COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 742 DU DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE ONZE
AFFAIRE No : 11/ 01682
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 16 décembre 2009.
APPELANTE
ASSOCIATION MADES (MISSION ABYMIENNE POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ET DES SOLIDARITES) 13-14 Les Mouffias-Boisripeaux 97139 LES ABYMES Représentée par : Me Camille CEPRIKA (TOQUE 27) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE
Mademoiselle Florence Y...... 97139 LES ABYMES Représentée par M. X... (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jacques FOUASSE, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, rapporteur, M. Philippe PRUNIER, conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 décembre 2011
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE :
Mademoiselle Y... Florence a été embauchée le 15 novembre 2000 par contrat à durée déterminée de 60 mois pour le poste de documentaliste multimédia.
Convoquée à un entretien préalable le 1er mars 2002, son licenciement pour faute grave lui est notifié par lettre du 14 mars 2002, pour sabotage du matériel informatique.
Contestant les termes de la rupture, Melle Florence Y... saisit la juridiction prud'homale.
Par jugement du 16 décembre 2009, le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE :
CONDAMNE l'association MADES, en la personne de son représentant, à payer à Mademoiselle Florence Y... les sommes suivantes :
-60 825, 60 € au titre des salaires jusqu'au terme du contrat-2 252, 88 € au titre du préavis-469, 30 € au titre des congés payés,-563, 20 € au titre de l'indemnité de licenciement-6 758, 40 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
DÉBOUTE les parties des autres demandes
Par déclaration déposée au greffe le 4 février 2010, l'association MADES a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 17 octobre 2010.
MOYENS et DEMANDES des PARTIES :
L'association MADES fait valoir au soutien de son appel que :
- les premiers juges ont estimé que la rupture du contrat de travail n'a pas de cause réelle et sérieuse. Ce motif est inexact puisque la lettre de licenciement du 14 mars 2002 qui fixe les limites du litige prouvent que cette rupture a pour origine les fautes graves commises par l'intimée, comme l'attestent Mesdames A... et B....
- contrairement aux affirmations dudit Conseil de prud'hommes les sommes attribuées à Mme Y... (au titre du préavis. des congés payés, de l'indemnité de licenciement et de la rupture sans cause réelle et sérieuse) n'ont pas de base légale car elles ne sont pas justifiées. Elles devront donc être annulées.
L'association MADES demande à la Cour :
- Dire que la salariée a été remplie de l'intégralité de ses droits,- Infirmer le jugement-Allouer à l'association MADES la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.- Mademoiselle Florence Y... demande la confirmation du jugement, estimant son licenciement sans fondement.
Elle sollicite également :
- condamner l'association MADES aux entiers dépens y compris les frais d'exécution,- soumettre au taux d'intérêt légal, les indemnités de licenciement depuis le 18 novembre 2009.- condamner l'association MADES à verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 17 octobre 2011.
MOTIFS de la DÉCISION :
- Pour une bonne administration de la justice, il y a lieu d'ordonner la disjonction de la présente affaire avec les dossiers MADES/ KOTCHE et MADES/ ROBIN
Au fond :
Une fois la période d'essai achevée, le CDD ne peut être rompu avant l'arrivée du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou si le salarié justifie d'une embauche sous CDI.
La rupture anticipée prononcée par l'une des parties, sans l'accord de l'autre, et en dehors du cas de faute grave, de force majeure ou si le salarié justifie d'une embauche sous CDI., ouvre droit pour l'autre partie à des dommages intérêts.
La rupture du fait de l'employeur ouvre droit pour le salarié à des dommages intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. Il s'agit d'un minimum qui ne peut subir aucune réduction.
Le salarié a droit également à l'indemnité de fin de contrat – sauf en cas de contrat d'aide à l'emploi (CAE)- ainsi qu'à l'indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la seule période antérieure à la rupture, et, éventuellement, en cas de rupture brusque pour faute grave, à l'indemnité pour non respect de la procédure disciplinaire
En l'espèce :
- sur la faute grave :
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Celle-ci mentionne :
« Les griefs qui motivent une telle décision sont les suivants.
1- Incapacité à exercer vos fonctions de documentaliste multimédia
L'exercice de vos fonctions a révélé une incurie manifeste qui s'explique par le fait que contrairement aux termes de votre curriculum vitae vous n'aviez pas la qualification sur la base de laquelle vous avez été embauchée.
