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07/09/2009 | FRANCE | N°06/00954

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 1ère chambre civile, 07 septembre 2009, 06/00954


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



1ère CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 658 DU 07 SEPTEMBRE 2009



R.G : 06/00954



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 05 Janvier 2006, enregistrée sous le n° 04/2753



APPELANT :



Monsieur [R] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me René FALLA (TOQUE 51), avocat au barreau de GUADELOUPE





INTIMES :



S.A.R.L. DEBS MUSIC DISTRIBUTION PAR

IS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Myriam PONREMY (TOQUE 78), avocat au barreau de GUADELOUPE





Monsieur [J] [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Myriam ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 658 DU 07 SEPTEMBRE 2009

R.G : 06/00954

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 05 Janvier 2006, enregistrée sous le n° 04/2753

APPELANT :

Monsieur [R] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me René FALLA (TOQUE 51), avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMES :

S.A.R.L. DEBS MUSIC DISTRIBUTION PARIS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Myriam PONREMY (TOQUE 78), avocat au barreau de GUADELOUPE

Monsieur [J] [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Myriam PONREMY (TOQUE 78), avocat au barreau de GUADELOUPE

Monsieur [D] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU (TOQUE 16), avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Mai 2009, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc POISOT, président de chambre,

Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère, rapporteur,

Mme Claire PRIGENT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 MAI 2009.

GREFFIER :

Lors des débats: Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, p et par Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement en date du 05 janvier 2006, le tribunal de grande instance de Pointe a pitre a :

-déclaré irrecevable la demande de M. [C] dirigée à l'encontre de M. [M],

-dit que la demande est recevable envers M. [U] interprète de la chanson 'bel et bon', oeuvre de M. [C],

-dit que la demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil n'est pas justifiée et l'a rejetée,

-débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-écarté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

-écarté les autres demandes plus amples ou contraires,

-condamné M.[U] aux entiers dépens de l'instance au profit de Maître FALLA.

Par déclaration remise au greffe de la cour d'appel le 07 avril 2006, M. [R] [C] a interjeté appel de cette décision à l'encontre de la SARL DEBS MUSIC distribution Paris, M. [J] [M] et M. [D] [U].

L'appelant expose qu'il est auteur compositeur interprète d'une chanson intitulée 'bel e bon', et qu'il a déposé cette oeuvre à la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musiques ci-après SACEM et enregistré un CD produit par CRAZY SOUNDS STUDIO.

Or, en dépit de ce dépôt et de cet enregistrement connu du grand public, M. [J] [M], sans avoir sollicité son autorisation, aurait repris cette chanson afin de produire un disque interprété par M. [D] [U]. Cette chanson serait diffusée abondamment sur les ondes de RCI alors même que l'interprétation par M. [R] [C] ne serait plus diffusée.

L'appelant soutient qu'il subit un préjudice important, tant commercial que moral mais également intellectuel, et que M. [J] [M] producteur du disque contrefait M. [U] interprète et la maison de disque SARL DEBS MUSIQUE, qui l'a commercialisé, doivent être solidairement condamnés à l'indemniser de ces chefs de préjudice, sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Il demande ainsi à la cour de déclarer l'appel recevable, d'infirmer le jugement querellé et statuant à nouveau :

-de déclarer l'action à l'encontre de M. [J] [M] recevable, et de condamner ce dernier au paiement des sommes suivantes :

*50 000€ au titre du préjudice intellectuel,

*50 000€ au titre du préjudice moral,

*52 449,02€ au titre du préjudice commercial,

subsidiairement :

-de déclarer [J] [M], [D] [U] et DEBS Music coproducteurs du CD,

-de les condamner solidairement et conjointement au paiement des sommes suivantes :

*50 000€ au titre du préjudice intellectuel,

*50 000€ au titre du préjudice moral,

52 449,02€ au titre du préjudice commercial,

-de les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de 5000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL DEBS MUSIC DISTRIBUTION PARIS et M. [J] [M], intimés, font valoir que l'oeuvre, qui a été déposée à la SACEM le 23 février 2003, est administrée par la SDRM, société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs compositeurs et éditeurs et que l'autorisation de reproduction mécanique a bien été délivrée par cet organisme, M. [C] apparaissant en outre en qualité de compositeur au dos du CD commercialisé.

Ainsi, l'oeuvre dont la reproduction a été autorisée, ne serait pas illicite et M. [C] ne subirait aucun préjudice.

