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26/03/2012 | FRANCE | N°11/00070

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 26 mars 2012, 11/00070


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 149 DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00070
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 17 décembre 2010.
APPELANTE
SARL LE LEVIN Rue Victor Schoelcher 97120 SAINT CLAUDE Représentée par Me CUARTERO substituant Me Charles-Henri COPPET (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Bernard Y...... 97120 SAINT CLAUDE Comparant en personne assisté de M. Raymond Z..., délégué syndical ouvrier.

COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 149 DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 11/ 00070
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 17 décembre 2010.
APPELANTE
SARL LE LEVIN Rue Victor Schoelcher 97120 SAINT CLAUDE Représentée par Me CUARTERO substituant Me Charles-Henri COPPET (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Bernard Y...... 97120 SAINT CLAUDE Comparant en personne assisté de M. Raymond Z..., délégué syndical ouvrier.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, rapporteur. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 février 2012 puis le délibéré a été prorogé au 26 mars 2012

GREFFIER Lors des débats M. David GERNEZ, Greffier en chef.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SARL LE LEVIN, spécialisée dans la boulangerie et la pâtisserie, a été créée le 10 juin 2008. Elle exploite depuis cette date un fonds de commerce donné en location gérance par la SARL BOULANGERIE DU PLATEAU et situé rue Schoelcher à SAINT-CLAUDE.
Pour satisfaire sa clientèle, elle a développé un service de livraison de pains à domicile et M. Bernard Y..., salarié du fonds, y exerce la fonction de chauffeur livreur depuis juin 2008.
Par lettre du 6 octobre 2008, la SARL LE LEVIN adressait à l'intéressé un avertissement relatif au respect des horaires et des itinéraires de livraison.
Par lettre du 24 mars 2009, elle l'informait d'un changement d'horaires à partir du 1er avril 2009.
Le 9 mai 2009, une mise à pied conservatoire est prononcée à l'égard de M. Bernard Y... et le 11 mai suivant, il lui est remis une convocation à un entretien préalable à une éventuelle procédure de licenciement. L'entretien a eu lieu le 18 mai 2009. Par courrier du 25 mai 2009, la SARL LE LEVIN notifiait à M. Y... son licenciement pour faute grave.
Par requête reçue le 06 juillet 2009, M. Bernard Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins de condamner son employeur au paiement de diverses sommes, soit 2404, 31 € au titre des salaires d'avril et de mai 2009, 2642, 10 € au titre du préavis de 2 mois, 5284, 20 € au titre de l'indemnité légale de licenciement et 15000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 7 décembre 2010, la juridiction prud'homale faisait entièrement droit aux demandes de M. Bernard Y....
Par déclaration d'appel enregistrée le 10 janvier 2011, la SARL LE LEVIN en a interjeté appel.
Représentée à l'audience de plaidoirie du 9 janvier 2012, la SARL LE LEVIN demande à la cour de statuer sur la recevabilité de son appel, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de statuer à nouveau et de constater principalement que l'abandon de poste de M. Y... dès le 2 avril 2009 constitue une cause réelle et sérieuse justifiant un licenciement pour faute grave du salarié, débouter en conséquence ce dernier de toutes ses demandes, constater, à titre subsidiaire, que le salarié ne justifie pas d'une ancienneté de 20 ans et que l'indemnité doit être fixée à la somme de 1281 €, constater qu'elle emploie moins de 11 salariés et que M. Y... ne justifie d'aucun préjudice, le débouter en conséquence de sa demande de 15000 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi, et en tout état de cause, condamner celui-ci au paiement de la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait d'abord observer qu'aux termes de la jurisprudence de la cour de cassation (cass. soc du 30 avril 2002 no00-41526 et cass. soc du 9 novembre 2004 no02-42495), l'abandon de poste est constitutif d'une faute grave lorsqu'elle désorganise le service et entraîne des conséquences particulièrement préjudiciables pour l'entreprise qui en l'espèce a dû s'organiser autrement et a été exposée au risque de perdre ses

clients, ceux-ci préférant s'adresser à d'autres boulangeries, que cette situation constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, que c'est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, que celle-ci qualifie parfaitement l'abandon de poste par la simple analyse des pièces, notamment l'injonction faite par exploit d'huissier à l'intéressé de reprendre son poste et la lettre du 20 avril 2009, qu'à aucun moment, M. Y... n'a contesté ces deux relances ainsi que le bulletin de paie d'avril 2009 reçu par ce biais et indiquant ses jours d'absence.

