COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 216 DU QUATRE JUIN DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 10/ 00815
Décision déférée à la Cour : ordonnance de départage référé du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 26 février 2010.
APPELANTE
SARL RIVE DROITE SERVICE Wonche Bonfils 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par la SELARL LACLUSE et CESAR (Toque2), substituée par Maître GONAND, avocats au barreau de la Guadeloupe
INTIMÉE
Madame Véronique Y... ...... 97170 PETIT BOURG Représentée par la SCP EZELIN-DIONE (Toque 96), avocats au barreau de la Guadeloupe
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 juin 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Suivant contrat du 31 octobre 2005, la SARL Bologne Star Service se voyait confier la location-gérance d'une station-service située lieu-dit Bologne à Basse-Terre, le propriétaire du fonds étant la Société Antillaise des Pétroles Chevron, le contrat venant à échéance le 31 octobre 2008.
Suivant contrat de location gérance du 3 novembre 2008, la station-service était confiée à la SARL Rive Droite Service.
Le 17 mars 2009, Mme Véronique Y... saisissait en référé le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir paiement par la SARL Rive Droite Service, la SARL Bologne Star Service et la Société Antillaise des Pétroles Chevron, d'un rappel de salaire, d'une prime de management, d'une prime de 13 ème mois, d'une indemnité de congés et de RTT, ainsi qu'une indemnisation pour retard dans la remise de la fiche de paie de janvier 2009.
Par ordonnance de référé en date du 26 février 2010, la formation de départage de la juridiction prud'homale condamnait solidairement la SARL Rive Droite Service et la SARL Bologne Star Service à payer à Mme Y..., à titre provisionnel, la somme de 2 661, 99 euros au titre de la prime de 13 ème mois.
La SARL Rive Droite Service était condamnée à payer seule à Mme Y..., à titre provisionnel, les sommes suivantes :-480 euros de prime de management,-1375 euros au titre des congés 2008/ 2009,-377, 84 euros au titre des congés 2007/ 2008,-770 euros de RTT,-500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il était ordonné à la SARL Rive Droite Service de procéder à la rectification des bulletins de salaire établis depuis la reprise de la station service en y faisant apparaître la date initiale d'embauche de Mme Y..., et en y portant le numéro siret valide, et de procéder à la modification de l'attestation ASSEDIC relativement à son ancienneté, et ce dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement, sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai.
Le juge des référés disait n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne les demandes formulées par Mme Y... en paiement des salaires de janvier et février 2009, et celles présentées au titre de dommages et intérêts, ainsi que pour la demande tendant à la mise hors de cause de la Société Antillaise des Pétroles Chevron.
Par déclaration du 15 avril 2010, la SARL Rive Droite Service interjetait appel de cette décision, à l'encontre de Mme Y....
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 16 mai 2011, la société Rive Droite Service sollicite l'infirmation de la décision déférée au motif que le premier juge a écarté l'existence d'une contestation sérieuse. Elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes de Mme Y... et entend voir condamner la SARL Bologne Star Service à régler les créances salariales lui incombant, et subsidiairement voir condamner cette société au remboursement intégral de toutes sommes mises à sa charge par la juridiction dans le cadre du présent contentieux.
La SARL Rive Droite Service demande la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 12 559 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice subi résultant du dénigrement commercial pratiqué à son égard.
Elle explique qu'en application des dispositions de l'article L 1224-2 du code du travail, en tant que nouveau locataire gérant de la station-service, et dans la mesure où aucune convention ne la lie au précédent locataire gérant, la charge du paiement des dettes salariales réclamées par Mme Y... incombe en totalité à la SARL Bologne Star Service.
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Par conclusions du 3 octobre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y... sollicite la confirmation de la décision entreprise et réclame paiement de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle entend se prévaloir des dispositions de l'article L 1224-2 du code de travail selon lesquelles le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification de la situation de l'employeur. Elle explique que l'exclusion visée par le " 2o " de cet article ne s'applique pas lorsque le fonds de commerce est confié à un nouveau locataire.
Elle s'oppose à la demande reconventionnelle présentée par l'appelante, faisant valoir que sa demande n'est pas liée au contrat de travail ou à son exécution, et qu'elle n'est pas de la compétence de la juridiction prud'homale.
Par ailleurs par conclusions notifiées à la partie adverse le 25 février 2011, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, Mme B... soulève l'irrecevabilité de l'appel au motif qu'aucun chef des demandes présentées devant le Conseil de Prud'hommes ne dépasse le taux du dernier ressort de 4 000 euros.
