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27/02/2012 | FRANCE | N°10/00081

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 27 février 2012, 10/00081


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 90 DU VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00081
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 décembre 2009.
APPELANTE
Madame Franciane X... ... 97170 PETIT-BOURG Représentée par la SCP MORTON et ASSOCIES (TOQUE 104) avocats au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
EURL TRANSBETON Zone industrielle de Jaula 97129 LAMENTIN Représentée par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a étÃ

© débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSS...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 90 DU VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 00081
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 décembre 2009.
APPELANTE
Madame Franciane X... ... 97170 PETIT-BOURG Représentée par la SCP MORTON et ASSOCIES (TOQUE 104) avocats au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
EURL TRANSBETON Zone industrielle de Jaula 97129 LAMENTIN Représentée par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 février 2012 puis le délibéré a été prorogé au 27 février 2012.
GREFFIER Lors des débats M. David GERNEZ, Greffier en chef.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Mme X... était engagée à compter du 1er mai 1996 par contrat de travail à durée déterminée par l'Eurl Transbeton. Par « lettre d'engagement » en date du 25 avril 1997, l'employeur confirmait à Mme X... que son contrat de travail qui devait venir à expiration le 30 avril 1997 se poursuivrait pour une durée indéterminée, la poursuite des liens contractuels se faisant pour un poste de secrétaire comportant les attributions suivantes : recouvrement des créances clients et secrétariat commercial.
Par un avenant en date du 2 janvier 2002, sa fonction était précisée de la façon suivante : secrétaire comptable avec pour mission notamment d'assurer la saisie des factures fournisseurs, la saisie des caisses, l'expédition de la facturation clients et le remplacement de l'ensemble du personnel administratif et comptable pendant leur absence. Sa rémunération mensuelle passait à 1410, 53 euros par mois sur 13 mois, avec un taux horaire de 9, 30 euros, à laquelle s'ajoutait une prime d'ancienneté calculée suivant l'accord d'entreprise.
Après avoir été convoquée par lettre du 7 septembre 2006, à un entretien préalable fixé au 19 septembre suivant, Mme X... se voyait notifier par courrier du 14 septembre 2006 une mesure de mise à pied conservatoire pour des faits nouveaux, puis par courrier du 27 septembre 2006 son licenciement pour faute lourde.
Le 18 octobre 2006, Mme X... saisissait la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages intérêts pour violation du statut protecteur de femme enceinte, et le maintien de sa rémunération en raison de la nullité du licenciement. Elle demandait en outre paiement de diverses indemnités et remise de documents de fin de contrat.
Par jugement du 17 décembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre requalifiait le licenciement de Mme X... en licenciement pour faute grave et condamnait l'employeur à lui verser la somme de 947, 47 euros au titre des 14 jours de congés payés non pris, et ordonnait la remise d'une attestation ASSEDIC faisant apparaître la cause du licenciement ainsi que le paiement du reliquat de congés payés.
Par déclaration du 7 janvier 2010, Mme X... interjetait appel de cette décision.
Par conclusions du 21 janvier 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... sollicite l'infirmation de la décision déférée et entend voir déclarer le licenciement nul pour violation des dispositions de l'article L 122-25-2 du code de travail, et abusif au regard des dispositions des articles L 122-14 et suivants du même code. Elle réclame paiement des sommes suivantes :-11 383, 50 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,-26 796, 75 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,-11 383, 50 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement illicite,-6699, 18 euros d'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis,

-949, 47 euros de reliquat d'indemnité de congés payés,-1898, 95 euros d'indemnité de licenciement,-1029, 63 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire injustifiée,-1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande en outre la remise sous astreinte d'une attestation ASSEDIC rectifiée.

À l'appui de ses demandes elle invoque l'absence totale de faits fautifs justifiant son licenciement. Elle conteste la réalité des faits de complicité avec sa collègue, Mme Z..., licenciée pour malversation. En ce qui concerne les faits invoqués par l'employeur postérieurement à l'entretien préalable, elle explique qu'elle n'a jamais contesté avoir reçu de la part d'un client la somme de 200 euros en espèces, mais que le fait que cette somme n'ait pas été enregistrée dans sa caisse ne suffit pas établir une volonté malveillante de sa part. Elle ajoute que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a retenu la qualification de faute grave.

