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23/04/2012 | FRANCE | N°10/00421

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 23 avril 2012, 10/00421


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 162 DU VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00421
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 décembre 2009.
APPELANT
Monsieur Olivier X...... 97129 LAMENTIN Représenté par Maître Thierry AMOURET (Toque 63), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE

EURL PAYEN FRANCOIS-SARL Habitation Bailly Fonds Thezan 97180 SAINTE-ANNE Représenté par Maître Frédéric JEAN-MARIE (Toque 54), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION

DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, devant la Cour ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 162 DU VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00421
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 décembre 2009.
APPELANT
Monsieur Olivier X...... 97129 LAMENTIN Représenté par Maître Thierry AMOURET (Toque 63), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE

EURL PAYEN FRANCOIS-SARL Habitation Bailly Fonds Thezan 97180 SAINTE-ANNE Représenté par Maître Frédéric JEAN-MARIE (Toque 54), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller rapporteur, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 23 avril 2012

GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE :
Selon contrat à durée indéterminée en date du 18/ 10/ 2002, M. X... a été embauché par l'EURL FRANCOIS PAYEN en qualité de technico-commercial. La rémunération de M. X... prévue contractuellement était progressive en fonction du chiffre d'affaires réalisé et constituée d'une partie fixe et d'un intéressement. Le salaire s'élevait lors de la rupture du contrat de travail à un montant de 2 902. 00 € brut mensuel.
Les relations professionnelles se sont déroulées normalement jusqu'en août 2004. Par courrier du 27 octobre 2004, la société PAYEN adressait un premier avertissement à M. X....
Par courrier du 8 décembre 2004, M. X... est convoqué à un entretien préalable à son licenciement. L'entretien a lieu le 17 décembre 2004 et M. Olivier X... se voit notifier son licenciement le 22 décembre 2004. I1 est dispensé d'exécuter son préavis de deux mois.
Monsieur Olivier X... a saisi le Conseil des Prud'hommes de POINTE à PITRE le 2 février 2005 afin de voir constater la rupture abusive de son contrat de travail et solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Par jugement du 16 décembre 2009, le Conseil de prud'hommes de POINTE-A-PITRE :
Déboute le demandeur M. Olivier X... de toutes ses demandes fins et conclusions,
Condamne M. Olivier X... à payer à titre reconventionnel à son ex employeur l'EURL François PAYEN les sommes suivantes :
3 658, 80 E de trop perçu sur commissions 2 000 E au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux éventuels dépens..

Par déclaration déposée au greffe le 19 février 2010, M. X... Olivier a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et DEMANDES des PARTIES :

Par dernières conclusions déposées le 6 février 2012 et reprises oralement à l'audience, M. Olivier X... fait valoir au soutien de son appel, que :
- à compter d'octobre 2004, l'EURL PAYEN a cessé de verser à Monsieur Olivier X... les sommes dues à titre de commissions et ce pour un montant mensuel de 304. 90 €. Son contrat de travail a cessé à l'expiration du préavis soit le 22 février 2005. L'EURL FRANCOIS PAYEN lui doit donc le montant des commissions au titre des mois d'octobre, novembre, décembre 2004, janvier et février 2005. L'arriéré de commissions à percevoir s'élève donc à un montant total de 1 524. 50 € (5 x 304. 90 €).
- sur l'insuffisance de résultats : pour être opposables au salarié, les objectifs doivent répondre à certains critères : ainsi, qu'ils soient déterminés contractuellement ou unilatéralement par l'employeur, ils doivent être réalistes et réalisables. Le fait de ne pas atteindre les résultats fixés ne peut donc pas être systématiquement une cause réelle et sérieuse de licenciement
-pour prouver les prétendues pertes de marge, l'employeur se contente de produire des tableaux qu'il a lui-même fabriqués. Par ailleurs, quand bien même il y aurait eu perte de marge, cet élément n'était pas suffisant pour justifier un licenciement.
- la perte de confiance ne peut constituer un motif de licenciement.
M. Olivier X... demande à la Cour :
- INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE et rejugeant,
- CONDAMNER l'EURL François PAYEN à lui payer la somme de 1 524. 90 € à titre d'arriérés de commissions,
- DIRE ET JUGER que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence,
- CONDAMNER l'EURL François PAYEN à verser à M. Olivier X..., en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive de son contrat de travail, une indemnité de 60 000 €,
- CONDAMNER la défenderesse à payer à M. Olivier X... la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'EURL PAYEN, par conclusions déposées le 12 septembre 2011 et reprises oralement à l'audience, s'oppose à ces demandes et indique que :

