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16/04/2012 | FRANCE | N°11/00504

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 16 avril 2012, 11/00504


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 160 DU SEIZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00504
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 01 mars 2011.
APPELANTE
SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAIBES Aérogare Fret Nord " Guadeloupe Pôle Caraïbe "- Morne Maniel Providence 97139 LES ABYMES Représentée par la SCP COUROUX/ SILO-LAVITAL (TOQUE 38) avocats au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
Monsieur Jean-Louis X... ... 97122 BAIE MAHAULT Représenté par la SELARL CANDELON-BERRUETA (TOQUE 84) avocats au

barreau de GUADELOUPE

SAS ANTILLES HANDLING Immeuble Grébas-Morne Lacroix 97139 LES ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 160 DU SEIZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00504
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 01 mars 2011.
APPELANTE
SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAIBES Aérogare Fret Nord " Guadeloupe Pôle Caraïbe "- Morne Maniel Providence 97139 LES ABYMES Représentée par la SCP COUROUX/ SILO-LAVITAL (TOQUE 38) avocats au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
Monsieur Jean-Louis X... ... 97122 BAIE MAHAULT Représenté par la SELARL CANDELON-BERRUETA (TOQUE 84) avocats au barreau de GUADELOUPE

SAS ANTILLES HANDLING Immeuble Grébas-Morne Lacroix 97139 LES ABYMES Représentée par Me Jamil HOUDA (TOQUE 29) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, rapporteur. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 février 2012, puis le délibéré a été prorogé jusqu'au 16 avril 2012
GREFFIER Lors des débats M. David GERNEZ, Greffier en chef.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. Jean-Louis X... a été engagé par la S. A. S. ANTILLES HANDLING dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er janvier 1998 en qualité d'agent d'opération et moyennant un salaire brut de 1284, 72 €.
Le 1ER janvier 2003, M. Jean-Louis X... est nommé responsable du service Qualité avec un statut de cadre et perçoit un salaire brut mensuel moyen de 4 000 €.
L'activité économique de la S. A. S. ANTILLES HANDLING consistait principalement à assurer l'assistance au sol des passagers sur l'escale de Pointe-à-Pitre dans le cadre de contrats d'assistance qui font généralement l'objet d'appels d'offres par les compagnies aériennes.
L'ensemble du personnel de la S. A. S. ANTILLES HANDLING a été soumis à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transports aériens.
La compagnie aérienne Corsairfly représentait 70 à 95 % du chiffre d'affaires de la S. A. S. ANTILLES HANDLING.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 20 octobre 2009, la compagnie aérienne Corsairfly informait la S. A. S. ANTILLES HANDLING que : " l'entreprise qui assurera les prestations d'assistance au sol sur l'escale de Pointe-à-Pitre pour notre compagnie à partir du 1er novembre 2009 est : SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES. "
Par courrier du 26 octobre 2009, la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES informait la S. A. S. ANTILLES HANDLING de ce qu'elle reprenait 48 de ses salariés sur 55 et de ce que 7 salariés, occupant pour certains d'entre eux des fonctions d'encadrement dont faisait partie M. Jean-Louis X..., ne pouvaient être repris s'agissant de " personnel de structure non nécessaire à la réalisation de ce nouveau marché ". Les contrats de travail de l'ensemble des autres membres du personnel ont été transférés de plein droit à la société entrante.
Compte-tenu d'un désaccord persistant sur le nombre de personnels à transférer, la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES et la S. A. S. ANTILLES HANDLING ont fait procéder, conformément à l'article 7 de l'annexe IV de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transports aériens, à la désignation d'un expert dont la mission était de donner une recommandation quant au nombre et à la qualification des effectifs à transférer.
L'expert a remis ses conclusions le 25 novembre 2009.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 octobre 2009, la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES convoquait M. Jean-Louis X... à un entretien le 24 octobre 2009 afin d'examiner avec lui les possibilités de transfert de son contrat de travail.
Par lettre du 26 octobre 2009 remise en main propre, ce dernier était informé de la décision de la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES de la non-reprise de son contrat de travail.
La SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES et la S. A. S. ANTILLES HANDLING resteront sur leurs positions opposées quant aux salariés non transférés et quant à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'article 3 de l'annexe IV de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transports aériens.
C'est dans ces conditions que M. Jean-Louis X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 25 juin 2010 aux fins de qualifier la non-reprise de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou, à défaut, de juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamner, dans le premier cas, la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES, au paiement de diverses sommes, et dans le second cas, la S. A. S. ANTILLES HANDLING au paiement de ces mêmes sommes, et en tout état de cause, de dire et juger que la moyenne mensuelle des trois derniers mois représente la somme de 4 186, 34 € et d'ordonner en conséquence l'exécution provisoire à hauteur de 37 677, 06 € en application des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail.
Par jugement du 1er mars 2011, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :- imputé à la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES la rupture du contrat de travail de M. Jean-Louis X...,- dit que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- condamné la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES, en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes : *13 388, 02 € à titre d'indemnité de préavis, * 1 338, 80 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, * 32 033, 33 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, * 76 879, 99 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif, * 25 626, 66 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise de l'attestation destinée à Pôle Emploi, * 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de 9 mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois, soit la somme de 37 677, 06 €,- débouté la S. A. S. ANTILLES HANDLING et la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES de leurs demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES aux dépens de l'instance.

