COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 736 DU 21 SEPTEMBRE 2009
R.G : 07/00672
Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 05 avril 2007, enregistrée sous le n° 05/00588
APPELANT :
Monsieur [Z] [C]
Campêche
[Localité 8]
Représenté par Me Christine FISCHER-MERLIER (TOQUE 32), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMEES :
LE GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DE L'HERMITAGE II
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représenté par la SCP RICOU/TROUPE (TOQUE 102-103), avocat au barreau de GUADELOUPE
LA SAFER GUADELOUPE
[Adresse 15]
[Adresse 11]
[Localité 9]
Représentée par Me André LETIN (TOQUE 60), avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 15 juin 2009.
Par avis du 15 juin 2009 le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de:
M. Jean-Luc POISOT, président de chambre,
Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère,
Mme Claire PRIGENT, conseillère, rapporteur.
Et que l'arrêt sera rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 21 septembre 2009.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées.
Signé par M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, et par Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte d'huissier de justice des 21 et 24 février 2005, le groupement foncier agricole de l'Hermitage a fait assigner monsieur [Z] [C] et la SAFER de Guadeloupe pour voir ordonner l'expulsion de monsieur [C], sous astreinte, de deux parcelles cadastrées section AK [Cadastre 3] et AK [Cadastre 4], situées à [Localité 13], sa condamnation à la somme de 70.000 € au titre d'une indemnité d'occupation des parcelles depuis cinq ans, à la somme de 1.000 € au titre d'une indemnité d'occupation mensuelle et à la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 5 avril 2007, le tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE a :
'constaté que monsieur [Z] [C] est occupant sans droit ni titre des parcelles cadastrées section AK [Cadastre 3] et AK [Cadastre 4] situées à Papin, Anse-Bertrand dont le groupement foncier agricole L'Hermitage II est la propriétaire,
'ordonné l'expulsion de monsieur [Z] [C] ainsi que de tous occupants de son chef des deux parcelles cadastrées section AK [Cadastre 3] et AK [Cadastre 4] situées à [Localité 13] appartenant au groupement foncier agricole l'Hermitage II dans les trente jours de la signification du présent jugement, passé ce délai sous astreinte de 160 € par jour de retard,
'rejeté les demandes d'indemnités d'occupation présentées par la groupement foncier agricole,
'débouté monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes,
'dit n'y a avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné monsieur [C] aux dépens.
déclaration d'appel remise au greffe de la cour d'appel de BASSE-TERRE, le 14 mai 2007, monsieur [Z] [C] a interjeté appel de la décision.
Le groupement foncier agricole l'Hermitage II a constitué avocat et a conclu.
La SAFER a constitué avocat mais n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mars 2009.
*****
Par conclusions récapitulatives du 7 août 2008, monsieur [Z] [C] expose que les deux parcelles litigieuses proviennent du morcellement de la parcelle AK [Cadastre 2], que sa famille et lui occupent depuis plus de cent ans.
Il demande, donc, à la cour, sur le fondement des articles 2228 et 2262 et suivants du code civil de :
'infirmer le jugement entrepris,
' débouter le groupement foncier agricole de ses demandes,
' juger qu'il jouit sur les deux parcelles sises Papin Campêche ANSE-BERTRAND et cadastrées AK n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] provenant du morcellement de la parcelle [Adresse 10] d'une possession continue et non interrompue, paisible, non équivoque et à titre de propriétaire de plus plus de trente ans,
'ordonner la transcription sur le fichier central des hypothèques de l'acquisition par monsieur [C] des deux parcelles sises lieudit [Adresse 12] et cadastrées AK n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] par prescription acquisitive ,
'si par extraordinaire, le tribunal venait à considérer que l'acte de vente entre la SAFER et le groupement foncier agricole de l'Hermitage concernent les mêmes parcelles de terre que celles appartenant à monsieur [C], annuler pour cette partie la vente consentie par la SAFER au groupement foncier agricole de l'HERMITAGE suivant acte du 7 décembre 1992,
'ordonner la publication aux hypothèques de l'arrêt à intervenir,
