La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2010 | FRANCE | N°07/01681

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 1ère chambre civile, 12 avril 2010, 07/01681


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 343 DU 12 AVRIL 2010



R.G : 07/01681



Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de BASSE TERRE, décision attaquée en date du 06 septembre 2007, enregistrée sous le n° 05/735



APPELANTS :



Monsieur [Y] [T]

[Adresse 6] -

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CUARTERO (TOQUE 101), avocat au barreau de GUADELOUPE



Monsieur [B] [V]

[Adresse 2]

[

Localité 1]

Représenté par Me Christophe CUARTERO (TOQUE 101), avocat au barreau de GUADELOUPE



Monsieur [E] [O] [A]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CUART...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 343 DU 12 AVRIL 2010

R.G : 07/01681

Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de BASSE TERRE, décision attaquée en date du 06 septembre 2007, enregistrée sous le n° 05/735

APPELANTS :

Monsieur [Y] [T]

[Adresse 6] -

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CUARTERO (TOQUE 101), avocat au barreau de GUADELOUPE

Monsieur [B] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CUARTERO (TOQUE 101), avocat au barreau de GUADELOUPE

Monsieur [E] [O] [A]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Christophe CUARTERO (TOQUE 101), avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIME :

Monsieur [F] [A]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 13]

Représenté par Me MH ZIBERLIN de la SELARL GZB, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, et par Me Georges JULIN (TOQUE 55), avocat au barreau de GUADELOUPE, avocat postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er février 2010, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, rapporteur,

Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère,

Mme Claire PRIGENT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 avril 2010.

GREFFIER :

Lors des débats: Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, et par Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [A] qui exploite l'hôtel Taïwana situé [Adresse 14] a conclu avec Me [M], mandataire de MM. [T], [V] et [A], les 2 et 4 mars 2005, un compromis de vente portant sur l'ensemble immobilier Taïwana, d'une superficie de 1 hectare 9 ares 17 centiares, figurant au cadastre sous la référence AH [Cadastre 9], AH [Cadastre 11] et AH [Cadastre 5] et le fonds de commerce d'hôtel restaurant à l'enseigne Taïwan immatriculé au registre du commerce et des sociétés sous le n° A 323 943 589 pour un prix de 20 800 000 € pour l'ensemble immobilier et de 200 000 € pour le fonds de commerce.

Il était prévu à l'acte le versement d'un acompte de 2 100 000 € à titre de dépôt de garantie

L'article 28 de ce compromis prévoyait que la vente était soumise à la réalisation avant le 31 mars 2005 avec faculté de prorogation à la demande des acquéreurs jusqu'au 30 mai 2005, des conditions suspensives suivantes : la justification par le vendeur d'un droit de propriété incommutable et sans réserve sur les biens objets de la vente et la justification que les biens n'étaient grevés d'aucune inscription ou publication quelconque les rendant indisponibles ou qui nécessiterait la mise en oeuvre d'une procédure de purge.

Les conditions suspensives n'ayant pas été réalisées à la date convenue, un procès-verbal a été établi par le notaire le 30 mai 2005 pour constater le refus de M. [A] de proroger les conventions résultant du compromis de vente.

Par actes d'huissier de justice du 25 juin 2005, MM. [T], [V] et [A] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre M. [A] pour :

faire constater sa faute, n'ayant pas entrepris aucune démarche pour rapporter la preuve qu'il est propriétaire des parcelles cadastrées AH [Cadastre 9], AH [Cadastre 11] et AH [Cadastre 5]

faire juger que la promesse de vente du mois de mars 2005 demeure valable

à titre subsidiaire,

faire juger que M. [A] est de mauvaise foi puisqu'il n'a entrepris aucune démarche pour rapporter la preuve qu'il est propriétaire des parcelles en cause

faire juger qu'en conséquence, il est déchu de son droit d'invoquer le non-accomplissement de la condition suspensive, laquelle demeurait toujours valable

en tout état de cause,

faire juger que la validité du compromis de vente se poursuivra tant que M. [A] n'aura pas rapporté la preuve de son impossibilité définitive de disposer du droit de propriété sur les parcelles en cause

