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15/09/2008 | FRANCE | N°224

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Ct0173, 15 septembre 2008, 224


CHAMBRE SOCIALE ARRET No 224 DU QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT
AFFAIRE No : 07 / 00102
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 05 décembre 2006, section encadrement.
APPELANT
Monsieur Guy X...... 30127 BELLEGARDE Représenté par Me Frédéric CANDELON-BERRUETA de la SELARL CANDELON-BERRUETA (TOQUE 84) (avocats au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉE
S. A. SOREC AUTOS Rue Thomas Edison Z. I. de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me DIONE, substituant Me Martine INNOCENZI (TOQUE 15) (avocat au barreau de la GUADE

LOUPE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles...

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 224 DU QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE HUIT
AFFAIRE No : 07 / 00102
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 05 décembre 2006, section encadrement.
APPELANT
Monsieur Guy X...... 30127 BELLEGARDE Représenté par Me Frédéric CANDELON-BERRUETA de la SELARL CANDELON-BERRUETA (TOQUE 84) (avocats au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉE
S. A. SOREC AUTOS Rue Thomas Edison Z. I. de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me DIONE, substituant Me Martine INNOCENZI (TOQUE 15) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 939, 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Guy POILANE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, et mise en délibéré au 15 Septembre 2008.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Guy POILANE, Conseiller, Président, M. Hubert LEVET, Conseiller, M. Pierre FAGALDE, Conseiller,
GREFFIER Lors des débats : M. Michel PANTOBE, Greffier du Premier Grade.
ARRET :
Contradictoire, prononcé en audience publique le 15 Septembre 2008, signé par M. Guy POILANE, Conseiller, Président, et par Mme Marie-Anne CHAIBRIANT, Adjointe Administrative faisant fonction de Greffier, serment préalablement prêté, présent lors du prononcé.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Guy X... a été engagé par la société SOREC AUTO S. A., le 1er juillet 1995, en qualité de responsable du service après-vente, suivant un contrat de travail écrit à durée indéterminée signé le 20 juin 1995.
Par courrier du 18 août 2000, il est convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire fixé au 23 août suivant.
Par courrier du 1er septembre 2000, il est mis à pied pendant une durée de quinze jours.
Guy X... va contester le bien-fondé de cette mesure disciplinaire par un courrier très circonstancié en date du 6 septembre 2000.
Il déposera, le 12 octobre 2001, une plainte avec constitution de partie-civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre pour violences volontaires (article 222-11 du code pénal) à l'encontre d'Alex C... dont il estime qu'il est responsable des faits ayant causé la mise à pied susvisée.
Par courrier du 22 juin 2001, il est convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 2 juillet 2001.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 6 juillet 2001, il est licencié pour des motifs ainsi énoncés :
" 1- Depuis l'incident du 8 août 2000 au cours duquel vous vous êtes laissé aller, ayant consisté en une rixe, sur les lieux de travail et pendant le travail, dans laquelle vous étiez directement impliqué et qui vous a valu une sanction disciplinaire, vous n'avez cessé d'adresser à votre employeur des courriers dans lesquels vous vous montrez injurieux et méprisant.
En effet, vous avez notamment accusé la direction " d'arbitraire, d'avoir commis un abus de pouvoir, d'être frileuse et d'inverser la situation à son avantage par peur d'obligations et d'éventuelles représailles sociales, de sanctionner à tour de bras celui qui défie son absolutisme "... (suit la liste des lettres du salarié adressées à sa direction).
2- Vous avez créé au sein du service dont vous aviez la charge un climat de division et de tension suite aux injures, insultes, accusations non fondées proférées à répétition à l'encontre de certains employés, compromettant ainsi gravement la marche de l'entreprise.
3- Le 5 juin 2001, vous avez donné l'ordre qu'un véhicule neuf, encore sous douane et encore non vendu ni même réservé, soit amené chez un sous-traitant, Garage de l'industrie, à Jarry, pour reprise de peinture de la porte avant gauche, votre bon de commande manuscrit portant la mention " peinture AVG 3h50 " (de travail).
Or il s'est avéré qu'en réalité la porte avant gauche de ce véhicule ne nécessitait aucunement une quelconque reprise de peinture, et en tous les cas certainement pas une intervention de 3h50 chez un sous-traitant.