'condamner la groupement foncier agricole de l'HERMITAGE et la SAFER in solidum à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 23 octobre 2008, le groupement foncier agricole de l'HERMITAGE II sollicite de la cour:
'la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré monsieur [C] occupant sans droit ni titres des parcelles litigieuses, à ordonné son expulsion, sous astreinte, l'a condamné aux dépens,
'son infirmation en ce qu'il a limité l'astreinte à 160 € et dans un délai de trente jours de la signification du jugement à intervenir,
'rejeté ses demandes d'indemnités d'occupation,
'l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts,
'dit n'y a avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
'et, statuant de nouveau,
'qu'elle ordonne l'expulsion de monsieur [Z] [C] ainsi que celle de tous occupants de son chef des deux parcelles de terre cadastrées section AK [Cadastre 3] et AK [Cadastre 4] sises à [Adresse 14], appartenant au groupement foncier agricole de l'Hermitage II, dans les huit jours de la signification de cette décision, et sans préjudice de son expulsion à l'aide de la force publique,
'constate que le fermage escompté par le groupement foncier agricole pour ces parcelles est d'au moins 322,50 € par mois, soit 3.870 € par an,
'constate que depuis 2001, date du constat de l'occupation illégale, le groupement foncier agricole aurait du percevoir au moins la somme de 27.090 €,
'condamne monsieur [C] à lui payer 70.000 € à titre d'indemnité d'occupation des parcelles litigieuses, 1.000 € par mois au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle prévisionnelle, à compter de la décision à intervenir jusqu'à libération des lieux occupés, 15.000 € à titre de dommages et intérêts et 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ces demandes, le groupement foncier agricole excipe de l'existence d'un titre de propriétaire corroboré par des actes de possession et de l'absence de titre et de possession de monsieur [C] sur les parcelles litigieuse.
MOTIFS DE L'ARRET
Il appartient au groupement foncier agricole, qui revendique la propriété des parcelles, alors qu'il est constant que monsieur [C] est en possession de celles-ci au moins depuis le procès-verbal de constat et de sommation de quitter les lieux délivré, le 13 février 2001, d'en rapporter la preuve.
A l'appui de sa revendication le groupement foncier agricole produit trois titres.
Il ressort de l'acte authentique du 7 décembre 1992 que le groupement foncier agricole l'Hermitage II a acquis de la SAFER de la Guadeloupe les parcelles AK [Cadastre 3] et AK [Cadastre 4], d'une contenance de 9ha 12a 48ca et de 2ha 58 a, anciennement, respectivement, issues des parcelles AK[Cadastre 1] et AK [Cadastre 6].
L'acte mentionne que la parcelle AK [Cadastre 3] était la propriété de la SAFER Guadeloupe qui l'a acquise de la SAUB suivant acte authentique du 29 septembre 1981 et que la parcelle AK [Cadastre 4] était la propriété de la SAFER de la Guadeloupe, qui l'a acquise de la SAUB selon acte notarié du 22 avril 1988.
L'acte authentique du 29 septembre 1981, produit aux débats dans son intégralité, confirme que la parcelle AK199 d'une superficie de 57ha 41a 89 ca été vendue à cette date à la SAFER, tandis que l'acte authentique du 22 avril 1988 confirme que la parcelle AK [Cadastre 6] a été vendue à cette date à la SAFER.
Pour sa part, monsieur [C] se prévaut d'une prescription acquisitive des parcelles.
Il produit à cet effet aux débats une certains nombre de pièces qui ne révèlent pas le caractère non équivoque de la possession de monsieur [C], puisqu'elles sont postérieures au procès-verbal de constat et de sommation de quitter les lieux du 13 février 2001.
La déclaration de surface agricole du 23 juin 2008, qui n'est qu'une déclaration faite par l'agriculteur, mentionne une date de plantation pour la parcelle AK[Cadastre 4] depuis le 29 juillet 1999 et pour la parcelle AK [Cadastre 4] d'une plantation depuis le 10 octobre 2002.
D'autres pièces : factures et documents de 1993, 1994,1995 et documents relatifs aux bovins ne désignent pas les parcelles objets du litige, alors même, qu'il est établi par les déclarations de parcelles que monsieur [C] exploitent d'autres parcelles que les parcelles litigieuses.
Les livrets de petit planteur ou de colon, outre le fait qu'ils n'établissent pas que monsieur [Z] [C] ou son père étaient petits planteurs ou colons, attestent que des cannes à sucre ont été livrées à l'usine SAUB en 1967, 1968, 1970, 1971, mais n'établissent pas leur provenance.