de faire condamner M. [A] au paiement, outre 5 000 000 € de dommages et intérêts, 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier de justice du 14 mars 2006, MM. [T], [V] et [A] ont fait assigner en intervention forcée M. [K] [O] [N] et Mme [J] [N], neveu et nièce de M. [A], aux fins de :

faire constater que leur position est déterminante pour savoir si la condition suspensive relative au caractère incommutable du droit de propriété de M. [A] sur les parcelles AH [Cadastre 9], AH [Cadastre 11] et AH [Cadastre 5], objet du compromis de vente du mois de mars 2005, est accomplie

faire constater que M. [A] accorde bien une telle importance à la position des consorts [N] puisqu'il leur a fait délivrer assignation à comparaître devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour les voir prendre position sur la validité de la donation d'une parcelle cadastrée AH [Cadastre 3] effectuée par M. [A] et son épouse [L] [P] à son profit, selon acte authentique du 29 juin 1982 et voir le jugement à intervenir leur être déclarer commun.

Les intervenants forcés n'ont pas constitué avocat.

Par jugement du 6 septembre 2007, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a :

constaté que par la faute de M. [F] [A] le compromis de vente signé le 4 mars 2005 est devenu caduc

ordonné à M. [F] [A] de restituer aux demandeurs la totalité des sommes qu'il a perçues à titre d'acompte ou dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement

condamné M. [F] [A] à payer à MM. [Y] [T], [B] [V] et [E] [O] [A] la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts

débouté les demandeurs de leur demande de réalisation forcée de la vente et de leurs demandes subséquentes

dit n y avoir lieu à exécution provisoire

condamné M. [F] [A] aux dépens.

MM. [T], [V] et [A] ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 10 décembre 2007.

Par conclusions déposées le 25 mai 2009, MM. [T], [V] et [A] demandent à la cour de :

Faisant corps avec le présent dispositif

Vu les dispositions des articles 1134, 1154 et 1178 du code civil

Vu les dispositions de l'article 566 et 700 du code de procédure civile

Ayant tels égard que de droit aux stipulations de la promesse synallagmatique de vente signée entre M.[F] [A] d'une part et MM [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] les 2 et 4 mars 2005

dire et juger recevable et bien fondé l'appel diligenté par MM. [T], [A] et [V] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Basse-Terre le 6 septembre 2007

réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Basse-Terre le 6 septembre 2007 en ce qu'il a refusé d'ordonner la vente forcée du fonds de commerce de l'hôtel-restaurant Taïwana que des parcelles cadastrées commune de Saint-Barthelémy, section AH [Cadastre 9], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] appartenant à Monsieur [F] [A].

statuant à nouveau,

dire et juger que la condition suspensive tenant au droit de propriété incommutable de M. [F] [A] sur les parcelles cadastrées commune de [Localité 16], section AH [Cadastre 9], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] est réputée accomplie

constater que la vente du fonds de commerce de l'hôtel Taïwana et des parcelles cadastrées commune de Saint-Barthe1émy, section AH [Cadastre 9], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] appartenant à M. [F] [A] au profit de MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] est parfaite

en conséquence et pour le cas où M. [F] [A] refuserait, pour autant, de passer l'acte de vente correspondant

dire et juger que l'arrêt à intervenir vaudra vente du fonds de commerce de l'hôtel-restaurant Taïwana et des parcelles cadastrées commune de [Localité 16], section AH [Cadastre 9], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] appartenant à M. [F] [A] au profit de MM [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] ou à toute entité juridique que ces derniers souhaiteraient se substituer conformément à l'article 5 du compromis de vente signé entre les parties les 2 et 4 mars 2005

ordonner la publication de l'arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques de [Localité 15] aux fins d'opposabilité de la vente aux tiers

ordonner à Me [H] [Z], notaire successeur de la SCP [X], Notaires de de payer au profit de M. [F] [A] la somme d'un million d'euros versée entre ses mains en qualité de dépôt de garantie en exécution des stipulations dudit compromis de vente et ce dans un délai de quinzaine passé la signification de l'arrêt à intervenir

prononcer la compensation judiciaire entre la somme d'un million d'euros d'ores et déjà versée par MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] à M. [F] [A] à concurrence de la somme de 200 000 € sur le prix de vente du fonds de commerce de l'hôtel Taïwana et à concurrence de la somme de 800 000 € sur le prix de vente des parcelles cadastrées commune de [Localité 16], section AH [Cadastre 9],[Cadastre 11] et [Cadastre 5].

