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24/10/2011 | FRANCE | N°10/00151

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 24 octobre 2011, 10/00151


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 641 DU VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE ONZE

AFFAIRE No : 10/ 00151
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 décembre 2009.
APPELANT
Monsieur Ruddy X...... 97140 CAPESTERRE DE MARIE GALANTE Représenté par M. Claude Y..., délégué syndical

INTIMÉE
S. A. R. L. SOTRAPOMA Maison Darin-Morne Lolo 97112 GRAND-BOURG DE MARIE-GALANTE Représentée par la SELARL LACLUSE et CESAR (TOQUE 2) avocats au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 641 DU VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE ONZE

AFFAIRE No : 10/ 00151
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 17 décembre 2009.
APPELANT
Monsieur Ruddy X...... 97140 CAPESTERRE DE MARIE GALANTE Représenté par M. Claude Y..., délégué syndical

INTIMÉE
S. A. R. L. SOTRAPOMA Maison Darin-Morne Lolo 97112 GRAND-BOURG DE MARIE-GALANTE Représentée par la SELARL LACLUSE et CESAR (TOQUE 2) avocats au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, M. Philippe PRUNIER, conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 octobre 2011
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Par requête reçue par le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 10 octobre 2006, Monsieur X... saisissait ledit conseil de demandes tendant à obtenir de son employeur la Société SOTRAPOMA, des rappels de salaire, primes d'ancienneté, indemnité de déplacement, et des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Par jugement du 17 décembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre, relevant que les parties sollicitaient l'homologation d'une transaction intervenue entre elles le 1er février 2009, homologuait ladite transaction et constatait l'extinction de l'instance.
Par déclaration du 26 janvier 2010, M. X... interjetait appel de cette décision.
Par conclusions signifiées à la partie adverse le 4 août 2011, auquel il était fait référence à l'audience des débats, M. X..., faisant savoir d'une part qu'il n'était pas présent à l'audience du bureau de jugement du Conseil de Prud'hommes du 15 octobre 2009, et d'autre part que M. Y..., le délégué syndical chargé de le représenter, avait été empêché d'intervenir, soutenait que le document sur lequel s'étaient appuyés les premiers juges ne présentait nullement les caractéristiques d'une transaction et qu'il ne s'agissait que d'un simple reçu de la somme de 4 000 €, laquelle ne constituait qu'un acompte sur les demandes formulées.
Invoquant l'application de la convention collective des ouvriers du bâtiment et des travaux publics de la Guadeloupe, ainsi que la grille des salaires du BTP de la Guadeloupe, M. X... réclamait paiement des sommes suivantes :-9 052, 73 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005,-965, 0 7 euros au titre de la prime d'ancienneté pour les années 2000 à 2005,-1001, 78euros d'indemnité compensatrice de congés payés,-2 323, 32 euros d'indemnité de déplacement pour les années 2001 à 2005,-13 505, 40 euros de dommages intérêts pour rupture abusive,-2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 11 avril 2011, auquel il était fait référence à l'audience des débats, la Société SOTRAPOMA entendait voir constater que la demande en nullité de la transaction constituait une demande nouvelle qui ne dérive pas du contrat de travail s'agissant d'un acte postérieur à la fin du contrat et constitutif par lui-même d'un nouveau contrat. Elle soutenait par ailleurs qu'il s'agissait d'une transaction parfaitement valide, respectant toutes les conditions de forme et de fond exigées.
Subsidiairement la Société SOTRAPOMA entendait voir juger que la preuve de l'applicabilité à l'employeur des accords collectifs invoqués par le salarié n'était pas apportée. Il était ajouté que le licenciement de Monsieur X... reposait bien sur une cause réelle et sérieuse, s'agissant d'un motif économique tangible caractérisé par une chute d'environ 60 % du chiffre d'affaires empêchant l'employeur de faire face à ses charges, celui-ci ne pouvait être tenu d'une obligation de poursuivre une activité déficitaire.
Motifs de la décision :
Sur la contestation relative à la validité de la transaction telle qu'homologuée par le Conseil de Prud'hommes :
L'homologation prononcée par le Conseil des Prud'hommes de Pointe-à-Pitre, étant intervenue à l'issue de l'instance prud'homale, la contestation de sa validité est nécessairement postérieure, non seulement à la fin du contrat de travail, mais aussi à la fin de l'instance prud'homale.
En conséquence, et en application de l'article R 1452-6, alinéa 2 du code de travail, la transaction litigieuse et son homologation étant survenues postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes, l'unicité d'instance édictée par l'alinéa premier de l'article suscité ne peut faire obstacle à la demande formée en appel tendant à contester la validité de cette transaction et de son homologation.
Il ressort des mentions figurant dans le jugement déféré que M. X... n'était pas présent à l'audience des débats devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, mais qu'il était représenté par M. Claude Y..., délégué syndical ouvrier, et que la Société SOTRAPOMA a soulevé une irrégularité de fond au motif que le représentant de M. X... était dans l'incapacité de prouver d'une part sa qualité de délégué syndical à travers la production d'un mandat de représentation établie en bonne et due forme émanant de son organisation syndicale, la CGTG, et d'autre part sa qualité de mandataire de M. X... par la production d'un pouvoir spécial de représentation du salarié non présent lors de l'audience.
Le Conseil de Prud'hommes, sans statuer sur l'irrégularité de fond ainsi soulevée, relevait que la partie demanderesse et la partie défenderesse sollicitaient l'homologation de la transaction intervenue entre le 1er février 2009, et homologuait celle-ci.
Aucun élément du dossier transmis par le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre à la Cour d'Appel, ne révèle l'existence d'un mandat de délégué syndical ni d'un pouvoir de représentation du requérant. Ainsi le Conseil de Prud'hommes ne pouvait valablement constater que M. X..., en particulier, sollicitait l'homologation de l'acte du 1er février 2009, ni procéder par voie de conséquence à son homologation sans en vérifier les conditions de validité.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Il résulte en effet de l'examen de l'acte du 1er février 2009 invoqué par la Société SOTRAPOMA, que les parties ont apposé leur signature sous le texte suivant : " Je soussigné X... Ruddy Reconnaît avoir reçu de SOTRAPOMA un chèque de 4000 € Quatre mille euros En règlement de mes indemnités relatives au dossier de prud'hommes à titre De conciliation "