Ce véhicule n'avait pas à être envoyé chez un sous-traitant entraînant ainsi des frais inutiles à la charge de la SOREC alors qu'un simple polissage aurait suffi en la circonstance et pouvait être fait par les employés-peintres de la SOREC AUTOS eux-mêmes.
4- Quand le même jour le directeur de la société vous a demandé de venir contrôler ce véhicule devant huissier, vous lui avez répondu (sic) " votre constat je n'en ai rien à foutre ".
Puis vous êtes parti dans votre voiture refusant d'obéir à plusieurs reprises à l'injonction de votre directeur et ceci devant témoins.
Sommé de vous expliquer sur ce refus d'obéissance, vous avez répondu le 7 juin 2001 à l'huissier : " je refuse de répondre ".
5- Nous avons appris le 6 juin 2001 que lors d'un entretien avec Melle B... et M. Y... de la société S. F. M. vous avez affirmé que pour que cette société puisse vendre du matériel nécessaire à notre nouvelle concession actuellement en construction, il était indispensable qu'elle vous offre des billets d'avion pour vous et votre famille comme avez-vous dit " cela se passe avec les autres partenaires " de SOREC AUTOS.
Ce comportement indigne de votre fonction de cadre et vos propos totalement inexacts sur la politique commerciale de notre entreprise a gravement terni l'image de la SOREC-AUTOS lui causant ainsi un préjudice. 6- Nous venons d'apprendre que la société SOGUAFADI avait rompu ses relations de fournisseur avec notre société parce qu'à l'époque vous leur aviez exigé des commissions sur les ventes effectuées par elle à notre société. Cette information qui a été portée à notre connaissance que tout récemment est révélatrice et ne fait que confirmer votre comportement irresponsable et inacceptable.
7- Le 17 juin 2001, vous avez écrit à votre directeur général en le traitant de " guignol ", de menteur, de pervers, et en l'accusant de félonie, d'autoritarisme, etc... C'est out l'ensemble de cette lettre qu'il n'y a pas lieu de reproduire ici qui est injurieux et méprisant.
A cette lettre, vous avez joint celle du 14 juin que vous avez adressé à la Médecine du Travail et dans laquelle vous portez des accusations non seulement infondées mais injurieuses à l'encontre de la direction.
L'ensemble de ces faits constituent des fautes graves rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise ".
Contestant le bien-fondé de la rupture, Guy X... va saisir, le 5 octobre 2000, la juridiction prud'homale de diverses demandes salariales et indemnitaires.
Par jugement contradictoire en date du 5 décembre 2006, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre a :
- condamné la société SOREC-AUTOS S. A. à payer à Guy X... les sommes suivantes :
* 14 434, 71 € préavis, * 1 443, 47 € congés-payés afférents, * 4 477, 41 € indemnité conventionnelle de licenciement, * 985, 74 € frais professionnels, * 500 € article 700 du NCPC,
- débouté le demandeur pour le surplus,- dit n'y avoir lieu à astreinte, ni à exécution provisoire.
Appel a été interjeté par la société SOREC-AUTOS S. A., suivant démarche au greffe de la cour en date du 24 janvier 2007, de cette décision qui avait été remise à son conseil le 23 janvier 2007 sans avoir été régulièrement notifiée au préalable à cette société.
Par des conclusions remises à l'audience puis soutenues oralement lors de celle-ci, la société SOREC-AUTOS S. A. demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le licenciement fondé, mais de l'infirmer en ce qu'il a déclaré le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau, de le qualifier de licenciement pour faute grave et en conséquence, de dire et juger qu'il ne peut prétendre à une quelconque indemnité compensatrice de préavis, ni à une indemnité compensatrice de congés-payés sur préavis, ni même encore à une indemnité de licenciement sur le fondement de l'article L. 122-9 du code du travail, outre l'octroi de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Par des conclusions remises le 14 janvier 2008 puis reprises oralement lors de l'audience, Guy X... demande à la cour de le dire recevable et fondé à relever appel du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'annulation de la mise à pied injustifiée et du versement corrélatif de :
* 1 676, 94 € à titre de retenue sur le salaire d'août 2000, * 731, 76 € au titre de la prime d'objectif du mois d'août 2000, * 7 622 € au titre du préjudice moral, * 80 493, 12 € dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 53 998 € dommages-intérêts en vertu de la clause de non-concurrence ; il est demandé en outre d'ordonner la remise, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, du bulletin de salaire du mois de juillet 2001 ainsi que d'une attestation ASSEDIC rectifiée et de condamner l'employeur à lui communiquer les chiffres d'affaires des mois d'août, septembre, octobre 2000, février, mars, juin et juillet 2001, le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de condamner la société SOREC-AUTOS à lui payer la somme de 3 177, 65 € au titre des primes d'objectifs mensuelles non versées.
