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15/03/2010 | FRANCE | N°05/00656

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 1ère chambre civile, 15 mars 2010, 05/00656


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 257 DU 15 MARS 2010



R.G : 05/00656



Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 10 mars 2005, enregistrée sous le n° 98/862



APPELANTE :



LA SA BANQUE DES ANTILLES FRANÇAISES

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Daniel WERTER (TOQUE 8), avocat au barreau de GUADELOUPE





INTIMÉES :



LA SOCIÉTÉ SEMSAMAR<

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[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène URBINO CLAIRVILLE (TOQUE 114), avocat au barreau de GUADELOUPE



LA SOCIÉTÉ NOFRAG

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me A...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 257 DU 15 MARS 2010

R.G : 05/00656

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 10 mars 2005, enregistrée sous le n° 98/862

APPELANTE :

LA SA BANQUE DES ANTILLES FRANÇAISES

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Daniel WERTER (TOQUE 8), avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉES :

LA SOCIÉTÉ SEMSAMAR

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène URBINO CLAIRVILLE (TOQUE 114), avocat au barreau de GUADELOUPE

LA SOCIÉTÉ NOFRAG

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Alberte ALBINA COLLIDOR (TOQUE 4), avocat au barreau de GUADELOUPE

LA S.A.R.L MAVI VACANCES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Louis RIVES-LANGE (TOQUE 5), avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 décembre 2009, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc POISOT, président de chambre,

Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère,

Mme Claire PRIGENT, conseillère, rapporteur.

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 08 février 2010, successivement prorogé au 1er mars et au 15 mars 2010.

GREFFIER :

Lors des débats: Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, et par Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte reçu, les 18 février et 19 février 1998 par Maître [M], notaire à [Localité 2], les sociétés Mavi Vacances et Semsamar ont conclu une convention de maîtrise d'ouvrage et d'assistance financière en vue de la réalisation de deux immeubles destinés à la gendarmerie nationale.

Aux termes de cette convention, la société Mavi Vacances, propriétaire des terrains et maître d'ouvrage a confié à la société Semsamar la maîtrise d'ouvrage déléguée de la construction des deux immeubles.

La société Semsamar s'est engagée à apporter une assistance financière à la Sarl Mavi Vacances par une avance de 15 000 000 francs.

Il était précisé que :

l'aide financière de la société Semsamar serait versée à concurrence de 7 500 000 F dans les 10 jours entre les mains de la Banque des Antilles Françaises, agence de Jarry - Baie- Mahault, la somme complémentaire de 7 500 00 F devant être versée à la Banque des Antilles Françaises en considération du planning dans les deux mois,

le financement était destiné à payer ou à rembourser les constructeurs,

la société Mavi Vacances s'engageait à utiliser les fonds exclusivement à l'édification des constructions visées à la convention,

cette utilisation se faisait sous le contrôle de la banque des Antilles françaises,

Celle-ci procéderait au paiement des entreprises et constructeurs sur proposition de la société Semsamar.

En outre, la Banque des Antilles Françaises consentait à la société Semsamar une garantie à première demande.

Le 25 février 1998 la société Semsamar procédait au versement de la somme de 7 500 000 F, ce versement apparaissant dans les livres de la banque sous la mention 'APPRO CPTE BDAF MAVI VACANCES'.

Le 27 février 1998, il était procédé à deux virements du compte BDAF de la société Mavi Vacances sur celui de la Sarl Convenance (appartenant au même groupe) pour des montants respectifs de

6 700 000 F et 400 000 F.

Le 5 juin 1998, la société Semsamar a adressé à la Banque des Antilles Françaises une situation d'avance de démarrage de la société NOFRAG d'un montant de 1 067 625,00 F.

Le même jour la Banque des Antilles Françaises accusait réception de ce document, demandait à la société Semsamar de préciser la destination qu'il y a lieu de lui donner et lui confirmait n'avoir pas reçu de réponse de la société Mavi Vacances à la question posée.

Le 6 juin 1998 la Banque des Antilles Françaises portait plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction de [Localité 2] visant notamment le directeur général de la banque, M. [H] et M. [U], entrepreneur et promoteur immobilier, contrôlant plusieurs entités commerciales et civiles parmi lesquelles la société Convenance et la société Mavi Vacances.

Cette plainte relatait, notamment parmi de nombreux faits, les deux virements effectués par M. [U] du compte Mavi Vacances sur le compte Convenance, et considérait que M. [H], directeur de la banque, en acceptant d'effectuer ces deux virements alors qu'il avait reçue de la société Semsamar la somme de 7,5 millions de francs à charge de payer l'entreprise Nofrag, avait commis un abus de confiance.

Le 16 juin 1998 la société Semsamar, par lettre recommandée à la Banque des Antilles Françaises, rappelait que le financement versé était destiné exclusivement au paiement des constructeurs du projet de gendarmerie, sous le contrôle de la banque, faisait état de traites à l'ordre de la société Convenance paraphées par la banque, et, considérant, qu'il y avait violation de l'acte du 19 février 1998 entraînant la résiliation de celui-ci, demandait à la banque de lui payer sous sept jours la somme de 7 500 000 F.

Par courrier du 16 juin 1998, la Banque des Antilles Françaises refusait d'accéder à cette demande, soutenant que la somme de

7 500 000 F devait être versée directement entre ses mains et que cette condition n'avait pas été remplie.

La société Semsamar faisait alors pratiquer deux saisies attributions à l'encontre de la Banque des Antilles Françaises, chacune d'un montant de 7 500 000 F, l'une le 23 juillet 1998, l'autre le 17 septembre 1998.

La Banque des Antilles Françaises saisissait le juge de l'exécution de demandes de mainlevées desdites saisies.

Par jugement en date du 23 février 1999, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre déboutait la Banque des Antilles Françaises de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 17 septembre 1998, et ordonnait la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 23 juillet 1998.