dire et juger que le solde du prix de vente des parcelles cadastrées commune de [Localité 16], section AH [Cadastre 9], [Cadastre 11] et [Cadastre 5] devra être diminué de la somme de 527 337 € montant des réparations des non-conformités relevées par le rapport de M. [D] [K] et non contestées.

donner acte à MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] qu'ils offrent de payer la somme de 18 372 663 € à M. [F] [A] dans un délai de quinzaine passé la signification de l'arrêt à intervenir.

à titre subsidiaire,

donner acte à MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] qu'ils offrent de payer la somme de 18 900 000 € à M. [F] [A] pour le cas où la réduction contractuelle du prix de vente en fonction des réparations nécessaires mis à jour par le rapport de M. [D] [K] ne serait pas retenu et ce dans un délai de quinzaine passé la signification du jugement à intervenir

condamner M. [F] [A] à payer à MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] une somme de 2 000 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance des biens litigieux depuis le 30 mai 2005

à titre infiniment subsidiaire,

condamner M. [F] [A] à payer à MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] une somme de 10 000 000 € à titre de dommages et intérêts en compensation de la perte de chance de l'achat de l'hôtel-restaurant Taïwana et ses terrains d'assiette

condamner M. [F] [A] à restituer à MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] une somme de 1 000 000 € avec intérêt au taux légal à compter de sa perception, soit le 31 mars 2005

ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil

ordonner à Me [Z], notaire successeur de la SCP [X], notaires , à payer à M. [F] [A] la somme de 1 000 000 € versée entre ses mains en qualité de dépôt de garantie en exécution des stipulations dudit compromis de vente assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2005 et ce dans un délai de quinzaine passé la signification de l'arrêt à intervenir

condamner M. [F] [A] à payer à MM. [Y] [T], [E] [A] et [B] [V] une somme de 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Me [C] aux offres de droit.

Par conclusions déposées le 30 septembre 2009, M. [A] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris du 6 septembre 2007 en ce qu'il a constaté la caducité du compromis de vente signé le 4 mars 2005 et débouté MM. [T], [V] et [A] de leur demande de réalisation forcée de la vente et de leurs demandes subséquentes

l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau

le recevoir en son appel incident y faisant droit

constater la caducité du compromis de vente signé entre les parties les 2 et 4 mars 2005 par suite de la non réalisation de la condition, caducité expressément reconnue par MM. [T], [V] et [A] et résultant des écrits de leur mandataire des 28 et 31 mai 2005

en tant que de besoin, déclarer ledit compromis caduc avec toutes conséquences que de droit

dire et juger que MM. [T], [V] et [A] ont explicitement renoncé à acquérir l'hôtel Taïwana et les parcelles AH [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 5] en l'état

en conséquence :

déclarer les consorts [T], [V], [A], radicalement irrecevables et mal fondés à solliciter de la cour qu'elle déclare la vente parfaite sur la base du compromis des 2 et 4 mars 2005

rejeter toute demande de vente forcée tant des terrains d'assiette de l'Hôtel Taïwana que du fonds de commerce d'hôtel restaurant

déclarer la demande subsidiaire des consorts [T], [V], [A] en dommages-intérêts irrecevable comme nouvelle

les débouter de toutes leurs demandes fins et conclusions

lui donner acte de ce qu'il a d'ores et déjà procédé à la restitution entre les mains de Me [H] [Z], notaire, de la somme d'un million d'euros débloquée le 30 mars 2005 par MM. [T], [V] et [A] et perçue à titre d'acompte ou dépôt de garantie

constater que les consorts [T], [A], [V] n'ont jamais effectué la moindre démarche pour récupérer les fonds déposés entre les mains de Me [Z]

les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre et notamment celles tendant au versement d'intérêts au taux légal sur ces sommes et celle aux fins de capitalisation des intérêts

ordonner la radiation de la publication de l'assignation introductive d'instance du 20 mai 2005

condamner in solidum MM. [T], [V] et [A] à lui payer :

la somme de 2 000 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de cette procédure abusive

celle de 50 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamner les demandeurs sous la même solidarité en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Georges Julln, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 novembre 2009.

