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27/02/2012 | FRANCE | N°09/01976

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 27 février 2012, 09/01976


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 89 DU VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 09/ 01976
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 décembre 2009.
APPELANTS ET INTIMES
Monsieur Henri X...... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Me Daniel DEMOCRITE (TOQUE 46) avocat au barreau de GUADELOUPE

S. A. CMA CGM ANTILLES-GUYANE 4 quai d'Arenc 13006 MARSEILLE CEDEX Représentée par la SCP COUROUX/ SILO-LAVITAL (TOQUE 38) avocats au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 89 DU VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 09/ 01976
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 8 décembre 2009.
APPELANTS ET INTIMES
Monsieur Henri X...... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Me Daniel DEMOCRITE (TOQUE 46) avocat au barreau de GUADELOUPE

S. A. CMA CGM ANTILLES-GUYANE 4 quai d'Arenc 13006 MARSEILLE CEDEX Représentée par la SCP COUROUX/ SILO-LAVITAL (TOQUE 38) avocats au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, rapporteur, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 février 2012 puis le délibéré a été prorogé au 27 février 2012

GREFFIER Lors des débats M. David GERNEZ, Greffier en chef.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE :

Monsieur Henri X... a été engagé le 1er mai 1982 par la COMPAGNIE GÉNÉRALE MARITIME en qualité de comptable. A compter du 2 mai 1994, il a été promu responsable de la comptabilité de l'établissement.
M. X... Henri a saisi la juridiction prud'homale le 9 octobre 2006 s'estimant victime de différentes discriminations :
- une rémunération sensiblement moindre que son prédécesseur au même poste, Monsieur Z... Guy, ayant pourtant des responsabilités équivalentes ou plus importantes,
- son salaire est calculé selon un coefficient erroné au regard de la classification des postes mise à jour le 1er Octobre 2004,
- il est le seul cadre sur les treize cadres que compte la société à qui la direction de la S. A C. M. A-CGM ANTILLES-GUYANE a refusé, sans aucune justification, l'octroi du maigre avantage en nature que constitue un téléphone portable de service..
Par jugement du 8 décembre 2009, le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE :
CONDAMNE la CMA-CGM ANTILLES GUYANE, en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur Henri X... :
-40 000 € en réparation du préjudice moral pour discrimination.-1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

DÉBOUTE Monsieur Henri X... du surplus de ses demandes, fins et conclusions..
DÉBOUTE la CMA-CGM ANTILLES GUYANE, en la personne de son représentant légal de sa prétention au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

La CMA-CGM ANTILLES GUYANE, par déclaration déposée au greffe le 22 décembre 2009 a relevé appel de ce jugement et M. X... a également fait appel de la décision le 12 janvier 2010.

Les deux dossiers ont été joints sous le no RG 09/ 01976.

MOYENS et DEMANDES des PARTIES :

Au soutien de son appel la CMA-CGM fait valoir que :
- de 1986 à 1993, M. X... relevait du " Statut du Personnel " de la Compagnie Générale Maritime de 1979. Ledit statut disposait que les critères d'augmentations salariales relevaient des Commissions Paritaires d'avancement par application des articles 21 à 24. Il en découle que les augmentations ne résultaient pas d'une décision unilatérale de l'employeur, seules les Commissions ayant pouvoir de se prononcer à cet effet.
- à compter de 1993, les augmentations salariales au mérite ont été opérées conformément aux dispositions de la Convention Collective, au regard de la qualité de travail fourni par chaque salarié : or il ressort du tableau versé aux débats par M. X... que le salaire perçu par ce dernier est le deuxième en importance pour l'ensemble des chefs de service.
- M. A..., prédécesseur de M. X... au poste de responsable de la comptabilité relevait du statut de 1947 et à ce titre il a bénéficié dans sa rémunération des avancements ou promotions automatiques.
- la CMA-CGM a demandé au Conseil de lui donner acte qu'elle reconnaissait que la classification portée sur le bulletin de salaire de Monsieur X... est erronée. En tout état de cause, il importe d'indiquer à la Cour que les rectifications nécessaires ont été apportées et que cette erreur n'a eu aucune incidence sur le calcul du salaire de Monsieur X....
- les téléphones de service sont attribués en fonction des nécessités liées au poste occupé, et non au regard de la catégorie à laquelle appartient le salarié bénéficiaire. En réalité, si Monsieur X... n'a jamais demandé à bénéficier d'un téléphone de ce type, c'est bien parce que ce dernier a parfaitement conscience que les fonctions qu'il occupe ne justifient pas une telle attribution.
La société CMA-CGM demande à la Cour :
Infirmer le jugement rendu le 8 décembre 2009 par la section Encadrement du Conseil de prud'hommes de Pointe ~ à-Pitre en ce qu'il a alloué à Monsieur X... la somme de :
40. 000, 00 € à titre de préjudice moral pour discrimination 1. 500, 00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Confirmer ledit jugement pour le surplus
Statuant à nouveau :
- Dire que Monsieur X... n'est victime d'aucune discrimination
-Dire que Monsieur X... n'a subi aucun préjudice
-Dire que les demandes présentées ne sont pas fondées,
- Débouter Monsieur X... de 1'ensemble de ses prétentions. fins et moyens
-Condamner Monsieur X... au paiement de 1. 200, 00 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
-Laisser les dépens à l'entière charge de Monsieur X....