Par déclaration enregistrée le 24 mars 2011, la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES a relevé appel de cette décision.
Par conclusions reçues le 17 octobre 2011 et soutenues à l'audience du 9 janvier 2012, la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES, représentée, demande à la cour de :- constater qu'il n'y a pas eu de modification dans la situation juridique de la S. A. S. ANTILLES HANDLING,- constater qu'il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique,- constater qu'elle n'a repris ni la matériel, ni les locaux occupés par la S. A. S. ANTILLES HANDLING,,- constater qu'une partie des activités de la S. A. S. ANTILLES HANDLING a été reprise par elle,- constater que M. B..., expert désigné par la direction départementale du travail de la région Guadeloupe, a conclu qu'il n'y avait pas lieu de transférer le contrat de travail de M. Jean-Louis X... et que les fonctions de ce dernier n'étaient pas affectées à l'activité transférée,

- constater que postérieurement au 31 octobre 2009, la S. A. S. ANTILLES HANDLING a : * imposé à M. Jean-Louis X... de prendre des congés payés, * délivré les bulletins de salaire, * engagé des recherches aux fins de reclassement,- constater que M. Jean-Louis X... ne justifie pas du quantum des sommes réclamées,- dire en conséquence ses écritures bien fondées et d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er mars 2011,- statuer à nouveau et dire qu'il n'y a pas eu transfert du contrat de travail,- dire que seule la S. A. S. ANTILLES HANDLING est restée l'employeur de M. Jean-Louis X...,- débouter ce dernier de l'intégralité de ses demandes et moyens à son égard,- condamner la S. A. S. ANTILLES HANDLING à lui payer la somme de 38 738, 91 € versée en exécution de la décision entreprise,- condamner enfin la S. A. S. ANTILLES HANDLING à lui payer la somme de 2 600 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,- mettre à la charge de cette société les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait d'abord observer que les relations contractuelles entre les sociétés Corsairfly et ANTILLES HANDLING ont été rompues à l'initiative de cette dernière par courrier du 1er septembre 2009, que c'est dans ce contexte que la société Corsairfly a lancé un appel d'offre auquel elle a soumissionné et que d'ores et déjà la Cour constatera qu'il n'y a pas eu de transfert d'activité, ni de modification dans la situation juridique de la société ANTILLES HANDLING.
Elle indique ensuite que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, que seule la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien, et notamment les articles 3 et 7 de l'avenant 65 de cette convention, devaient être retenus car ceux-ci imposent sous certaines conditions la reprise des contrats de travail, que par respect de ces dispositions, elle a demandé à la société ANTILLES HANDLING de lui adresser la liste des personnes dont le contrat était réputé transférable pour commencer ses activités à compter du 1er novembre 2009, que celle-ci s'est contentée de lui transmettre la liste totale de son personnel, que par courrier du 26 octobre 2009, elle lui a notifié la reprise de 48 de ses salariés et le refus du transfert de 7 autres salariés dont M. X..., qu'étant en désaccord sur le nombre de salariés à transférer, la S. A. S. ANTILLES HANDLING a voulu recourir à une expertise conformément aux dispositions de la convention collective.
Elle précise qu'en ayant recours à cette désignation, la société ANTILLES HANDLING avait parfaitement conscience de la non-applicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail et que seul l'avenant 65 de cette convention trouvait à s'appliquer, que le transfert n'est donc pas de droit, que seuls les effectifs déterminés par les besoins de l'activité sont repris par la nouvelle société, que l'expert a considéré que l'ensemble des tâches effectués par M. X... en sa qualité de responsable " Qualité " le sont au bénéfice de l'ensemble des prestations réalisées par la S. A. S. ANTILLES HANDLING et donc à la société elle-même, et que le suivi des indicateurs " qualité " exigé par la compagnie Corsairflay pouvait être réalisé sans responsable Qualité, que c'est bien parce que les fonctions exercées par M. X... n'étaient pas nécessaires à la réalisation de l'activité transférée que l'expert a estimé que les conditions posées par l'article 3 n'étaient pas réunies, que force est de constater que ce dernier est resté salarié de la S. A. S. ANTILLES HANDLING.

