La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2012 | FRANCE | N°10/01886

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 26 mars 2012, 10/01886


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 146 DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 01886
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 21 septembre 2010.
APPELANT
Monsieur René Christian X...... 97111 MORNE A L'EAU Représenté par Me Yves LEPELTIER (TOQUE 6) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
AGS CGEA FORT DE FRANCE Immeuble Eurydice Centre d'affaires DILLON 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE

SAS GESTAG

Lieudit Convenance 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Me Jamil HOUDA (TOQUE 29) avocat au ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 146 DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 01886
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 21 septembre 2010.
APPELANT
Monsieur René Christian X...... 97111 MORNE A L'EAU Représenté par Me Yves LEPELTIER (TOQUE 6) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
AGS CGEA FORT DE FRANCE Immeuble Eurydice Centre d'affaires DILLON 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE

SAS GESTAG Lieudit Convenance 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Me Jamil HOUDA (TOQUE 29) avocat au barreau de GUADELOUPE

IGUAVIE Chambre d'agriculture-Rond Point de Destrellan 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me BARAKOVA substituant Me Jan-Marc FERLY (TOQUE 26) avocat au barreau de GUADELOUPE)

Maître Marie-Agnès B... es-qualité de mandataire judiciaire de la SA SEAG ... 97190 GOSIER Représentée par Me AMOURET substituant Me Christophe CUARTERO (TOQUE 101) avocat au barreau de GUADELOUPE