Motifs de la décision :
Il résulte des dispositions de l'article R 1462-1 du code du travail, que le Conseil de Prud'hommes statue en dernier ressort lorsque la valeur totale des prétentions d'aucune des parties ne dépasse le taux compétence de 4 000 euros.
Or en l'espèce le total des prétentions de la salariée, portées devant le Conseil de Prud'hommes dépasse 4 000 euros. En conséquence l'appel de la SARL Rive Droite Service doit être déclaré recevable.
En vertu des dispositions de l'article L 1224- un du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Ces dispositions s'appliquent en cas de changement de locataire gérant d'un fonds de commerce, comme en l'espèce.
Il résulte des dispositions de l'article L 1224-2, que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien l'employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :- 1o procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;- 2o substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci, le premier employeur remboursant les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ses obligations dans la convention intervenue entre eux.
En l'espèce il y a lieu de constater que la location gérance confiée à la Société Bologne Star Service a pris fin le 31 octobre 2008, et que la Société Antillaise des Pétroles Chevron a repris son fonds de commerce puisqu'elle a conclu un nouveau contrat de location gérance le 3 novembre 2008, avec effet à compter de cette date, avec la Société Rive Droite Service ; il en résulte que les modifications dans la situation juridique de l'employeur sont intervenues en vertu de conventions successives entre les employeurs. En conséquence le dernier employeur est tenu de verser au salarié les sommes qui lui étaient dues en vertu du contrat de travail, antérieurement à la reprise du fonds. Au demeurant la Cour de Cassation, dans un arrêt du 24 septembre 2002 (Bull. V, no274) a entériné ce principe, à propos duquel il ne peut être soutenu que son application fasse l'objet d'une contestation sérieuse en l'espèce.
Ainsi Mme Y... est fondée à réclamer à la Société Rive Droite Service, le paiement de la totalité de la prime de 13 ème mois pour l'année 2008, ainsi que l'indemnité de congés payés, acquise au titre des années 2007/ 2008 et 2008/ 2009, et la compensation des jours de repos résultant de la réduction du temps de travail (jours de RTT), acquis au titre des heures travaillées au cours de l'année 2008 et la prime de management.
Les sommes ainsi revendiquées par Mme Y..., ayant été réclamées devant le premier juge, la Société Bologne Star Service, employeur antérieur, ayant été appelée devant le juge des référés prud'homal, mais non mise en cause dans l'instance d'appel, et ces sommes n'ayant pas fait l'objet de contestation quant à leur montant, la décision déférée sera purement et simplement confirmée en ce qu'elle alloue lesdites sommes à la salariée.
Par ailleurs, le premier juge a expliqué dans sa décision que les bulletins de salaire réclamés par la salariée ont été remis après la saisine du conseil de prud'hommes, qu'ainsi la demande de remise est devenue dès lors sans objet, et que Mme Y... n'explicitait pas sa demande de provision.
Il est également précisé dans la décision entreprise que la SARL Rive Droite devait rectifier les bulletins de salaires établis depuis la reprise du fonds en y faisant apparaître la date initiale d'embauche dans l'entreprise, en y portant le numéro siret valide, et procéder à la modification de l'attestation ASSEDIC relativement à son ancienneté.
La Cour n'est saisie d'aucun moyen critiquant ces dernières dispositions prises par le juge des référés, il y a donc lieu de les confirmer comme le demande l'intimée.
La demande reconventionnelle présentée par la SARL Rive Droite Service aux fins d'obtenir indemnisation, à titre provisionnel, est fondée sur des agissements fautifs des salariés ayant procédé au blocage total de la station service à partir du 5 février 2009, et sur des faits de dénigrement commercial de l'employeur.
C'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande reconventionnelle de la SARL Rive Droite Service au motif que si en vertu des dispositions des articles R 1455-4 et R 1455-7 du code du travail, la formation de référé peut ordonner toutes mesures ne se heurtant à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence de différents, ainsi qu'accorder une provision dès lors que l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ladite demande impose en l'espèce de se livrer à un examen des agissements prétendus fautifs des salariés mis en cause, et qu'il n'incombe pas au juge des référés, qui est le juge de l'évidence, de porter une telle appréciation. En conséquence la décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle rejette la demande formée à titre reconventionnel par la Société Rive Droite Service.
Les prétentions de Mme Y... étant au moins partiellement fondées, il paraît inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel. Il lui sera alloué en conséquence la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Déclare recevable l'appel de la SARL Rive Droite Service,
Confirme l'ordonnance de référé entreprise,
Y ajoutant,
Condamne la SARL Rive Droite Service à payer à Mme Y... la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne la SARL Rive Droite Service aux dépens de l'instance d'appel,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.