Le résultat a été que face aux échecs accumulés par vous dans l'accomplissement des tâches qui vous étaient confiées, il a fallu vous cantonner sur une fonction de substitution d'accompagnatrice de missions secrétariat et communication..
2- Insubordination et refus d'acceptation de la hiérarchie
Par réaction à ces insuffisances caractérisées vous avez. toujours été en opposition avec l'encadrement que vous accusiez de vous attribuer des tâches n'entrant pas dans le cadre de vos fonctions initiales de documentaliste multimédia.
Vous avez également délibérément cherché à empêcher la production de dossiers indispensables à la bonne marche de l'organisation.
Ce mouvement de contestation a pris de l'ampleur et s'est poursuivi en février.
Ainsi dès le 12 février vous avez participé avec d'autres salariés de l'association activement au blocage de la-vie de l'association.
Le lundi 18 février 2002, l'ensemble du réseau informatique qui renferme toutes les données nécessaires au bon développement de l'association s'est trouvé hors service.
La société de maintenance qui a été requise aux fins d'y remédier a au terme de son expertise conclu à des actes de sabotage.
Ces attitudes qui nuisent considérablement au fonctionnement de l'association et à l'image de marque de celle-ci sont inacceptables sur un lieu de travail.
Elles rendent donc impossible la poursuite de vos activités au sein de l'association même pendant un préavis.
Par conséquent nous vous notifions votre licenciement immédiat, sans préavis, in indemnité de rupture. «
De ces différents griefs, seul le dernier – sabotage du matériel informatique-est précis et effectivement susceptible d'être constitutif d'une faute grave ; Il convient de rappeler les principes en matière de faute grave :- le caractère réel : le motif réel est à la fois un motif existant, un motif exact et un motif objectif.- le caractère sérieux : le motif sur lequel se fonde le licenciement doit en outre avoir un caractère sérieux, c'est à dire une cause revêtant une certaine gravité qui rend impossible, sans dommage pour l'entreprise, la continuation du travail et qui rend nécessaire le licenciement.- le caractère objectif : la cause doit être objective, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des faits, des griefs matériellement vérifiables,- le caractère matériellement vérifiable : la cause du licenciement doit être établie c'est à dire que le motif allégué par l'employeur doit avoir une réalité concrète et vérifiable. Cela implique, en principe, le rejet de tout motif inconsistant (allégation vague), des faux motifs ou des motifs contradictoires.
En l'espèce, la responsabilité de la salariée dans le sabotage de l'outil informatique de l'association n'est absolument pas démontrée, suite à l'enquête pénale diligentée ; les autres griefs, même s'ils étaient établis, ne pouvant servir de supports à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave, en conséquence, la faute grave n'étant absolument pas justifiée, le licenciement doit être considéré comme abusif.
- sur l'indemnisation des préjudices :
Il sera rappelé qu'une fois la période d'essai achevée, le CDD ne peut être rompu avant l'arrivée du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou si le salarié justifie d'une embauche sous CDI. La rupture anticipée prononcée par l'une des parties, sans l'accord de l'autre, et en dehors du cas de faute grave, de force majeure ou si le salarié justifie d'une embauche sous CDI., ouvre droit pour l'autre partie à des dommages intérêts.
La rupture du fait de l'employeur ouvre droit pour le salarié à des dommages intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat. Il s'agit d'un minimum qui ne peut subir aucune réduction.
Le salarié a droit également l'indemnité de fin de contrat ainsi qu'à l'indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la seule période antérieure à la rupture.
En l'espèce, il y a donc lieu de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'Association MADES à payer à Melle Y... la somme de 60 825, 60 € au titre des salaires restant dus jusqu'au terme normal du contrat ainsi que la somme de 469, 30 € au titre des congés payés et de l'infirmer pour les autres sommes allouées.
- sur les frais irrépétibles :
Compte tenu des éléments de la cause, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Ordonne la disjonction de la présente affaire avec les dossiers MADES/ KOTCHE et MADES/ ROBIN
Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'Association MADES à payer à Melle Y... la somme de 60 825, 60 € au titre des salaires restant dus jusqu'au terme normal du contrat ainsi que la somme de 469, 30 € au titre des congés payés,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Met les entiers dépens à la charge de l'Association MADES.
Le Greffier, Le Président,