Cette décision était confirmée par arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre en date du 4 septembre 2000.

En exécution de cette décision la somme de 7 500 000 F a été versée à la société Semsamar.

Parallèlement la Banque des Antilles Françaises a, suivant acte d'huissier de justice en date du 28 août 1998, fait assigner la société Semsamar à comparaître devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre et demandait, au visa des dispositions de l'article 1184 du code civil, que soit prononcée la résolution pour inexécution de la convention du 18 février 1998 et que la société Semsamar soit condamnée à lui payer la somme de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions ultérieures elle demandait, en outre, au tribunal de condamner la société Semsamar à lui rembourser la somme de 7 500 000 F, à lui payer la somme de 150 000 F à titre de dommages et intérêts, et portait sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à la somme de 30 000 F.

Le 8 juin 2000 deux transactions étaient signées :

- la convention n°1 concernant, d'une part, plusieurs sociétés du groupe [U] dont la société Convenance et Maître [N], administrateur judiciaire à leur redressement, d'autre part, la Banque des Antilles Françaises,

- la convention n°2 concernant, d'une part, plusieurs sociétés du groupe [U] dont la société Mavi Vacances, d'autre part, la Banque des Antilles Françaises.

Ces deux transactions étaient homologuées par arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 23 avril 2001.

Suivant acte d'huissier de justice du 6 décembre 2000, la Banque des Antilles Françaises a fait assigner la société Mavi Vacances à comparaître devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre et demandait jonction de cette nouvelle instance avec l'instance ci-dessus.

Elle maintenait ses demandes à l'encontre de la société Semsamar et subsidiairement demandait la condamnation de la société Mavi Vacances à lui rembourser la somme de 7 500 000 F versée à la société Semsamar, ainsi que toute somme qu'elle aura le cas échéant à payer à la société Semsamar en exécution de contrat du 18 et 19 février '2000".

Les deux dossiers étaient joints par ordonnance du juge de la mise en état en date du 13 novembre 2001.

Suivant acte d'huissier de justice du 11 février 2000, la société Nofrag a fait assigner la société Mavi Vacances et la Banque des Antilles Françaises devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamner :

- la société Mavi Vacances au paiement de la somme de

10 061 417,89 F (1 533 700,82 euros), avec capitalisation des intérêts,

- la Banque des Antilles Françaises à garantir la société Mavi Vacances du paiement de cette somme,

- la société Semsamar et la Banque des Antilles Françaises, solidairement, à lui payer la somme de 1 000 000 F (152 449,01 euros) à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de

100 000 F (15 244,90 euros) en application des dispositions de

l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 5 octobre 2001, le tribunal de commerce de Paris a accueilli l'exception de connexité soulevée par la Banque des Antilles Françaises et renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre.

Par arrêt en date du 23 janvier 2002, la cour d'appel de Paris a rejeté le contredit formé par la société Nofrag et renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de grand instance de Basse-Terre.

Les procédures ont été jointes selon ordonnance du juge de la mise en état du 19 décembre 2002.

Par jugement du 10 mars 2005, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :

' rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Semsamar ;

' dit que l'assignation de la société Mavi Vacances par la Banque des Antilles Françaises ne vaut pas désistement de l'action de la banque à l'encontre de la société Semsamar

' débouté la Banque des Antilles Françaises de l'intégralité de ses demandes, fins ou conclusions ;

'condamné la Banque des Antilles Françaises à payer à la société Semsamar, en deniers ou quittances, la somme de 1 143 367,60 € outre les intérêts conventionnels ;

' dit que les intérêts se capitaliseront par année entière par application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

' condamné la Banque des Antilles Françaises à payer à la société Semsamar la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

' débouté la société Semsamar du surplus de ses demandes à l'encontre de la Banque des Antilles Françaises ;

' débouté la société Nofrag de sa demande de condamnation de la Banque des Antilles Françaises au paiement des travaux par elle exécutés ;

' condamné la société Mavi Vacances à payer à la société Nofrag la somme de 5 995 201,13 euros outre les intérêts moratoires au taux contractuel à compter de la date d'exigibilité de chacune des situations de travaux ;

'dit que les intérêts capitaliseront par année entière par application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

' condamné la Banque des Antilles Françaises à relever et garantir la société Mavi Vacances à concurrence de la moitié de cette somme ;

' condamné la société Mavi Vacances à payer à la société Nofrag la somme de 190 000 euros au titre des frais d'immobilisation outre les intérêts au taux contractuel à compter de l'exploit introductif d'instance ;

' dit que les intérêts se capitaliseront par année entière par application des dispositions de l'article 1154 du code civil

' débouté la société Nofrag du surplus de ses demandes ;

' ordonné l'exécution provisoire ;

' condamné la Banque des Antilles Françaises à payer à la société Semsamar, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme de 15 000 euros ;

'condamné la société Mavi Vacances, relevée et garantie à concurrence de moitié par la Banque des Antilles Françaises, à payer à la société Nofrag, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme de

15 000 euros ;

' dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la société Mavi Vacances ;

' fait masse des dépens.

Par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, le 18 mars 2005, la Banque des Antilles Françaises a interjeté appel de la décision.

Les sociétés Semsamar, Nofrag et Mavi Vacances ont constitué avocat et ont conclu.

La clôture est intervenue le 11 mai 2009.

