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13/02/2012 | FRANCE | N°10/02053

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 13 février 2012, 10/02053


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 78 DU TREIZE FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 02053
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 octobre 2010.
APPELANT
LE CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS DE FORT DE FRANCE Centre Dillon Balmenière-Route des Pointes des Sables Imm. Eurydice 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me Daniel WERTER (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
Monsieur Jérémi X...... 92240 MALAKOFF

Monsieur Geoffrey Y..., pris en la personne de son repr

ésentant légal Mme Joséphna X...... 92240 MALAKOFF

Mademoiselle Laetitia Z..., prise en l...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 78 DU TREIZE FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 02053
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 octobre 2010.
APPELANT
LE CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS DE FORT DE FRANCE Centre Dillon Balmenière-Route des Pointes des Sables Imm. Eurydice 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me Daniel WERTER (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
Monsieur Jérémi X...... 92240 MALAKOFF

Monsieur Geoffrey Y..., pris en la personne de son représentant légal Mme Joséphna X...... 92240 MALAKOFF

Mademoiselle Laetitia Z..., prise en la personne de son représentant légal Mme Martine Z... ...97170 PETIT BOURG

Mademoiselle Gaëlle Y..., prise en la personne de son représentant légal Mme A... C/ o Mme André Y... ... 10 10060 LAUSANNE (SUISSE)

Mademoiselle Chloé Y... ... 10 10060 LAUSSANE (SUISSE)

TOUS, représentés par Me SZWARCBART substituant Me Nathalie ATTIAS-LEVY, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, M. Philippe PRUNIER, conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 février 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

M. Christian Y... qui était employé en qualité d'agent de sécurité et occupait des fonctions de chef d'équipe, avait été engagé par l'Eurl Euro Gardiennage Privé Sécurité (ci-après désignée E. G. P. S.) à compter du 22 juillet 1996. Il exerçait son activité sur le site du magasin Carrefour à Baie-Mahault, lorsque le 28 octobre 2004 il était contraint de s'arrêter de travailler en raison d'une grave maladie. Il ne put reprendre son poste de travail et décédait le 15 mai 2005.
L'établissement Carrefour avait choisi la Société Sûreté Sécurité Privée (ci-après désignée S. S. P.) pour assurer à compter du 1er avril 2005 les prestations de surveillance et de gardiennage de son site de Baie-Mahault, à la place de l'Eurl E. G. P. S.
Par courrier du 26 décembre 2006, les ayant droit de M. Christian Y... saisissaient la juridiction prud'homale d'une action dirigée contre l'Eurl E. G. P. S. et la Société S. S. P., aux fins d'obtenir communication sous astreinte du contrat de prévoyance et de mutuelle complémentaire, paiement de rappels de rémunération, de prestations de prévoyance et des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel subi.
Par jugement du 8 novembre 2007, du Tribunal mixte de Commerce de Pointe-à-Pitre, l'Eurl E. G. P. S. faisait l'objet d'une liquidation judiciaire, Maître Marie-Agnès E... étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
La Société S. S. P. faisait également l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 23 octobre 2008, Me Marie-Agnès E... étant nommée mandataire liquidateur.
Par jugement du 20 octobre 2010, le Conseil de Prud'hommes fixait la créance des héritiers de M. Christian Y... à l'égard de la Société S. S. P. en liquidation judiciaire aux montants suivants :-46 145 euros au titre du capital décès conventionnel,-15 381, 70 euros au titre de la rente éducation,

-2516 euros au titre de l'allocation obsèques,-372, 03 euros au titre du remboursement des frais d'hospitalisation,-684, 34 euros au titre des indemnités journalières,-5000 euros au titre du préjudice moral. Les requérants étaient déboutés du surplus de leurs demandes.