Il est demandé à la cour de statuer à nouveau et de condamner l'employeur à lui verser les sommes ci-dessus.
Pour le surplus, Guy X... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas de fautes graves et de condamner la société SOREC-AUTOS à lui payer :
* 14 434, 71 € préavis, * 1 443, 47 € congés-payés afférents, * 985, 74 € frais professionnels, * 500 € article 700 NCPC, * 5 577, 41 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (une erreur matérielle affectant le jugement qui a mentionné à tort la somme de 4 477, 41 € à ce même titre), outre l'octroi de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Les moyens de fait et de droit soutenus par les parties dans les écritures susvisées sont repris par la cour dans l'exposé des motifs qui va suivre.
SUR QUOI :
Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.
Sur la mise à pied :
La cour est saisie d'une demande d'annulation de la mesure disciplinaire prise à l'encontre de Guy X... par la société SOREC-AUTOS, par lettre du 1er septembre 2000, lui infligeant une mise à pied de quinze jours au motif qu'en sa qualité de responsable du service après-vente il aurait été à l'origine d'une rixe survenue sur le lieu de travail après une remontrance faite à un de ses subordonnés, M. C.... Une contestation immédiate est faite par Guy X... par écrit auprès de son employeur pour lui donner sa version des faits en appelant à l'examen contradictoire de ceux-ci et en mettant en évidence un préjudice corporel justifié médicalement corroborant sa thèse. La justice pénale saisie par une plainte avec constitution de partie-civile a suivi l'analyse de Guy X... et reconnu sa position de victime des violences de son subordonné, sans partage de responsabilité. En effet, sans qu'il soit besoin de reprendre l'examen détaillé du dossier, le tribunal correctionnel de Pointe à Pitre devant lequel l'affaire a été renvoyée a consacré la culpabilité exclusive de M. C... en ce qui concerne les faits reprochés par jugement contradictoire en date du 29 juin 2005 condamnant ce dernier à 700 € d'amende avec sursis pour violences ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours sur la personne de Guy X... et tardé à statuer sur les intérêts civils. Dès lors, il y a lieu d'annuler la mesure disciplinaire de mise à pied qui n'avait pas lieu d'être, Guy X... n'ayant fait que subir l'insubordination violente d'un salarié refusant d'exécuter une tâche qui lui était confiée, l'employeur ayant curieusement procédé à une interprétation tendancieuse de faits visant à déconsidérer l'encadrement et se constituant ainsi à l'origine du trouble qui pouvait en résulter pour la bonne marche de son entreprise. Il est fait droit aux demandes de Guy X... découlant de cette annulation et la société SOREC-AUTOS est condamnée à lui payer les sommes de 1 676, 94 à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied annulée en août 2000, 731, 76 € représentant la prime d'objectif pour cette période, 7 622 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié à cette mise à pied abusive qui entraînera à l'évidence des conséquences sur le devenir de son contrat de travail au sein de l'entreprise compte tenu de sa position de cadre chargé d'animer et de superviser toute une équipe dans le délicat secteur du service après-vente automobile.
Sur le licenciement :
Il résulte des dispositions de l'article L. 122-14-2 du code du travail que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige. Ici, la lettre de rupture en date du 6 juillet 2001 énumère sept griefs qui sont imputés par l'employeur à Guy X... et qui, selon ce même employeur constitueraient une faute grave privant le salarié de toute indemnité. S'agissant d'un tel fondement, le droit positif exige de la société SOREC AUTOS S. A. qu'elle rapporte la preuve de l'existence de la faute d'une gravité telle qu'elle aurait rendu le maintien de Guy X... dans l'entreprise impossible, même pendant le préavis. Il convient donc de procéder, après le premier juge, à l'analyse des reproches visés dans la lettre de licenciement et d'en faire une appréciation dans le cadre de la loi régissant la rupture pour cause disciplinaire.