M. X... est également appelant du jugement et, par conclusions déposées le 3 janvier 2012 et reprises oralement à l'audience, il expose que :

- c'est au regard de la différence de rémunération existant entre lui et son prédécesseur, Monsieur Z... Guy, que Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes. Il y a donc lieu de supprimer toute comparaison avec Monsieur A... dès lors qu'il est constant que ce dernier avait des responsabilités moindres par rapport à celles de Monsieur X....

- Monsieur Z... Guy et Monsieur X... ont exercé dans la même entreprise, la SA CMA-CGM ANTILLES GUYANE. Ils ont tous deux occupé le même poste de « chef comptable » : Monsieur Z... Guy de 1980 à 1987 ; Monsieur X... de 1994 à 2007. Ils ont tous deux eu les mêmes responsabilités à savoir la double responsabilité de la comptabilité de l'agence proprement dite et de ses filiales. Cependant, Monsieur X... est loin de percevoir une rémunération équivalente à celle de Monsieur Z... Guy : en quittant l'entreprise, Monsieur Z... Guy percevait une rémunération annuelle brute de 65 000 € soit une rémunération mensuelle de 5 416 € brut, alors que Monsieur X... ne percevait en 2006, soit après 12 ans d'ancienneté au même poste, qu'une rémunération annuelle brute de 57 000 € soit une rémunération mensuelle de 4 750 € brut.
- pour justifier cette différence de traitement en défaveur de Monsieur X..., la CMA-CMG AG a soutenu, dans ses écritures, que le niveau des revenus des salariés était hétérogène compte tenu des différents statuts et que ces différences de traitement reposant sur des causes parfaitement objectives, ne peuvent être considérées comme représentant une discrimination. Ainsi, Monsieur Z... Guy relevait du statut de 1947 et Monsieur X... de la Convention collective de 1993. Cette justification n'est pas valable. En effet, Monsieur X... n'est pas le seul employé de la CMA-CMG AG à avoir succédé à un responsable de service relevant du statut de 1947. Or force est de constater que seul Monsieur X... perçoit une rémunération inférieure à celle de son homologue prédécesseur.
M. X... demande à la Cour :
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la C. M. A.- C. G. M. ANTILLES GUYANE, en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur Henri X... :
-40 000 € en réparation du préjudice moral pour discrimination-1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'infirmer en ce qu'il a débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit constaté l'existence d'une discrimination salariale à son encontre
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la différence de rémunération existant entre Monsieur X... Henri et Monsieur Z... Guy n'est pas justifiée par aucune raison objective et qu'elle est dès lors, constitutive d'une discrimination salariale.
Dire et juger que les différences de traitement entre Monsieur X... et ses collègues en ce qui concerne l'octroi d'un avantage en nature (téléphone portable) ne sont pas davantage justifiées par une raison objective et qu'elles sont dès lors constitutives d'une discrimination salariale.
En conséquence,
Condamner la C. M. A.- C. G. M. ANTILLES-GUYANE à verser à Monsieur Henri X... la somme de 255 000 € à titre de réparation de son préjudice financier résultant de la discrimination salariale pratiquée à son encontre.
Condamner la C. M. A-C. G. M ANTILLES-GUYANE à payer à Monsieur Henri X... la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 9 janvier 2012.

