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26/03/2012 | FRANCE | N°10/00665

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 26 mars 2012, 10/00665


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 145 DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00665
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 18 mars 2010.
APPELANTE
S. A. R. L. BAGAGE-EN-MWEN à l'enseigne BAGAGE PLUS 25 Carrefour-Marina 97110 POINTE-A-PITRE Représentée par Me Nadia BOUCHER (TOQUE18) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Laurent X... ... 97180 SAINTE-ANNE Représenté par Me Charles-Henri COPPET (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA CO

UR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'af...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 145 DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00665
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 18 mars 2010.
APPELANTE
S. A. R. L. BAGAGE-EN-MWEN à l'enseigne BAGAGE PLUS 25 Carrefour-Marina 97110 POINTE-A-PITRE Représentée par Me Nadia BOUCHER (TOQUE18) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Laurent X... ... 97180 SAINTE-ANNE Représenté par Me Charles-Henri COPPET (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 26 mars 2012

GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 août 1996, M. X... était engagé par la Société Bagage An Mwen en qualité de convoyeur à compter du 15 juillet 1996. Ces fonctions consistaient à collecter les bagages, pièces d'identité et billets des clients, et faire enregistrer ceux-ci auprès des compagnies aériennes, puis restituer les pièces à l'aéroport. Il devait exercer ses fonctions au comptoir-service à l'Aéroport Pôle Caraïbes de Guadeloupe.
Par courrier du 27 juillet 2007, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Pointe-à-Pitre informait la Société Bagage An Mwen qu'à l'issue de 10 années de collaboration, son dossier de candidature pour l'aménagement et l'exploitation d'une boutique de téléphonie mobile à l'Aérogare Guadeloupe Pôle Caraïbes n'avait pas été retenue.
Par courrier du 27 août 2007, la Société Bagage An Mwen informait M. X... qu'elle n'avait pas été retenue pour le marché des sous-concessions commerciales de l'aéroport, l'autorisation d'occupation précaire accordée par la CCI prenant fin le 28 septembre 2007. Elle indiquait que le contrat à durée indéterminée du salarié serait repris par l'adjudicataire comme le prévoit l'article L 122-12 du code du travail. Elle indiquait au salarié que dès qu'elle aurait l'information, elle lui ferait part des coordonnées du repreneur ainsi que de toutes les modalités de reprise.
Par courrier du 3 septembre 2007, la Société Bagage An Mwen informait M. X..., comme tous les autres salariés concernés, que la fin de l'autorisation d'occupation temporaire avec la CCI était reportée du 28 septembre 2007 au 31 octobre 2007, en indiquant que l'attributaire du local qu'elle exploitait jusqu'alors était la Société Microcash qui devenait le nouvel employeur au 1er novembre 2007.
Le 25 septembre 2007 M. X... faisait l'objet d'un arrêt de travail pour un mois. Cet arrêt travail devait être renouvelé les mois suivants.
Par courrier du 27 septembre 2007 la Société Bagage An Mwen convoquait M. X... à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, en lui faisant savoir que pendant ses congés, il avait été relevé des malversations importantes dont il était responsable, lesquelles relevaient de fautes graves. Cette convocation adressée par lettre recommandée avec avis de réception était reçue par M. X... le 28 septembre 2007.
Par courrier du 26 septembre 2007 M. X..., après avoir rappelé les courriers des 27 août et 3 septembre 2007 de son employeur lui annonçant la fin de la convention d'occupation temporaire dont bénéficiait la Société Bagage An Mwen, et le transfert de son contrat de travail auprès d'un nouvel employeur, la Société Microcash, à compter du 1er novembre 2007, faisait valoir que contrairement aux assertions figurant dans ces courriers, il n'y avait pas de transfert du contrat de travail, « mais bien une rupture unilatérale de votre fait ». Il expliquait que le transfert d'entreprise n'était pas applicable au cas de figure, car la perte d'un marché n'entraînait l'application de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail que lorsqu'elle s'accompagnait du transfert au nouveau titulaire d'une entité économique autonome, et que tel n'était pas le cas en l'occurrence, soulignant que la Société Bagage An Mwen ne possédait pas de fonds de commerce sur le domaine public et que la non-reconduction d'un marché n'est pas une cause de transfert au sens du texte suscité.