MOTIFS :

Attendu que l'acte intitulé 'Compromis de vente immeuble et fonds de commerce Le Taïwan' qui a été signé les 2 et 4 mars 2005 par M. [A] et le mandataire de MM. [T], [V] et [A] comporte un titre 4 consacré au 'Consentement réciproque de vendre et d'acquérir' qui expriment la volonté des deux parties de s'engager réciproquement en vue d'une vente qui, n'étant pas immédiatement réalisable, est assortie 'dans l'intérêt commun des parties' de conditions suspensives tenant à 'la justification par le vendeur d'un droit de propriété incommutable et sans réserve sur les biens objet de la présente' et 'la justification par le vendeur que les biens vendus ne sont grevés d'aucune inscription ou publication quelconque les rendant indisponibles ou qui nécessiterait la mise en oeuvre d'une procédure de purge', et dont la date limite de réalisation était fixée au 31 mars 2005, avec la faculté pou les acquéreurs de proroger le délai jusqu'au 30 mai 2005 'sans aucune possibilité de nouvelle prorogation pour quelque cause ou raison que ce soit' ;

Qu'il était également prévu à au titre 34 qu'en cas de non-réalisation des conditions suspensives et sauf faute de l'une des parties, le compromis deviendrait caduque, les parties seraient alors déliées de tous engagements et l'acompte versé à titre de dépôt de garantie serait immédiatement restitué à l'acquéreur, sans retenue ni indemnité ;

Attendu que les parcelles AH [Cadastre 9] et AH [Cadastre 11], servant d'assiette au complexe hôtelier, sont issues de la parcelle AH [Cadastre 3] qui avait été achetée par les parents de M. [A], lesquelles lui été données par ceux-ci en avancement d'hoirie par acte authentique du 29 juin 1982 et que la parcelle AH 531n'a pas été incluse dans la donation;

Qu'il n'est pas contesté que les successions des parents de M. [A], auxquelles celui-ci a d'abord renoncé, n'ont pas été réglées et qu'elles sont susceptibles d'être acceptées par les enfants de sa soeur qui pourraient alors exercer l'action en réduction de la donation prévue par l'article 930 du code civil et que, dans l'hypothèse d'un dépassement de la réserve héréditaire du père de M. [A], ils seraient alors susceptibles de bénéficier d'une réduction en nature et non en valeur de la donation excédentaire, en raison de la renonciation de M. [A], et qu'à ce titre, ils pourraient devenir coïndivisaires du bien vendu si celui-ci n'était pas en mesure de leur verser une indemnité correspondant au dépassement de la réserve ;

Qu'il résulte de ces éléments qu'à défaut de justifier d'une renonciation de tous les ayants droit réservataires potentiels à leur droit d'exercer une action en réduction sur la donation du 29 juin 1982 et en l'absence de tout droit de propriété sur la parcelle exclue de la donation, M. [A] ne disposait pas de droits suffisants pour conclure une vente parfaite de l'ensemble des biens litigieux ;

Que conscients de cette situation, les parties ont subordonné la vente à la justification préalable par le vendeur d'un droit de propriété incommutable en assortissant ainsi la promesse synallagmatique d'une condition suspensive qui a pour particularité, en cas de non-réalisation du fait du vendeur, de rendre impossible la reconnaissance judiciaire d'une vente parfaite par application de l'article 1178 du code civil en raison même de l'insuffisance de son droit de propriété ;

Attendu que, M. [A] n'ayant pas justifié du renoncement des héritiers réservataires avant le 30 mars 2005, le délai a été prorogé jusqu'au lundi 30 mai 2005 et qu'il il lui a été versé, en application du titre 30 de la convention, une somme de 1 000 000 € à prélever sur le dépôt de garantie de 2 100 000 € remis au notaire ;