***

Par conclusions récapitulatives du 9 juin 2008, la Banque des Antilles Françaises demande à la cour de :

au titre principal, sur le fondement de l'article 1184 du code civil de :

' confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la demande en résolution du contrat formulée par la BDAF était recevable ;

' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Nofrag de ses demandes dirigées contre la BDAF ;

' l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

' constater qu'en versant la première partie de l'avance directement entre les mains de la société Mavi Vacances et en ne versant pas la seconde partie de l'avance le 18 avril 1998, la société Semsamar n'a pas rempli ses obligations vis-à-vis du garant, la BDAF ;

' constater que ce manquement a permis à la société Mavi Vacances, avec ou sans la complicité de M. [H], de détourner les fonds destinés à l'achèvement des travaux de construction ;

' prononcer, en conséquence, la résolution pour inexécution de la convention reçue par Me [M] le 18 et 19 février 1998 et passée entre la société Mavi Vacances, la société Semsamar et la BDAF ;

' condamner la société Semsamar à restituer à la BDAF la somme de 1 143 367,60 euros indûment versée en raison de la saisie-attribution effectuée sur ses comptes au Crédit Lyonnais avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1999, date de la remise des fonds ;

' condamner la société Semsamar à verser à la BDAF la somme de 22 867,35 euros à titre de dommages et intérêts ;

' débouter la société Semsamar de l'intégralité de ses demandes

' condamner la société Semsamar à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 outre les dépens

A titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil de :

' constater qu'en versant la première partie de l'avance directement entre les mains de la société Mavi Vacances et en ne versant pas la seconde partie de l'avance le 18 avril 1998, la société Semsamar n'a pas correctement exécuté les obligations contractuelles qui lui incombaient en exécution de la convention conclue les 18 et 19 février 1998

' constater que ces manquements ont, en facilitant le détournement de fonds commis par la société Mavi Vacances au profit de la société Convenance, causé un préjudice à la BDAF d'un montant égal aux sommes qu'elle a été contrainte de verser en exécution de sa garantie à première demande

condamner la société Semsamar à verser à la BDAF la somme de 1 143 367,60 euros indûment versée en raison de la saisie attribution effectuée sur ses comptes au CRÉDIT LYONNAIS avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1999, date de la remise des fonds

'condamner la société Semsamar à verser à la BDAF la somme de 22 867,35 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier

' débouter la société Semsamar de l'intégralité de ses demandes

' condamner la société Semsamar à verser à la BDAF la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 outre les dépens.

En tout état de cause,

vu les articles 1165 et 1382 et suivants du code civil,

vu l'article 1147 du code civil,

'déclarer les demandes nouvelles formulées par la société Nofrag en appel irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile,

' débouter les sociétés Nofrag et Mavi Vacances de l'intégralité de leurs demandes à son encontre,

' les condamner solidairement à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 18 juin 2007, la société Semsamar demande à la cour, sur le fondement de l'article 2321 du code civil, 4, 122, 480, 32-1 du code de procédure civile, 1351 et 1356 du code

civil :

Sur l'irrecevabilité :

'dire et juger que la BDAF a présenté les mêmes arguments que ceux qu'elle a soutenus dans le cadre de l'instance au fond et du présent appel au juge de l'exécution tel que cela résulte du jugement du 23 février 1999 et de l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 4 septembre 2000 ;

'dire et juger que ces arguments ont déjà été rejetés par deux décisions définitives revêtues de l'autorité de la chose jugée en application des articles 4 et 480 du code de procédure civile ;

' dire et juger que les dispositions de l'article 67 alinéa 3 du décret du 31 juillet 1992 ne sont pas applicables au jugement du 23 février 1999 rendu par le juge de l'exécution et à l'arrêt du 4 septembre 2000 rendu par la cour d'appel de Basse-Terre qui n'ont pas ordonné le paiement d'une quelconque provision ;

' dire et juger, en conséquence, que les demande de la BDAF fondées sur les mêmes moyens sont irrecevables en application des articles 4,122 et 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil.

Sur l'appel en garantie du 6 décembre 2000 et le caractère définitif du paiement :

'dire et juger que le garant, en matière de garantie à première demande, n'est recevable à se retourner contre le donneur d'ordre qu'après avoir définitivement payé et en avoir justifié ;

'dire et juger que la BDAF en assignant la société Mavi Vacances, le 6 décembre 2000, à l'effet de voir celle-ci être condamnée à lui rembourser la somme de 7,5 millions de francs reconnaît obligatoirement que le paiement effectué au profit de la société Semsamar est définitif ;

'dire et juger que du fait du caractère définitif du paiement, la mise en cause de la société Mavi Vacances par la BDAF est incompatible avec la procédure initiale engagée à l'encontre de la société Semsamar ;

'dire et juger que l'assignation du 6 décembre 2000 équivaut par conséquent à un désistement implicite de l'action de la BDAF à l'encontre de la société Semsamar ;

A titre subsidiaire, sur le fond :

'dire et juger que la convention du 18 février 1998 ne constitue pas une convention synallagmatique tripartite ;

' dire et juger que la convention du 18 février 1998 comprend deux engagements distincts, à savoir d'une part, un contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée, ' le contrat de base', entre la société Semsamar et la société Mavi Vacances et d'autre part, une garantie autonome à première demande entre la BDAF et la société Semsamar ;

'dire et juger que la garantie à première demande, prévue à l'article 11 de l'acte notarié du 18 février 1998, constitue une convention autonome, distincte, totalement indépendante et non accessoire à la convention existant entre la société Mavi Vacances et la société Semsamar ;

'dire et juger que la garantie à première demande n'est pas une garantie justifiée puisqu'il est précisé que la société Semsamar n'a pas à présenter une quelconque justification ;

'dire et juger dès lors que la présente procédure ne peut donc avoir pour objet la résolution d'une convention tripartite qui n'existe pas ;

'dire et juger que la BDAF ne peut se prévaloir d'une quelconque obligation contractuelle à l'égard de la société Semsamar ;

' dire et juger, en conséquence, la BDAF radicalement irrecevable à agir en résiliation du contrat de base du 18 février 1998, faute de qualité à agir ;

'dire et juger, en outre, que la convention de base a fait l'objet d'une résiliation anticipée de la part de la société Semsamar à laquelle la société Mavi Vacances a expressément acquiescé ;