Constatant que l'employeur n'était pas revenu sur sa décision, il réitérait sa contestation de cette modification d'employeur, qui constituait une modification unilatérale de son contrat, et faisait savoir qu'il était contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de cette modification unilatéralement apportée à la date du courrier du 3 septembre 2007. Ce courrier de M. X... était adressé le 1er octobre 2007 à l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception.

Par courrier recommandé du 12 octobre 2007, la Société Bagage An Mwen notifiait à M. X... son licenciement, en indiquant que la date de présentation de cette notification fixerait le point de départ du préavis d'une durée de 3 mois. Ce courrier était reçu par M. X... le 22 octobre 2007.
Par acte huissier en date du 19 octobre 2007, M. X... faisait citer la Société Bagage An Mwen devant le Conseil de Prud'homme de Pointe-à-Pitre pour obtenir indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour non-respect de la procédure de licenciement. Il sollicitait en outre paiement de diverses autres indemnités et la remise des documents de fin de contrat.
Par jugement du 18 mars 2010, la juridiction prud'homale disait qu'il n'y avait pas de transfert du contrat de travail, et que le licenciement était abusif. Elle condamnait la Société Bagage An Mwen à payer à M. X... les sommes suivantes :-1613, 77 euros au titre de non-respect de la procédure de licenciement,-38 730, 48 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 1er avril 2010 la Société Bagage An Mwen interjetait appel de cette décision.
Par conclusions du 3 novembre 2011, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, la Société Bagage An Mwen sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir juger que le licenciement de M. X... est régulier et fondé sur des causes réelles et sérieuses. Elle réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de sa demande la Société Bagage An Mwen expose qu'elle n'a jamais contesté l'inapplication des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail aux salariés, et qu'elle a toujours considéré que les contrats travail se poursuivaient normalement, ceux-ci n'ayant jamais été rompus. Elle ajoute qu'elle n'a jamais eu le souhait de licencier ses salariés du fait de la non obtention de l'autorisation administrative de la CCI.
Elle soutient qu'il n'y a pas eu de modification des contrats de travail, lesquels se sont poursuivis avec la Société Bagage An Mwen. Elle relève que dans le dossier de consultation adressé aux candidats à l'autorisation d'occupation précaire, il était précisé « la poursuite ou reprise d'activités existantes sont susceptibles de rentrer dans le cadre de l'article L 122-12 du code du travail », c'est ainsi qu'elle a adressé à tous les salariés des courriers d'information pour leur indiquer, que selon elle, le contrat de travail serait repris par le nouvel adjudicataire, s'agissant de l'activité de téléphonie. Elle indique que ce n'est que le 20 septembre 2007 qu'elle apprenait, de la Direction Départementale du Travail, que les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail n'étaient pas applicables à ses salariés et par conséquent, que les contrats travail se poursuivaient normalement, ceux-ci n'ayant jamais été rompus.
Elle explique que M. X... après avoir reçu la lettre de convocation à l'entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement du fait de son comportement, a adressé un courrier faussement daté du 26 septembre 2007, par lequel il prétextait une modification unilatérale de son contrat de travail pour prendre acte de la rupture de ce contrat, précisant que le 28 septembre 2007 M. X... a reçu la lettre de convocation à l'entretien préalable, et que plusieurs jours après la réception de ce courrier, à savoir le 1er octobre 2007, il a adressé une lettre de rupture du contrat de travail du fait de l'employeur, faussement datée du 26 septembre 2007, M. X... construisant ainsi un stratagème de la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur, faisant fi de la procédure de licenciement initiée son encontre.
La Société Bagage An Mwen soutient que M. X... a poursuivi sa relation travail avec elle, puisqu'il explique que cette relation s'est continuée dans le cadre du préavis, et qu'en réalité il a été régulièrement licencié sur la base de causes étrangères à une prétendue modification de son contrat de travail.
Invoquant qu'il n'est pas contestable que le 28 septembre 2007 M. X... a bien reçu la lettre de convocation à l'entretien préalable, elle en conclut que la procédure de licenciement est régulière.
Elle explique que le licenciement de M. X... est justifié par des causes graves en l'occurrence : la vente et la reprise de téléphones portables d'occasion, interdites par la direction, la vente de téléphones portables avec accord de règlements différés par chèques dont la procédure imposée par la direction n'a pas été respectée, et des erreurs de caisse sur trois jours travaillés en août 2007.
Par conclusions du 9 septembre 2011 complétées par celles du 9 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et ordonnait le versement d'une indemnité pour ce motif. Il conclut à la réformation du jugement entrepris pour le surplus, et demande que soit constaté la modification du contrat de travail par l'employeur et que la rupture intervenue au 26 septembre 2008 est imputable à l'employeur. Subsidiairement il demande qu'il soit jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il réclame en tout état de cause paiement des sommes suivantes :-3304, 35 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,-118 974, 06 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