Elle conclut que la S. A. S. ANTILLES HANDLING a toujours une existence légale, sans aucune transformation de structure, qu'il n'y a pas eu reprise de ses locaux, ayant elle-même contracté avec la chambre de commerce et d'industrie une convention le 20 octobre 2009 portant autorisation d'occupation temporaire d'un local désigné A 235, que l'état des lieux de la S. A. S. ANTILLES HANDLING, réalisé postérieurement, soit le 30 octobre 2009, atteste au contraire que celle-ci occupait des locaux différents, désignés A 802, parking 4, local ATA, qu'il n'y a pas davantage reprise du matériel, la compagnie Corsairfly ayant racheté l'essentiel du matériel de la S. A. S. ANTILLES HANDLING et qu'elle-même loue ces matériels auprès de l'entreprise Manustra, qu'enfin, l'activité n'a pas été reprise en totalité puisque l'aviation d'affaires et privée a été reprise par la société Caraïbes Handling dont le gérant, M. C..., n'est autre que l'ancien directeur général de la S. A. S. ANTILLES HANDLING, que c'est bien parce que cette dernière se savait l'unique employeur de M. X... qu'elle a remis des bulletins de paie à l'intéressé et a procédé à sa mise en congés payés, qu'elle a également informé celui-ci, le 26 novembre 2009, de ses démarches de reclassement auprès d'autres entreprises de la commune des Abymes et sur le site de l'aéroport de Pôle Caraïbes, qu'en plus, la direction du travail n'a pas manqué de conseiller la société sortante, le 15 décembre 2009, soit de procéder au reclassement des salariés non repris, soit d'engager une procédure de licenciement à leur égard pour motif économique, qu'enfin, outre la mauvaise interprétation du conseil de prud " hommes dans le principe de la demande, les quantum sont tout aussi contestables, que les indemnités allouées sont manifestement excessives et calculées à partir des salaires fluctuants, qu'aucune motivation n'a été donnée pour justifier l'indemnité correspondant à 18 mois de salaires pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que même l'octroi de 6 mois de salaire pour défaut de remise de l'attestation Pôle Emploi est plus qu'excessive, que compte tenu de tous ces éléments, elle est fondée à réclamer le remboursement de la somme de 38 738, 91 € versée en exécution de la décision entreprise et le paiement de la somme de 2 600 € au titre des frais engagés pour la défense de ses intérêts.