- les pertes enregistrées résultent des pièces comptables de l'entreprise et, en tout état de cause, M. X... n'apporte aucune contradiction aux chiffres présentés par l'employeur,
- M. X... avait la charge des chantiers vérifiés par l'employeur et l'examen des distorsions entre le " prévu " et le " réalisé " s'explique par les multiples erreurs commises au niveau de l'établissement des devis, des commandes passées et du suivi des chantiers de montage,
- le détail des errements de M. X... s'agissant particulièrement du chantier PHP a fait l'objet d'un rapport circonstancié en date du 30/ 08/ 2005 adressé à l'EURL PAYEN par son fournisseur la société PROVOST International.
- la perte de confiance n'est pas le motif du licenciement mais c'est un élément dans l'éthique professionnelle,
- par ailleurs le contrat de travail rappelait l'importance du rapport permanent d'activités, outil indispensable pour la Direction, rapport qui n'a pas été remis ponctuellement,
- les sommes réclamées au titre des commissions ne peuvent être payées puisque M. X... n'a pas réalisé ses objectifs.

L'EURL PAYEN demande à la Cour de :

Confirmer le jugement,
Condamner M. X... Olivier au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 6 février 2012.

MOTIFS de la DECISION :

- sur le licenciement :

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l'espèce, cette lettre du 22 décembre 2004 mentionne :
« Objet : Notification de licenciement
Monsieur,
Suite à l'entretien que nous avons eu le vendredi 17 décembre 2004 à 15 h 30. et en dépit de vos dernières explications, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour le motif suivant :
- Insuffisance de résultats, consécutivement à une baisse importante de nos liquidités alors que nous venions tout juste de terminer le traitement de deux chantiers importants en valeurs facturées.
Afin de mieux comprendre ce qui se passait, nous avons fait procéder à une vérification des opérations dont vous aviez la charge, en nous limitant volontairement aux chantiers dont la valeur facturée était supérieure à 10 000 €.
Cette vérification, outre la confirmation des insuffisances de résultats nous a montré de nombreuses insuffisances professionnelles importantes vous concernant.
À travers les résultats que nous avons découverts, toute tentative de s'expliquer sur ce sujet a été vaine tant à mon initiative qu'à travers celle de votre entourage professionnel : (notre sous-traitant pour les questions informatiques chargé entre autre de réaliser ce contrôle).
Les différentiels entre les attendus de marge par rapport aux marges réalisées sur ces 10 chantiers ont été catastrophiques : plus de 40 000 € de pertes seulement sur ces 10 chantiers profondément analysés.
Que nous réserve le reste de l'analyse en cours, sur l'ensemble des chantiers dont vous avez eu la responsabilité ?
Votre attitude à vouloir nier l'évidence en vous réfugiant derrière la négation n'a fait que confirmer les suspicions qui s'étaient installées, quant à la possibilité de continuer à vous faire confiance.
Cette perte de confiance a été amplifiée par votre refus a maintes fois répétée, de ne pas remplir vos engagements contractuels pour ne citer que ceux-là : Information, concurrence, rapport permanent (cf. contrat page 5/ 12).
Votre préavis d'une durée de deux mois commencera à courir à compter de la première présentation de cette lettre.
En la circonstance, afin d'éviter que vous soyez encore plus nuisible à notre entreprise, nous vous dispenserons à compter de la prise d'effet de ce licenciement d'effectuer votre préavis.
Pendant cette période vous percevrez néanmoins votre rémunération habituelle à chaque échéance normale de la paye. (…). »
Si la perte de confiance ne peut fonder un licenciement, en revanche les pièces produites démontrent la véracité des griefs d'insuffisance professionnelle dans les domaines qui correspondent très précisément aux missions confiées à M. X... :
L'examen des distorsions entre le « prévu » et le « réalisé » s'explique par les erreurs commises au niveau de l'établissement des devis, des commandes passées et du suivi des chantiers au montage.
L'analyse détaillée de dix chantiers supérieurs à 10 000 € montre un écart négatif sur chacun d'eux-sauf un-entre les résultats chantiers prévus et réalisés.
Ainsi :
Chantier no Client Montant
1095 JARRY AUTO KIT-4 135, 44 1238LEADER CASH-681, 97 1241AUTOMAX-307, 40 1351SDVI-2 499, 48 1354PHP-34 830, 52 1355GPG + 2 886, 24 1356VIVIES MATERIAUX-1 663, 74 1357KERPA-1 868, 84 1358SACI-1 969, 95 1385 GENERALE DES EAUX-341, 75