Que l'incertitude sur la sécurité juridique de la vente n'ayant pas été dissipée durant ce nouveau délai, M. [A] et le mandataire de MM. [T], [V] et [A] ont signé devant notaire, le lundi 30 mai 2005, un 'procès-verbal de dires et de difficultés' qui prend acte de cette situation dans les termes suivants :

'Dires de Monsieur [A] :

Par les présentes, Monsieur [A] déclare qu'il se trouve aujourd'hui dans l'impossibilité de pouvoir justifier d'un droit de propriété incommutable sur les immeubles objet du compromis de vente sus-visé, en raison notamment du retard rencontré dans le processus de régularisation du projet d'acte authentique rectificatif de la donation à lui consentie en 1982 par ses parents, devant contenir également la renonciation à l'action en réduction prévue par le 2ème alinéa de l'article 930 du Code Civil, cet acte nécessitant l'intervention de tous les héritiers de son Père, Monsieur [R] [A] décédé le [Date décès 4] 1994 et à la succession duquel Monsieur [A] [F] et sa s'ur ont renoncé, ainsi qu'il le confirme expressément et formellement et sous sa pleine et entière responsabilité.

Comme conséquence de cette situation, Monsieur [A] réaffirme son engagement de restituer la somme de un million d'euros par lui encaissée et ce, à première demande des acquéreurs et en cas de difficulté quelconque à autoriser ces derniers à prendre toutes mesures conservatoires sur les biens objet dudit compromis de vente ;

Monsieur [A] déclare également constater qu'à ce jour les acquéreurs n'ont pas procédé au versement entre les mains du notaire des fonds correspondant au complément du prix de vente et n'ont pas communiqué audit notaire l'identité de la ou des sociétés devant se substituer aux personnes physiques signataires de l'avant-contrat pour la réalisation de cette acquisition' ;

Attendu que MM. [T], [V] et [A] ont pour leur part reconnu dans ce procès-verbal l'impossibilité de conclure la vente en raison non seulement du risque d'une action en réduction par des héritiers réservataires mais également de l'absence de droits de M. [A] sur la parcelle AH [Cadastre 5] non comprise dans la donation établie à son profit, de servitudes de passage à établir sur les parcelles voisines pour accéder à la voie publique, d'un empiétement de la moitié de la terrasse du restaurant sur le domaine public maritime, d'empiétements d'éléments de constructions sur les parcelles AH [Cadastre 8] et AH [Cadastre 10] ;

Qu'ils ont cependant formé une ultime proposition de prorogation de la validité de la promesse de vente pour une durée maximale de 15 jours qui a été déclinée par M. [A] en ces termes : 'Enfin, Monsieur [A], compte tenu des dires qui précèdent, déclare ne pas vouloir actuellement procéder à la prorogation des conventions résultant du compromis de vente précité en dates des 2 et 4 mars 2005' ;

Attendu que, dès lors qu'il constate qu'à la date ultime de régularisation de la promesse de vente, qu'aucune nouvelle prorogation du délai n'a été pas conventionnellement fixée par les parties et que, de l'aveu même des parties, M. [A] était dans l'incapacité de justifier de droits suffisamment établis pour lui permettre d'aliéner l'ensemble des parcelles servant d'assiette au complexe hôtelier, ce procès-verbal rend compte, de manière certaine, de la défaillance de la condition suspensive qui emporte caducité de la promesse synallagmatique de vente ;

Attendu que dès le lendemain de la signature du procès-verbal, le mandataire de MM. [T], [V] et [A] a informé le notaire qu'il réclamait la restitution de la somme de 1 000 000 € remise à M. [A] et celle de 1 100 000 € correspondant au titre du solde du dépôt de garantie en se prévalant de la caducité de la promesse de vente dans les termes non équivoques suivants : 'Faisant suite au procès-verbal de difficultés que vous avez dressé, hier, 30 mai 2005, le compromis de vente des 2 et 4 mars 2005, signé entre M. [F] [A] et les clients, MM. [T], [A] et [V] est devenu caduc' ;