Elle maintient que si par extraordinaire la cour venait à considérer que c'est à bon droit que M. Y... s'est absenté pendant un mois et que ce comportement ne constitue pas une faute grave, elle doit néanmoins juger que ses demandes indemnitaires sont hors de proportion avec la réalité, qu'en premier lieu, il ne saurait être accordé une indemnité de 5084, 20 € au titre de l'indemnité de licenciement car l'intimé n'a pas travaillé pendant 20 ans comme il le prétend, qu'ensuite, il a été engagé à compter du 1er juin 2001 par le propriétaire du fonds, soit une ancienneté de 8 ans au moment des faits et qu'il lui sera donc servi à ce titre la somme de 1 281 € correspondant à son ancienneté, qu'enfin, pour ce qui est de la somme de 15000 €, il lui est rappelé qu'il doit prouver la réalité d'un préjudice pour être indemnisé, étant salarié d'une entreprise de moins de 11 salariés en application de l'article L. 1235-5 du code du travail.

Par conclusions écrites reprises à l'audience des plaidoiries, M. Bernard Y..., valablement représenté, demande à la cour de confirmer le jugement du 7 décembre 2010.
Il expose qu'il a été licencié le 25 mai 2009 pour faute grave en le privant de son préavis et de ses indemnités de licenciement, qu'il comptabilise une vingtaine d'années d'ancienneté dans cette entreprise, étant salarié depuis février 1989, qu'il exécutait durant cette longue période un horaire de travail du lundi au samedi de 4 h 30 à 12 h, le jeudi étant jour de récupération, que par lettre datée du 24 mars 2009 reçue le 27 mars 2009 avec indication de l'objet suivant : modification du contrat de travail, l'entreprise SARL LE LEVIN lui a notifié une nouvelle organisation de ses horaires de travail, lui faisant perdre l'avantage acquis depuis plus de 20 ans du jeudi de repos, qu'en l'informant seulement 4 jours avant, soit entre le 27 mars 2009 et le 1er avril 2009, qu'il travaillerait tous les jours sauf le dimanche, la SARL LE LEVIN a contrevenu aux dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, qu'après discussion avec son employeur et n'ayant pu obtenir satisfaction, il a saisi son syndicat UGTG qui a suscité le 3 avril 2009 une rencontre avec l'employeur pour trouver une issue amiable, qu'il a donc poursuivi ses activités et a travaillé le mercredi 1er avril 2009 en respectant ses horaires habituels, que le 2 avril, étant un jeudi, il était en journée de récupération, que lorsqu'il a voulu reprendre son travail le 3 avril 2009, il s'est vu interdire l'accès à son poste sous prétexte qu'il n'a pas respecté les nouveaux horaires signifiés le 27 mars, qu'il a néanmoins continué de se présenter tous les jours à son poste et à ses horaires habituels en attendant le rendez-vous obtenu par le voie syndicale, qu'il a reçu le 6 avril 2009 une lettre de son employeur reconnaissant un changement de ses conditions de travail.
Il fait remarquer à la cour que dans ses deux lettres, celles du 24 mars et 6 avril 2009, la SARL LE LEVIN reprend sans cesse qu'en cas de refus, cela constitue une faute grave sanctionnée par un licenciement disciplinaire et affiche ainsi très clairement ses intentions de le licencier, qu'en outre, qu'il a été licencié pour absence injustifiée alors que dès le 9 avril, il a répondu à son employeur en insistant sur la rencontre avec le syndicat pour trouver
une issue rapide au conflit, que le 20 avril 2009, il reçoit une convocation pour la dite rencontre du 6 mai 2009 au local de L'UGTG, qu'à cette occasion, il a été décidé qu'il reprendrait son travail en faisant ses anciens horaires et que les parties appliqueraient l'arbitrage de l'inspection du travail, que le lundi 11 mai, de manière surprenante, la SARL LE LEVIN le sanctionne par une mise à pied conservatoire et le convoque à un entretien préalable pour le 18 mai 2009, qu'il a été licencié pour absences depuis le 2 avril 2009 alors qu'il s'est toujours rendu à son poste de travail, certes pas aux heures souhaitées par l'employeur qui lui interdisait d'effectuer sa tâche de travail, ce qui démontre que le motif d'absence n'est pas réel et que le licenciement est abusif.
Il conclut que l'huissier de justice n'indique pas dans son acte lui avoir remis en personne le mardi 7avril 2009 les documents, mais les avoir déposés à son domicile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le juge doit rechercher si le motif qui y est invoqué, est une cause réelle et sérieuse justifiant la mesure ;
Attendu qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 25 mai 2009 indique le motif du licenciement dans les termes suivants : " nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave. En effet, depuis le 02 avril 2009, vous ne vous rendez plus au sein de notre entreprise et ce sans aucune justification. Par courrier en date du 20 avril 2009, nous sollicitions expressément à ce que vous repreniez le travail et réintégriez votre poste. Vous ne donniez pas suite à cette sollicitation. Sans prévenir, vous vous rendiez à nouveau dans l'entreprise le 9 mai 2009. Lors de votre retour, vous ne formuliez aucune justification sur vos absences de l'entreprise pendant plus d'un mois. C'est dans ces conditions que le 11 mai 2009, je vous notifiais une mise à pied à titre conservatoire assortie d'une convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement. En tout état de cause, cette conduite met en cause la bonne marche du service. En effet, eu égard au fait que la SARL LE LEVIN n'était pas organisée pour faire face à vos absences injustifiées, elle n'était pas en mesure de procéder aux livraisons habituelles auprès de la clientèle d'une façon régulière ce qui avait pour conséquence une perte de chiffre d'affaires, seuls les produits livrés étant payés. En outre, comme vous le savez déjà, la SARL LE LEVIN doit livrer quotidiennement selon un planning précis et organisé des clients exigeants, dont notamment des cliniques, des écoles et des points de vente, qui nous ont clairement exprimé leur mécontentement et leur désir de ne plus poursuivre l'achat régulier auprès de la SARL LE LEVIN s'ils n'étaient pas livrés en temps et en heure comme convenu. Vos absences injustifiées désorganisaient également la réalisation des travaux de boulangerie dans la mesure où, afin de ne pas perdre une clientèle précieuse, nous étions contraints de pourvoir en vos lieux et place aux livraisons, ce qui n'était pas toujours possible d'une part et sollicitait du personnel ou des membres de la SARL LE LEVIN en les détournant de leurs tâches habituelles d'autre part. Mais encore, ces absences injustifiées et les difficultés de la SARL LE LEVIN à respecter ses engagements à l'endroit de ses clients donnaient une très mauvais image de marque à l'entreprise alors même que depuis que l'entreprise exerce son activité, elle mettait tout en oeuvre pour satisfaire sa clientèle et la développer. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 18 mai 2009 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. (...) " ;