TOTAL-45 412, 85

M. X... ne conteste pas cet audit précis.

S'agissant du chantier PHP, celui-ci a fait l'objet d'un rapport circonstancié en date du 30/ 08/ 2005 adressé à l'EURL FRANCOIS PAYEN par son fournisseur la Sté PROVOST INTERNATIONAL :

" Monsieur,
Nous faisons suite à votre demande concernant l'affaire PHP Payen, et vous prions de trouver ci-joint l'historique des enregistrements de commandes et correspondances.
Nous avons reçu le 28 avril 2004 une commande de 4 pages ayant pour références 04-806 pour le client PHP Jarry.
1er page : page de garde signé par Mr Olivier X...

2ème et 3ème page commande (Cette commande comprenait 2 types de matériels : 1 partie rayonnage à palette PROPAL et l'autre en rayonnage ACCUMULATION.)

4ème page Plan de la partie Accumulation

Après enregistrement, nous avons constaté que les prix indiqués sur votre commande étaient différents de ceux de notre système informatique et que par rapport aux quantités, nous arrivions à un montant total net h. t. départ de 66 168, 12 € contre 78 533, 30 € sur votre commande fax.

Nous avons donc transmis les confirmations de commande pour vérification, en signalant cet écart de prix à Mr. O. X.... Il nous a alors répondu qu'il était possible que votre système informatique ne soit pas à jour au niveau des prix
Nous avons une nouvelle fois, dès le lendemain envoyé les confirmations de commandes pour vérification. Le prix final étant encore inférieur à celui de votre commande initiale, pour Mr O. X... tout était OK.
Ce n'est qu'au moment de la réception de la marchandise sur place, que vous vous êtes aperçu de l'erreur et du manque de 1000 longerons. (Ce qui expliquait finalement l'écart de prix). "
C'est donc bien l'insuffisance professionnelle du salarié qui est retenue en l'espèce. L'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. Ne présentant pas un caractère fautif, elle ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire. Contrairement aux autres motifs de licenciement pour lesquels la lettre de licenciement doit être circonstanciée, il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée. Il demeure que l'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective. Sont des éléments concrets, par exemple la mauvaise gestion du service confié à une salariée, celle ci ne s'étant pas adaptée aux responsabilités que comportait son poste. Les griefs formulés doivent donc être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement étant également rappelé que pour légitimer un licenciement, il n'est pas nécessaire que l'inadaptation à l'emploi ou l'incompétence se soient traduites par une faute professionnelle caractérisée.

En l'espèce, les pièces produites démontrent la véracité de ces griefs qui correspondent très précisément aux missions confiées à M. X... puisque le motif du licenciement n'est pas, contrairement au raisonnement développé par M. X..., le fait de ne pas avoir atteint les objectifs de chiffres d'affaire – qui d'ailleurs n'étaient pas irréalisables puisque sur les douze derniers mois, M. X... a approché l'objectif fixé-mais celui des erreurs importantes dans le suivi des chantiers avec leurs conséquences importantes sur les marges : ces éléments caractérisent bien l'insuffisance professionnelle du salarié, qui constitue le motif de la rupture du contrat comme indiqué dans la lettre de licenciement.
- sur les commissions :
M. X... a perçu une avance mensuelle de 304, 90 € au titre des commissions. A défaut de réalisation des objectifs fixés, et d'ailleurs jamais contestés par M. X... durant le déroulement de son contrat de travail, les commissions n'étaient pas dues et les avances, soit la somme de 3 658, 80 €, doivent donc être remboursées, en confirmation du jugement.

- sur les frais irrépétibles :

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour
Confirme le jugement,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M. X... Olivier aux éventuels dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00421
Date de la décision : 23/04/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-04-23;10.00421 ?
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