. F... ne fait état que de l'usage du véhicule de service, M. D... n'ayant été témoin d'aucun fait sur le lieu de travail mais décrivant l'individu comme un consommateur régulier d'alcool alors que M. Denis X... verse aux débats, de son côlé, des résultats d'examens sanguins en date du 20 mars 2009 faisant apparaître un taux de GAMA GT normal ; que de plus, l'Association VERNATURE ne prouve nullement avoir fait convoquer son salarié à une visite médicale obligatoire et ne précise pas davantage les périodes d'absences sans autorisation de son salarié ; qu'en tout état de cause, certaines absences dénoncées sont bel et bien justifiées par l'attestation qu'a délivrée le médecin traitant de M Denis X..., pour la période allant de fin novembre 2008 à mi janvier 2009, ce qui ressort d'ailleurs du bulletin de salaire de janvier 2009, et ensuite pour celle du 16 avril au 28 avril 2009 ;
que dès lors, tous ces éléments conduisent la Cour à confirmer le jugement entrepris sur ce chef.
SUR L'INDEMNITÉ DE PRÉCARITÉ :
Attendu que l'indemnité de précarité n'est pas allouée lorsqu'il s'agit d'un contrat de travail à durée déterminée d'insertion (CDDI) conclu dans le cadre de la politique de l'emploi et prévue par l'article L. 1242-3 du code du travail, et ce en application de l'article L. 1243-10 du même code ;
qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision des premiers juges qui ont alloué une indemnité de précarité de 1700 € à M. X....

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement du 26 janvier 2011 sauf en ce qu'il a alloué une indemnité de précarité de 1 700 € à M. Denis X... ;
Et statuant à nouveau sur ce chef de demande,
Déboute M. Denis X... de sa demande relative au versement d'une indemnité de précarité ;
Y ajoutant,
Condamne l'Association VERNATURE à payer à M. X... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Association VERNATURE aux éventuels dépens de l'instance d'appel ;
La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00221
Date de la décision : 23/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-04-23;11.00221 ?
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