SAGEBAT EURL Chambre d'agriculture Espace régional Agricole 97122 BAIE-MAHAULT Non comparante ni représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 26 mars 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Par contrat à durée indéterminée, M. X... était engagé par la Société SEAG (Société d'Exploitation de l'Abattoir de Guadeloupe) à compter du 1er avril 2001 en qualité de cadre pour tenir l'emploi de directeur technique. Il devait exercer ses fonctions à l'abattoir du Moule.
La Société SEAG s'était vue confier par convention d'affermage consentie par le Conseil Général du Département de la Guadeloupe, l'exploitation de l'abattoir public départemental du Moule et de ses annexes.
Par jugement du 16 mars 2006, le Tribunal mixte de Commerce de Pointe-à-Pitre prononçait la liquidation judiciaire de la Société SEAG et désignait Me Marie-Agnès B... en qualité de liquidateur.
L'Association Interprofessionnelle Guadeloupéenne de la Viande et de l'Elevage (IGUAVIE), par un courrier du 24 mars 2006 adressé à M. Mickael F..., délégué du personnel, faisait savoir que le Conseil Général de la Guadeloupe, par convention en date du 21 mars 2006, lui avait confié pour une durée de 6 mois la gestion transitoire de l'abattoir du Moule afin de maintenir la mission de service public de l'abattage. Il était précisé dans ce courrier, qu'à la suite d'un entretien du jour même, en présence du Président du Conseil Général, et après avis du Directeur Départemental de l'Emploi, l'IGUAVIE confirmait qu'elle reprenait l'ensemble du personnel à l'exception du directeur, dans le cadre de la poursuite des contrats de travail passés avec la Société SEAG. Il était ajouté que cet engagement était lié à l'autorisation du liquidateur judiciaire.
Par un courrier également du 24 mars 2006, adressé à l'IGUAVIE, Me B..., faisait savoir qu'elle avait eu connaissance du courrier du même jour remis à M. F... selon lequel le Conseil Général entendait confier à ladite association l'exploitation du site du Moule, cette association faisant savoir qu'elle entendait reprendre l'ensemble du personnel à l'exception du directeur. Me B... indiquait à l'IGUAVIE que le délai qui lui était imparti pour procéder au licenciement pour motif économique
du personnel expirait le 29 mars 2006, et qu'il convenait dès lors que l'association lui confirme par retour du courrier, et en tout état de cause avant le mardi 28 mars à 16 heures, son intention de reprendre l'ensemble du personnel, et lui transmette copie de la proposition individuelle de reprise présentée à chacun des salariés, confirmant le transfert du contrat de travail entre la Société SEAG et l'IGUAVIE avec reprise des droits acquis à congés payés et ancienneté. Il était joint au courrier de Me B... la liste du personnel, comprenant le nom de 24 salariés, dont notamment celui de M. X... au poste de directeur technique.
Par courrier du 27 mars 2006, l'IGUAVIE répondait à Me B..., en lui fournissant une liste de 18 salariés pour lesquels le contrat de travail était maintenu, et une liste de 5 salariés concernés par " un licenciement pur et simple ". Le nom de M. X... ne figurait dans aucune de ces deux listes.
Dans un courrier du 28 mars 2006, adressée à l'IGUAVIE, Me B... rappelait que le cahier des charges pour l'exploitation du site de l'abattoir départemental du Moule, prévoyait dans son article 36, l'obligation pour le nouvel exploitant qui se sera vu confier par la collectivité l'exploitation du site, de continuer les contrats travail de l'ensemble du personnel attaché à l'exploitation. Il était fait savoir à l'IGUAVIE que sa correspondance transmise le 27 mars 2006 ne précisait pas dans quelles conditions l'exploitation du site lui avait été confiée par le Conseil Général, et ne prévoyait pas la reprise de l'ensemble des salariés. Le liquidateur concluait en indiquant que compte tenu du bref délai qui lui est imparti pour procéder au licenciement pour motif économique du personnel, il se voyait contraint de poursuivre la procédure engagée afin de préserver les droits des salariés.