Les intimés sollicitent dès lors l'infirmation du jugement querellé en ce qu'il a jugé illicite l'oeuvre de MESSAGE PRODUCTION et le débouté de l'appelant en toutes ses demandes ainsi que sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 18 mai 2007, M. [D] [U] a soulevé l'irrecevabilité de l'appel comme étant tardif, faisant valoir que le jugement a été signifié le 2 mars 2006 soit plus d'un mois avant la déclaration d'appel en date du 7 avril 2006.

Par ordonnance en date du 22 janvier 2009, le conseiller de la mise en état saisi d'un incident, a déclaré l'appel de M. [C] recevable, a clôturé l'affaire à la date du 22 janvier 2009 à l'égard de M. [U] et a différé cette clôture au 09 mars 2009 à l'égard des autres parties.

M. [D] [U] a déposé des conclusions le 26 janvier 2009 et a sollicité la rétractation de l'ordonnance de clôture au motif que l'affaire n'était pas en état puisqu'il n'avait pu, pour des circonstances indépendantes de sa volonté, signifier ses conclusions dans les délais.

SUR CE

Attendu que conformément aux dispositions de l'article784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;

Que conformément aux dispositions de l'article 783 du même code, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

Attendu qu'en l'espèce, la procédure a été clôturée à l'égard de M. [U] le 22 janvier 2009 ;

Que des 'motifs indépendants de la volonté', ne sauraient constituer une cause grave susceptible de répondre aux exigences du texte précité ;

Qu'il ne sera pas fait droit à la demande de rabat de l'ordonnance de

clôture du 22 janvier 2009, les écritures déposées ultérieurement par M. [U] étant d'office déclarées irrecevables;

Sur la contrefaçon alléguée

Attendu qu'il n'est pas contesté que M. [C] est l'auteur et le compositeur de la chanson intitulée 'Bel et bon' ;

Qu'il a protégé cette oeuvre en la déposant à la SACEM/SDRM le 28 février 2003 ;

Attendu que conformément aux dispositions de l'article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, 'l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial....';

Que le droit moral de l'auteur et du compositeur sont expressément réservés ;

Qu'en vertu de ce droit moral, l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses ayants-droit est impérative avant tout arrangement, adaptation ou nouvelle version ;

Que conformément aux dispositions de l'article L123-1 du même code, l'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire ;

Attendu que les prérogatives de la SACEM et de la SDRM concernent la représentation ou diffusion d'une oeuvre, ainsi que sa reproduction ;

Que s'agissant de la représentation qui consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque (diffusion ou projection dans un lieu public, diffusion audiovisuelle, par télédiffusion....), la SACEM autorise, au titre du répertoire qu'elle représente la représentation d'une oeuvre, sous réserve du droit moral de l'auteur ;

Attendu que la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte ;

Que le droit de reproduction est également géré par la SACEM-SDRM qui autorise le producteur à reproduire, sous réserve du droit moral, les oeuvres de son répertoire, en contrepartie du versement de droits qu'elle répartit ensuite entre les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique des oeuvres ;

Attendu qu'en l'espèce, la SARL DEBS MUSIC, qui ne conteste pas être le distributeur de l'album de [D] [U] portant notamment le titre 'Bel et bon', produit une autorisation de la SDRM pour la reproduction du phonogramme de [D] [U] produit par MESSAGE PRODUCTION ;

Qu'il s'agit d'une autorisation visant à la reproduction de 3000 phonogrammes en l'espèce des albums CD LP, du disque interprété par [D] [U] , produit par MESSAGE PRODUCTION et distribué par DEBS MUSIC ;

Qu'il ne s'agit en aucune façon d'une autorisation délivrée par la SACEM-SDRM de reproduire l'oeuvre de M. [C] ;

Attendu que la reproduction est interdite, sans demande préalable d'autorisation auprès de ses auteurs et compositeurs, au titre du droit de reproduction nécessaire à l'exploitation de l'oeuvre ou de l'organisme qui gère l'exploitation et la reproduction de cette oeuvre ;

Que cette autorisation est impérative, qu'il s'agisse de reproduite l'oeuvre dans sa totalité, de procéder à un arrangement, à une adaptation à une nouvelle version ou à un remix ;

Que dans ces cas, outre le préjudice patrimonial découlant de l'exploitation illégale de l'oeuvre, lorsqu'il est démontré, l'auteur ou le compositeur peut se prévaloir d'une atteinte au droit moral qu'il subit du fait de la modification apportée à son oeuvre ;

Attendu que la reproduction d'une oeuvre sans autorisation préalable est une contrefaçon ;

