COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 139 DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 10/ 02178
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 novembre 2010.
APPELANTE
SOCIETE KARUKERA SURF Immeuble Semsamar-Place Tricolore 97115 SAINTE ROSE Représentée par Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame Francelise X... ... 97139 LES ABYMES Comparante assistée de M. Tony Y..., délégué syndical ouvrier
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 mars 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat du 13 avril 2005, Mme X... a été engagée par la Société Karukera Surf en qualité d'employée de commerce moyennant un salaire mensuel brut fixé à 1160 euros. Sa fonction devait s'exercer dans l'établissement de Pointe-à-Pitre, elle consistait dans la mise en place de la marchandise, la vente, l'étiquetage ainsi que la bonne présentation du magasin par sa propreté et sa présentation aux clients.
À la suite d'un entretien préalable fixé au 2 octobre 2009, Mme X... se voyait notifier, par lettre recommandée avec avis de réception, en date du 6 octobre 2009, son licenciement pour motif économique.
Le 19 octobre 2009, Mme X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement, et obtenir paiement de rappels de salaire, d'heures supplémentaires et versement de diverses indemnités.
Par jugement du 25 novembre 2010, la juridiction prud'homale, retenant l'application de la convention collective nationale du commerce de détail d'habillement et de textile, et jugeant que le licenciement de Mme X... n'était pas fondé sur un motif économique, condamnait la Société Karukera Surf à payer à la requérante les sommes suivantes :-336 euros à titre de rappel de salaire,-5879, 41 euros à titre d'heures supplémentaires pour la période 2005 à 2009,-8280 euros en réparation du préjudice moral et matériel subi,-8280 euros pour contestation du licenciement économique,-300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mme X... était déboutée du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 6 décembre 2010, la Société Karukera Surf interjetait appel de cette décision.
Par conclusions du 8 juin 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société Karukera Surf sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a mis à la charge de l'employeur le paiement de la somme de 336 euros à titre de rappel de salaire. Elle sollicite l'infirmation du jugement pour le surplus, faisant valoir que le licenciement de Mme X... repose sur une cause réelle et sérieuse, que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, et qu'il a respecté les critères retenus tant par les dispositions législatives que par la jurisprudence.
La Société Karukera Surf soutient que la preuve des heures supplémentaires effectuées par Mme X... n'est pas rapportée, et que le préjudice moral et matériel allégué n'est ni justifié, ni rapporté.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 3 janvier 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... sollicite la confirmation du jugement entrepris, et réclame en outre paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, Mme X... soutient avoir effectué 38 heures de travail par semaine au lieu de 35, et entend se prévaloir d'un tableau mentionnant le nombre d'heures effectuées par semaine.
Pour justifier de son préjudice matériel et moral, et du bien fondé de sa contestation du licenciement économique, Mme X... s'appuie sur les motifs du jugement entrepris.
Motifs de la décision :
Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires :
L'employeur verse débats des bulletins de paie concernant Mme X..., faisant ressortir que celle-ci travaillait 151, 67 heures par mois, soit 35 heures par semaine. Il produit en outre des tableaux comportant les horaires de travail de Mme X..., et ceux de Mlle Jacqueline B.... Il ressort de ces tableaux que chacune d'elles bénéficie de deux après-midi de repos par semaine, dont le samedi après-midi, et que le total des heures de travail accomplies s'élève à 35 heures.
Mme X... produit quant à elle, un tableau sur lequel figure un horaire de travail détaillant un nombre d'heures pour chacun des jours de la semaine. Dont le total s'élève à 38 heures.
Il y a lieu de constater que ce dernier tableau, dont on ne sait par qui il a été établi, porte en titre « Magasin Karib Mode », suivi de la mention « horaire de travail ». Ce tableau ne précise pas s'il s'agit de l'horaire de travail imparti à Mme X..., ou s'il s'agit de l'horaire de travail accompli par l'ensemble des salariés du magasin.