Par conclusions reçues le 18 novembre 2011 et soutenues oralement, la S. A. S. ANTILLES HANDLING, représentée, demande à la Cour de :- débouter la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES de toutes ses demandes comme étant non fondées,- débouter M. Jean-Louis X... de ses demandes dirigées à son encontre, comme étant également non fondées,- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er mars 2011,- dire et juger en conséquence que le contrat de travail de M. Jean-Louis X... devait faire l'objet d'un transfert à la société SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES à compter du 1er novembre 2009, avec toutes conséquences de droit,- la déclarer elle-même hors de cause,- condamner M. Jean-Louis X... et la société SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La S. A. S. ANTILLES HANDLING se prévaut des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail lesquelles disposent que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Elle rappelle qu'en pratique, la Cour de Cassation exige que le salarié concerné soit affecté à une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, que l'article L. 1224-1 précité est ainsi applicable lorsque le transfert porte sur une entité économique autonome qui répond à trois conditions :- une activité spécifique ou distincte de l'activité principale,- qui doit avoir une organisation propre,- doit enfin disposer d'éléments d'actifs corporels ou incorporels, que la condition centrale est celle de l'existence d'une entité économique ayant conservé son identité et que cette condition s'apprécie au regard de la méthode du faisceau d'indices, qu'en l'espèce, comme ont pu le constater les premiers juges, les critères jurisprudentiels sont réunis, le marché, après avoir été rompu, a été attribué consécutivement à la société SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES qui n'avait jusqu'alors aucune existence légale, ni d'expérience dans le domaine et qui n'a été créée que pour reprendre le contrat Corsairfly, que cette société n'avait aucune structuration, ni organisation propre, ni personnel, qu'elle a racheté le 23 octobre 2009 l'ensemble de ses matériels hors piste, soit les bureaux, chaises, armoires, terminaux informatiques, routeurs Wifi, imprimantes pour un montant de 40 530 €, les baies de brassage informatique pour un montant de 1 085 €, que l'activité reprise comprend exactement la même clientèle, qu'elle a repris la quasi-totalité du personnel déjà formé aux tâches d'assistance aux avions et aux passagers, soit 48 personnes sur 55, qu'elle utilise les matériels de piste que la société Corsairfly a acheté pour 400 000 € et que celle-ci lui a expressément demandé par lettre du 20 octobre 2009 de mettre ces équipements à disposition de la société SAMSIC, que cette dernière a repris immédiatement les locaux antérieurement occupés par elle-même comme en atteste l'état des lieux de sortie établi avec la chambre de commerce et d'industrie de Pointe-à-Pitre, que tous ces éléments et indices démontrent suffisamment que les critères jurisprudentiels retenus pour l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail sont réunis et que les contrats de travail se poursuivent de plein droit par le seul effet de la loi avec le nouvel employeur, que si néanmoins, l'employeur initial informe ses salariés qu'à partir d'une certaine date, ils ne seront plus à son service, mais à celui de son successeur, il y a là simplement notification de changement d'employeur et non acte de licenciement et que la délivrance d'un certificat de travail et le versement d'une indemnité de congés, en plus d'une telle notification, n'engendrent pas davantage la rupture, que les contrats de travail en cours sont maintenus dans les mêmes conditions où ils étaient exécutés au moment de la modification dans la situation juridique de l'ancien employeur de sorte que le nouvel employeur et les salariés sont liés par le même contrat qui subsiste par l'effet de la loi.

Elle précise par ailleurs être de bonne foi et avoir tout mis en oeuvre pour que les collaborateurs non repris par la société SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES conservent leurs emplois au sein de la nouvelle structure, que la preuve de ses efforts est rapportée par les divers courriers qu'elle n'a cessé d'adresser tant à cette dernière qu'à la direction du travail, que c'est en toute mauvaise foi que la société SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES a prétendu que le contrat avec Corsairfly ne représentait que 70 à 95 % de ses activités et qu'elle n'avait pas le besoin de tout le personnel antérieurement employé, alors qu'il est établi que la société appelante a très rapidement repris 100 % de ses activités, que la cour notera également que cette société est coutumière d'une mauvaise foi patente, filiale de la société SAMSIC qui défraie la chronique judiciaire en employant des travailleurs sans papiers dans une autre filiale dénommée SENI, située en France métropolitaine.
Elle fait aussi observer que pour contourner l'application de plus en plus contraignante de l'article L. 1224-1 du code du travail, il est de pratique courante de conclure des accords collectifs organisant le transfert des salariés dans des conditions moins avantageuses mais que la jurisprudence veut dans ce cas que l'article L. 1224-1 du code de travail soit applicable prioritairement à l'accord collectif qui, en l'espèce, permettait également la reprise du contrat de M. X..., lequel exerçait à la fois les fonctions de responsable Qualité et d'agent d'opérations rentrant dans le cadre restrictif de l'article 3 de l'avenant 65 de l'accord collectif.
Elle termine cependant en insistant sur le fait que M. X... ne justifie d'aucun préjudice, que ses demandes colossales ne sont corroborées par aucun justificatif, celui-ci cherchant à profiter abusivement de sa situation.
Par conclusions remises le 14 novembre 2011 et soutenues oralement, M. Jean-Louis X..., représenté, demande à la Cour de faire droit à ses demandes telles qu'elles ont été exposées en première instance.
Il expose que trois hypothèses sont concevables :- soit l'article L. 1224-1 du code du travail qui est d'ordre public et applicable au présent cas conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation-Assemblée Plénière du 16 mars 1990- prise en application de la Directive du 1er février 1977 devenue la Directive no2001-23 du 12 mars 2001, et suivant laquelle cet article trouve matière à s'appliquer même en l'absence de lien de droit entre employeurs successifs (résiliation d'un marché suivi d'un appel d'offre) dès lors qu'il y a transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise,- soit les conditions objectives de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies et la Cour considère que le transfert des contrats de travail obéit à l'annexe IV de la convention collective national du personnel au sol des entreprises de transports aériens qui organise le transfert du personnel entre entreprises d'assistance en escale,- soit enfin, la cour considère que ni les conditions objectives l'article L. 1224-1 du code du travail, ni les conditions des articles 2 et 3 de l'annexe IV de la convention collective susvisée ne sont remplies.