Le premier reproche porte sur une rixe survenue le 8 août 2000 qui, sans que l'employeur ne procède à une enquête contradictoire interne, va être imputée à Guy X... dont les explications ne seront pas entendues alors qu'il était en situation de cadre, dans l'exercice de ses prérogatives disciplinaires à l'égard d'un subordonné (Alex C...) contestant un ordre et choisissant immédiatement la confrontation physique avec son supérieur. En prononçant dès le 1er septembre 2000 une mesure disciplinaire de mise à pied de quinze jours (qui vient d'être annulée par la cour) à l'encontre de Guy X... qui se voyait imputer l'existence de cette rixe, l'employeur a purgé à ce moment son pouvoir disciplinaire pour ce fait qui ne peut plus servir de support au licenciement prononcé, quant à lui, le 6 juillet 2001. De plus, la faute est, à cette date, prescrite en vertu des dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail. Enfin, la justice pénale saisie par le salarié va consacrer, sur ces faits, la responsabilité pénale exclusive de l'agresseur Alex C... par jugement du tribunal correctionnel de Pointe à Pitre en date du 29 juin 2005. Pour ces multiples raisons, ce premier grief doit être écarté comme n'étant pas imputable à Guy X....
Le deuxième grief est corrélatif au premier et il est raisonnablement explicable que le salarié chargé d'encadrement ait eu à se plaindre de diverses façons des difficultés engendrées par son employeur dans l'exercice de ses fonctions, plaintes qu'il a dû formaliser dans des courriers qui entrent dans le cadre d'une expression justifiée par les circonstances. En effet, il n'est pas possible d'admettre que la société SOREC AUTOS ait laissé s'installer un climat délétère en sachant qu'elle avait contribué à le créer en ne procédant pas à l'examen contradictoire des circonstances de la rixe qui contenaient en elle-même la source d'un grave désordre dans le service après-vente qui exige une rigueur d'organisation évidente. Ce reproche sont écartés.
Les troisième et quatrième griefs n'en font qu'un. Ils sont relatifs à un événement du 5 juin 2001 qui, selon l'employeur, manifesterait une insuffisance professionnelle de la part de Guy X... qui n'aurait pas convenablement apprécié des travaux de reprise de peinture sur un véhicule neuf qui présentait un défaut à la porte avant-gauche. En effet, la société SOREC AUTOS critique le choix technique ayant consisté en l'envoi de ce véhicule chez un sous-traitant pour procéder à la remise en état de la porte. Plutôt que de requérir un avis technique neutre, l'employeur a fait les frais d'un constat d'huissier auquel il est reproché à Guy X... de ne pas avoir voulu prêter son concours. L'insuffisance professionnelle étant écartée comme insuffisamment démontrée par les éléments du dossier, la cour estime que le refus (donnant à ce grief une connotation disciplinaire) opposé par Guy X..., en sa qualité de responsable du service après-vente, à concourir à un constat d'huissier relatif à son choix technique s'il est réel ne comporte cependant pas le caractère sérieux requis par la loi pour le considérer comme un motif de licenciement.
Les cinquième et sixième reproches peuvent également être considérés en même temps, dans la mesure où ils portent sur les pratiques commerciales de la société SOREC AUTOS, à travers deux négociations effectuées par Guy X..., cadre de cette société avec une société S. F. M., d'une part, et SOGUAFADI d'autre part. Dans ces deux cas, sur la foi des représentants des entreprises fournisseurs, il est fait grief à Guy X... d'avoir introduit dans certaines négociations de marchés de fournitures (dont on ne connaît par la société SOREC aucun cahier des charges) la sollicitation de perception d'avantages indirects (billets d'avion, commissions au négociateur). La critique de l'employeur porte sur l'atteinte " grave " à " l'image de l'entreprise " commise par son salarié. Ce faisant, la société SOREC-AUTOS ne verse aux débats aucun document permettant à la cour de connaître la politique commerciale de l'entreprise et les préconisations faites à ses représentants ainsi que l'interdiction de certaines modalités de conclusion de marchés ni d'ailleurs si Guy X... était habilité pour les conclure. Il en résulte que la réalité de ces griefs n'est pas rapportée.