'dire et juger que la BDAF ne peut pas opposer à la société Semsamar la résiliation anticipée du contrat de base et le fait que seule la première partie du financement ait été versée ;

'dire et juger que la garantie à première demande ne comporte aucune condition contractuelle particulière concernant le versement sur un compte interne à la banque, ouvert à son nom et fonctionnant sous sa seule signature ;

' dire et juger que la BDAF n'est pas non plus recevable à invoquer les dispositions protectrices de la société Semsamar du contrat de base, distinctes de la convention autonome de garantie ;

'dire et juger en toute hypothèse que la société Semsamar n'a failli à une quelconque et prétendue obligation à l'égard de la BDAF ;

'dire et juger que la BDAF ne peut sérieusement continuer à soutenir qu'elle a ignoré la réception par elle, d'un virement de 7,5 millions de francs crédité sur le compte de la société Mavi Vacances comme elle le reconnaît dans la plainte avec constitution de partie civile ;

'dire et juger qu'il est particulièrement scandaleux de voir une banque refuser de respecter une garantie autonome à première demande en développant une argumentation d'une telle mauvaise foi, notamment au regard de la plainte déposée devant le juge pénal ;

'dire et juger, en conséquence, que la société Semsamar est fondée à utiliser la garantie autonome à première demande pour obtenir paiement de toutes sommes qui lui sont dues ;

'dire et juger que la BDAF a reconnu dans la plainte pénale et les conventions transactionnelles qu'elle est nécessairement civilement responsable de ses préposés et des fautes commises à l'égard de la société Semsamar ;

'dire et juger, qu'en tout état de cause, la BDAF est responsable des préjudices subis par la société Semsamar.

' En conséquence, dire et juger irrecevable et mal fondée la BDAF en ses demandes.

'A titre reconventionnel :

' dire et juger que la plainte avec constitution de partie civile de la BDAF du 6 juin 1998 et les transactions versées aux débats constituent un aveu judiciaire ;

'dire et juger que la mauvaise foi ou la duplicité de la BDAF sont établies par la plainte pénale du 6 juin 1998 et les transactions qu'elle a régularisées avec les sociétés du groupe [U] ;

'en tant que besoin, condamner la BDAF à payer à la société Semsamar, en deniers ou quittances, la somme de 7,5 million de francs, soit, 1 143 367,60 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel ;

'condamner à titre complémentaire, la BDAF à payer à la société Semsamar les facture des 19 mai 1998 et 31 mai 1999, soit une somme complémentaire de 154 914,42 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel, conformément aux articles 6 et 18 de la convention du 18 février 1998 ;

' ordonner la capitalisation des intérêts ;

'condamner la BDAF au paiement d'une somme de 130 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

'condamner la BDAF à payer à la société Semsamar la somme de 30 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au regard à la multiplicité des procédures engagées par la banque de manière sciemment dilatoire et abusive ;

' condamner la BDAF aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives du 20 mars 2009, la SAS NFI Nofrag demande à la cour de :

'confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Mavi Vacances redevable envers la société Nofrag des sommes représentants le montant des travaux exécutés ;

' condamner en conséquence la société Mavi Vacances à verser à la société Nofrag les sommes de :

' 6 450 069 € HT en principal au titre des situations impayées ;

' 1 436 439 € HT en principal au titre des frais d'immobilisation du chantier arrêtés au 31 juillet 1998,

' 1 309 986 € HT en principal à titre d'indemnité de résiliation le marché ayant été résilié de plein droit après mise en demeure et interruption pendant plus de 6 mois,

'condamner la société Mavi Vacances à régler en outre les intérêts au taux conventionnel sur ces sommes soit le taux des obligations cautionnés majoré de 2,5 points à compter de la première mise en demeure du 4 mai 1998 pour la première situation et du 9 mars 1999 pour les autres et dire que les intérêts seront capitalisés de plein droit par application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

' constater que la société BDAF a détourné à son profit les fonds mis à disposition par la société Semsamar malgré l'affection des fonds convenue spécialement au financement du coût des travaux de construction de l'ouvrage ;

' dire que cette opération entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 1799-1 du code civil et dire que la BDAF ne pouvait verser les fonds entre les mains d'un tiers et encore moins les détourner à son profit, tant que les constructeurs et au premier chef la société Nofrag, n'avait pas été réglés du coût des travaux ;

' dire encore que la convention du 18 février 1998 constitue une stipulation pour autrui aux termes de laquelle la société BDAF s'est engagée envers les sociétés Mavi Vacances et Semsamar au profit de la société Nofrag et dire comme tel cet engagement créateur d'un droit direct au profit de la société Nofrag à son encontre ;

' dire enfin que la société BDAF, banquier habituel de la société Mavi Vacances a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Nofrag en détournant à son profit les fonds empruntés par la société Mavi Vacances en contradiction avec leur usage convenu, en faisant ainsi courir un risque aux constructeurs et en créant une apparence de solvabilité autour de la société Mavi Vacances ;

' dire que le préjudice subi par la société Nofrag est égal au montant de sa créance impayée en principal, intérêts et frais ;

' la condamner, in solidum avec la société Mavi Vacances au paiement des somme de :

' 6 450 069 € HT en principal au titre des situations impayées

' 1 436 439 € HT en principal au titre des frais d'immobilisation du chantier arrêtés au 31 juillet 1998

' 1 309 986 € HT en principal au titre d'indemnité de résiliation le marché ayant été résilié de plein droit après mise en demeure et interruption pendant plus de 6 mois, outre les intérêts au taux conventionnel sur ces sommes soit le taux des obligations cautionnés majoré de 2,5 points à compter de la première mise en demeure du 4 mai 1998 pour la première situation et du 9 mars 1999 pour les autres et dire capitalisés de plein droit par application des dispositions de l'article 1154 du code civil.

