COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 80 DU TREIZE FEVRIER DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 10/ 00390
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 24 décembre 2009.
APPELANTE
LA SOCIETE CAC 971 ASSURANCES Centre commercial Le Pérou 97139 LES ABYMES Représentée par Me Charles-Henri COPPET (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame Mylène X... ... 97128 GOYAVE Représentée par Me Christiane ROMIL (TOQUE 114) avocat au barreau de GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 000785 du 08/ 06/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, M. Philippe PRUNIER, conseiller. qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 février 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Le 19 janvier 2006, un contrat d'agent commercial était souscrit d'une part par la Société CAC 971 Assurances, et d'autre part par Mme X..., celle-ci s'engageant à s'inscrire au registre spécial des agents commerciaux au greffe du tribunal de commerce, en tant que travailleur indépendant, avec pour mandat de vendre au nom et pour le compte de la Société CAC 971 des contrats d'assurance automobile, des contrats de prévoyance, épargne, retraite et placements, ainsi que des contrats multirisques et tous produits nouveaux.
Le 2 mai 2006 un contrat de travail à durée indéterminée était conclu entre les mêmes parties, Mme X... était engagée à compter de cette date en qualité d'assistante commerciale moyennant le versement d'un salaire brut mensuel de 1401, 26 euros pour 35 heures de travail hebdomadaire.
À la suite d'un entretien préalable fixé au 23 août 2006, la Société CAC 971 notifiait par courrier daté du 31 août 2006, délivré en main propre le jour même selon reçu signé par la salariée, une lettre de licenciement pour inadaptation professionnelle.
Le 13 février 2007, Mme X... saisissait la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir paiement d'indemnités.
Par jugement du 24 décembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre constatait que le licenciement de Mme X... était abusif et sans cause réelle et sérieuse et jugeait que la procédure de licenciement n'avait pas été respectée, en particulier les dispositions de l'article L 1232-2 du code du travail.
La Société CAC 971 était condamnée à payer à Mme X... les sommes suivantes :-1100 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,-6600 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,-500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mme X... était déboutée du surplus de ses demandes.
Par lettre recommandée avec avis de réception, la Société CAC 971 interjetait appel de cette décision.
Par conclusions du 12 novembre 2010, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société CAC 971 sollicite la réformation du jugement déféré, et entend voir constater le caractère réel et sérieux du licenciement de Mme X..., et le caractère régulier de la procédure de licenciement. Elle conclut au rejet des demandes de cette dernière.
Elle explique que les faits reprochés à Mme X... sont particulièrement circonstanciés, et sont de surcroît contextualisés. Elle fait état des absences injustifiées de la salariée, et de la désorganisation de l'entreprise en résultant. Elle invoque aussi un devis qu'elle a établi au profit d'un de ses proches, M. Max. X..., en appliquant un taux de prime erroné, engageant l'entreprise de manière préjudiciable.
Elle conteste le caractère irrégulier de la procédure de licenciement, faisant valoir que le défaut de rappel de l'adresse de la mairie de Capesterre-Belle-Eau n'avait causé aucun grief à la salariée qui ne souhaitait pas se faire assister, et n'avait d'ailleurs jamais prétendu le contraire.
À titre subsidiaire elle entend rappeler le principe du non-cumul de l'indemnité pour irrégularité de fonds du licenciement avec l'indemnité pour irrégularité de forme, et fait valoir que Mme X... ne justifie d'aucun préjudice du fait de son licenciement, concluant au rejet de l'ensemble de ses demandes, et réclamant paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 4 février 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... soulève l'irrecevabilité de l'appel comme étant tardif. Au fond elle sollicite paiement de sa note de frais de déplacement en date du 4 août 2006 à hauteur de 150 euros. Elle demande que le licenciement soit jugé illégal et abusif, et réclame par voie de conséquence le paiement de la somme de 6600 euros pour non-respect de la procédure de licenciement et celle de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclame en outre paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Motifs de la décision :
Sur la recevabilité de l'appel :
L'avis de réception du courrier recommandé adressé à la Société CAC 971, et portant notification de la décision de première instance, n'étant pas signé par cette société, il en résulte que le délai d'appel n'avait pas commencé à courir, quand ladite société a interjeté appel par courrier recommandé dont l'avis de réception a été signé par le greffier de la Cour d'appel le 11 février 2010. L'appel ainsi interjeté est recevable.
Sur le licenciement de Mme X... :
Alors que dans ses conclusions d'appel, la Société CAC 971 invoque un devis d'assurance minoré par Mme X... au profit d'un proche, M. Max. X..., il n'en est fait nullement état dans la lettre de licenciement, et ceci à bon escient puisque le devis reproché à Mme X... remonte au 1er février 2006, date à laquelle celle-ci n'était pas salariée de l'entreprise. Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante dans ses conclusions, ce devis erroné ne peut caractériser un manque de maîtrise des bases administratives et techniques reproché à faute à la salarié, puisque ce devis a été établi en dehors de la période de travail salarié.