Faisant valoir qu'au moment de la rupture de son contrat de travail elle était en état de grossesse, et qu'elle bénéficiait du régime protecteur des salariés afférent à cet état, et invoquant les dispositions de l'article L 122-25-2 ancien du code du travail, devenu l'article L 1225-4, elle conclut à la nullité de son licenciement. Elle entend réclamer réparation de cette nullité en plus de la réparation du caractère abusif dudit licenciement, précisant que si son congé de maternité s'est terminé le 6 juillet 2007, la période de protection expirait 4 semaines plus tard soit le 3 août 2007, et qu'elle a donc droit au paiement des salaires qu'elle aurait normalement perçus entre le mois de septembre 2006, date de la rupture du contrat de travail et le 3 août 2007, soit 11 mois de salaire auquel il convient d'inclure le 13e mois et les congés payés afférents ainsi que la prime d'ancienneté de 7 %.
Par conclusions du 16 novembre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'Eurl Transbeton sollicite la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu la faute lourde et a condamné l'Eurl Transbeton à payer une indemnité de congés payés de 947, 47 euros. Elle demande la condamnation de Mme X... à lui rembourser la somme de 1457, 68 euros correspondant au montant des matériaux que celle-ci s'est fait livrer, et à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Eurl Transbeton explique que la faute lourde reprochée à Mme X... est caractérisée, et qu'il n'y a pas eu violation du statut protecteur de la salariée enceinte, l'employeur pouvant notifier le licenciement pour faute grave à la salariée, pour un motif non lié à son état de grossesse, et alors que le contrat n'a pas encore été suspendu au titre du congé maternité, même si son état de grossesse a été médicalement constaté.

Motifs de la décision :

Dans sa lettre de licenciement du 27 septembre 2006, l'employeur rappelle que Mme X... a tenté de justifier le paiement de ses achats de matériaux divers à l'entreprise, par l'émission de trois chèques à hauteur d'un montant total de 1457, 68 euros, chèques qui n'ont jamais été encaissés par l'Eurl Transbeton, ceux-ci ayant été purement et simplement annulés par le biais d'avoirs factices, et ayant été restitués à Mme X....

Par ailleurs il est évoqué le cas d'un client, M. A..., septuagénaire, qui s'est présenté à l'entreprise le 13 septembre 2006 pour solder une commande de parpaings et en fixer la date de livraison, et qui a produit un reçu établi le 12 juillet 2006 par Mme X..., pour le versement d'une somme de 200 euros en espèces lesquels n'ont jamais été enregistrés dans la caisse de cette dernière et par conséquent n'ont jamais figuré au crédit du compte du client.

Mme X... ne conteste pas avoir émis, pour règlement de marchandises qui lui ont été livrées par l'Eurl Transbeton, les chèques suivants :- le 26 mars 2004 un chèque de 1074 euros,- le 28 juillet 2004 un chèque de 309, 38 euros,- le 31 janvier 2005 un chèque de 74, 30 euros.