' dire cette demande nécessairement incluse dans sa demande tendant voir condamner la société BDAF à garantir solidairement la société Mavi Vacances des condamnations prononcées à son encontre, demande tendant nécessairement à sa condamnation directe comme le tribunal l'a analysée et jugée et débouter, au visa des articles 565 et 566 du code de procédure civil la société BDAF de sa demande tendant à voir juger les demandes de la société Nofrag, telles que formulées aujourd'hui nouvelles en cause d'appel.

' condamner in solidum les société Mavi Vacances et BDAF au paiement de la somme 150 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions récapitulatives du 9 octobre 2008, la société Mavi Vacances requiert de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la BDAF visant à la condamner au remboursement de la somme de 1 143 367 € versée à la société Semsamar et lui demande de :

'débouter la société Nofrag de toutes ses demandes à son encontre ;

' infirmer partiellement le jugement en ce que, ayant condamné la BDAF à relever et garantir Mavi Vacances des condamnations à payer à Nofrag 913 962,52 € (5 995 201, 13 F), outre intérêts moratoires et capitalisation, cette garantie n'est prononcée qu'à concurrence de la moitié de la somme.

'dire et juger qu'en donnant son accord à la désaffection des fonds destinés à Nofrag, en rejetant ensuite le chèque d'avance de démarrage destiné au même constructeur, puis, en coupant tous ses concours interdisant toute poursuite de la construction et tout règlement des fournisseurs dont Nofrag, tout ceci dans le cadre d'une opération de promotion immobilière parfaitement finalisée et garantie financièrement par la banque elle-même, qui excluait toute notion et tout risque de soutien abusif de crédit, la banque doit être tenue comme responsable du non règlement de la société Nofrag à l'égard de Mavi Vacances,

' dire et juger que la garantie totale demandée se justifie d'autant plus que Mavi Vacances ne tire finalement du fait de la construction entreprise non seulement aucun avantage, mais au contraire une perte totale d'investissement imputable à la banque,

'En conséquence,

'condamner la BDAF à garantir intégralement la concluante de toute condamnation qui serait prononcée contre elle,

'condamner la même en 20 000 € au titre de l'article 700 ainsi que, conjointement avec la société Nofrag, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur les fins de non recevoir

C'est par des motifs exacts et pertinents que les premiers juges ont considéré que les demandes formulées à titre infiniment subsidiaire par la Banque des Antilles Françaises à l'encontre de la société Mavi Vacances n'impliquent nullement désistement de sa demande à l'encontre de la société Semsamar et qu'ils ont rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée tirée du jugement du juge de l'exécution du 23 janvier 1999, confirmé par la cour, le 4 septembre 2000.

La Banque des Antilles Françaises sollicite, à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la société Mavi Vacances à lui rembourser les sommes versées à la société Semsamar avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 6 décembre 2000.

En vertu de l'article 2052 du code civil, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

C'est, également, à bon droit que les premiers juges ont considéré, à la lecture des deux transactions du 20 juin 2000 que la Banque des Antilles Françaises avait renoncé à introduire et à poursuivre toute action à l'encontre de la société Mavi Vacances, à l'exception du contentieux de la Sarl Nofrag, expressément réservé.

Les demandes seront, donc, déclarées irrecevables.

Pour sa part, la société Mavi Vacances demande la condamnation de la Banque des Antilles Françaises à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société Nofrag.

Le contentieux avec cette société ayant été exclu des transactions, la Banque des Antilles Françaises ne peut faire grief aux premiers juges de n'avoir pas jugé la demande de la société Mavi Vacances irrecevable, sur le fondement de l'autorité des transactions.

La Banque des Antilles Françaises demande, en outre, à la cour de déclarer les demandes de la société Nofrag irrecevables en ce qu'elles seraient nouvelles en appel.

En première instance, cette dernière demandait, sur le fondement des article 1134, 1382 et 1984 du code civil :

la condamnation de la Banque des Antilles Françaises à garantir solidairement la société Mavi Vacances des condamnations à concurrence de la somme principale de 1.076 720,90 € qui lui a été versée par la société Semsamar,

de dire que cette garantie portera intérêt aux taux contractuel à compter de la date d'exigibilité de chacune des situations des travaux sur le montant de celui-ci et à compter de l'assignation pour les frais d'immobilisation,

la condamnation in solidum de la société Mavi Vacances et de la Banque des Antilles Françaises à lui payer la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice économique, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation.

Elle demande, aujourd'hui, à la cour sur le fondement de l'article 1799-1, 1121 et 1382 du code civil, la condamnation in solidum de la Banque des Antilles Françaises avec la société Mavi Vacances à lui payer les sommes de :

' 6.450.069 € HT en principal au titre des situations impayées

' 1.436.439 € HT en principal au titre des frais d'immobilisation du chantier arrêtés au 31 juillet 1998,

'1.309.986 € HT en principal au titre d'indemnité de résiliation le marché, outre les intérêts au taux conventionnel sur ces sommes.

Elle fait valoir que sa demande initiale impliquait nécessairement la condamnation de la société Mavi Vacances conjointement et solidairement avec la banque aux sommes dues par la première puisqu'elle n'avait aucun intérêt à poursuivre une demande en garantie au profit de la seule société Mavi Vacances. Elle ajoute que le tribunal ne s'y est pas trompé puisqu'il a interprété la demande comme une demande de condamnation directe.

Sans même devoir se pencher sur la question de savoir si la demande de la société Nofrag de voir la société Mavi Vacances garantie des condamnations à concurrence de la somme principale de 1.076 720,90 € qui lui a été versée par la société Semsamar relève d'une erreur matérielle ou d'une erreur de droit, il convient de relever que les présentes actions en responsabilité tendent aux mêmes fins que l'action en responsabilité contractuelle visant la condamnation in solidum de la société Mavi Vacances et de la Banque des Antilles Françaises.

