COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 39 DU VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE DOUZE
AFFAIRE No : 10/ 01966
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 21 octobre 2010.
APPELANTE
SOCIETE TRADOM SARL 30 Zac de Houelbourg 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Me MOLLET substituant Me Gérard DERUSSY (T. 48) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉ
Monsieur Bruno Z... ... 97180 SAINTE ANNE Comparant en personne assisté de M. Raymond A... délégué syndical ouvrier.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jacques FOUASSE, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, rapporteur, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 janvier 2012 puis le délibéré a été prorogé au 23 janvier 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Bruno Z... a été embauché par la société TRADOM le 14 mai 2003 en qualité de charpentier métallique. Monsieur Bruno Z... a été convoqué le 8 avril 2009 à un entretien préalable pour licenciement pour motif économique et le 30 avril 2009, M. Bruno Z... fut licencié.
Par jugement du 21 octobre 2010 le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE :
DIT que le licenciement de M. Bruno Z... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société TRADOM, en la personne de son représentant légal, à payer à M. Bruno Z..., la somme de :
-8 645, 16 € au titre de dommage et intérêts pour rupture abusive.
DEBOUTE le défendeur de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du CPC.
CONDAMNE le défendeur aux entiers dépens.
Par déclaration déposée au greffe le 4 novembre 2010, la société TRADOM a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et DEMANDES des PARTIES :
Au soutien de son appel, la SARL TRADOM fait valoir que :
- pour justifier de la réalité de ses difficultés économique, la concluante produit notamment aux débats son bilan dans son intégralité (bilan + compte de résultat) au titre des années 2007 et 2008 ainsi qu'un courrier de sa banque, la BRED, lui confirmant la suppression de sa facilité de caisse d'un montant de 40. 000, 00 €.
- force est de constater en l'espèce, à la lecture de ces pièces, que les difficultés économiques de la société TRADOM étaient et sont toujours bien réelles et constitue un motif économique justifiant la mesure de licenciement contestée ;
- le ralentissement d'activité s'est concrétisé par le report à des dates indéterminées de 3 marchés importants qui devaient théoriquement débuter au cours du dernier trimestre 2008, ce qui a entraîné, pour l'année 2008, la perte de chiffre d'affaires de 234. 866, 00 € ;
- début du 2ême semestre 2009, elle n'avait plus dans ces carnets de commande, que deux chantiers, l'un en cours pour un montant de 71. 272, 00 €, l'autre à venir en fin d'année 2009 pour un montant de 154. 377, 00 € ;
- la grève générale du début d'année 2009 n'a rien arrangé : il n'y a eu, en ce qui concerne la concluante, aucune rentrée d'argent pour le mois de février 2009, et après, le redémarrage en trésorerie a été très faible.
La SARL TRADOM demande à la cour :
- CONSTATER que le licenciement de Monsieur Bruno Z... repose sur un motif économique réel ;
- REFORMER le jugement entrepris en tout point ;
STATUANT A NOUVEAU
-DEBOUTER Monsieur Bruno Z... de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER Monsieur Bruno Z... à payer à la société TRADOM la somme de 1. 500, 00 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens,.
M. Bruno Z... conteste ces demandes et expose que :
- dans la lettre de licenciement, notifiée le 30 avril 2009, la société TRADOM fixe les raisons de la suppression des postes de Messieurs Pierre C..., Bruno Z... et Landry D... par :
1. une sévère chute de nos chiffres par rapport aux années précédentes (2006 et 2007) 2. une baisse du chiffre d'affaires de plus de 20 % 3. la crise économique mondiale 4 la grève générale qu'a traversée la Guadeloupe en début de l'année. 2009.
- la Cour pourra constater que l'employeur écrit dans la lettre de licenciement « nous constatons une sévère chute de nos chiffres par rapport aux années précédentes (2006 et 2007) ". Elle ne mentionne pas l'année 2008. Le licenciement a été opéré en Avril 2009.
- l'employeur n'est pas précis. Il parle de baisse de plus de 20 % sans aucun justificatif. Ni de chiffres précis permettant d'apprécier les faits réels et sérieux de la difficulté économique,
M. Bruno Z... demande à la Cour de qualifier le licenciement de Monsieur Bruno Z..., de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en confirmant la décision du Conseil des Prud'hommes de Pointe-à-Pitre dans son jugement du 21 octobre 2010
MOTIFS de la DECISION :
Par lettre datée du 30 avril 2009, l'employeur informait M. Bruno Z... de son licenciement pour motif économique.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites des débats, est ainsi libellée :
« Ces difficultés économiques se manifestent dans les données comptables de la Société, où nous constatons une sévère chute de nos chiffres par rapport aux années précédentes (2006 et 2007 notamment) qui se traduit par une baisse de chiffre d'affaires de plus de 20 % entraînant une perte d'exploitation et un résultat net négatif. »
Ces difficultés ont été aggravées par le comportement de nos principaux partenaires financiers.