Sur la rupture du contrat de travail :
Il ressort des courriers des 27 août 2007 et 3 septembre 2007, adressés à M. X..., que celui-ci est informé par son employeur que :- son contrat de travail « sera repris par l'adjudicataire comme l'a notifié la CCI dans son appel d'offre et comme le prévoit le code du travail concernant les passations de marché à l'article L 122-12, sous forme d'un avenant au contrat de travail.... Cet avenant devant mentionner obligatoirement :- la reprise de l'ancienneté acquise,

- la reprise de la qualification,- la reprise du salaire de base,- la reprise des droits acquis en matière de congés payés »

- qu'il sera informé des « coordonnées du repreneur ainsi que de toutes les modalités de reprise »,- que la fin de l'« autorisation d'occupation temporaire avec la CCI initialement prévue le 28 septembre 2007 est reporté au 31 octobre 2007 »,- que " le lauréat du lot numéro 3 (téléphonie et High Tech) est la Sté Microcash qui devient votre nouvel employeur au 1er novembre 2007 ».

Par un courrier recommandé en date du 1er octobre 2007, reçu par M. X... le 5 octobre 2007, la Société Bagage An Mwen informe ce dernier, en complément d'information, que la fin de l'autorisation d'occupation temporaire avec la CCI est à nouveau reportée au 31 décembre 2007.
Il ressort bien de l'ensemble de ces courriers que l'employeur a notifié à M. X..., un changement d'employeur à compter du 31 octobre 2007, puis à compter du 31 décembre 2007, et que sa relation de travail avec la Société Bagage An Mwen prenait fin à cette date, ce qui constitue une modification substantielle du contrat de travail, que l'employé était en droit de refuser.
Par aucun courrier, ni à aucun moment, l'employeur n'a fait savoir à M. X... qu'il revenait sur ses courriers des 27 août et 3 septembre 2007, et qu'il resterait salarié au sein de l'entreprise.
C'est donc à bon droit, que M. X..., a pu prendre acte de la rupture du contrat de travail par courrier daté du 26 septembre 2007, adressé à son employeur le 1er octobre 2007, nonobstant le fait qu'il ait pu recevoir le 28 septembre 2007 une convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement. À aucun moment l'employeur n'a fait savoir à M. X... que son contrat de travail pouvait se poursuivre nonobstant la perte de l'autorisation d'occupation précaire.
Il y a donc lieu de constater que le contrat de travail a été rompu le 1er octobre 2007 par la prise d'acte notifiée par M. X..., avant que le licenciement ait pu être notifié par courrier du 12 octobre 2007, reçu le 22 octobre 2007.
M. X... n'ayant pas repris son travail à compter du 25 septembre 2007 puisque faisant l'objet d'un arrêt maladie qui a été renouvelé les mois suivants, et n'ayant reçu aucune rémunération de son employeur pour la période postérieure au 25 septembre 2007, il ne peut être soutenu que le contrat de travail se soit poursuivi postérieurement à la prise d'acte de la rupture par M. X....
Sur les demandes d'indemnisation de M. X... :
Aucun des éléments produits aux débats ne permet de déterminer l'étendue du préjudice allégué par M. X... à la suite de son licenciement. Aucun élément n'est donné sur la période de chômage qu'il aurait subie.
M. X..., qui a certes subi la perte de ses revenus salariaux à la suite de la rupture du contrat de travail, ne produisant aucun élément permettant de déterminer l'étendue des préjudices résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, son indemnisation sera ramenée à hauteur de la somme de 19 800 euros, dans le respect des dispositions de l'article L 1235-3 alinéa 2 du code du travail.
Le contrat de travail ayant été rompu par une prise d'acte du salarié, et non par un licenciement, M. X... ne peut prétendre à une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat de travail par la prise d'acte du salarié, est imputable à l'employeur et produit des effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Société Bagage An Mwen à payer à M. X... la somme de 19 800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens, tant de première instance que d'appel sont à la charge de la Société Bagage An Mwen,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00665
Date de la décision : 26/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-03-26;10.00665 ?
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