Dès lors, les demandes ne peuvent être qualifiées de nouvelles et la fin de non recevoir doit être rejetée, étant observé que faute d'avoir été reprises dans ses dernières écritures, les prétentions et moyens présentés antérieurement par la société Nofrag sont réputées avoir été abandonnées et la cour ne statuera ainsi que sur les dernières écritures déposées.

Sur le fond

Sur les demandes de la Banque des Antilles Françaises à l'encontre de la société Sensamar

Par convention du 18 février 1998, la Banque des Antilles Françaises a consenti à la société Semsamar une garantie à première demande.

Une telle garantie suppose que l'engagement du garant est autonome par rapport au contrat de base. Le garant s'engage à effectuer, sur le demande du donneur d'ordre, le paiement d'une somme à concurrence d'un montant convenu, sans qu'il puisse différer ce paiement ou soulever une contestation pour quelque cause que ce soit.

La banque oppose à la société Semsamar le non-respect de ses obligations contractuelles dans l'exécution de la convention, qui liait la société Semsamar à la société Mavi Vacances.

Elle soutient que la Semsamar était redevable, aux termes de la convention, également, envers elle, de ces mêmes obligations.

Ses demandes sont en contradiction avec la définition même de la garantie autonome, qui implique un paiement automatique et immédiat à première demande.

L'article 11 de la convention précise que la banque a : «pris connaissance des rapports contractuels existants entre la société Semsamar et la société Mavi Vacances», ce qui suppose que la banque est étrangère à ceux-ci.

Au demeurant, il ne résulte pas de la lecture de la convention que la banque ait soumis sa garantie aux conditions qu'elle pose aujourd'hui, à savoir, le paiement par la société Semsamar de l'avance en deux versements de la somme totale de 15.000 000 francs sur compte interne à la Banque des Antilles Françaises et fonctionnant sur sa seule signature.

La Banque des Antilles Françaises reproche à la société Semsamar de ne pas avoir versé les sommes entre ses mains, la mettant dans l'impossibilité d'exercer son contrôle et de ne pas avoir effectué le second versement.

En toute hypothèse, comme l'ont relevé les premiers juges, la banque ne peut sérieusement soutenir qu'elle a été dans l'impossibilité d'exercer son contrôle, alors que le premier versement a été effectué sur le compte de la société Mavi Vacances à la Banque des Antilles Françaises et que c'est au visa de son directeur que les deux virements litigieux ont été effectués au profit d'une société tierce.

Quant à l'absence du second versement, il résulte de la carence de la société Mavi Vacances dans l'impossibilité de justifier du règlement des situations en cours et de la réalisation des travaux. Il ne peut être reproché, en outre, à la société Semsamar de ne pas s'être acquittée du second versement alors que le premier paiement a été détourné de sa destination avec l'accord du directeur de la banque.

Il s'ensuit que la demande en résolution de la convention pour inexécution ne peut être accueillie.

En outre, il n'est pas démontré une faute de la société Semsamar ayant entraîné par un lien de causalité direct et certain le préjudice qu'elle invoque et qui serait égal aux sommes qu'elle a versées en exécution de la sa garantie, de sorte que la demande subsidiaire de la banque, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, sera rejetée.

Sur les demandes de la la Banque des Antilles Françaises à l'encontre de la société Mavi Vacances

Les demandes ont été jugées irrecevables du fait de l'autorité tirée des transactions.

Sur les demandes de la société Semsamar à l'encontre de la Banque des Antilles Françaises

Au titre de son engagement de garantie à première demande, la banque était tenue de verser la somme de 1.143.367,60 €, dans les meilleurs délais.

Elle a fini par exécuter son obligation suite à une saisie-attribution du 17 septembre 1998, validée par un jugement du juge de l'exécution du 23 février 1999, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel du 4 septembre 2000.

La société Semsamar sollicite en plus de cette somme, la condamnation de la banque à lui payer la somme de 154.914,42 € sur le fondement des articles 6 et 18 de la convention du 18 février 1998, objets de deux factures portant sur les intérêts au taux conventionnel.

Or, les deux factures produites, d'un montant respectif de 122.260,27 francs et 605.547 francs sont des factures adressées à la société Mavi Vacances pour les intérêts à compter du paiement, soit le 23 février 1998.

Le point de départ des intérêts au contractuel de 7% l'an court, pour la banque, à compter de la réception de la mise en demeure de payer du 16 juin 1998, jusqu'au 7 avril 1999, date de la remise des fonds.

Le surplus des demandes devra, donc, être rejeté.

Une troisième facture concerne une note d'honoraires établie en application de l'article 18 de la convention qui ne vise nullement les relations entre la société Semsamar et la banque. La demande est, en conséquence, non fondée.

La société Semsamar requiert, enfin, l'allocation de la somme de 30.000 € pour procédure abusive.

Elle fait, ainsi, valoir que la banque a saisi, d'une part, le juge du fond puis, interjeté appel de la décision du juge de l'exécution tout en déposant une plainte strictement contraire à son argumentation devant le juge civil et que l'assignation du 6 décembre 2000 puis, les jonctions successives sollicitées avaient pour motif de retarder l'issue de la procédure.

Toutefois, ester en justice constitue un droit et la société Semsamar ne démontre pas un abus d'ester en justice propre à lui ouvrir droit à des dommages et intérêts, de sorte que le jugement entrepris sera réformé de ce chef.

Sur les demandes de la société Nofrag à l'encontre de la société Mavi Vacances et de la Banque des Antilles Françaises

Il résulte des pièces versées aux débats et, notamment, des situations visées par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre que la société Nofrag a réalisé, en exécution du marché du 2 novembre 1997, des travaux pour un montant de 5.995.201,13 francs, soit, 913.962,52 €.

