La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2011 | FRANCE | N°11/00547

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 12 décembre 2011, 11/00547


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 755 DU DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE ONZE

AFFAIRE No : 11/ 00547
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 01 mars 2011.
APPELANT
Monsieur Frédéric X... ... 97170 PETIT BOURG Représenté par Me Ellen BESSIS (TOQUE 112) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE

SOCIETE ALLIANZ IARD (anciennement dénommée AGF IART) 87 rue de Richelieu 75113 PARIS CEDEX 02 Représentée par Me Olivier MEYER de la SCP DESCHAMPS MEYER et ASSOCIES avocat au barreau de PARIS et

Me Claude CHRISTON (TOQUE 28) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 755 DU DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE ONZE

AFFAIRE No : 11/ 00547
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 01 mars 2011.
APPELANT
Monsieur Frédéric X... ... 97170 PETIT BOURG Représenté par Me Ellen BESSIS (TOQUE 112) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE

SOCIETE ALLIANZ IARD (anciennement dénommée AGF IART) 87 rue de Richelieu 75113 PARIS CEDEX 02 Représentée par Me Olivier MEYER de la SCP DESCHAMPS MEYER et ASSOCIES avocat au barreau de PARIS et Me Claude CHRISTON (TOQUE 28) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jacques FOUASSE, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, rapporteur, M. Philippe PRUNIER, conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 décembre 2011
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE :
La société d'assurance ALLIANZ IARD a procédé à l'embauche de Monsieur Frédéric X... à compter du 18 août 2008. Le contrat mentionne :
« Votre période d'essai est de 6 mois, éventuellement renouvelable. S'agissant d'une période de travail effectif, toute suspension qui l'affecterait la prolongerait d'une durée égale. Durant le premier mois de présence effective chacune des parties pourra rompre le contrat sans préavis ni indemnité. Au-delà, le préavis réciproque est d'un mois pendant les 6 premiers mois et de 2 mois ensuite. «
Suite au bilan de fin de période d'essai réalisé le 13 février 2009, il a été indiqué à Monsieur Frédéric X... que ses aptitudes et compétences, ainsi que son intégration dans la fonction étaient insuffisantes, ce qui a conduit l'employeur a décidé du renouvellement de la période d'essai jusqu'au 17 août 2009.
L'employeur, estimant que Monsieur Frédéric X... n'est pas parvenu à prendre la mesure du poste confié, ni à acquérir auprès de son équipe ou à l'extérieur, la légitimité nécessaire à la réussite de sa mission, a décidé de mettre fin à son contrat de travail le 7 août 2009 par lettre remise en main propre le 8 juillet 2009.
Contestant cette rupture, M. X... Frédéric a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 1er mars 2011, le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE :
Dit :
- Que la rupture de la période d'essai de Monsieur Frédéric X... à effet, le 7 août 2009, n'est pas abusive,
- CONDAMNE la société ALLIANZ, en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur Frédéric X... la somme de 4 684, 16 € à titre de solde de préavis soit un mois,
- CONDAMNE la société ALLIANZ, en la personne de son représentant légal à payer à Monsieur Frédéric X... la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration déposée au greffe le 11 avril 2011, M. X... a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et DEMANDES des PARTIES :

Au soutien de son appel, M. X... fait valoir que :