MOTIFS de la DÉCISION :

En application des dispositions de l'article L. 3221-2 du Code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe d'une même entreprise, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique.
Ainsi les différences de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal sont licites dès lors qu'elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination.
Justifient, par exemple, des différences de rémunération les éléments objectifs et pertinents suivants :
- la performance, généralement rémunérée par des primes dont le calcul doit obéir à des critères objectifs et vérifiables,
- l'ancienneté, à condition qu'elle ne soit pas prise en compte dans une prime spéciale mais intégrée dans le salaire de base,
- la date d'embauche, entraînant l'application d'accord collectifs distincts,
- la qualité du travail fourni,
- l'expérience acquise sur le site,
- la date d'embauche postérieure à la mise en œ uvre d'un accord de réduction du temps de travail prévoyant pour les seuls salariés en fonction antérieurement une indemnité compensatrice de la réduction de salaire.
En l'espèce, la comparaison faite par M. X... au regard de M. Z...- qui n'était d'ailleurs pas son prédécesseur direct-ne peut être retenue comme la preuve d'une discrimination puisque :- d'une part, si en quittant l'entreprise, Monsieur Z... Guy percevait une rémunération annuelle brute de 65 000 € soit une rémunération mensuelle de 5 416 € brut, alors que Monsieur X... ne percevait en 2006, soit après 12 ans d'ancienneté au même poste, qu'une rémunération annuelle brute de 57 000 € soit une rémunération mensuelle de 4 750 € brut, ils n'avaient pas la même ancienneté à la date de perception de ces rémunérations : M. X... avait douze années d'ancienneté alors que M. Z... en avait plus de 17.

- d'autre part, la date d'embauche, entraînant l'application d'accord collectifs distincts, est très différente ainsi que la date de prise des fonctions de chef comptable : 1980 pour M. Z... et 1994 pour M. X....

Le niveau des revenus des salariés était donc hétérogène compte tenu des différents statuts : Monsieur Z... Guy relevait du statut de 1947 et Monsieur X... de la Convention collective de 1993. De 1986 à 1993, Monsieur Henri X... relevait du " Statut du Personnel " de la Compagnie Générale Maritime de 1979, seules les Commissions Paritaires d'Avancement, par application des articles 21 à 24, avaient alors pouvoir de se prononcer et à compter de 1993, les augmentations salariales au mérite ont été opérées conformément aux dispositions de la Convention Collective, au regard de la qualité de travail fourni par chaque salarié.
De même, Monsieur A..., prédécesseur direct de Monsieur Henri X... au poste de responsable de la comptabilité de l'agence, relevait du statut de 1947 et bénéficiait dans sa rémunération des avancements ou promotions automatiques jusqu'en 1993 ainsi que des augmentations décidées par les Commissions Paritaires d'avancement.
La différenciation entre Messieurs A... et X... d'une part, Messieurs Z... et X... d'autre part, repose donc sur des causes objectives.

Par ailleurs, comme relevé par les premiers juges, le salaire perçu par Monsieur Henri X... est le deuxième en importance pour l'ensemble des chefs de service : la grille salariale garantit un salaire de base de 2. 807 € pour le niveau de classification VII C coefficient 540, laquelle constitue la référence indiciaire du poste de travail de Monsieur Henri X....

Or Monsieur Henri X... a toujours perçu une rémunération largement supérieure au minimum garanti.
- sur la mention de la classification :
La CMA-CGM ANTILLES GUYANE reconnaît que la classification portée sur le bulletin de salaire de Monsieur X... est erronée. La rectification a été faite étant observé que cette erreur n'a eu aucune incidence sur le calcul du salaire de Monsieur Henri X....
- sur le téléphone portable :
Les téléphones portables de service sont attribués en fonction des nécessités liées au poste occupé, et non au regard de la catégorie à laquelle appartient le salarié bénéficiaire.
L'employeur justifie que les téléphones sont indifféremment attribués à des salariés cadres, agents de maîtrise ou employés. De plus, Monsieur Henri X... n'a jamais demandé à bénéficier d'un téléphone de ce type. De fait, son emploi de chef comptable de l'agence ne l'amenait pas à des déplacements fréquents et ne justifiait donc pas l'attribution d'un téléphone portable.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes.
- sur les frais irrépétibles :
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,
Infirme le jugement en ce qu'il a alloué à Monsieur X... Henri la somme de :
40. 000, 00 € à titre de préjudice moral pour discrimination 1. 500, 00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Déboute Monsieur X... Henri de 1'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M. X... Henri aux dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01976
Date de la décision : 27/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-02-27;09.01976 ?
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