A cet égard, il convient d'observer que le dispositif des conclusions formalisant ses demandes de la société Nofrag est entaché d'une erreur matérielle, une confusion entre les francs et les euros ayant été faite, confusion, reprise par le jugement entrepris, alors qu'il est constant que les situations de travaux sont exprimées en francs.

La société Mavi Vacances, maître d'ouvrage, ne saurait, pour échapper à ses obligations contractuelles, reprocher à la société Nofrag d'avoir entamé les travaux après réception de l'ordre de service et de les avoir continués, alors même qu'elle n'était toujours pas payée.

Elle ne saurait, de même, lui faire grief de ne pas avoir exigé les garanties de paiement prévues à l'article 5-1 du cahier des clauses administratives particulières, qui constituaient des stipulations au seul profit de l'entreprise et qui ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité à son encontre.

L'alinéa 3 de cet article prévoit que les frais découlant de la suspension des travaux suite à la non-délivrance des garanties de paiement (immobilisation du personnel et du matériel, notamment) sont à la charge du maître d'ouvrage.

La société Nofrag a mis en demeure la société Mavi Vacances de payer, puis a suspendu les travaux et a fait constater, par procès-verbal de constat d'huissier, l'immobilisation du matériel et du personnel.

La société Nofrag a subi un préjudice spécifique lié aux négligences de la société Mavi Vacances, qui non seulement n'a pas payé les travaux, mais, suite aux mises en demeure, n'a, nullement, réagi, engendrant par son inertie blâmable, des frais d'immobilisation.

C'est avec pertinence que les premiers juges ont fixé ce préjudice, compte-tenu de la durée de l'immobilisation et de son coût journalier, à la somme de 190.000 €.

La société Nofrag requiert, en outre, la condamnation de la société Mavi Vacances à une somme égale à 20% du marché au titre d'une indemnité de résiliation du marché par application des dispositions de l'article 1794 du code civil.

Cependant, en l'espèce, il n'y a pas eu résiliation unilatérale discrétionnaire du marché à forfait par le maître d'ouvrage, mais, rupture des relations contractuelles, suite à l'absence de paiement des travaux par le maître d'ouvrage, sans, d'ailleurs, que la société sollicite la résiliation judiciaire du contrat aux torts de celui-ci.

Les dispositions de l'article 1794 du code civil ne sont, donc, pas applicables, en l'espèce.

Au demeurant, l'entrepreneur n'établit nullement, par des pièces produites aux débats, la consistance: «de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.»

Il s'ensuit que la demande à ce titre sera rejetée.

La société Mavi Vacances sera, donc, condamnée à payer à la société Nofrag, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la somme de 177.342,78 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1998, date de réception de la mise en demeure de la première situation et aux sommes de 736.619,74 € relative aux autres situations et de 190.000 €, avec intérêt au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure du 9 mars 1999 et, capitalisation des intérêts.

La société Nofrag réclame l'application d'un taux conventionnel qui serait le taux des obligations cautionnées majorés de 2,5 points, par application de la norme AFNOR NFP 03-001 de septembre 1991.

Elle ne justifie, cependant, pas du taux conventionnel dont elle demande l'application, de sorte que seul le taux légal sera appliqué.

La société Nofrag requiert, en outre, la condamnation in solidum de la banque avec la société Mavi Vacances à lui payer ces mêmes sommes.

Au soutien de ses demandes, elle se prévaut de l'application de l'article 1799-1 du code civil, de l'existence d'une stipulation pour autrui et d'une faute délictuelle de la banque.

L'article 1799-1 du code civil prévoit que lorsque le maître d'ouvrage recourt à un crédit spécifique, pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celle mentionnée au 3° de l'article 1779 tant que celle-ci n'a pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Le versement se fait sur ordre écrit et sous la responsabilité du maître d'ouvrage entre les mains de la personne ou du mandataire désigné à cet effet.

La société Nofrag soutient que l'opération entrant dans le champ d'application de ces dispositions, le banque ne pouvait verser les fonds entre les mains d'un tiers et encore moins les détourner à son profit en les transférant sur le compte d'une autre société du groupe Mavi Vacances, débiteur à son égard.

Or, en l'espèce, le montage réalisé exclut l'opération du champ d'application de cet article, puisqu'elle n'est pas financée par la banque mais par la société Semsamar, laquelle s'est engagée à avancer les 15.000 000 francs et est, elle-même, garantie par la banque.

Même s'il est précisé dans la convention que les fonds prêtés doivent être utilisés exclusivement à l'édification des constructions visées par le contrat (gendarmerie de [Localité 4]), sous le contrôle de la banque qui procédera au paiement des entreprises et constructeurs sur proposition de la société Semsamar, ce qui suppose la volonté des parties d'assurer l'affectation des fonds prêtés à l'opération ainsi que la sécurité du paiement des constructeurs, objectifs commun à l'article 1799-1 du code civil, les dispositions prévues au contrat n'entrent pas dans le champ d'application de cet article.

A cet égard, la banque ne saurait soutenir que le pouvoir de contrôle des fonds qui lui a été conféré et qui allait jusqu'au paiement des entreprises, était prévu dans son seul intérêt en qualité de garant à première demande de la société Semsamar.

L'interposition de la Semsamar empêche l'application des dispositions de l'article 1799-1 du code civil. Toutefois, la référence aux dispositions de cet article est patente (affectation du crédit spécifique, versement direct aux constructeurs) et le dispositif vise bien, notamment, à assurer la sécurité du paiement des constructeurs.

La société Nofrag se prévaut, en outre, de l'application de l'article 1121 du code civil en faisant valoir que, dans la convention, les sociétés Mavi vancances et Semsamar (stipulants) ont obtenu d'un autre cocontractant, en l'espèce, la banque (promettant) un engagement dont elle est bénéficiaire et que cet engagement est créateur d'un droit direct à son profit.