Qu'il résulte ainsi de ces éléments que, par la signature du procès-verbal du 30 mai 2005, les parties ont pris acte, de manière certaine, de la caducité de la promesse de vente et que le mandataire des acquéreurs en a tiré les conséquences en réclamant, dès le lendemain, la restitution par le vendeur de la somme de 1 000 000 € distraite du dépôt de garantie et par le notaire de la somme de 1 100 000 € correspondant au solde du dépôt de garantie ;

Que, si après la signature de ce procès-verbal, les acquéreurs n'ont pas renoncé à conclure la vente et ont encore accompli diverses démarches auprès du notaire pour parvenir à celle-ci, ces actes sont dépourvus de conséquences juridiques dès lors que font défaut des diligences semblables accomplies par M. [A] qui attesteraient d'un renoncement non équivoque de celui-ci à se prévaloir de la caducité de la promesse de vente et permettraient alors de considérer que les parties ont décidé, d'un commun accord, de proroger la validité de celle-ci ;

Que, dès lors qu'elle touche à un élément essentiel à la validité de la vente, la justification par le vendeur d'un droit de propriété incommutable lui permettant d'aliéner le bien en toute sécurité juridique constitue une condition suspensive qui est stipulée non pas dans l'intérêt exclusif des acquéreurs mais dans l'intérêt commun des parties ainsi que le précise d'ailleurs le titre 28 du contrat, ce dont il résulte qu'en cas de défaillance de la condition suspensive, les deux parties peuvent se prévaloir de la caducité de la promesse de vente et que les acquéreurs ne peuvent unilatéralement y renoncer pour réclamer la réalisation forcée de la vente ;

Qu'il résulte de ce qui précède que la caducité de cette promesse, dont les deux parties se sont, tour à tour, prévalues, rend au vendeur la liberté de contacter avec d'autres acquéreurs, sans toutefois l'exonérer de sa responsabilité à l'égard des premiers acquéreurs en cas de faute ou de comportement déloyal ayant provoqué ou favorisé la non-exécution de la condition suspensive ;

Que toutefois, un tel manquement ne pourrait, en aucune manière, être sanctionné par un transfert de propriété à profit de MM. [T], [V] et [A] dans la mesure même où, dans cette hypothèse, les droits de propriété de M. [A], objet de ce transfert, ne seraient pas pleinement établis ;

Que sur ce point, il y a lieu d'adopter les motifs du jugement qui démontrent l'impossibilité de déclarer la vente parfaite en raison de l'insuffisance des droits du vendeur qui, après avoir avait fait obstacle à la vente, en rend aussi sa reconnaissance judiciaire impossible ;

Attendu que, par ailleurs, la vente du fonds de commerce et celle du bien immobilier n'ayant pas été envisagées de manière dissociable, la caducité de la promesse de vente ne peut être limitée dans ses effets et exclure la vente du fonds de commerce, de sorte que MM. [T], [V] et [A] sont mal fondés à solliciter la reconnaissance judiciaire de la vente de ce fonds, en méconnaissance de la clause du titre 40, qui avait été ajoutée sur demande expresse de leur mandataire le 25 février 2005 et qui précise que 'la vente portant à la fois sur les biens immobiliers et sur le fonds de commerce ci-dessus désignés, forme un tout indivisible et indissociable' et que 'par suite et si contre toute attente, un ou plusieurs biens dont il s'agit ne pouvaient être vendus et transmis à l'acquéreur pour quelque cause ou raison que ce soit, les présentes devraient être considérées comme caduques de plein droit et ce avec toutes les conséquences de fait et de droit, chacune des parties pouvant revendiquer le bénéfice de cette disposition' ;

Attendu qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. [A] ne justifie, pendant le délai de réalisation de la condition suspensive, d'aucune démarche sérieuse en vue d'obtenir la résolution du problème posé par les successions non réglées de ses parents alors que s'agissant d'une condition mixte dont la réalisation était subordonnée à l'accomplissement de ces démarches, il avait l'obligation de les entreprendre ;