Ces chèques n'ont jamais été débités du compte de Mme X..., ce que celle-ci ne conteste pas, et ces règlements ont été annulés en comptabilité par l'établissement d'avoirs fictifs de même montant, ce qui a permis le non encaissement de ces chèques.
Cette opération comptable frauduleuse qui apparaît avoir été commise par Madame Z..., laquelle a été licenciée pour malversation, a profité exclusivement à Mme X... qui avait parfaitement conscience de l'opération ainsi réalisée, puisqu'elle a pu constater que les chèques qu'elle avait remis en règlement pour la livraison de matériaux qui lui ont été livrés pour un montant de 1457, 68 euros, n'avaient jamais été débités de son compte, ces opérations au seul bénéfice de Mme X..., résultant nécessairement d'une concertation frauduleuse entre cette dernière et Mme Z..., lesdites opérations ayant pour but, à travers la réalisation d'un artifice comptable, le détournement de matériaux au préjudice de l'employeur. L'intention de s'approprier frauduleusement la marchandise de celui-ci, sans procéder à aucun paiement effectif, caractérise l'intention de nuire à l'Eurl Transbeton.
Il est d'ailleurs significatif de constater, qu'aux termes d'une plainte déposée par le comptable de l'entreprise auprès des services de gendarmerie, et enregistrée dans le cadre d'un procès verbal d'audition en date du 7 décembre 2006, Mme X... est intervenue dans d'autres opérations comptables irrégulières, et plus précisément lors de la remise d'une somme de 2311, 38 euros qu'elle a reçue de M. Steve B..., commercial de l'entreprise, correspondant au règlement d'une facture en espèces fait par un client à ce dernier, alors qu'au niveau comptable cette facture a été soldée le 14 août 2006 par un chèque fictif, le règlement de la somme de 2311, 38 euros en espèces n'apparaissant nullement en comptabilité.
Il est encore significatif de constater qu'en avril 2003 Mme X... s'est fait livrer à titre personnel du béton, une facture de livraison en date du 27 avril 2003 pour 27 mètres cubes de béton ayant été établie, alors que le relevé des bons de livraison fait état de 33 mètres cubes. En outre pour régler cette facture Mme X... a fait six chèques, qui ont été annulés, l'encaissement de la facture ayant été régularisé par le biais d'une écriture comptable.
Ces deux dernières constatations, si elles ne peuvent être prises en considération pour motiver le licenciement pour faute lourde, corroborent néanmoins l'existence de la faute caractérisée par l'employeur dans sa lettre de licenciement.
Par ailleurs il ressort des explications et attestations fournies par l'Eurl Transbeton, qu'un client, M. A..., s'est présenté à l'entreprise le 13 septembre 2006 pour solder sa commande de parpaings et en fixer la date de livraison avec la responsable des ventes, en présentant un reçu établi de la main de Mme X... le 12 juillet 2006 pour le versement de la somme de 200 euros en espèces, alors que ce règlement n'a jamais été enregistré dans la caisse de cette dernière et ne figurait donc pas au crédit du compte du client.
Selon le témoignage de Mlle Sandrine C..., exerçant la profession de comptable au sein de l'entreprise, le pointage de la caisse physique et papier de Mme X..., en présence de celle-ci, le 14 août 2006 avant son départ en congé, montrait qu'il n'y avait aucune différence de caisse avec la comptabilité, Mme X... n'ayant alors jamais fait état d'une enveloppe en attente de comptabilisation.
Confrontée au reçu de 200 euros en espèces produit par le client A..., Mme X..., selon le témoignage de Mlle Vilna D..., assistante commerciale de l'entreprise, s'est montrée incapable d'expliquer l'absence des fonds correspondants dans la caisse « physique », ni l'absence des pièces justificatives dans les archives. Deux heures plus tard, Mme X... lui a remis une enveloppe contenant essentiellement des pièces de monnaie qui ont fait l'objet d'un comptage, lequel a montré qu'il manquait près de 3 euros, la somme étant incomplète Mme X... est donc retournée à son poste de travail et a ramené la somme manquante.
Il apparaît ainsi que Mme X... a conservé par-devers elle les espèces remises à hauteur de 200 euros par M. A..., et qu'elle ne les a restituées que lors de la découverte de ce détournement, en tentant de rassembler au plus vite la monnaie correspondante. S'agissant du reçu délivré à M. A..., Mme X... ne peut s'en prévaloir comme démontrant l'absence d'intention frauduleuse, dans la mesure ou il s'agissait d'un client âgé, qui se prévalait d'une facture proforma remontant à novembre 2004 qui n'était plus valable. Ainsi est démontrée l'intention frauduleuse de Mme X... qui a entendu détourner la somme de 200 euros au préjudice de son employeur, l'intention de nuire à celui-ci pour son propre bénéfice étant caractérisée.
Au regard de ces constatations, la faute lourde invoquée par l'employeur est caractérisée.
L'employeur n'a violé en rien le statut protecteur attribué légalement aux femmes salariées en état de grossesse, dans la mesure où, s'il a été informé le 26 septembre 2006, soit la veille de l'envoi de la lettre de licenciement, de l'état de grossesse de sa salariée, le contrat de travail de celle-ci n'était pas suspendu au titre du régime de congé maternité dont la durée est définie aux articles L 1225-17 et L 1225-21 du code du travail, l'intéressée n'ayant bénéficié, à l'époque du licenciement, que d'un arrêt maladie en rapport avec un état pathologique résultant de sa grossesse, alors que la salariée a accouchée le 27 avril 2007, soit près de 7 mois plus tard.
En conséquence il ne peut être fait droit à aucune des demandes d'indemnisation présentées par Mme X....
Celle-ci ne contestant pas ne pas avoir réglé ses factures d'un montant de 1457, 68 euros pour les marchandises livrées par son employeur, il sera mis à la charge de l'appelante le remboursement de cette somme.
Compte tenu des agissements à caractère lucratif reprochés à Mme X..., il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'employeur des frais irrépétibles qu'il a exposés.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme X... est justifié par une faute lourde,
Déboute Mme X... de l'ensemble de ses demandes,
Condamne Mme X... à payer à l'Eurl Transbeton la somme de 1457, 68 euros au titre du paiement des marchandises qu'elle s'est fait livrer, ainsi que la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens tant de première instance que d'appel sont à la charge de Mme X....

Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00081
Date de la décision : 27/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-02-27;10.00081 ?
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