- sur la durée de la période d'essai : la Cour de Cassation précise qu'une période d'essai d'une durée d'un an est déraisonnable, et qu'elle est dès lors incompatible avec les règles internationales sur le licenciement.
- la loi du 25 juin 2008 a modifié les articles L. 1221-19 et L 1221-20 du Code du travail et fixé les durées maximales des périodes d'essai qui pour les cadres sont de quatre mois. Toutefois, la loi prévoit certaines dérogations et notamment il est stipulé que les dispositions des accords de branche conclus avant le 26 juin 2008 et prévoyant des durées plus longues restent applicables (c. trav. art. L 1221-22). ; la période d'essai fixée à 6 mois par la convention collective des sociétés d'assurance et la lettre d'embauche des AGF est dénuée de base légale, et ce d'autant que la convention collective nationale du 27 mai 1992 des sociétés d'assurance n'est pas un accord de branche.
- en application d'une jurisprudence récente, les dispositions des accords de branche conclus avant le 26 juin 2008 et prévoyant des durées plus longues sont jugées incompatibles avec les dispositions de la convention 158 de l'OIT.
- il résulte des textes que les durées de période d'essai prévues par des accords d'entreprise conclus avant la loi 2008-596 du 25 juin 2008 (publiée le 26 juin 2008) ne sont plus applicables depuis son entrée en vigueur, contrairement à celles prévues par des accords de branche. La convention collective nationale du 27 mai 1992 des sociétés d'assurance n'est pas un accord de branche au sens de la définition de celui-ci. Et chacun des accords collectifs intervenus dans les Assurances, est un accord catégoriel et non un accord de branche.
- M X... a été victime d'une procédure tendancieuse comme s'il était un malfaisant : l'ensemble de ces façons de faire est vexatoire et humiliante et a gravement porté atteinte à la notoriété de Monsieur X... dans le milieu professionnel de l'assurance. Compte tenu du niveau hiérarchique important de son poste, des circonstances brutales et sujettes a suspicion de la rupture de son contrat, et de l'étroitesse du marché des assurances dans les Antilles où prédominent trois grosses sociétés, M. X... n'a pu retrouver de poste au sein des assurances.
- après un an de recherches dans le milieu des assurances, celui-ci a été contrait de créer, après un stage suivi auprès de la Chambre de commerce et d'industrie de Pointe à Pitre, son propre emploi, à savoir un cabinet d'expertise dans le domaine des assurances, ARAWAKS EXPERTISES, mais aussi dans le domaine des diagnostics immobiliers, dans la mesure où dans le cadre des expertises IARD (Incendie Risques divers), M X... n'a reçu aucune mission IARD auprès des assureurs locaux qu'il a démarchés
M. X... demande à la Cour de :
INFIRMER le jugement du Conseil des Prud'hommes de Pointe à Pitre en date du 01 mars 2011
ET STATUANT A NOUVEAU
DIRE ET JUGER que Monsieur X... n'était plus en période d'essai mais en contrat à durée indéterminée dès le quatrième mois suivant son embauche.
DIRE ET JUGER en conséquence que le licenciement de Monsieur X... est abusif

CONDAMNER en conséquence, la Société ALLIANZ venant aux droits d'AGF, à payer à Monsieur X... les sommes suivantes :

-56 209. 99 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-14 052, 48 euros à titre de solde de préavis agrémenté des indemnités de congés payés y afférentes (Mémoire).
-4 684. 16 euros à titre de non respect de la procédure
-56 209. 99 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances humiliantes et vexatoires du 1icenciement.
-10 958 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais engagés pour créer un cabinet d'expertise et se former à un nouveau métier
-1 500 euros au titre du bonus exceptionnel mensuel de 125 euro prévu par l'accord d'entreprise AGF du 10 1 juin 2009.
-971, 52 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance sur un an de percevoir un intéressement
-1 464, 48 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance sur un an de percevoir une participation aux résultats de l'entreprise

CONDAMNER la Société ALLIANZ, venant aux droits d'AGF, à faire publier la décision à intervenir dans son intégralité dans les trois journaux locaux FRANCE ANTILLES GUADELOUPE, France ANTILLES MARTINIQUE, France ANTILLES GUYANE, ainsi que dans la revue nationale l'ARGUS DE L ASSURANCE

DIRE que toutes les condamnations prononcées porteront intérêts légaux à compter de la citation en conciliation et emporteront capitalisation.
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
CONDAMNER la Société ALLIANZ venant aux droits d'AGF à payer la somme de 5 000 € en application de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

La société ALLIANZ s'oppose à ces demandes et indique que :