Que M. [A] ne peut faire valoir sa bonne foi tirée de ce qu'il a été informé le 31 janvier 2005 par le notaire [X] qu'il possédait sur les parcelles AH [Cadastre 12] et AH [Cadastre 11] un droit de propriété incommutable dès lors qu'ultérieurement, notamment lors de la signature de la promesse synallagmatique de vente le 2 mars 2005, il a clairement été avisé de l'inexactitude de cette information et que sa déclaration dans le procès-verbal du 30 mai 2005, démontre qu'il connaissait précisément les difficultés juridiques à résoudre ;

Que même si la complexité des problèmes posés par les successions non réglées des parents de M. [A] rendait incertaine leur résolution avant l'expiration du délai prévu par les parties, et même si la réalisation de cette condition suspensive mixte dépendait in fine de la décision des héritiers réservataires potentiels, il n'en demeure pas moins qu'en effectuant aucune démarche en vue d'obtenir leur renonciation à une action en réduction de la donation, le vendeur a privé les acquéreurs d'une chance de pouvoir conclure la vente au terme de ce délai ;

Que l'indemnisation réclamée au titre de la perte d'une chance de conclure la vente ne vise qu'à caractériser de manière plus précise le préjudice résultant du manquement de M. [A] dont l'indemnisation était déjà demandée en première instance, de sorte qu'elle ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;

Que si la décision qui retient l'abstention fautive de M. [A] doit être confirmée, il s'avère toutefois, au regard de l'enjeu financier représenté par cette vente, que le préjudice résultant de cette inertie n'a pas été évalué à sa juste mesure et ce d'autant que M. [A] qui s'était fait remettre une somme de 1 000 000 € qu'il savait devoir restituer un mois plus tard en raison même de son inertie, n'a pas été en mesure de procéder à cette restitution avant le 24 décembre 2008 ;

Qu'en dédommagement du préjudice subi de ce chef, il sera alloué à MM. [T], [V] et [A] une indemnité de 300 000 € ;

Que procédure ne revêtant aucun caractère abusif à l'égard de M. [A] sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre sera rejetée ;

Attendu que si aucune injonction de restituer ne peut être adressée au notaire, détenteur du dépôt de garantie de 2 100 000 € reconstitué après réintégration de la somme de 1 000 000 € le 24 décembre 2008, dès lors qu'il n'est pas partie à l'instance, il doit en revanche être enjoint à M. [A] de prendre les dispositions nécessaires pour que cette restitution, qui aurait dû être effectuée depuis le 31 mai 2005, soit effective ;

Qu'en matière de dépôt de garantie, les intérêts ne peuvent être accordés qu'à compter du jour où est intervenue la mise en demeure d'en faire restitution ;

Que sur ce point le jugement sera infirmé ;

Que la demande de restitution ayant été formulée par MM. [T], [V] et [A] dans leurs dernières conclusions de première instance, c'est à compter de la notification de ces conclusions valant sommation de payer que les intérêts au taux légal seront dus, observation étant faite que la date de cette notification qui n'est révélée par le jugement ni par les écritures des parties, ni par une autre pièce de la procédure, n'est pas connue de la cour ;

Que ces intérêts donneront lieu à une capitalisation conforme aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du 6 septembre 2007 sauf en ses dispositions ayant alloué à MM. [T], [V] et [A] une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts et dit que les intérêts au taux légal courront sur les sommes à restituer par M. [A] à compter de la date de leur versement

Et statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant

Condamne M. [A] à payer à MM. [T], [V] et [A] une indemnité de 300 000 € à titre de dommages et intérêts

Déclare irrecevable la demande de restitution dirigée contre le notaire qui n'a pas été appelée en cause

Dit que les intérêts au taux légal courront sur la somme de 2 100 000 € à restituer par M. [A] à compter de la notification des dernières conclusions de première instance de MM. [T], [V] et [A]

Dit que les intérêts au taux légal donneront lieu à une capitalisation conforme à l'article 1154 du code civil

Déboute les parties de leurs plus amples demandes

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [A] et le condamne à payer à MM. [T], [V] et [A] une indemnité de 10 000 €

Condamne M. [A] aux dépens avec distraction conforme à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Cuartero.

Et ont signé le présent arrêt.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 07/01681
Date de la décision : 12/04/2010

Références :

Cour d'appel de Basse-Terre, arrêt n°07/01681


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-12;07.01681 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award