Par ailleurs si ce tableau fait apparaître un horaire de travail le samedi après-midi de 15 heures à 18 heures 30, l'employeur fait remarquer à juste titre, que Mme X... bénéficiait d'un repos le samedi après-midi en raison du fait que les magasins de la ville de Pointe-à-Pitre ne sont pas ouverts le samedi après-midi, ce qui n'est pas sérieusement contestable.
En conséquence, il y a lieu de constater qu'il résulte des pièces versées par chacune des parties, que l'accomplissement d'heures supplémentaires par Mme X... n'est pas suffisamment établi ; elle sera donc déboutée de sa demande de paiement des dites heures.
Sur le licenciement de Mme X... :
Dans sa lettre de licenciement du 6 octobre 2009, l'employeur, après avoir rappelé qu'il a remis à la salariée la documentation établie par les ASSEDIC sur la convention de reclassement personnalisé, expose les raisons du licenciement pour motif économique de la façon suivante : "- fermeture définitive du magasin de Pointe-à-Pitre pour difficultés économiques et financières ; une diminution du chiffre d'affaires de l'ordre de-70 % ;- afin d'éviter votre licenciement, nous avons activement recherché toute possibilité de reclassement tant dans l'entreprise et dans le groupe qu'auprès d'entreprises extérieures mais nos tentatives se sont révélées infructueuses.
Compte tenu de ces éléments et après application des critères d'ordre des licenciements, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique. "
Il était précisé que ce licenciement était notifié sous réserve des droits de la salariée, expirant le 19 octobre 2009, d'adhérer à une convention de reclassement personnalisé. Il était ajouté que la présentation de la lettre de licenciement marquait le point de départ du préavis d'une durée de 2 mois, que la salariée était dispensée d'exécuter. Il était rappelé la priorité de réembauchage dont bénéficiait celle-ci.
Au soutien de sa contestation, Mme X... expose que le magasin Karib Mode de Pointe-à-Pitre, a fermé le samedi 9 mai 2009 à 13 heures 30, et qu'au cours d'un entretien avec son employeur, il lui a été expliqué que dès le lundi 11 mai 2009 elle serait reclassée sur le magasin de Sainte Rose et qu'elle " ferait la caisse ". Il lui était alors confié les clés du magasin, et ses horaires de travail lui étaient donnés.
Mme X... fait état de harcèlements moraux qu'elle aurait subis à partir du lundi 25 mai 2009, son employeur se plaignant de son attitude en faisant état de départs du magasin avant l'heure de sortie, du mauvais entretien du magasin et des clientes insatisfaites de son accueil. Elle indique que ses congés auraient été accordés à la dernière minute, soit la veille de son départ, ce harcèlement moral ayant duré jusqu'à son départ en congé le 2 septembre 2009.
Elle explique qu'elle a été convoquée à un entretien pour un licenciement, fixé au vendredi 2 octobre 2009, le jour même de sa reprise de travail et que lors de cet entretien son employeur lui expliquait qu'il ne pouvait la garder, et qu'ayant un choix à faire il avait décidé de supprimer son poste en expliquant qu'il ne pouvait assurer celui-ci. Mme X... faisait savoir qu'elle trouvait injuste cette décision car elle était la plus ancienne, sa collègue Mlle Céline C... n'ayant qu'une année d'ancienneté au sein du magasin. Mme X... prétend qu'elle s'est rendue alors sur son lieu de travail à Sainte Rose et aurait constaté qu'il y avait deux nouvelles collègues.
Pour sa part l'employeur expose que l'activité du magasin de Pointe-à-Pitre n'a rapporté entre janvier 2009 jusqu'à la fermeture en mai 2009, que la somme de 7748 euros TTC, soit une moyenne mensuelle de 1549, 60 euros, somme qui ne permettait même pas de couvrir les salaires et charges sociales des personnels affectés à ce magasin. Il s'est donc vu contraint de fermer cet établissement dont la conséquence a été la suppression des postes occupées par Mme X... et par Mme B....