M. X... soutient que c'est seulement pour recevoir un chèque de 4000 € qu'il a apposé sa signature sur ledit document, ce qui constituait pour lui un acompte sur les demandes qu'il avait formulées.

Effectivement cet écrit ne peut valoir transaction mettant fin au litige existant entre les parties, étant rappelé que les transactions se renferment dans leur objet, la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entendant que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.

Or par l'acte qu'il a signé le 1er février 2009, M. X... n'évoque pas de transaction et ne précise pas renoncer à de quelconques demandes dans le cadre du litige prud'homal. Par ailleurs si dans cet écrit il est fait état de règlement de ses indemnités par la réception du chèque de 4 000 €, il y a lieu de rappeler que le litige dont était saisi le conseil de prud'hommes portait, outre sur des indemnité de déplacement, sur des rappels de salaire, des primes d'ancienneté, et des dommages et intérêts pour rupture abusive, ces demandes ne paraissant pas comprises dans les termes de l'écrit du 1er février 2009.
En l'absence de l'utilisation des termes de " transaction " ou " de renonciation à toutes demandes devant la juridiction prud'homale ", le mot " conciliation " figurant dans l'écrit du 1er février 2009 ne peut s'interpréter que dans le sens d'une acceptation d'un paiement partiel des indemnités réclamées, dans un esprit de conciliation, sans toutefois décharger l'employeur du paiement du solde des sommes demandées.
En conséquence l'acte du 1er février 2002 ne peut valoir transaction mettant fin au litige prud'homal, et l'autorité de chose jugée ne peut être invoquée pour s'opposer à l'examen de ce litige en cause d'appel.

Sur l'application de la convention collective invoquée par M. X... :

Par arrêté du 20 juillet 2004, le Ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a rendu obligatoire, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de la convention collective des ouvriers du bâtiment et des travaux publics de la Guadeloupe et dépendances du 28 février 2002, modifiée par l'avenant du 19 avril 2004, les dispositions de ladite convention collective à l'exclusion de certaines dispositions précisées dans l'arrêté.
La Société SOTRAPOMA étant une société de travaux publics, de ponts et chaussées et de mécanisation agricole, dont le siège se trouvait à Grand Bourg en Guadeloupe, se trouvait ainsi soumise à la convention collective suscitée du 28 février 2002, à compter du 29 juillet 2004, date de la publication de l'arrêté ministériel.
Il résulte du texte de cet arrêté que celui-ci rend obligatoire pour les employeurs et salariés du secteur BTP de la Guadeloupe, non seulement la convention collective du 28 février 2002, mais aussi l'accord du 19 avril 2004, relatif aux salaires et aux primes, conclu dans le cadre de la convention collective.
L'accord paritaire du 19 avril 2004 sur les salaires des ouvriers du BTP de la Guadeloupe, prévoit que l'ouvrier qualifié OP2, ce qui correspond à la qualification de M. X..., comme cela résulte des mentions figurant sur ses bulletins de paie de 2004 et 2005, est classé au coefficient 182, ce qui correspond, pour une valeur du point à hauteur de 7, 47, à un taux de rémunération horaire de 8, 96 euros, alors que sur les fiches de paie est porté un taux horaire de 9, 170 euros à partir de juillet 2004.

Il en résulte que M. X... n'est pas fondé à solliciter un rappel de salaire.