En effet nos Banques ont pris la décision de rompre nos concours bancaires.
Les assureurs-crédit de nos fournisseurs/ prestataires de services ont par ailleurs interrompu leur encours d'assurance-crédit. ce qui implique que nous ne pouvons plus obtenir de délai de paiement auprès de ceux-ci qui exigent désormais d'être régler à la commande..
En outre, la crise économique mondiale a entraîné une forte baisse de notre activité
La grève générale qui a traversé la Guadeloupe au début de l'année a entraîné une aggravation de ces difficultés.
Plusieurs chantiers commandés par nos clients ont été reportés à une date indéterminée et. depuis le début de cette année, nous n'avons enregistré aucune commande.
Dans ces conditions, votre reclassement ou l'adaptation de votre poste se sont avérées impossibles. »
La lettre de licenciement doit mentionner à la fois les raisons économiques et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail. L'incidence des raisons économiques sur l'emploi doit être décrite de façon individualisée. Ainsi n'est pas suffisamment motivée la lettre visant l'obligation de réduire l'effectif afin de maintenir l'activité ou invoquant la restructuration de l'entreprise sans mentionner ni la suppression, ni la transformation de l'emploi du salarié.
L'indication d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif, et le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse ; en effet la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé précis des motifs du licenciement économique
« Ces difficultés économiques se manifestent dans les données comptables de la Société, où nous constatons une sévère chute de nos chiffres par rapport aux années précédentes (2006 et 2007 notamment) qui se traduit par une baisse de chiffre d'affaires de plus de 20 % entraînant une perte d'exploitation et un résultat net négatif. »
Ces indications apparaissent comme très générales puisqu'on ne sait pas précisément la période en cause et qu'aucun détail chiffré pour l'année 2008 n'est mentionné dans ce courrier.
En cours de procédure, la société TRADOM a communiqué les documents comptables concernant 2006, 2007 et 2008.
A l'audience, le salarié s'est étonné de ce que le nom du cabinet comptable ayant réalisé ces travaux ne figurent nulle part.
Une note en délibéré a été autorisée pour répondre à cette interrogation.
Par courrier du 7 décembre 2011, le conseil de la société indique :
« Vous m'avez autorisé lors de notre plaidoirie du 21 novembre dernier, à produire les pièces justifiant de la sincérité des chiffres portés au bilan versé au débat.
Je vous indique que ma cliente ne remplit pas les critères de chiffre d'affaires et de montant de bilan pour avoir nécessairement un commissaire au compte.
Elle n'a pas non plus recours au service d'un expert comptable, pour tenir sa comptabilité.
C'est pourquoi, je vous adresse une nouvelle fois ces pièces, certifiées conforme par son représentant légal. »
S'agissant d'une SARL, il n'est pas contestable qu'elle n'a pas d'obligation d'avoir un commissaire au compte : en effet, selon les dispositions de l'article L 223-35 al 2 et art. D 12 sur renvoi de l'article D 43, les SARL ne sont tenues de désigner au moins un commissaire au comptes que si, à la clôture, elles dépassent deux au moins des trois seuils suivants :
- total du bilan : 1 550 000 €- chiffre d'affaires hors taxes : 3 100 000 €- nombre moyen de salariés : 50.
Mais la question posée par le salarié était autre : il demandait, lors de l'audience du 21 novembre 2011 que les documents comptables communiqués soient certifiés par celui qui les avait établis. Sur ce point, l'employeur ne répond pas, sauf à rappeler que le responsable de la société les certifie.
A l'évidence, une SARL réalisant en 2008 – 2009 un chiffre d'affaires de près de 1 000 000 d'euros ne peut faire face à ses obligations de gestion comptable, fiscales et sociales sans la compétence d'un expert-comptable.
A défaut de toute certification des comptes produits, par un professionnel, les pièces comptables (bilans et comptes de résultats) par l'employeur au soutien de ses difficultés économiques ne peuvent être retenues.
En conséquence il y a lieu de retenir une rupture abusive du contrat de travail et de confirmer le jugement.
L'appelante, succombant dans la présente procédure, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement,
Y ajoutant :
Déboute l'appelante de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Met les éventuels dépens à la charge de la SARL TRADOM
Le Greffier, Le Président.