Par courrier du 28 mars 2006, le mandataire liquidateur notifiait à M. X... son licenciement pour motif économique, en lui faisant savoir que consécutivement au prononcé de la liquidation judiciaire et à la suppression de l'ensemble des postes, et après information donnée à la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi, et consultation du représentant des salariés en date du 24 mars 2006, il était contraint, à défaut de toute solution de reprise d'exploitation finalisée avant le 30 mars 2006 de procéder à son licenciement économique. Il était rappelé que M. X... avait la possibilité de bénéficier d'une convention de reclassement, et qu'il bénéficiait également d'une priorité de réembauchage.
Le 28 juin 2007 un nouveau contrat d'affermage était signé avec la Société GESTAG.
Le 3 septembre 2007, M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre en présentant une demande initiale portant sur le paiement de la somme de 200 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. X... dirigeait ses demandes contre la Société SEAG, représentée par son liquidateur judiciaire, mais aussi contre l'IGUAVIE et la Société GESTAG, en présence du Centre de Gestion et d'Etudes AGS de Fort-de-France. M. X... devait faire délivrer par actes d'huissier en date des 14 janvier et 12 avril 2010, assignation à l'encontre de la Société GESTAG et de l'Eurl SAGEBAT aux fins de mise en cause devant la juridiction prud'homale.
M. X... ayant modifié sa demande initiale, entendait voir juger par la juridiction prud'homale que son contrat de travail s'était poursuivi avec l'IGUAVIE puis avec la Société GESTAG depuis le 1er avril 2006. Il réclamait paiement des sommes correspondant au salaire qui aurait dû continuer à lui être versé, soit 149 400, 02 euro pour les années 2006, 2007, 2008 et 2009. Il entendait voir constater, à défaut de réintégration au sein de la Société GESTAG avant le prononcé du jugement à intervenir, la résiliation de son contrat travail à la date dudit jugement. Il demandait en outre paiement des salaires courant depuis le 1er janvier 2010 jusqu'au jour du jugement à intervenir, ainsi que la somme de 60 000 euros à titre de dommages intérêts.
Par jugement du 21 septembre 2010, la juridiction prud'homale, considérant que M. X... ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, vis-à-vis de l'IGUAVIE, ainsi qu'à l'égard de toutes les autres sociétés qui lui ont succédé, jugeait que le licenciement de M. X... était intervenu dans le cadre de la liquidation judiciaire, et par conséquent que son contrat de travail s'était régulièrement interrompu, et déboutait celui-ci de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration d'appel motivé du 18 octobre 2010, M. X... interjetait appel de ce jugement.
Par conclusions du 12 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la réformation du jugement déféré, et entend voir juger que son contrat de travail de directeur technique de l'abattoir du Moule, s'est poursuivi avec l'IGUAVIE, l'Eurl SAGEBAT, puis la Société GESTAG depuis le 1er avril 2006, fondant sa demande sur les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.
Il demande en conséquence la condamnation solidaire de l'IGUAVIE, de l'Eurl SAGEBAT et de la Société GESTAG à lui payer la somme de 189 036, 76 euros représentant le montant des salaires dus, 13e mois compris, pour les années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010.
Il entend voir constater, à défaut de réintégration au sein de la Société GESTAG avant le prononcé de l'arrêt à intervenir, la résiliation de son contrat de travail à la date dudit arrêt.
Il sollicite en outre la condamnation des mêmes intimées, à lui payer les salaires du 1er janvier 2011 au jour de l'arrêt à intervenir sur la base de 3048, 98 euros par mois sur 13 mois, ainsi que la revalorisation des salaires sur la base de " l'indice des salaires ", outre la somme de 60 000 euros à titre de dommages intérêts.
Par conclusions du 10 juin 2011 auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, Maître Marie-Agnès B..., es qualités de mandataire judiciaire de la Société SEAG, entend voir juger qu'en sa qualité de liquidateur elle a parfaitement respecté la procédure en matière de licenciement économique intervenu suite à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la Société SEAG.