Attendu que la SARL LE LEVIN verse aux débats divers documents, lettres simples et exploit d'huissier, par lesquels elle invitait M. Bernard Y... à reprendre son poste de travail, celui-ci ne s'était plus présenté dans l'entreprise depuis le jeudi 2 avril 2009 ; que la délivrance de la lettre du 6 avril 2009 par acte d'huissier s'est faite à personne et non par un dépôt de documents au domicile de l'intéressé comme celui-ci voudrait le faire croire ; que dans son courrier du 9 avril 2009, celui-ci reconnaît d'ailleurs avoir bien reçu ladite lettre ;. Attendu que M. Bernard Y... ne prouve nullement qu'il se rendait tous les jours à son poste de travail, même aux heures prévues initialement dans son contrat de travail, et qu'il s'en est vu interdire l'accès par son employeur ; que la seule indication dans l'attestation établie le 22 mai 2009 par le conseiller A... qui a assisté le salarié pendant l'entretien préalable, de sa présence le vendredi 3 avril 2009 sur son lieu de travail ne suffit pas à prouver qu'à partir de cette date jusqu'au 9 mai 2009, M. Bernard Y... a été confronté au refus systématique de son employeur de le voir réintégrer son poste ; qu'en outre, sollicitant de son employeur une rencontre " représentant syndical-employeur " pour trouver une issue au différend existant sur la modification de ses horaires de travail, cette demande a été satisfaite par la SARL LE LEVIN par lettre du 20 avril 2009 dans laquelle celle-ci l'invitait une fois de plus à reprendre son poste de travail ; qu'à cette nouvelle relance, la cour constate que M. Bernard Y... n'en donne aucune suite et ne réagit pas davantage, alors qu'il aurai pu profiter de cette occasion pour, au contraire, rappeler sa présence journalière sur le site de l'entreprise, mais sans ses tâches habituelles, ou reprocher à son employeur son refus de le voir à son poste, surtout qu'à cet instant, M. Bernard Y... était toujours assisté par son syndicat et devait pouvoir bénéficier de conseils, dans ce conflit qui perdurait, pour prouver sa présence sur son lieu de travail ;

Attendu que dans ces conditions, l'absence de M. Bernard Y... de plus d'un mois à son poste de travail est reconnue comme constitutive d'une faute grave en ce que celle est injustifiée, durable parce que M. Bernard Y... a entendu, au contraire, démontrer qu'il n'entendait pas reprendre son service sans avoir obtenu de son employeur le maintien de ses horaires initiaux et surtout le maintien du jeudi comme jour de repos, et de nature à désorganiser le service de livraison de l'entreprise, l'intéressé étant embauché en qualité de chauffeur polyvalent de l'entreprise et devant en partie assurer les livraisons ;
que dès lors, il convient d'infirmer le jugement du 7 décembre 2010 en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Infirme le jugement du 7 décembre 2010 en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Dit que l'absence de M. Bernard Y... de plus d'un mois à son poste de travail est injustifiée et constitue une faute grave justifiant la cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

Déboute M. Bernard Y... en conséquence de toutes ses demandes ;

Condamne M. Bernard Y... à payer à la SARL LE LEVIN la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Bernard Y... aux éventuels dépens de l'instance d'appel ;
La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00070
Date de la décision : 26/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-03-26;11.00070 ?
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