COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 109 DU CINQ MARS DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 10/ 02027
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 11 octobre 2010.
APPELANTE
ASSOCIATION ATOUTS SERVICES 9, chemin Hector Berlioz 69120 VAULX EN VELIN Représentée par la SCP MORTON et ASSOCIES (TOQUE 104) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame Albertina X... ... 97139 LES ABYMES Représentée par Me LOUIS substituant Me Charles NICOLAS (TOQUE 69) avocat au barreau de GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 000073 du 20/ 01/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, rapporteur,. qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 février 2012 puis le délibéré a été prorogé au 5 mars 2012
GREFFIER Lors des débats M. David GERNEZ, Greffier en chef.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par demande reçue au greffe le 12 mars 2010, Mme Albertina X... a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, dans sa formation de référé, aux fins de voir condamner l'association Atouts Services Dom, son employeur, au paiement de salaires à concurrence de 233, 88 € pour la période du 1er mars au 10 mars 2010, de salaires de 3 303, 96 € pour la période du 15 septembre 2009 au 28 février 2010, des indemnités de congés payés correspondant à la période du 15 septembre 2009 au 28 février 2010 à hauteur de 100, 49 €, et voir ordonner la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie et d'une attestation d'Assedic sous astreinte de 20 € par jour de retard et par document.
Par ordonnance du 11 octobre 2010, le conseil de prud'hommes a :- condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes : * 1337, 73 € au titre du salaire de février 2010, * 431, 53 € au titre des salaires dus pour la période du 1er au 10 mars 2010, * 8220, 57 € au titre des salaires dus pour la période du 11 mars 2010 au 14 septembre 2010, * 107, 91 € au titre d'indemnité de congés payés pour la période du 15 septembre 2009 au 28 février 2010, * 1609, 74 € au titre de l'indemnité de précarité, * 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure,- ordonné la remise des documents sous astreintes de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir sur trente jours,- condamné la défenderesse aux dépens
Par déclaration enregistrée le 15 novembre 2010, l'association Atouts Services Dom en a interjeté appel.
Par conclusions remises le 19 septembre 2011 et soutenues oralement à l'audience du 9 janvier 2012, l'association Atouts Services Dom, représentée, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance de référé entreprise dans toutes ses dispositions, dire et juger en tout état de cause que l'indemnité de fin de contrat n'est pas due, et de condamner Mme X... à lui payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :- les demandes de Mme X... sont irrecevables car celle-ci a saisi le conseil de prud'hommes en sa formation de référé laquelle ne peut que prononcer des condamnations provisionnelles, alors que ses demandes tendent à obtenir des sommes définitives, que de plus, celles-ci ne répondent pas aux critères de l'article R. 1455-5 du code du travail et souffrent de contestations sérieuses portant notamment sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail, qu'à cet égard, la cour de cassation considère que le juge des référés n'a pas le pouvoir de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail, laquelle relève du pouvoir des juges du fond, qu'au présent cas, l'intimée a cru devoir prendre acte de la rupture du contrat de travail au prétexte du non-paiement de salaires au titre des mois de décembre 2009 à février 2010, qu'or, la prise d'acte de la rupture doit faire l'objet d'un véritable débat au fond car si les faits invoqués par la salariée s'avèrent justifiés, la rupture s'analyse en un licenciement, si en revanche, ils ne sont pas justifiés, la rupture s'analyse comme une démission, que dans les deux cas, seul le juge du fond doit en connaître, qu'enfin, de simples retards dans le paiement du salaire ne constituent pas des fautes suffisamment graves pour justifier de la rupture du contrat aux torts de l'employeur et ne permettent pas de caractériser un comportement permanent de l'employeur,
- en tout état de cause, aucune indemnité de fin de contrat égale à 10 % du salaire brut n'est due dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi au regard des dispositions des articles L. 1242-3 et L. 1243 du code du travail,- enfin, la présente procédure, mal dirigée en référé, est à l'origine de frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
Par conclusions remises le 9 janvier 2012 et soutenues oralement, Mme Albertina X..., représentée, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 11 octobre 2010 et de condamner l'association appelante à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour sa part, elle explique qu'elle a été embauchée dans le cadre d'un contrat d'accompagnement à l'emploi par l'association Atouts Services Dom en qualité de secrétaire de direction pour une période allant du 15 septembre 2009 au 14 septembre 2010, que ce contrat, par nature à durée déterminée, prévoyait une rupture anticipée possible en cas d'accord des parties, de faute grave de l'une des parties ou en cas de force majeure, que la méconnaissance par l'employeur de ces dispositions ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il auraient perçues jusqu'au terme de son contrat, conformément aux dispositions de l'article L. 1243-1 du code du travail, qu'à compter du mois de décembre 2009, elle n'a plus reçu son salaire à l'échéance habituelle, qu'après plusieurs réclamations restées sans suite, elle a été contrainte de prendre acte de la rupture de contrat aux torts de son employeur, qu'en dépit d'un courrier émanant de l'inspection du travail enjoignant à ce dernier de régler les salaires et de remettre les bulletins de paie, elle ne parvenait pas à recouvrer son dû et que c'est dans ces conditions qu'elle a été amenée à saisir le conseil de prud'hommes.