- Monsieur Frédéric X... était Responsable de service indemnisation, c'est-à-dire classe 6. La période d'essai de deux fois six mois était par conséquent conforme aux stipulations de la convention collective ; elle était en outre rappelée dans le contrat de travail.
- l'article 2 paragraphe 2B de la Convention de l'OIT no 158 relative à la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur admet qu'un Etat puisse exclure du champ d'application de la convention les travailleurs effectuant une période d'essai mais à la condition que la durée de la période d'essai soit fixée à l'avance et qu'elle soit « raisonnable ».
- Monsieur Frédéric X... prétend dans ses conclusions que la convention collective des sociétés d'assurances aurait la nature, juridique d'un accord catégoriel et non pas d'un accord de branche mais ceci est inexact. La Cour de Cassation a déjà eu l'occasion de qualifier la convention collective des sociétés d'assurances de « convention collective nationale de branche ».
- contrairement à ce que prétend Monsieur Frédéric X... dans ses conclusions, la convention collective des sociétés d'assurances n'est pas « catégorielle » car elle ne concerne pas une catégorie professionnelle déterminée mais au contraire l'ensemble des salariés des entreprises françaises et étrangères d'assurances et de réassurance, même si certaines catégories de salariés peuvent être, par exception, rattachées à d'autres conventions.
- les fonctions occupées par Monsieur Frédéric X... étaient de celles qui nécessitent que l'appréciation se fasse sur une durée relativement longue, compte tenu du niveau et des responsabilités managériales.
- sur le délai de prévenance : La convention collective et le contrat de travail prévoyaient un délai de préavis en cas de rupture d'un mois pendant les six premiers mois et de deux mois ensuite, S'il est vrai qu'en l'espèce le délai de prévenance n'a été que d'un mois alors qu'il aurait dû être de deux, cette circonstance est de nature à justifier l'octroi d'une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire mais cela n'a pas pour conséquence de vicier le principe de la rupture en période d'essai.
La société ALLIANZ demande à la Cour de :
Constater que la période d'essai de 6 mois renouvelable pour les cadres dont les emplois relèvent des catégories 5, 6 et 7 est conforme à la convention collective des sociétés d'assurances et à l'article L 1221-22 du Code du Travail..
En conséquence :
Confirmer le jugement dont appel.
Constater que Monsieur Frédéric X... était fondé à bénéficier d'un délai de prévenance de deux mois.
Constater que ALLIANZ IARD a versé à Monsieur Frédéric X... une somme de 4684, 16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
Débouter Monsieur Frédéric X... du surplus de ses demandes.
Condamner Monsieur Frédéric X... à verser à ALLIANZ IARD une somme de 3 000 € au titre des frais de procédure et aux dépens éventuels.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 17 octobre 2011.
MOTIFS :
- sur la durée de la période d'essai :
Il convient d'analyser les différents arguments des parties :
- le renouvellement de la période d'essai était conforme aux stipulations de la convention collective, elle était également rappelée dans le contrat de travail selon les termes suivants :
« Votre période d'essai est de 6 mois renouvelable. S'agissant d'une période de travail effectif, toute suspension qui l'affecterait la prolongerait d'une durée égale ; Durant le premier mois de présence effective, chacune des parties pourra rompre le contrat sans préavis ni indemnité. Au-delà le préavis réciproque est d'un mois pendant les 6 premiers mois et de 2 mois ensuite ».
L'article L 1221-20 introduit par la loi du 25 juin 2008 dans le Code du Travail précise que la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience.
En l'espèce, les fonctions occupées par Monsieur Frédéric X... étaient de celles qui nécessitent que l'appréciation se fasse sur une longue durée, compte tenu du niveau et des responsabilités en matière de management.
De ce fait AGF (ALLIANZ) pouvait mettre fin à la période d'essai, période d'essai qui prenait fin au 17 Août 2009.
- l'article 2 paragraphe 2 de la Convention de l'OIT no 158 relative à la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur admet qu'un Etat puisse exclure du champ d'application de la convention les travailleurs effectuant une période d'essai mais à la condition que la durée de la période d'essai soit fixée à l'avance et qu'elle soit « raisonnable ».
M. X... soutient que la Cour de Cassation a précisé qu'une période d'essai d'une durée d'un an est déraisonnable, et qu'elle est dès lors incompatible avec les règles internationales sur le licenciement. Sauf que l'appelant oublie de souligner que cette décision de la Cour de cassation (Cass. Soc 4juin 2009) vise « la convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée. « Or la période d'essai renouvelable pour les cadres dont les emplois classe 5, 6 et 7 – ce qui est le cas de M. X...- est conforme à la convention collective des sociétés d'assurances et à l'article L 1221-22 du Code de Travail.
- Monsieur Frédéric X... soutient également que la convention collective des sociétés d'assurances aurait la nature juridique d'un accord catégoriel et non pas d'un accord de branche : or la convention collective des sociétés d'assurances a été jugée comme une « convention collective nationale de branche ». Contrairement à ce que prétend Monsieur Frédéric X... dans ses conclusions, la convention collective des sociétés d'assurances n'est pas « catégorielle » car elle ne concerne pas une catégorie professionnelle déterminée mais au contraire l'ensemble des salariés des entreprises françaises et étrangères d'assurances et de réassurance, même si certaines catégories de salariés peuvent être, par exception, rattachées à d'autres conventions.
La durée de 12 mois ne peut donc être considérée comme une durée déraisonnable en l'espèce, et en conséquence la rupture du contrat de travail de Monsieur Frédéric X... est bien intervenue au cours de sa période d'essai.

- sur le délai de prévenance :

La convention collective et le contrat de travail prévoyaient un délai de préavis en cas de rupture d'un mois pendant les six premiers mois et de deux mois ensuite, S'il est vrai qu'en l'espèce le délai de prévenance n'a été que d'un mois alors qu'il aurait dû être de deux, cette circonstance est de nature à justifier l'octroi d'une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire mais cela n'a pas pour conséquence de vicier le principe de la rupture en période d'essai.
Le non respect par l'employeur d'un délai de prévenance n'a pas pour effet de rendre le contrat définitif, l'obligation de l'employeur étant alors de verser une indemnité compensatrice de préavis, comme ordonnée par le premier juge ;

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

- sur les frais irrépétibles :
Compte tenu des éléments de la cause il n'y a pas lieu de faire application, en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Rejette toute autre demande,
Met les éventuels dépens d'appel à la charge de M. X....
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00547
Date de la décision : 12/12/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2011-12-12;11.00547 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award