Enfin, le document, en date du 20 novembre 1955, du maire de la commune et signé par un certain nombre de personnes donne acte à certaines personnes, dont un monsieur [C] (prénom non précisé), qu'elles affirment être propriétaires de portions de terre qu'elles habitent et exploitent depuis plus de trente cinq ans, indiquent qu'elles assurent que la plus grande partie de ces terres dénommées CAMPECP appartient à la commune, qu'ils confirment que les bornes qui existent depuis une dizaine d'années entre les dites propriétés et les terres de l'usine BEAUPORTsont les seules qu'elles reconnaissent et que «toutes les délimitations nouvelles opérées unilatéralement par les usines BEAUPORT qui revendiquent ces propriétés constituent une sorte d'usurpation contre laquelle ils élèvent la plus véhémente protestation.»
Ce document atteste qu'il y a un conflit ancien entre divers personnes et les usine BEAUPORT sur la propriété de certaines parcelles non désignées, mais n'établit pas la propriété de monsieur [Z] [C] ou sa possession des parcelles litigieuses en 1955.
Concernant les quatre attestations produites aux débats, outre le fait qu'au moins deux d'entre-elles sont de la même écriture, elles apparaissent pour le moins avoir été dictées par la même personne.
Il apparaît douteux, par exemple, que les agriculteurs qui témoignent, lesquels ont travaillé ou travaillent pour monsieur [C] aient pu connaître la désignation de parcelles et indiquer de leur propre fait que les parcelles étaient auparavant cadastrées AK [Cadastre 2].
Il paraît peu vraisemblable que monsieur [K] [B], agriculteur, né en 1940 puisse écrire de son propre fait que de «façon publique et sans trouble, monsieur [Z] [C] au une possession matérielle et utile en continu depuis plus de trente ans (')» ou que monsieur [V] [T], agriculteur, né en décembre 1939, qui avait donc, quinze ans en 1955, puisse attester «en 1955 de façon continue, paisible, sans trouble et sans équivoque, monsieur [J] [C] jouissait déjà de sa propriété depuis plus de trente cinq ans. Depuis 1955, monsieur [C] [Z] exploite régulièrement ce domaine en qualité de propriétaire».
Ces attestations qui ne sont pas circonstanciées ne peuvent établir des actes matériels de possession accomplis par le demandeur ou son auteur pendant une durée de trente ans sur les parcelles litigieuses et une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
Il ne peut, en conséquence, être jugé que monsieur [C] est propriétaire des parcelles par prescription acquisitive.
Les pièces produites par monsieur [C] ne démontrent, en outre, pas une possession certaine de ces parcelles antérieures à 1981 et 1988, date des ventes de SAUB à la SAFER.
Aucune possession antérieure aux titres produits par le groupement foncier agricole n'étant rapportée, il convient de juger que le groupement foncier agricole est propriétaire des parcelles litigieuses, occupée, dès lors, sans droit ni titre par monsieur [C].
La mesure d'expulsion dans le mois, sous une astreinte, fixée avec pertinence par les premiers juges, sera confirmée.
Le groupement foncier agricole affirme que le fermage escompté pour ces parcelles est d'au moins 322,50 € par mois, soit 3.870 € par an. Il ne produit, cependant, nulle pièce aux débats appuyant ces affirmations, de sorte que la demande de condamnation de monsieur [C] à la somme de 70.000 € pour l'occupation de la parcelle litigieuse depuis 2001 sera rejetée.
En revanche, il convient de fixer à la somme de 700 € par mois l'indemnité d'occupation mensuelle prévisionnelle, à compter de la présente décision jusqu'à libération des lieux occupés.
Le groupement foncier agricole ne justifie nullement d'un préjudice à l'appui de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 15.000 €, qui sera, donc, rejetée.
Il sera alloué au groupement foncier agricole la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant à l'instance, monsieur [C] en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement frappé d'appel, sauf en ce qu'il a débouté le groupement foncier agricole l'Hermitage II de sa demande en fixation de l'indemnité d'occupation.
Statuant de nouveau et ajoutant,
Fixe à la somme de 700 € par mois l'indemnité d'occupation dont devra s'acquitter monsieur [Z] [C], à compter de la présente décision jusqu'à parfaite libération des parcelles cadastrées section AK [Cadastre 3] et AK [Cadastre 4] sises à [Adresse 14].
Y ajoutant
Condamne monsieur [Z] [C] payer au groupement foncier agricole l'Hermitage II la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamne aux dépens, qui seront recouvrés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Laure RICOU et la SCP RICOU-TROUPE.
Et ont signé le présent arrêt.
La greffière Le président