Il soutient alors que si l'une des deux premières hypothèses est retenue, la cour ne pourra que dire et juger qu'à la date du transfert prévu le 1er novembre 2009, il est devenu salarié de la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES de par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail et/ ou des articles 2 et 3 de l'annexe IV de la convention collective et que conformément à une jurisprudence constante, le refus de reprendre son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il fait valoir en second lieu que si la Cour envisage uniquement la troisième hypothèse, elle ne pourra que dire et juger qu'il est resté salarié de la S. A. S. ANTILLES HANDLING et qu'il est fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de celle-ci car elle aurait dû poursuivre l'exécution de celui-ci ou procéder à son licenciement pour motif économique avec versement d'indemnités de rupture et qu'en tout état de cause, il est fondé à réclamer ces indemnités.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère expressément à leurs conclusions écrites et à la décision antérieure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail :
Attendu que l'article L. 1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ;
Attendu que cet article, interprété à la lumière de la directive no2001/ 23/ CE du 12 mars 2001 s'applique de plein droit, même en l'absence de liens de droit entre les employeurs successifs, dès lors qu'il y a transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ;
attendu que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que cet ensemble est donc constitué de trois éléments :- une activité,- des personnes,- des éléments corporels ou incorporels, et doit être organisé,

qu'en l'espèce, la Cour relève que :
- par lettre du 1er septembre 2009, la S. A. S. ANTILLES HANDLING informe la société Corsairfly de sa décision de cesser toutes ses prestations d'assistance à son profit sur l'escale de Pointe-à-Pitre et de résilier le contrat d'assistance du 29 juin 2007 à compter du 1er novembre 2009 ;
- l'activité d'assistance se déclinait dans le contrat du 29 juin 2007 comme suit : enregistrement et embarquement des passagers de la compagnie bénéficiaire-traitement des excédents de bagages-manutention et transport des bagages (embarquement et débarquement)- litiges bagages (bagages retardés, perdus ou détériorés)- opérations (préparation vol et chargement avion) ;

- par lettre du 20 octobre 2009, la compagnie Corsairfly informe la S. A. S. ANTILLES HANDLING que l'entreprise SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES assurera à partir du 1er novembre 2009 les prestations d'assistance au sol sur l'escale de Pointe-à Pitre et lui demande de faire en sorte que la continuité des prestations se passe au mieux ;