Elle précise que par virement du 26 avril 2010, l'employeur lui réglait la somme de 1054, 29 € correspondant au salaire de décembre 2009, qu'elle obtenait également paiement de la somme de 1101, 32 € par chèque bancaire en date du 30 avril 2010, que le 15 avril 2010, l'association Atouts Services Dom lui transmettait divers documents, tels que l'attestation Pôle Emploi, un reçu pour solde de tout compte, les bulletins de paie des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2009, janvier, février et mars 2010, et dont certains d'entre eux sont erronés, qu'en effet, si l'attestation Pôle Emploi mentionne une démission, il s'agit en réalité d'une rupture aux torts de l'employeur, que le reçu pour solde de tout compte fait état de sommes qu'elle n'a pas perçues, que les bulletins de paie de décembre, janvier, février et mars mentionnent des heures retenues imposées par l'employeur, que l'indemnité de congés payés n'a pas été réglée, tout comme l'indemnité de précarité, qu'elle est donc endroit de maintenir ses demandes initiales en y ajoutant le paiement du salaire contractuel jusqu'au 14 septembre 2010, date contractuelle du terme du contrat, qu'au vu de ces éléments, il ne peut être sérieusement contesté que la rupture du contrat est à l'initiative de l'employeur, que l'inspection du travail n'a pas contesté le bien-fondé de cette rupture et a même invité l'employeur à remplir ses obligations contractuelles, que ses demandes d'indemnité de congés payés et d'indemnité de précarité sont dues au vu des mentions apparaissant sur l'attestation Pôle Emploi et des dispositions des articles L. 1243-8 et suivants du code du travail et de l'article 125 de la loi no2002-73 du 17 janvier 2002.
SUR CE
SUR L'IRRECEVABILITÉ DE MADAME X... EN RAISON DU DÉFAUT DE DEMANDES PROVISIONNELLES :
Attendu que l'absence d'indication de demandes provisionnelles dans l'ordonnance rendue le 11 octobre 2010 en référé n'enlève rien au caractère provisionnel des sommes qui y sont arrêtées ;
que le moyen tiré de l'indication de sommes définitives plutôt que de provisions est inopérant pour déclarer irrecevables les demandes de Mme Albertina X... et incompétent le conseil de prud'hommes, alors qu'il est clairement établi que celui-ci a statué dans sa formation de référé ;
qu'il y a lieu d ‘ écarter ce moyen.
SUR L'IRRECEVABILITÉ DE MADAME X... EN RAISON D'UNE CONTESTATION SÉRIEUSE :
1/ Les salaires de février 2010 au 10 mars 2010 et l'indemnité de congés payés pour la période du 15 septembre 2009 au 28 février 2010 :
Attendu que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé du conseil de prud'hommes peut accorder une provision au créancier ;
Attendu que la prise d'acte de la rupture à l'initiative du salarié produit les effets soit d'un licenciement, soit d'une démission, selon que les griefs invoqués par le salarié sont ou non justifiés, ce que vérifie le juge au regard des dispositions de l'article L. 1243-1 du code du travail pour déterminer l'imputabilité de la rupture et pour en tirer toutes les conséquences financières ;
qu'il importe de rappeler également que la cessation du contrat de travail est immédiate à la date de la prise d'acte ;
qu'en l'espèce, Mme Albertina X... a informé son employeur de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail à durée déterminée le 10 mars 2010 du fait du non-paiement de ses salaires de décembre 2009 à février 2010 ; qu'il ressort des pièces produites qu'à la suite de cette prise d'acte, l'employeur reconnaît devoir les sommes correspondantes puisqu'il lui répond, par courrier électronique du 15 avril 2010, dans les termes suivants " En ce qui concerne le paiement, je vous envoie le chèque ou vous fait un virement. Pour l'échéancier, je le calcule et je vous recontacte d'ici un ou deux jours (...) ", qu'il joignait à cet engagement des bulletins de paie pour les périodes de décembre 2009 à mars 2010, des fiches de suivi du temps de travail pour chacune des périodes et signées par l'intimée, un solde de tout compte portant la mention d'un salaire brut de 283, 52 € et d'une indemnité compensatrice de congés payés brute de 107, 91 €, et l'attestation Assedic, qu'enfin, aucun paiement intégral de ces sommes n'est justifié par la partie appelante ;
que dans ces conditions, la cour constate que les créances de salaires de février 2010 à mars 2010 et d'indemnité de congés payés ne sont pas sérieusement contestables ;
qu'il y a lieu de confirmer les provisions accordées de ces deux chefs par les premiers juges.
2/ Les salaires du 11 mars au 14 septembre 2010, l'indemnité de précarité et la remise de documents conformes :
Attendu que si l'employeur a remis au salarié des bulletins de salaires, une attestation Assedic qui comporte d'ailleurs la mention " démission ", et un solde de tout compte, la cour ne peut en déduire l'absence de contestation sérieuse car les demandes formulées à ce titre impliquent un examen de l'imputabilité de la rupture du contrat de travail devant les juges du fond qui en déduiront les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission ;
qu'il y a d'infirmer l'ordonnance entreprise de ces chefs.
S'il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais irrépétibles qu'elle a exposées en première instance dans la mesure où ses demandes se sont avérées fondées au moins en partie, en revanche, l'équité n'impose pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure en cause d'appel, dans la mesure où il est fait droit partiellement au moyen de l'appelante.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, après en avoir délibéré, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné l'association Atouts Services Dom à payer, par provisions, à Mme Albertina X... les sommes suivantes :
* 1337, 73 € au titre du salaire de février 2010, * 431, 53 € au titre des salaires dus pour la période du 1er au 10 mars 2010, * 107, 91 € au titre d'indemnité de congés payés pour la période du 15 septembre 2009 au 28 février 2010, *500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Déboute Mme Albertina X... du surplus de ses demandes,
Laisse les dépens de la présente instance à la charge de l'association Atouts Services Dom ;
La greffièreLe président