En ce qui concerne le septième et dernier reproche d'ordre disciplinaire, il concerne un courrier de Guy X... à son employeur en date du 17 juin 2001 dont la cour considère qu'il contient effectivement quelques " dérapages " au niveau du vocabulaire mais qu'il fait suite néanmoins à un ensemble d'attitudes de la société SOREC-AUTOS à l'égard d'un cadre de responsabilité dont, de ce seul fait, l'équilibre psychologique s'est trouvé être remis en question. En effet, il est constant que l'employeur n'a pas tiré en temps utile, sur la fonction et le devenir professionnel de Guy X..., les conséquences adaptées de " l'incident du 8 août 2000 " dont la justice pénale (saisie par le seul salarié et à ses frais) a clairement établi qu'il n'était pas imputable à ce dernier. Dès lors, au regard de l'avis de la médecine du travail que le salarié a pris le soin d'annexer au courrier incriminé, la cour estime que malgré la réalité de certains des écarts de langage reprochés à Guy X..., ceux-ci s'expliquent par l'état du psychisme de celui-ci en raison de la situation qui lui a été faite dans l'entreprise faute d'un dialogue a minima et ne peuvent revêtir le caractère de sérieux exigé par la loi. Ce dernier grief est donc rejeté.
Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le premier juge a considéré que le licenciement prononcé à l'encontre de Guy X... reposait sur une cause réelle et sérieuse ; en conséquence, le jugement déféré est infirmé sur ce point et la rupture du contrat de travail déclarée illégitime.
Sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Il est réclamé par Guy X..., à ce titre, des dommages-intérêts à hauteur de 80 493, 12 € (correspondant à 24 mois de salaire brut).
L'employeur conclut au rejet de cette demande mais ne présente aucune offre subsidiaire.
A défaut de renseignements précis sur le devenir professionnel de Guy X... consécutivement au licenciement (mis à part les avis d'imposition mettant en évidence une baisse notable de ses revenus dans les années qui ont suivi), il y a lieu de tenir compte de l'ancienneté de celui-ci (six années), de son âge au moment de la rupture (44 ans) et des circonstances particulièrement péjoratives ayant entouré la fin de son contrat de travail pour lui accorder la somme de 45 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :
Puisque le licenciement de Guy X... vient d'être déclaré illégitime, il est fait droit à la demande de préavis à hauteur de trois mois de salaire (convention collective des services de l'automobile-cadres-article 4. 10) sur la base mensuelle de 4 811, 57 € (incluant l'ensemble des primes, la cour se référant au calcul présenté par l'appelant dans ses écritures), soit l'octroi d'une somme de 14 434, 71 €, outre la somme de 1 443, 47 € pour les congés-payés afférents. Le jugement est confirmé à ce titre.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
L'ancienneté qui doit être prise en compte pour le calcul de cette indemnité est de 6ans et 72 jours (1 / 07 / 95-11 / 10 / 01), le préavis étant inclus. La convention collective (article 4. 11) prévoit une indemnité correspondant à deux dixième de mois de salaire par année en raison d'une ancienneté supérieure à deux années. Le salaire servant de base au calcul s'entend de la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratification dont l'intéressé a bénéficié au cours des douze derniers mois de travail. La cour fait siens les calculs figurant dans les écritures de l'appelant en ce qu'ils établissent à 53 998, 81 € le salaire de référence pour la dernière année de travail, soit 4 499, 90 € par mois. Il y a lieu de condamner la société SOREC AUTOS à payer à Guy X... la somme de 5 577, 41 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (4 499, 90 € x 6 x 2 / 10 + 4 499, 90 € x 72 / 365 x2 / 10). Le jugement est confirmé sur ce point quant au principe de la condamnation, l'erreur matérielle en ce qui concerne le montant mentionné dans son dispositif étant de ce fait rectifiée (4 477, 41 € au lieu de 5 777, 41 €).