- la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES a été créée dans le seul but de répondre à l'appel d'offre de la société Corsairfly, l'extrait KBIS de celle-là faisant apparaître la création d'un fonds au 1er novembre 2009 relatif à toutes prestations de services et d'assistance aéroportuaire et à toutes prestations de services et d'assistance aux voyageurs et clients en gare et aérogares ; qu'elle a également racheté l'ensemble des matériels hors piste appartenant à la S. A. S. ANTILLES HANDLING par facture du 23 octobre 2009 et dont l'entrée en jouissance a été fixée au 1er novembre 2009 soit une semaine seulement avant le début de ses activités sur l'escale et pour un montant de 40 530 € : bureaux, chaises, armoires, terminaux informatiques, routeurs Wifi, imprimantes ; qu'elle a également acheté le 1er
novembre 2009 à la S. A. S. ANTILLES HANDLING le véhicule VP RENAULT immatriculé 563 ASY 971, alors que ce véhicule était censé être vendu à la société Corsairfly (cf la pièce no 4-6 de l'appelante), et le 6 novembre 2009 les baies de brassage pour un montant TTC de 1 085 € ;
- la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES a également repris la quasi-totalité des salariés-48 personnes sur 55, déjà formés aux tâches d'assistance aux avions et aux passagers et connaissant parfaitement les demandes de la compagnie Corsairfly, client très largement majoritaire dans le chiffre d'affaires de la S. A. S. ANTILLES HANDLING, qu'ainsi, elle a repris la quasi totalité de sa clientèle et sans restriction expresse de l'activité transférée ;
- cette nouvelle société utilise les matériels de piste que la compagnie Corsair fly a acheté pour un montant de 400 000 € entre les mains de de la S. A. S. ANTILLES HANDLING et à laquelle il a été expressément demandé par lettre du 20 octobre 2009 de les mettre à disposition de la société SAMSIC ;
Attendu que la Cour note par ailleurs que la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES n'apporte pas la preuve d'un contrat de location du matériel de piste vendu à la société MANUSTRA comme indiqué dans ses conclusions ; qu'elle n'apporte pas davantage la preuve du contrat d'achat des matériels neufs " escaliers passagers types ABS-580- marque TLD-no de série T22649 et T22648 dont elle fournit uniquement des déclarations de conformité, lesquelles sont insuffisantes à prouver son droit de propriété ;
que la convention d'autorisation d'occupation temporaire des locaux A235 de la chambre de commerce et d'industrie de Guadeloupe versée par l'appelante n'était sans doute qu'un projet en date du 20 octobre 2009, car ce document ne comporte aucune signature de la dite chambre de commerce et d'industrie ;
que la Cour constate également que ces locaux dont la superficie est de 26 m2, auraient bien du mal à contenir tout les mobiliers et équipements informatiques rachetés par la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES ;
qu'il y a bien en l'espèce transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant la poursuite d'une activité économique ayant un objectif propre, l'assistance au sol au profit de la compagnie aérienne Corsairfly, de sorte que le contrat de travail de M. X... est transféré de plein droit au sein de la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES qui devait le poursuivre dans les mêmes conditions qu'antérieurement et qu'à défaut, la rupture du contrat doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
que par ces motifs, la Cour confirme le jugement dont appel.
Sur les demandes pécuniaires :
Attendu que le conseil de prud'hommes motive sa décision en mentionnant que l'étude des feuilles de paie de M. X..., de novembre 2008 à octobre 2009, montre un total de 51 235, 32 € comprenant le treizième mois, soit 4271, 11 € mensuel ;
que la Cour approuve les montants retenus par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES à verser à M. X... les sommes suivantes :

* 13 388, 02 € à titre d'indemnité de préavis, la convention collective prévoyant un préavis de trois mois, * 1 338, 80 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, * 76 879, 99 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif, * 25 626, 66 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise de l'attestation destinée à Pôle Emploi, ces deux dernières sommes étant justifiées par le nombre d'années d'ancienneté de M. X..., de ses efforts de qualification interne au sein de l'entreprise et des difficultés à retrouver un emploi similaire dans le même secteur d'activité et de l'absence d'aucun revenu, faute de délivrance de l'attestation Pôle emploi ;

Attendu que la Cour infirme cependant la décision sur le quantum de l'indemnité conventionnelle de licenciement qui doit être fixée à la somme de 34 165, 06 € au lieu de 32 033, 33 €, les indemnités de congés payés acquis pour le salarié sur la période de novembre 2008 à octobre 2009 et qui ont été réglées dans le cadre de la délivrance de bulletins de salaire établis postérieurement à la rupture pour une somme globale de 3 411, 50 €, venant s'ajouter à la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement.

Sur les autres demandes :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais qu'il a dû engager en cause d'appel pour la défense de ses droits ;
Attendu que la Cour rejette la demande de la S. A. S. Antilles Handling de condamner in solidum M. X... et la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement du 1er mars 2011 sauf en ce qu'il a condamné la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES, en la personne de son représentant légal, à payer à M. Jean-Louis X... la somme de 32 033, 33 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Statuant à nouveau ;
Condamne la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES, en la personne de son représentant légal, au paiement à payer à M. Jean-Louis X... la somme 34 165, 06 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SARL SAMSIC ASSISTANCE CARAÏBES à payer à M. Jean-Louis X... la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00504
Date de la décision : 16/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-04-16;11.00504 ?
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