Que la victime d'une contrefaçon qui démontre la réalité de son préjudice, peut solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Sur les responsabilités

Attendu que sont solidairement responsables de la reproduction de l'oeuvre de M. [C] sans autorisation ainsi que des arrangements et modifications apportées à l'oeuvre sans l'accord de l'auteur-compositeur, la société de production MESSAGE PRODUCTION ayant signé en tant que telle un contrat de distribution le 30 avril 2003, mais contre laquelle aucune demande n'est formulée, la société de distribution la SARL DEBS MUSIC, ainsi que l'interprète M. [D] [U] ;

Qu'il n'est pas démontré par l'appelant que M. [J] [M] mis en cause est intervenu en qualité de producteur du disque ;

Qu'il apparaît pas contre à la lecture de la pochette de l'album, sans que cela ne soit contesté, que M. [J] [M] était responsable des arrangements de l'oeuvre ;

Qu'à ce titre, il a contribué à la reproduction illégale au détriment des droits moraux de l'auteur de la composition musicale ;

Que sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la SARL DEBS MUSIC prise en la personne de son représentant légal, M.[D] [U] et M.[J] [M] seront condamnés in solidum à dédommager M. [R] [C] de son entier préjudice ;

Sur le préjudice

Attendu que l'appelant qui sollicite réparation du préjudice patrimonial découlant de la non-perception des droits d'auteur, ne communique aucun éléments permettant à la cour d'apprécier la réalité de ce préjudice ;

Qu'il affirme sans le démontrer que l'oeuvre contrefaite est diffusée à de nombreuses reprises sur les ondes de la radio RCI ;

Qu'il prétend également que sa propre interprétation de sa composition n'est plus diffusée, sans pour autant produire de documents venant étayer cette affirmation ;

Attendu qu'au demeurant, si M. [C], n'a pas autorisé la reproduction et les arrangements apportés à son oeuvre, il n'en demeure pas moins qu'il apparaît au dos de l'album litigieux, comme étant l'auteur compositeur de la chanson ;

Que si cet élément n'enlève rien à la contrefaçon et ne démontre pas l'accord de l'auteur ou de la SACEM pour la reproduction, il préserve par contre les droits patrimoniaux de l'auteur puisque qu'il peut solliciter paiement du pourcentage qui lui revient ;

Que compte tenu de ces éléments l'appelant sera débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial ;

Attendu que par contre, le préjudice intellectuel et moral de l'auteur découlent des faits même de contrefaçon, en vertu des dispositions de l'article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle rappelé précédemment, qui consacre le droit de propriété exclusif et opposable à tous, de l'auteur d'une oeuvre ;

Que ce droit de propriété intellectuel a été violé par les intimés qui ont contribué à la réalisation de la contrefaçon, tant en ce qu'ils ont reproduit l'oeuvre, qu'en ce qu'ils l'ont arrangée sans autorisation ;

Attendu qu'en réparation du préjudice moral et intellectuel de M. [C], les intimés seront solidairement condamnés à lui verser une somme de 15 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Déclare irrecevables les conclusions communiquées postérieurement à l'ordonnance de clôture ;

Infirme la décision frappée d'appel;

Statuant à nouveau :

Constate qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de la société MESSAGE PRODUCTION ;

Déclare la SARL DEBS MUSIC DISTRIBUTION PARIS prise en la personne de son représentant légal, ainsi que M. [D] [U] et M. [J] [M] in solidum responsables du préjudice subi par M.[J] [C] du fait de la contrefaçon de son oeuvre intitulée 'bel et bon', dont il est auteur compositeur interprète ;

Déboute M. [J] [C] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial ;

Condamne SARL DEBS MUSIC DISTRIBUTION PARIS prise en la personne de son représentant légal, ainsi que M. [D] [U] et M. [J] [M] à payer in solidum à M. [J] [C] en réparation du préjudice intellectuel et moral, 15 000 euros de dommages et intérêts ;

Condamne ensemble la SARL DEBS MUSIC DISTRIBUTION PARIS prise en la personne de son représentant légal, ainsi que M. [D] [U] et M. [J] [M] à payer à M. [J] [C] , une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne ensemble la SARL DEBS MUSIC DISTRIBUTION PARIS prise en la personne de son représentant légal, M. [D] [U] et M. [J] [M] au paiement des entiers dépens.

Et ont signé le présent arrêt.

La greffière, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 06/00954
Date de la décision : 07/09/2009

Références :

Cour d'appel de Basse-Terre, arrêt n°06/00954


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-09-07;06.00954 ?
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