Ces créances étaient déclarées opposables au CGEA-AGS dans les limites de sa garantie, et il était ordonné à cet organisme de faire l'avance de ces sommes entre les mains de Maître E... en sa qualité de mandataire liquidateur désigné à la liquidation de la Société S. S. P..
Par déclaration du 22 novembre 2010, le CGEA-AGS interjetait appel de cette décision à l'encontre de M. Jérémi X..., M. Geoffrey Y..., Mlle Laetitia Z..., Mlle Gaëlle Y..., Mlle Chloé Y..., ces quatre derniers représentés par leurs représentants légaux.
Par conclusions du 7 avril 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le CGEA-AGS sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. Il entend voir juger que le contrat de travail de M. Christian Y... n'a pas été transféré à la Société S. S. P. et qu'en conséquence il est resté salariée de l'Eurl E. G. P. S., le contrat de travail ayant été rompu par son décès.
Le CGEA-AGS entend voir juger que seule la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance est tenue d'exécuter le contrat souscrit par M. Christian Y... par l'intermédiaire de l'Eurl E. G. P. S., et qu'en tout état de cause, ce contrat n'est pas opposable à l'AGS qui ne saurait prendre en charge quelque somme que ce soit de ce chef, ce contrat n'ayant pas été souscrit par la Société S. S. P., précisant que l'AGS n'intervient que dans le cadre de la liquidation judiciaire de la Société S. S. P..
Le CGEA-AGS soutient en effet qu'elle devait être mise en cause pour chacune des sociétés liquidées, leurs passifs étant distincts et les créances devant être spécifiquement fixées dans le cadre de chaque liquidation. Expliquant que le contrat de travail de M. Christian Y... n'a pas été transféré à la Société S. S. P. puisqu'il était déjà en arrêt maladie et absent de son poste, ce qui explique qu'il n'ait pas fait partie des personnels à transférer, elle soutient que les dommages intérêts accordés par les premiers juges ne sauraient concerner la Société S. S. P. qui n'avait aucun lien contractuel avec M. Christian Y....
Par conclusions déposées au greffe le 7 novembre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, les consorts Christian Y... sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à leurs demandes au titre des garanties de prévoyance, et plus précisément en ce qui concerne leurs créances qui ont été fixées au passif de la liquidation judiciaire de la Société S. S. P., portant sur les sommes suivantes :-46 145 euros au titre du capital décès conventionnel,-15 381, 70 euros au titre de la rente éducation-372, 03 euros à titre de remboursement des frais d'hospitalisation.

Ils entendent cependant voir porter le montant octroyé au titre de l'allocation obsèques à la somme de 3231, 80 euros, et celui des indemnités journalières à la somme de 3529, 88 euros. Ils demandent en outre qu'une somme de 42 000 euros soit retenue à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À l'appui de leurs demandes ils entendent voir constater des manquements de l'Eurl E. G. P. S. et de la Société S. S. P. aux dispositions de l'accord du 2 mars 2002, et voir juger que le contrat de travail de M. Christian Y... avait été valablement transféré de l'Eurl E. G. P. S. à la Société S. S. P., sollicitant le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Christian Y... aux torts et griefs exclusifs de la Société S. S. P..
À titre subsidiaire ils demandent qu'il soit constaté que les manquements de l'Eurl E. G. P. S. et de la Société S. S. P. aux dispositions de l'accord du 5 mars 2002 ont fait obstacle au changement d'employeur et qu'en conséquence le contrat de travail de M. Christian Y... est demeuré « dans les effectifs de l'Eurl E. G. P. S. ». Il sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire de ce contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de l'Eurl E. G. P. S., et demande que les créances qu'ils invoquent à titre principal à l'encontre de la Société S. S. P., soient inscrites au passif de la liquidation judiciaire de l'Eurl E. G. P. S..

Motifs de la décision :

Si l'Eurl E. G. P. S. a perdu à compter du 1er avril 2005, le marché de surveillance et de gardiennage qui lui avait été confié par la Société Carrefour, il n'apparaît pas que les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail prévoyant que tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise sortante, trouvent application en l'espèce, dans la mesure ou aucun lien contractuel n'existe entre l'Eurl E. G. P. S. et la Société S. S. P., et où il n'y a pas eu transfert d'une entité économique, chacune des entreprises qui se sont succédées ayant des moyens corporels et incorporels qui leur sont propres, seule l'activité de gardiennage de surveillance ayant été transférée.
L'accord du 5 mars 2002, complétant en matière de reprise du personnel, la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, prévoit des modalités précises pour le transfert du personnel entre la société sortante et la société entrante.
Il résulte des articles 2 et 3 de cet accord, notamment les dispositions suivantes :- dès qu'elle est informée du changement de prestataire, et au plus tard dans les 2 jours ouvrables, la société entrante doit se faire connaître de la société sortante,- dès qu'elle a eu connaissance de la perte du marché, la société sortante informe les salariés du site de la perte de marché dans les 5 jours ouvrables, chaque salarié étant individuellement informé de sa situation à venir,- la société sortante peut conserver tout ou partie de son personnel en vue de l'affecter à d'autres marchés,- elle communique à la société entrante la liste du personnel transférable dans les 8 jours ouvrables à compter de la date où la société entrante s'est fait connaître,- dès réception de cette liste, la société entrante convoque les salariés à un entretien individuel dans un délai maximum de 10 jours, les salariés absents pour congés de toute nature seront reçus à leur retour,- à compter du dernier de ces entretiens individuels, dans un délai de 3 jours ouvrables maximum, la société entrante communique à la société sortante, par lettre recommandée avec avis de réception, la liste du personnel qu'elle se propose de reprendre,