L'employeur poursuit en expliquant que la Société Karukera Surf possédait un autre magasin dans la commune de Sainte Rose qui employait déjà deux salariées, mais qu'il s'est ingénié, malgré ses difficultés économiques patentes, à ouvrir un poste de travail. Préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour motif économique, ce poste a été proposé simultanément aux deux salariées, Mme B... et Mme X..., car, explique-t-il, le reclassement devant être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, l'employeur qui est débiteur de l'obligation de reclassement, peut proposer simultanément le mêmes emploi à plusieurs salariés.
L'employeur indique qu'en raison de la nécessité de respecter les critères fixés par les dispositions du code du travail pour déterminer l'ordre des licenciements, soit en l'espèce l'ancienneté, c'est logiquement Mme B... qui a obtenu le poste, ce qui a permis d'éviter son licenciement, précisant que cette dernière avait été embauchée le 1er février 2005 tandis que Mme X... avait été embauchée le 13 avril 2005.
Il précise que toutefois le contrat de travail de Mme B... était suspendu en raison d'un congé de maternité prolongé, cette salariée étant partie en congé de maternité le 14 avril 2009 et devant reprendre son poste le 3 août 2009 ; elle a également sollicité l'octroi de son congé annuel d'une durée de 24 jours à effet du 4 août 2009 pour se terminer le 2 septembre 2009. Il indique qu'à l'issue de son congé, Mme B... a été réintégrée dans son emploi conformément aux obligations légales, et que c'est dans ces conditions que l'employeur a permis à Mme X... d'occuper le poste de cette dernière jusqu'à son retour.
L'examen des comptes sociaux de la Société Karukera Surf montre qu'effectivement en 2009, année au cours de laquelle une grève générale a ralenti considérablement l'activité économique de la Guadeloupe à partir de janvier, le chiffre d'affaires de la Société Karukera Surf ne s'est élevé qu'à hauteur de 223 680 euros, alors que l'année précédente il atteignait 302 125 euros, soit une baisse de 26 %, ce qui a eu pour effet de faire passer la perte d'exploitation de 3576 euros en 2008 à 90 232 euros en 2009.
Ainsi sont suffisamment établies les difficultés économiques subies par la Société Karukera Surf au cours de l'année 2009, justifiant la fermeture de l'un des 2 magasins de l'entreprise.
L'employeur, dont il ne peut être contesté qu'il ait recherché à replacer dans son établissement de Sainte rose, les deux salariée qui travaillaient dans le magasin de Pointe-à-Pitre, ne pouvant conserver à son service l'ensemble des salariés qui travaillaient dans les deux établissements, a procédé au licenciement de l'une d'elles en respectant les critères fixés par les articles L 1233-5 et L 1233-7 du code du travail, et en choisissant de licencier la salariée qui avait le moins d'ancienneté, parmi celles dont le poste était supprimé.
En conséquence il apparaît que le licenciement pour motif économique de Mme X... a une cause réelle et sérieuse, que l'employeur a procédé à la recherche du reclassement des salariés dont le poste était supprimé, et que sa décision de licencier Madame X... respecte l'ordre des licenciements selon les critères légaux prévus aux textes suscités.
En conséquence Mme X... ne peut prétendre à paiement de dommages intérêts au titre de la contestation du licenciement, ni à des dommages intérêts pour préjudice moral et matériel, aucune faute, ni manquement à ses obligations, n'étant démontré à la charge de l'employeur.
Les réclamations de Mme X... étant justifiées au titre du rappel de salaire, il n'apparaît pas équitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a pu exposer tant en première instance, qu'en cause d'appel, il lui sera alloué en conséquence la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société Karukera Surf à payer à Mme X... la somme de 336 euros à titre de rappel de salaire,
Le réforme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Condamne la Société Karukera Surf à payer à Mme X... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme X... du surplus de ses demandes,
Dit que les dépens, tant de première instance que d'appel sont à la charge de la Société Karukera Surf.
Le Greffier, Le Président.