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16/04/2012 | FRANCE | N°11/00261

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 16 avril 2012, 11/00261


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 158 DU SEIZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00261
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 26 janvier 2011.
APPELANT
Monsieur Franck X...... 97160 LE MOULE Représenté par Me Frédéric JEAN-MARIE (TOQUE 54) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
Maître Marie-Agnès Y..., ès-qualité de mandataire liquidateur de la SARL SGPP ... 97190 GOSIER Représentée par Me Florence DELOUMEAUX (TOQUE 101) avocat au barreau de GUADELOUPE

CENTRE DE G

ESTION ET D'ETUDES AGS DE FORT DE FRANCE Imm. Eurydice-Dillon Valmenière-Route de Pointe des Sab...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 158 DU SEIZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00261
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 26 janvier 2011.
APPELANT
Monsieur Franck X...... 97160 LE MOULE Représenté par Me Frédéric JEAN-MARIE (TOQUE 54) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
Maître Marie-Agnès Y..., ès-qualité de mandataire liquidateur de la SARL SGPP ... 97190 GOSIER Représentée par Me Florence DELOUMEAUX (TOQUE 101) avocat au barreau de GUADELOUPE

CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS DE FORT DE FRANCE Imm. Eurydice-Dillon Valmenière-Route de Pointe des Sables 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 avril 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure : :

Par contrat de travail à durée déterminée en date du 30 novembre 2006, Monsieur X... a été engagé par la Société SGPP en qualité d'agent de sécurité pour la période du 1er décembre 2006 au 30 juin 2007. Il était précisé dans ledit contrat que cet engagement était conclu en raison de l'accroissement temporaire d'activité résultant de la surveillance des lycées.
Par un deuxième contrat à durée déterminée en date du 29 août 2007, M. X... était engagé par la Société SGPP pour le même emploi, pour la période du 5 septembre 2007 au 31 décembre 2007. Il était précisé dans ce contrat le même motif, à savoir qu'il était conclu en raison de l'accroissement temporaire d'activité résultant de la surveillance des lycées.
Par un troisième contrat à durée déterminée en date du 4 janvier 2008, M. X..., toujours pour le même motif, était engagé par la Société SGPP pour occuper le même emploi.
Ne se voyant pas réengagé en septembre 2008, M. X... adressait le 9 septembre 2008, un courrier à l'inspection du travail, en expliquant que depuis son embauche au sein de la Société SGPP, il avait toujours été affecté sur le site du lycée Faustin Fleuret à Morne à l'Eau, et en faisant valoir qu'il demandait la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, ainsi que sa réintégration au sein de la Société SGPP, sur le site où il avait exercé pendant près de 2 ans. Il entendait voir constater ces infractions par procès-verbal, et être informé de la transmission de celui-ci au Parquet.
Le 7 mai 2009, la Société SGPP faisait l'objet d'une liquidation judiciaire.
Le 20 mai 2009, M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et voir ordonner sa réintégration sous astreinte. Il sollicitait paiement de l'intégralité de la rémunération qu'il aurait perçue à compter de juillet 2008 jusqu'à sa réintégration sur la base de 1150 euros net par mois. Il réclamait en outre paiement de la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par jugement du 26 janvier 2011, la juridiction prud'homale, retenant que la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, conclus entre M. X... et la Société SGPP ne pouvait être accordée au vu des dispositions des articles L 1242-2 et 7231-1 et suivants du code du travail, déboutait M. X... de l'ensemble de ses demandes.
Le 14 février 2011, M. X... interjetait appel de cette décision.
Par conclusions du 24 novembre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... entend voir juger que la relation de travail avec la Société SGPP devait être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, et qu'il a été licencié abusivement le 30 juin 2008 sans que la procédure ait été respectée. Il réclame paiement des sommes suivantes :-1150 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,-2300 euros à titre d'indemnité de préavis,

-41 400 euros représentant 36 mois de salaire, à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,-2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il entend voir juger que l'AGS devra couvrir les condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur.