Elle entend voir constater qu'aucune demande n'a été formée par M. X... contre la Société SEAG qu'elle représente en qualité de liquidateur, et conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause cette société. Elle réclame paiement par M. X... de la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 14 mars 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le Centre de Gestion et d'Etudes AGS de Fort-de-France (CGEA), entend voir mettre hors de cause l'AGS, et à titre subsidiaire en cas de résiliation du contrat de travail à la date de la décision à intervenir, demande qu'il soit jugé que la garantie de l'AGS ne saurait être accordée à M. X..., ce dernier n'ayant pas été licencié dans les 15 jours suivant le prononcé de la liquidation judiciaire de son employeur. Le CGEA en conclut qu'aucune condamnation directe ne saurait intervenir à l'encontre de l'AGS, et que tout au plus cette dernière pourrait être amenée à prendre en charge les créances éventuellement fixées et ce, dans les limites de sa garantie en application des dispositions des articles L3253-8 et D 3253-5 du code du travail, déduction faite de l'avance de 38 680, 71 euros d'ores et déjà accordée à M. X....
Par conclusions du 17 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'IGUAVIE sollicite la confirmation de la décision entreprise et réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle estime que les règles applicables au licenciement en matière de liquidation judiciaire ont été respectées, et que l'article L 1224-1 du code du travail ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce. Elle expose qu'il n'y a pas eu cession d'entreprise entre la Société SEAG et elle-même, ni une transformation quelconque, mais qu'il s'agit d'une convention entre une collectivité territoriale, en l'occurrence le Conseil Général, et un tiers. Elle fait valoir que la convention d'affermage qui lui a été accordée par le Conseil Général était conclue pour une durée de 6 mois, qu'il s'agissait d'une solution provisoire, et qu'elle n'était donc pas un nouveau gestionnaire, comme prévu à l'article 36 du cahier des charges, elle a simplement servi pour couvrir la période transitoire avant de pouvoir trouver un nouveau gestionnaire.
Elle explique par ailleurs que l'Eurl SAGEBAT aurait exploité le fonds à compter du 20 avril 2006 jusqu'au 28 juin 2007, et relève que M. X... n'adresse aucune demande à l'égard de cette entreprise. Elle en déduit que si les demandes de M. X... étaient admises, elles devraient être limitées à l'encontre de l'IGUAVIE à un mois de salaire, soit la somme de 3048, 98 euros correspondant à la période d'exploitation provisoire par l'IGUAVIE. Elle relève par ailleurs que M. X... ne justifie d'aucune pièce justificative à l'appui de sa demande d'indemnisation à hauteur de 60 000 euros, faisant valoir en outre que c'est en raison de l'incompétence de M. X... que l'établissement s'est retrouvé en situation de liquidation judiciaire. Elle soutient que c'est par la volonté des pouvoirs publics locaux que M. X... n'a pas été maintenu en sa qualité de directeur, et cela dans le but de préserver l'équilibre précaire de l'abattoir.
Par conclusions du 17 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société GESTAG sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause. Elle conclut au rejet de l'ensemble des moyens et prétentions de M. X... à son encontre et réclame paiement de la somme de 5000 euros pour procédure abusive, et celle de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'article L 1224-1 du code du travail est inapplicable à son égard. Rappelant que l'exploitation de l'abattoir a été confiée par le Conseil Général de la Guadeloupe, d'abord à l'IGUAVIE pendant 6 mois, puis à une société dénommée SAGEBAT filiale à 100 % de l'IGUAVIE, elle fait valoir qu'elle n'existait pas encore puisqu'elle n'a passé contrat avec le conseil général que le 27 juin 2007, soit plus d'un an après le licenciement de M. X.... Elle relève qu'elle n'avait aucune