Par ailleurs l'article IV-1 de la convention collective sur le salaire mensuel prévoit que des majorations, primes et indemnités fassent l'objet d'une négociation paritaire périodique, ces dispositions visant en particulier la prime d'ancienneté et le remboursement des frais de transport.
M. X... ayant été embauché en qualité de conducteur d'engin à compter du 1er novembre 1998, avait une ancienneté de 5 ans au 29 juillet 2004. En application de la négociation paritaire du 19 avril 2004 sur les primes des ouvriers du BTP souscrite par la Fédération régionale du bâtiment de travaux publics et activités annexes et connexes de la Guadeloupe et dépendances, M. X... a droit à une prime d'ancienneté égale à 3 % de son salaire mensuel à compter du 29 juillet 2004.
En conséquence M. X... est fondé à solliciter paiement de la somme de 75, 10 euros au titre de la prime d'ancienneté pour les mois d'août et septembre 2004, cette prime lui ayant été versée par son employeur à compter d'octobre 2004.
Compte tenu de ce rappel de prime d'ancienneté de 75, 10 euros, il est dû à M. X..., une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 7, 51 euros.
En outre, en vertu des dispositions des négociations paritaires des 19 avril 2004 et 21 avril 2005, M. X... a droit à une indemnité de remboursement de frais de transport de 39, 73 euros par mois du 29 juillet 2004 au 1er juillet 2005, puis de 40, 72 euros postérieurement à cette date.
Il est donc également fondé à réclamer paiement de la somme de 1088, 55 euros au titre l'indemnité de frais de transport qui ne lui a pas été réglée à compter du 29 juillet 2004.

Sur le licenciement de M. X... :

Dans la lettre de licenciement du 9 janvier 2006, l'employeur informait M. X... qu'il était contraint de le licencier pour le motif économique suivant : " la société a décidé de mettre définitivement fin à son activité pour insuffisance de rentabilité ".
Pour justifier ce licenciement économique l'employeur produit des comptes relatifs à l'exercice 2005, lesquels font apparaître une perte de 28 742 €, alors qu'à l'issue de l'exercice précédent l'entreprise avait dégagé un bénéfice de 47 027. €.
Il y a lieu de relever d'une part que le déficit de l'année 2005 est relativement faible, et en tout cas l'entreprise n'était pas en état de cessation de paiement puisqu'elle n'a pas déposé son bilan.
Par ailleurs il ressort de l'examen des extrait du registre de commerce versés aux débats, que si M. Édouard A..., gérant de la Société SOTRAPOMA a déclaré une cession totale d'activité sans disparition de la personne morale à effet du 11 mars 2006, il a dès le 1er janvier 2006 constitué une nouvelle société dénommée Assistance Travaux
Publics et Bâtiment ayant pour activité : " travaux publics, bâtiment, ponts et chaussées, travaux de route, mécanisation et développement de l'agriculture ", c'est-à-dire une activité similaire à celle qu'il allait mettre en sommeil.
Il apparaît manifestement que si M. A... a créé début 2006 une nouvelle société de BTP et de mécanisation agricole, c'est qu'il avait pu se constituer un carnet de commandes, et qu'il ne considérait pas que cette activité était non rentable. On ne peut dès lors s'étonner que le chiffre d'affaires de la Société SOTRAPOMA à la fin de l'exercice 2005 se trouve réduit notablement, étant passé de 842 321 € à la fin de l'exercice 2004, à 354 721 € à la fin de l'exercice 2005.
Compte tenu des constatations objectives ainsi effectuées, et au regard des explications fournies par M. X..., selon lesquelles le 16 septembre 2005, le syndicat FTC/ CGTG adressait une lettre au gérant de la Société SOTRAPOMA sollicitant un entretien pour régulariser la situation des ouvriers, à savoir faire application de la convention collective du BTP de la Guadeloupe, il apparaît que la mise en sommeil de la société avec licenciement des ouvriers, et la création d'une nouvelle société dont l'activité était identique, était de nature à mettre obstacle à la revendication des salariés.
Il apparaît ainsi que le licenciement économique de M. X... n'est pas justifié par des difficultés économiques de l'entreprise dans son secteur d'activité.
La rupture du contrat de travail étant ainsi abusive, M. X... doit être indemnisé à hauteur de 9 000 € comptes tenus de son ancienneté, pour la perte de ses revenus salariaux.
Par ailleurs comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... des frais irrépétibles qu'il a exposés il lui sera alloué la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Condamne la Société SOTRAPOMA à payer à M. X... les sommes suivantes :-75, 10 euros au titre de la prime d'ancienneté,-7, 51 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-1088, 55 euros au titre de l'indemnité de frais de transport,-9 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,-500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société SOTRAPOMA,

Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.

Le Greffier, le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00151
Date de la décision : 24/10/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2011-10-24;10.00151 ?
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