À l'appui de ses demandes M. X... fait valoir que sa situation ne correspond en aucune façon aux caractéristiques des emplois visés à l'article L 1242-2- 3o du code du travail, soutenant que son emploi n'était ni saisonnier, ni temporaire mais s'étalait au contraire sur toute la durée de l'année scolaire.
Il explique qu'aucun usage constant ne permet de recourir systématiquement à des contrats à durée déterminée dans le secteur d'activité de gardiennage et de la sécurité, et il invoque à l'appui de son argumentation un courrier de l'inspection du travail adressé à la Société SGPP en avril 2006.
Il relève également que l'article L7231-1 du code du travail retenu par les premiers juges, concerne les activités de services à la personne physique, ce qui ne correspond pas au cas d'un lycée qui est un établissement public. Il conclut en indiquant que son contrat de travail n'étant pas conforme aux dispositions légales, il devait être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Par conclusions du 31 janvier 2012, Me Marie-Agnès Y..., es qualités de mandataire liquidateur de la Société SGPP, sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle entend voir constater le caractère légal des contrats à durée déterminée conclus entre la Société SGPP et M. X.... Elle sollicite le rejet de l'ensemble des demandes de celui-ci et réclame paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Invoquant les dispositions de l'article L 1242-2- 2o et 3odu code du travail, le mandataire liquidateur rappelle que M. X... est lié à la Société SGPP et non au Lycée Faustin Fleuret de Morne à l'Eau, et fait valoir qu'il était affecté à la surveillance de cet établissement en raison de l'accroissement temporaire d'activité résultant de la surveillance des lycées.
Le mandataire liquidateur explique que les périodes distinctes pour lesquelles les trois contrats de travail ont été conclus, ôtent à ces derniers leur caractère successif et ne permettent aucunement à M. X... de prétendre que le lien contractuel avait un caractère de permanence, et d'établir entre les deux parties une relation contractuelle d'une durée globale indéterminée.
Le mandataire liquidateur souligne que les périodes pendant lesquelles l'appelant était engagé ne correspondent pas à la totalité de la période de fonctionnement de la Société SGPP.
Il expose que le recours aux différents contrats de travail à durée déterminée est justifié dans la mesure où la Société SGPP s'appuyait sur des éléments concrets et objectifs reposant sur le caractère imprévisible du secteur d'activité de sécurité et de gardiennage, connaissant des fluctuations d'activité liées notamment aux problèmes de délinquance, d'intrusion ainsi qu'au nombre d'élèves dans les établissements scolaires.
Par conclusions du 27 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le Centre de Gestion et d'Etudes AGS sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes de M. X..., faisant valoir en outre qu'aucune condamnation directe ne saurait intervenir à l'encontre de l'AGS et que tout au plus cette dernière pourrait être amenée à prendre en charge les créances éventuellement fixées et ce, dans les limites de sa garantie.
Le Centre de Gestion et d'Etudes AGS fait valoir que la demande de réintégration de M. X... ne peut être accueillie favorablement dans la mesure ou l'entreprise a été liquidée le 7 mai 2009 et que plus aucune activité n'existe.

Motifs de la décision :