connaissance de l'existence d'un litige entre M. X... et l'IGUAVIE puisqu'elle n'a été mise en cause dans la procédure prud'homale que plusieurs années après l'acte introductif d'instance. Elle souligne que M. X... n'a fait valoir aucune priorité de réembauchage à l'égard des exploitants précédents (IGUAVIE et SAGEBAT) ni même à son égard. Elle explique également que contrairement à ce que soutient M. X..., son contrat ne peut être imposé à chacune des structures ayant repris l'exploitation de l'abattoir du Moule, mais éventuellement à celle qui a effectué cette reprise directement après la mise en liquidation de la Société SEAG. Elle relève que M. X... lui réclame des salaires antérieurs à son existence même, et fait valoir qu'elle n'est pas concernée par le licenciement de M. X... et ne saurait se voir imposer ni réintégration, ni condamnation solidaire.

Par acte huissier en date du 8 décembre 2011, M. X... a fait citer l'Eurl SAGEBAT à comparaître devant la Chambre sociale de la Cour de céans à l'audience du 30 janvier 2012 à 14 heures, cet acte comportant l'exposé des moyens et prétentions de l'appelant. Un procès-verbal de recherches infructueuses était établi par l'huissier instrumentaire, conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile. Aucune recherche auprès des riverains et commerçants du quartier, de la Chambre d'Agriculture, des services de la mairie, des services de police, de l'annuaire et du registre du commerce et des sociétés n'ont permis de recueillir d'éléments d'information supplémentaires, susceptibles de guider les recherches de l'huissier. En conséquence l'arrêt à intervenir sera rendu par défaut.
Motifs de la décision :
Sur l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail :
L'article L 1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
La poursuite des contrats travail s'opère en application de ce texte, même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs, en cas de transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, l'entité économique devant s'entendre comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, étant précisé que le transfert des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entreprise peut n'être qu'indirect, c'est-à-dire que les éléments d'exploitation nécessaires peuvent être mis par leur propriétaire à disposition des prestataires successifs.
L'examen du contrat et du cahier des charges dans le cadre desquels le Département de la Guadeloupe a confié à la Société SEAG la gestion de son abattoir, ainsi que l'examen de la convention de gestion de l'abattoir passée le 21 mars 2006 entre d'une part le Conseil Général de la Guadeloupe et d'autre part l'IGUAVIE, montre dans chacun de ces cas que le département met à la disposition de l'exploitant, non seulement les locaux, mais aussi les équipements, installations et outillage nécessaires à l'exploitation de l'abattage.
Le premier document cité, dans son article 13 portant inventaire et état des lieux, détaille les équipements, installation et outillages, citant par exemple, les différentes installations comprises dans l'abattoir pluri-espèces proprement dit d'une capacité de traitement de 1500 tonnes par an, extensible à 2500 tonnes, quais et parcs de réception des animaux, bureau du bouvier, hall d'abattage avec une chaîne manuelle décomposée en deux au départ (box d'assommage, poste de levage, saignée, égouttage pour le gros bétail, poste de contention, électronarcose, épileuse-flambeuse pour le petit détail), chaîne de dépouille avec plates-formes élévatrices mobiles ou fixes,... bureau de conduite, bureau de vétérinaire, local cuirs et peaux réfrigéré, incinérateur avec production et stockage d'eau chaude, stockage du sang industriel, abattoir sanitaire avec lazaret, locaux de consignes et de saisies réfrigérés... espace de mise en quartier, hall et sas d'expédition, local abats poilus, local coche, local de lavage, chambre froide de déchets, chambre froide abats rouges, bureau d'accueil, bureau du directeur, bureau vétérinaire etc.... le tout équipé selon les nécessités en électricité, téléphone, eau froide et chaude, ventilation, air comprimé, nettoyage sous pression, froid …
Il est mis également à disposition de l'exploitant des installations prévues à titre obligatoire par l'arrêté du 2 février 1998 concernant les installation d'épuration. Par ailleurs un inventaire quantitatif et qualitatif des machines et équipements, était annexé au cahier des charges.
Dans la convention de gestion consentie au profit de l'IGUAVIE, il est mis à la charge de cette dernière le maintien en bon état de fonctionnement et l'entretien des immobilisations de toute nature mises à sa disposition mais aussi l'entretien et le renouvellement de l'outillage et le matériel accessoire inventorié au moment de la prise de possession et annexé à ladite convention, l'exploitant devant réparation de toute dégradation se rapportant non seulement aux bâtiments mais aussi aux installations, équipements, matériels. L'obligation de maintien en état, mise à la charge de l'exploitant, porte notamment, outre sur le matériel et équipement de bureau, sur le matériel portatif roulant spécialisé (chariots, crochets, appareils de dépouille, pinces, scies, matériel de nettoyage …), mais aussi les pièces d'usure et de rechange relatives aux équipements et matériels de manutention, production de fluides, équipements frigorifiques, équipements électriques, équipements de sécurité, épuration, incinération et tout matériel d'exploitation.
Il est ainsi suffisamment démontré qu'il a été mis à la disposition des exploitants successifs, non seulement des locaux adaptés, mais aussi un ensemble d'installations, d'équipements et d'outillage nécessaires au fonctionnement de l'entité économique que constitue l'abattoir public du Moule.