Il ne résulte, cependant, pas de la lecture du contrat l'existence d'une stipulation pour autrui au sens de la loi au profit de la société Nofrag.

Le moyen devra, en conséquence, être écarté.

La société Nofrag invoque, enfin, l'application de l'article 1382 du code civil.

Un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que le manquement lui a causé un dommage.

En l'espèce, il ressort des débats que la société Semsamar, conformément à son engagement, a versé dans les dix jours du contrat la somme de 7.500.000 francs, certes pas sur un compte interne à la Banque des Antilles Françaises, mais sur un compte de la société Mavi Vacances à la Banque des Antilles Françaises.

Celle-ci, en autorisant le virement de cette somme sur un compte tiers a laissé disperser les fonds dédiés au paiement des constructeurs et qu'elle avait pour mission de contrôler.

S'il ne peut être jugé, comme l'affirme la société Semsamar, que la banque a détourné les fonds à son profit, puisque la cour ignore la destination finale des fonds, la négligence de la banque et les manquements à ses obligations de contrôle ont indubitablement concouru au préjudice de la société Nofrag, qui, suite à la dispersion des fonds versé, n'a pu être payée de ses travaux.

La banque doit être déclarée responsable, sur la fondement de l'article 1382 du code civil, du préjudice résultant du non-paiement des situations de travaux.

La Banque des Antilles Françaises sera, donc, condamnée à payer à la société Nofrag la somme de 913.962,52 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, in solidum avec la société Mavi Vacances condamnée supra.

Aucun lien de causalité certain et direct entre les manquements de la banque et le préjudice résultant de l'immobilisation du matériel et du personnel n'étant établi, la demande de la société Nofrag, à ce titre, sera rejetée.

Sur les demandes de la société Mavi Vacances à l'encontre de la Banque des Antilles Françaises

La société Mavi Vacances demande la condamnation de la Banque des Antilles Françaises à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prises à son encontre.

Elle fait valoir que la banque n'a pas respecté la destination des fonds qui lui ont été remis par la société Semsemar en acceptant que les sommes soient virées au profit de la société Convenance, qui était sa maison- mère.

Elle ajoute qu'il existait un accord entre elle et la banque qui supposait qu'à tout moment celle-ci mettrait à disposition les fonds pour que la première avance des travaux puisse être honorée.

Cependant, le chèque de 10% qu'elle a établi au profit de la société Nofrag a fait l'objet d'un brusque rejet par la Banque des Antilles Françaises avant que celle-ci ne rompe tous ses concours avec la société Mavi vacances et la maison-mère Convenance, interdisant la poursuite de l'opération de construction.

Il résulte des pièces versées aux débats que c'est à la demande de la société Mavi Vacances, que les virements litigieux qui alimenteront le compte d'une autre société du groupe ont été réalisés.

La société Mavi Vacances, à l'origine même des virements litigieux des fonds ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes et reprocher à la banque les effets de ceux-ci, à savoir l'impossibilité de payer les constructeurs.

Aucune pièce produite aux débats ne vient démontrer qu'un accord avait été pris par la banque ou même son directeur afin d'assurer la contrepartie des virements par des avances de la banque.

Il est vrai, en outre, comme l'ont souligné, les premiers juges que la Banque des Antilles Françaises encourait une action en responsabilité pour soutien abusif de crédit, comme l'atteste le contenu des transactions produites aux débats.

La demande, à ce titre, sera, en conséquence, rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile profit de la société Semsamar et de la société Nofrag.

Succombant à l'instance, la Banque des Antilles Françaises et la société Mavi Vacances en assumeront les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant, publiquement, contradictoirement et, en dernier ressort,

Sur la forme,

Rejette les fins de non recevoir formulées par la société Semsamar.

Déclare irrecevable la demande formulée par la société Banque des Antilles Françaises dirigéee contre la société Mavi Vacances.

Rejette la fin de non recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile formulée par la société Banque des Antilles Françaises à l'encontre de la société Nofrag.

Sur le fond,

Infirme le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Rejette les demandes formulées par la société Banque des Antilles Françaises.

Condamne la société Banque des Antilles Françaises à payer à la société Semsamar, en deniers ou quittances, la somme de 1.143 367,67 € au titre de sa garantie à première demande, avec intérêt au taux contractuel de 7% l'an à compter du 16 juin 1998 jusqu'au 7 avril 1999.

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil.

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la société Semsamar à l'encontre de la société Banque des Antilles Françaises.

Condamne in solidum la société Mavi Vacances, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, et la société Banque des Antilles Françaises, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à payer en principal à la société Nofrag la somme de 913.962,52 €.

Dit que la condamnation de la société Mavi Vacances sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1998 sur la somme de 177.342,78 € et à compter du 9 mars 1999 sur la somme de 736.616,74 €.

Dit que la condamnation de la société Banque des Antilles Françaises sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Condamne la société Mavi Vacances à payer à la société Nofrag la somme de 190.000 € sur le fondement de l'article 1147 du code civil au titre des frais d'immobilisation exposés.

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil.

Rejette les demandes de la société Mavi Vacances à l'encontre de la société Banque des Antilles Françaises.

Rejette les demandes plus amples ou contraires au présent dispositif.

Condamne la société Banque des Antilles Françaises à payer à la société Semsamar la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la société Mavi Vacances et la société Banque des Antilles Françaises à payer à la société Nofrag la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir application de l'article 700 du code de procédure civile concernant les autres parties.

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par la Banque des Antilles Françaises et la société Mavi Vacances et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 au profit de Maître Hélène Urbino-Clairville et de Maître Albina Collidor.

Et ont signé le présent arrêt

La greffière le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 05/00656
Date de la décision : 15/03/2010

Références :

Cour d'appel de Basse-Terre, arrêt n°05/00656


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-15;05.00656 ?
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