Il résulte de l'examen des trois contrats de travail à durée déterminée, conclus entre la Société SGPP et M. X..., que le motif précisé pour justifier leur établissement est le suivant : « accroissement temporaire d'activité résultant de la surveillance des lycées ».
Il apparaît ainsi que l'employeur entendait se prévaloir des dispositions de l'article L 1242-2- 2o du code du travail, selon lequel un contrat de travail à durée déterminée peut-être conclue pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et notamment dans le cadre d'un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
Le mandataire liquidateur soutient que les problèmes de délinquance, d'intrusion, et le nombre d'élèves dans les établissements scolaires, étaient de nature à entraîner des fluctuations d'activité. Toutefois les facteurs ainsi évoqués n'entraînent pas en réalité des variations notables d'activité.
En effet on constate que les trois contrats travail se succèdent pendant 18 mois, avec pour seule interruption la période des vacances scolaires d'été 2007.
Par ailleurs il résulte du courrier de l'inspectrice du travail adressé le 10 avril 2006 au gérant de la Société SGPP, que parmi les observations faites à ce dernier, figure la constatation relative au nombre de contrats de travail à durée déterminée au sein de l'entreprise, lesquels concernent 73 salariées sur 125. Il est relevé que ces contrats qui concernent la majorité des salariés de l'entreprise, précisent comme motif « l'accroissement temporaire d'activité ». Il est en outre constaté que ces salariés sont affectés à la surveillance des lycées sur 10 mois de l'année au minimum, l'inspectrice en concluant qu'ils ne peuvent être considérés comme participant à un surcroît d'activité d'autant que celle-ci constitue l'activité principale de l'entreprise.
Il apparaît ainsi que même avant l'embauche de M. X..., la surveillance de lycées était une activité habituelle de l'entreprise et occupait la majorité de ses salariés.
Il y a lieu de constater en l'espèce que la Société SGPP n'a pas justifié que l'engagement de M. X... était destiné à faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise. Il eut fallu pour ce faire qu'elle produise les documents contractuels la liant avec le lycée Faustin Fleuret, et montrant qu'elle était amenée à intervenir de façon limitée dans le temps auprès de cet établissement.

En conséquence, en l'état des constatations qui précèdent, il y a lieu de considérer qu'il n'est pas justifié que l'embauche de M. X... correspondait à un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, et si la période d'emploi de M. X... ne correspondait pas à la totalité de la période de fonctionnement de la Société SGPP, il était possible pour celle-ci, comme le rappelle l'inspectrice du travail dans le courrier suscité, d'avoir recours à des contrats de travail intermittent tels que prévus par les articles L3123-31 et suivants du code du travail, dans le cadre, si besoin, d'un accord d'entreprise, dans la mesure où la majorité des salariés était affectée à la surveillance d'établissements scolaires.

Le contrat de travail de M. X... n'étant pas conclu dans les conditions prévues aux articles L 1242-2 et L 1242-3 du code du travail, il y a lieu en application des dispositions de l'article L 1245-1 du même code de requalifier ce contrat en contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail de M. X... ayant été rompu le 30 juin 2008, sans respect de la procédure de licenciement, celui-ci se verra octroyer la somme de 1374, 13 euros, correspondant à un mois de salaire brut.
M. X... qui a une ancienneté dans l'entreprise, comprise entre 6 mois et 2 ans, a droit à une indemnité de préavis égale à un mois de salaire, soit la somme de 1374, 13 euros, en application des dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail.
M. X... ayant moins de 2 ans d'ancienneté, ne peut, en application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail prétendre à l'indemnité minimale équivalente à 6 mois de salaires prévue par l'article L 1235-3 en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aucun des éléments produits aux débats ne permet de déterminer l'étendue du préjudice allégué par M. X... à la suite de son licenciement. Aucun élément n'est donné sur la période de chômage qu'il aurait subie.
En conséquence il sera alloué à M. X... la somme de 4200 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail, en réparation du préjudice résultant de la perte de ses revenus salariaux.
Par ailleurs comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Requalifie le contrat de travail de M. X... en contrat de travail à durée indéterminée,
Dit que M. X... a été licencié abusivement le 30 juin 2008,
Fixe la créance de M. X... au passif de la Société SGPP aux montants suivants :-1374, 13 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,-1374, 13 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-4200 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,-2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de M. X... dans les conditions prévues à l'article L3253-8 et suivants du code du travail, et qu'en aucun cas l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'est garantie par l'AGS, ne s'agissant pas d'une créance salariale,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la Société SGPP.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00261
Date de la décision : 16/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-04-16;11.00261 ?
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