COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 157 DU SEIZE AVRIL DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 11/ 00243
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 14 décembre 2010.
APPELANTE
Madame Anne X...... 97130 CAPESTERRE BELLE EAU Représentée par Me DIALLO substituant Me Serge BILLE (TOQUE 6) avocat au barreau de GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2011/ 000317 du 07/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
INTIMÉE
Madame Vanessa Z... veuve A... ... 97130 CAPESTERRE BELLE EAU Représentée par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) avocats au barreau de GUADELOUPE) (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2011/ 001549 du 08/ 11/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 avril 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme Vanessa Z..., veuve A..., a été embauchée en qualité d'aide ménagère par Mme Anne X... par contrat de travail à durée indéterminée du 2 mai 2002 moyennant un salaire mensuel net de 417, 53 €.
Le 1er novembre 2006, Mme Anne X... a voulu que la gestion de ce contrat soit assurée par mandat confié à l'association Service Familial Guadeloupéen, dite ci-après la SERFAG.
Mme Vanessa Z... a signalé à son employeur des irrégularités dans le règlement de ses salaires. Constatant que ses demandes n'étaient pas prises en compte, elle a cessé d'exécuter son travail.
C'est dans ces conditions que Mme Vanessa Z... saisissait, le 7 juillet 2008, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins de condamner Mme Anne X... à lui verser diverses sommes dans le cadre d'une prise d'acte de la rupture de la relation contractuelle aux torts de l'employeur et d'ordonner à ce dernier la remise de l'attestation Assédic et d'un certificat de travail sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Par jugement du 14 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a :- condamné Mme Anne X... à payer à Mme Vanessa Z... les sommes suivantes : * 974, 30 € au titre des arriérés de salaires des mois de novembre et décembre 2006, * 162, 38 € au titre des 10 jours travaillés du mois de janvier 2007 (487, 15 € x10/ 30), * 487, 15 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, * 2 922, 90 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- dit que la moyenne des salaires des trois derniers mois s'élève à la somme brute de 1 136, 68 €,- ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail sous astreinte de 50 € par jour de retard,- débouté Mme Vanessa Z... du surplus de ses demandes,- débouté Mme Anne X... de sa demande reconventionnelle,- condamné cette dernière aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée le 7 février 2011, Mme Anne X... a relevé appel de cette décision.
Par conclusions reçues le 1ER décembre 2011 et soutenues à l'audience du 6 février 2012, Mme Anne X..., représentée, demande à la Cour de la recevoir en son appel et de le dire bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire et juger que Mme Z... est démissionnaire, de débouter celle-ci de toutes ses demandes, fins et conclusions et de condamner la-même à lui verser la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme Anne X... fait d'abord observer que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a considéré le départ de Mme Z... comme une prise d'acte de rupture alors que cette dernière a exprimé une volonté claire et non équivoque de démissionner, qu'il est en
outre faux de prétendre que l'intimée n'a pas été payée pendant deux mois, qu'au contraire, Mme Z... a catégoriquement refusé de récupérer son salaire auprès de l'association SERFAG, laquelle a mis à disposition de celle-ci les chèques correspondant aux salaires de novembre et de décembre 2006 et que dans ces conditions, elle estime avoir rempli ses obligations d'employeur.
Elle maintient que Mme Vanessa Z..., démissionnaire, ne peut bénéficier d'aucune indemnité car il n'est nullement question en l'espèce d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que les salaires litigieux ont bel et bien été versés à l'intéressée, que ces sommes s'assimilent plutôt aux deux mois de préavis demandés en première instance, mais que faute d'avoir été licenciée, aucun préavis ne peut être reconnu.
Par conclusions reçues le 6 janvier 2012 et soutenues oralement à l'audience des plaidoiries, Mme Vanessa Z..., représentée, demande à la Cour de confirmer le jugement querellé et de mettre à la charge de Mme X... les dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Mme Vanessa Z... expose que la principale obligation de l'employeur est celle de payer le salaire convenu à l'échéance mensuelle prévue et de prouver s'être libéré de celle-ci, qu'elle bénéficie d'un modeste salaire pour vivre et ne peut rester dans l'attente d'un bon vouloir de versement, que dès lors que ses salaires n'ont pas été payés, il était légitime pour elle de prendre acte de la rupture du contrat par une lettre adressée à son employeur.
Elle fait observer que lorsque des chèques lui ont été par la suite adressés par courrier près de deux mois après sa réclamation, ceux-ci étaient pour l'un non compensable et pour l'autre incorrect, qu'en effet, pour le premier, le chiffre de correspondait pas à la mention manuscrite et pour l'autre, le montant ne correspondait pas au nombre de jours de travail effectués, qu'en outre, le temps de travail du mois de janvier n'a pas été réglé, que lors de la tentative de conciliation, Mme Anne X... s'était engagée à rectifier les chèques et à les lui faire parvenir, mais que cet engagement est resté sans effet.
Elle conclut que son employeur ne peut se retrancher derrière la carence de son mandataire, mais qu'il pourra, par contre, en rechercher la responsabilité ultérieurement pour cette mauvaise gestion, que s'agissant d'une prise d'acte de rupture, en l'absence de lettre de licenciement fixant les termes des débats, la rupture du lien contractuel devient de fait sans cause réelle et sérieuse et intervient sans le respect de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la démission est l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ;
qu'ainsi définie, la démission doit procéder d'une volonté libre et réfléchie ; elle ne se présume pas ;
Attendu qu'en l'espèce, la Cour constate que les conditions d'une démission ne sont pas réunies ; qu'en effet, par une première lettre du 2 novembre 2006, Mme Vanessa Z... dénonçait les modifications apportées à son temps de travail par l'association SERFAG lui imposant des heures de
travail le samedi et la récupération des jours fériés, et exigeait alors que son employeur lui remette en temps et heure ses documents salariaux ; que par lettre recommandée avec avis de réception du 21 décembre 2006, Mme Vanessa Z... informait encore son employeur ne pas avoir reçu son salaire du mois de nombre 2006 ; que par lettre recommandée du 8 janvier 2007, cette dernière renouvelait sa demande en précisant " qu'elle n'est plus en possibilité de se présenter à ses fonctions " ; que par une nouvelle lettre en date du 30 avril 2007, après avoir reçu tardivement les documents sollicités, elle attirait l'attention de son employeur sur le libellé erroné du salaire de décembre 2006 et sur des heures de travail non comptabilisées ;
que l'ensemble des éléments confirme que Mme Vanessa Z... a été contrainte de mettre un terme à la relation contractuelle face aux manquements de son employeur ; qu'il s'agit effectivement en l'espèce d'une prise d'acte de la rupture de la relation aux torts de ce dernier, lequel a failli à ses obligations de verser à sa salariée des salaires exacts au regard des heures effectives de travail en novembre et décembre 2006 et pour quelques jours en janvier 2007, et nonobstant le fait que ces obligations aient été déléguées par contrat à un mandataire ;
que dès lors, il convient de confirmer, par motifs adoptés, la décision entreprise en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement du 14 décembre 2010 ;
Condamne Mme Anne X... aux éventuels dépens de l'instance d'appel ;
La greffièreLe président