- le salarié ayant refusé son transfert demeure salarié de la société sortante, laquelle prendra une mesure de licenciement pour cause réelle et sérieuse fondée sur le refus d'une modification non substantielle du contrat de travail.
Le transfert des contrats de travail prévu par cet accord du 5 mars 2002 ne s'opère pas de plein droit et est subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord.
En l'absence de l'exécution des obligations ainsi mises à la charge de chacune des deux entreprises concernées, il n'a pu s'opérer un transfert du contrat de travail de la société sortante vers la société entrante, et ce contrat est donc réputé s'être poursuivi avec la société sortante, en l'occurrence l'Eurl E. G. P. S..
Force est de constater qu'aucune mesure de licenciement n'est intervenue de la part de l'Eurl E. G. P. S. à l'égard de M. Christian Y.... Il ne peut être déduit du versement d'une prime de 13e mois et d'une indemnité compensatrice de congés payés, tels que figurant sur le dernier bulletin de paie versé au débat par les ayant droit de M. Christian Y..., que l'employeur ait entendu licencier ce dernier.
Le contrat de travail a été rompu de fait par le décès de M. Christian Y... survenu le 15 mai 2005. Il ne peut donc être prononcé la résiliation judiciaire dudit contrat de travail.
En l'absence de mesure de licenciement, il ne peut être fait droit à la demande d'indemnité de ce chef.
Par ailleurs il ressort de l'examen des pièces versées au débat, que l'Eurl E. G. P. S., en application des dispositions de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, en particulier de son article 14 relatif à la prévoyance, qui a fait l'objet d'une modification par un avenant du 10 juin 2002, a souscrit pour le compte de M. Christian Y..., un contrat de prévoyance auprès de la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance, ayant son siège 31 boulevard Chanzy à Pointe-à-Pitre, garantissant les risques incapacité, invalidité et décès, prévoyant notamment la garantie d'indemnités journalières, la garantie d'un capital décès et invalidité totale permanente, une garantie rente éducation et une allocation obsèques.
Contrairement à ce que soutiennent les intimés il ne ressort nullement des pièces produites que ce contrat de prévoyance ait été résilié au 1er avril 2005. Dans l'échange de courrier intervenu entre le 9 mars 2005 et le 2 mai 2005, entre M. Christian Y... d'une part et la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance d'autre part, au sujet du montant des indemnités journalières que devait servir cet organisme, il n'apparaît à aucun moment que le contrat liant les parties ait été résilié. En effet dans un courrier du 2 mai 2005, la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance se borne à expliquer que la garantie indemnités journalières porte sur 100 % du salaire net et non sur le salaire brut, rappelant les conditions particulières du contrat souscrit le 6 novembre 2002 à effet du 1er janvier 2003, soulignant que l'adhésion au contrat collectif ne permettait pas à l'assuré de recevoir des sommes supérieures à la rémunération nette annuelle qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler. À aucun moment la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance n'a fait savoir que M. Christian Y... avait fait l'objet d'une radiation le 1er avril 2005.

Le courrier du 4 juillet 2005, dont l'émetteur n'est pas identifié, par lequel aurait été refusé le remboursement de frais médicaux au motif que la date des soins était postérieure à la date de radiation de l'organisme complémentaire, ne permet pas d'établir que M. Christian Y... et ses ayant droit aient perdu tout droit aux garanties contractées auprès de la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance.

Au demeurant, comme il est relevé par le CGEA-AGS rien ne permet de montrer « que le nécessaire ait été fait auprès de la MIP et que cette dernière ait refusé de payer des prestations prévues au contrat ». En effet si Mme Andrée Y..., qui n'apparaît pas être ayant droit de M. Christian Y... au titre du bénéfice des garanties du contrat de prévoyance, a pu adresser, à la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance, par un courrier du 18 juin 2005, l'acte de décès de son frère Christian Y..., afin « de procéder au règlement des diverses prestations prévues au contrat de prévoyance no 97 1 1 0012345 00009 », il n'est nullement établi que les ayant droit de M. Christian Y... aient sollicité en vain le bénéfice des garanties souscrites, aucune requête précise en ce sens, ni mise en demeure de la MIP, ni aucune décision de refus de celle-ci n'étant produite au débat.
Dans ces conditions il ne peut être mis à la charge de l'employeur, le règlement des garanties souscrites auprès de la Mutuelle Interprofessionnelle de Prévoyance.
Les intimés seront donc déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Déboute Jérémi X..., Geoffroy Y..., Laetitia Z..., Gaelle Y... et Chloé Y..., ces quatre derniers représentés par leurs représentants légaux, de l'ensemble de leurs demandes,
Laisse les dépens à leur charge.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02053
Date de la décision : 13/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-02-13;10.02053 ?
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