Il s'agit donc bien en l'espèce du transfert indirect, par l'intermédiaire du Conseil Général de la Guadeloupe, entre la Société SEAG et l'IGUAVIE, puis au profit de l'Eurl SAGEBAT, puis de la Société GESTAG, d'un ensemble organisé de moyens à fin de poursuivre l'exploitation de l'abattoir public du Moule.

S'agissant du transfert d'une entité économique entre les différents exploitants de l'abattoir, ceux-ci étaient tenus, en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, d'assurer la poursuite de l'ensemble des contrats de travail, et notamment celui de M. X....

Ainsi le licenciement économique qui a été notifié à M. X... par le liquidateur de la Société SEAG, le 26 mars 2006, au motif de la suppression des postes en conséquence de la liquidation judiciaire de ladite Société SEAG, ne peut produire aucun effet, étant relevé que la convention confiant à l'IGUAVIE l'exploitation de l'abattoir du Moule avait été signée le 21 mars 2006.

À supposer qu'il ait pu être démontré une insuffisance professionnelle de la part de M. X..., il appartenait à l'un ou l'autre des exploitants de procéder à son licenciement pour motif personnel, ce qui n'a pas été le cas.

Sur les demandes pécuniaires de M. X... :

L'exploitation de l'abattoir public du Moule ayant été confiée à l'IGUAVIE à compter du 1er avril 2006, celle-ci aurait donc dû assurer la poursuite du contrat de travail de M. X.... L'ayant exclu de l'exercice de ses fonctions, et l'ayant privé des revenus salariaux auxquels il pouvait prétendre, elle est redevable à son égard des salaires qu'elle aurait dû lui verser pendant toute la durée de son exploitation.
Elle prétend qu'à compter du 20 avril 2006, l'exploitation de l'abattoir public du Moule aurait été confiée à l'Eurl SAGEBAT, laquelle est présentée comme une filiale à 100 % de l'IGUAVIE. Toutefois cette date du 20 avril 2006 n'est établie par aucun document. Il n'est produit aucun contrat d'affermage consenti par le Conseil Général de la Guadeloupe au profit de l'Eurl SAGEBAT. Il n'est produit aucun contrat, voire de sous-traitance, entre l'IGUAVIE et l'Eurl SAGEBAT.
La seule production de comptes annuels au nom d'une " EURL SOC GEST ABATTOIRS GPE ", dont la dénomination est d'ailleurs différente de l'Eurl SAGEBAT, et portant sur un exercice s'étendant du 1er avril 2006 au 31 décembre 2006, est insuffisante à démontrer que l'IGUAVIE a été déchargée de l'exploitation de l'abattoir public du Moule à compter d'avril 2006, ces comptes sociaux ne faisant d'ailleurs pas apparaître le début d'activité réelle de cette " EURL SOC GEST ABATTOIRS GPE ", et si lesdits comptes portent le nom du cabinet " FIPAG ", ils ne portent pas la signature d'un expert-comptable.
En conséquence il y a lieu de considérer que l'IGUAVIE est restée l'exploitant en titre de l'abattoir public du Moule depuis le 1er avril 2006 jusqu'au 27 juin 2007. Il sera donc mis à sa charge la somme de 49 211, 38 euros, correspondant aux salaires dus à M. X... pour cette période, le montant du 13e mois étant déterminé au prorata du temps d'exploitation de l'IGUAVIE pour chacune des années 2006 et 2007.
Malgré la demande de réintégration ressortant des conclusions de M. X..., régulièrement notifiées à la Société GESTAG, tant devant le Conseil de Prud'hommes que devant la Cour de céans, ladite société s'est abstenue de satisfaire à cette requête. En conséquence il sera fait droit à la demande de M. X... tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail à la date du présent arrêt.
La Société GESTAG sera donc tenue de payer à M. X... les salaires qu'il est en droit de recevoir depuis le 28 juin 2007 jusqu'à la date du présent arrêt sur la base d'un salaire mensuel de 3048, 98 euros, avec
versement d'un 13e mois, dont le montant, pour les années 2007 et 2011, sera déterminé au prorata de la durée du travail qui devait être donné à M. X... pour chacune de ces deux années, soit la somme de 20 050, 86 euros pour l'année 2007, celle de 118 910, 22 euros pour les années 2008, 2009 et 2010, et celle de 9 458, 78 euros pour la période du 1er janvier au 26 mars 2011, soit au total 148 419, 86 euros.
Aucune convention n'existant entre l'IGUAVIE et la Société GESTAG, il ne peut être mis à la charge de la Société GESTAG, par application des dispositions de l'article L 1224-2 du code du travail, les salaires dus par le précédent employeur, l'IGUAVIE. Par contre cette dernière ayant refusé délibérément de poursuivre le contrat de travail de M. X..., en violation des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, ayant laissé la Société GESTAG dans l'ignorance de ce contrat de travail, a pu engager sa responsabilité à l'égard de cette dernière, à laquelle il appartiendra de tirer toutes conséquences.
M. X... sollicitant la revalorisation des salaires qui lui sont dus sur la base de « l'indice des salaires », mais ne fondant sa demande sur aucune grille, accord ou convention ayant pu entraîner une revalorisation de son salaire, il ne peut être fait droit à cette demande.
M. X... produisant deux pièces médicales en date des 29 juin et 4 septembre 2009, faisant ressortir qu'il souffrait d'un eczéma chronique et récidivant de la jambe droite, sans qu'il soit démontré un lien de cause à effet avec la violation par les sociétés intimées de leurs obligations, ne justifie pas du bien-fondé de sa demande d'indemnisation à hauteur de 60 000 euros pour raison de santé. Il sera donc débouté de ce chef de demande.
Par contre comme il paraît inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle sera mise à la charge de l'IGUAVIE et de la Société GESTAG, toutes deux étant débitrices de salaires à l'égard de M. X....
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par défaut,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du contrat de travail de M. X...,
Condamne l'Association IGUAVIE à payer à M. X... la somme de 49 211, 38 euros,
Condamne la Société GESTAG à payer à M. X... la somme de 148 419, 86 euros,
Condamne in solidum l'Association IGUAVIE et la Société GESTAG à payer à M. X... la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum l'IGUAVIE et la Société GESTAG aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'assignations,

Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01886
Date de la décision : 26/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-03-26;10.01886 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award