Dans sa lettre de licenciement datée du 31 août 2006, l'employeur invoque un motif d'inadaptation professionnelle. Il rappelle qu'il a attiré l'attention de Mme X... sur les obligations de son poste devant permettre de générer des résultats concrets en termes de : satisfaction de la clientèle maîtrise des bases techniques et administratives communication avec l'équipe et les partenaires disponibilité.
L'employeur précise que la nature des remarques remontées par la clientèle et les partenaires, les demandes d'absences répétées de la salariée, les troubles relationnels observés avec les collaborateurs, l'absence d'autonomie sur les fondamentaux de l'activité, sont autant de points confirmant que les intérêts de l'entreprise ne sont pas préservés.
Il ressort de l'examen de l'ensemble des pièces versées au dossier, que parmi les reproches exprimés par l'employeur à l'égard de Mme X..., seul celui relatif à des absences répétées repose sur des éléments matériellement vérifiables.
Aucune des pièces versées aux débats ne révèle l'existence de réclamation de la part de la clientèle, ni le manque de maîtrise des bases techniques et administratives, ni de problèmes de communication avec les collaborateurs de l'entreprise.
En ce qui concerne les absences reprochées à Mme X..., l'employeur produit une note interne du 6 juin 2006, dans laquelle il rappelle que les demandes d'absences pour convenances personnelles doivent rester exceptionnelles, seules les absences pour maladie étant recevables légalement. Il précise que toutefois, tenant compte de l'investissement de la salariée et de sa disponibilité pour l'entreprise, il peut permettre de compenser les absences pour force majeure, " leur fréquence " restant inacceptable.
Dans ce courrier, qui constitue une note interne, il n'est pas mentionné précisément des cas d'absences répétées imputées à Mme X.... Celle-ci au demeurant justifie ses absences des 11 et 18 mai 2006 en produisant :- un avis à victime pour une audience du Juge de Proximité de Basse-Terre fixée au 11 mai 2006, pour laquelle elle est informée qu'elle peut se constituer partie civile,- une facture de consultation médicale en date du 18 mai 2006 au Centre Hospitalier Universitaire de Pointe-à-Pitre.
S'agissant d'absences motivées d'une part par la nécessité pour Mme X... de faire valoir ses droits de victime devant la justice, et d'autre part par la nécessité de se faire soigner, les absences des 11 et 18 mai 2006, ne peuvent être reprochées à faute à Mme X....
Pour justifier le reproche d'absences répétées, l'employeur produit deux demandes d'absences présentées par Mme X..., l'une pour une demi-journée le 13 juin 2006, pour laquelle elle s'engage à rattraper cette absence le 17 juin, l'autre pour une durée de 5 heures le 22 juin 2006, qu'elle s'engage également à rattraper. Ces deux demandes d'absences ont été refusées par l'employeur. Il n'apparaît pas que la salariée ait passé outre ces refus.
En effet l'examen de l'ensemble des bulletins de salaires délivrés à Mme X... à partir de sa date d'embauche du 2 mai 2006, ne fait apparaître aucune absence donnant lieu à diminution de salaire. Il s'en déduit que si Mme X... a pu s'absenter, en particulier au mois de mai 2006, les heures non travaillées ont pu être récupérées, l'employeur ne démontrant nullement une désorganisation de l'entreprise résultant de ces absences ponctuelles.
Il ressort de l'ensemble de ces constatations, que le licenciement de Mme X... n'est justifié par aucune cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes en paiement formées par Mme X... :
Mme X... ayant moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L 1235-3 du code de travail prévoyant une indemnisation minimale équivalente au salaire des 6 derniers mois en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme X... n'apportant aucun élément justificatif permettant d'apprécier l'étendue du préjudice qu'elle a subi, celui-ci sera évalué, compte tenu de la perte de ressources entraînées par le licenciement abusif, à la somme de 2000 euros.
L'indemnisation ainsi accordée Mme X... réparant l'entier préjudice subi par celle-ci ne peut se cumuler avec une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.
Mme X... produit une note de frais de déplacements en date du 4 août 2006 faisant apparaître une somme de 171, 21 euros pour 10 déplacements de 39 kilomètres chacun, avec un montant kilométrique de 0, 439 euros, un acompte de 21, 21 euros ayant été réglé à la salariée. Dans ses conclusions d'appel l'employeur ne fournit aucune explication, il n'élève aucune critique à l'égard de cette note de frais. Il sera donc condamné au paiement du solde de celle-ci, à savoir la somme de 150 euros.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, tant devant les premiers juges que devant la cour d'appel, il lui sera alloué la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle déjà allouée sur le même fondement par les premiers juges.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l'appel formé par la société,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a alloué à Mme X... la somme de 1100 euros pour non-respect de la procédure de licenciement et celle de 6600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de remboursement de frais de déplacements,
Le réformant sur ces chefs de demandes,
Et statuant à nouveau,
Condamne Société CAC 971 Assurances à payer à Mme X... les sommes suivantes :-2000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-150 euros à titre de remboursement de frais de déplacement,
Y ajoutant,
Condamne la Société CAC 971 Assurances à payer à Mme X... la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle déjà allouée par le premier juge sur le même fondement,
Condamne la Société CAC 971 Assurances aux entiers dépens,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire,
Le Greffier, Le Président.