Sur les frais professionnels :
Le contrat de travail conclu entre les parties a prévu, en son article 5, le remboursement des frais engagés par Guy X... dans l'exercice de ses fonctions. Il réclame à ce titre, avec justificatifs, la somme de 985, 74 €. C'est à bon droit, sachant qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il s'est acquitté de cette somme, que le premier juge a alloué cette somme au salarié. Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les primes d'objectifs :
Il est constant que le salarié devait contractuellement percevoir une prime d'objectifs mensuelle. Or, c'est à juste titre que Guy X... relève qu'il n'a plus rien perçu à partir de la date de sa mise à pied disciplinaire et ce jusqu'à la fin de son contrat.
L'employeur conclut à une impossibilité de paiement d'une telle prime pendant cette période en raison d'un chiffre d'affaires hors taxe inférieur à 300 000 € pour chacun des mois concernés.
L'employeur, débiteur de cette obligation contractuelle, doit en avancer les bases de calcul détenues par lui seul, soit des éléments comptables indiscutables. Il ne le fait pas. La cour retient en conséquence la manière dont la demande est formulée qui est conforme à une approche raisonnable au regard de la légèreté blâmable manifestée (encore une fois) par l'employeur quant à cette question et condamne la société SOREC AUTOS à payer à Guy X... la somme de 3 177, 65 €, correspondant à huit mois et calculée à partir de la moyenne mensuelle des primes d'objectifs perçues au cours de l'année 2000 (4 766, 47 € : 12 x 8). Le jugement déféré est infirmé sur ce point.
Sur la clause de non-concurrence :
En son article 7, le contrat de travail liant les parties instaure au profit de l'employeur une obligation de Guy X..., postérieurement à toute rupture, de ne pas concurrencer la société SOREC AUTOS pendant un an, sur le territoire de la Guadeloupe. Le salarié n'a pas été dispensé de l'application de cette clause par l'employeur ; il indique être parti en métropole. Prenant appui sur ce dernier élément, la société SOREC AUTOS conclut en soulignant que la clause n'a pas eu lieu d'être appliquée. Cependant, il doit être considéré que cette clause ne comporte aucune contre-partie financière et que le salarié l'a respectée. Au regard du droit positif, une telle clause est nulle. Cette nullité est relative et peut être invoquée par le salarié. Ici, Guy X... fait valoir qu'il a respecté cette clause à laquelle l'employeur n'a jamais renoncé. Dès lors, le droit positif amène à considérer que le salarié a subi un préjudice résultant du fait qu'il a appliqué une clause de non-concurrence illicite éludant toute contre-partie financière et cela quand bien même la date des faits litigieux serait antérieure à la jurisprudence de la cour suprême ayant consacré ce droit à réparation, contrairement à ce que soutient l'employeur dans ses écritures d'appel.

Guy X... réclame la somme de 53 998 €, correspondant à un an de salaire, à titre de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice. La cour estime que le salarié ne s'explique pas suffisamment sur la réalité de son préjudice mais considère que celui-ci résulte nécessairement de l'application qu'il a été contraint de faire du fait de l'employeur d'une clause illicite et en fixe la réparation à la somme de 10 000 €. Le jugement est réformé sur ce point.
Sur le harcèlement moral :
L'appelant présente, à ce titre, une demande nouvelle visant l'octroi de la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts.
L'employeur conclut au débouté pur et simple de cette réclamation.
Il résulte des dispositions de l'article L. 122-49 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral. Ici, Guy X... fait valoir qu'après sa mise à pied (qui vient d'être annulée par la cour) en date du 1er septembre 2000 et jusqu'à son licenciement qui vient d'être déclaré sans cause réelle et sérieuse en date du 22 juin 2001, il aurait subi des agissements de harcèlement moral répétés ayant entraîné des mesures discriminatoires de la part de l'employeur (retenue indue sur salaires, suppression d'une formation technique, mise à l'écart de réunions du personnel, non validation d'un solde de congés...). La cour observe que ces faits sont circonscrits sur une période d'environ six mois puisque le contrat de travail a ensuite été rompu à l'initiative de l'employeur. Il y a lieu de noter que tant en ce qui concerne l'annulation de la mesure de mise à pied que du licenciement déclaré illégitime, la cour a tenu le plus grand compte des éléments d'ordre psychologique, de l'approche spécifique à la problématique de l'encadrement d'un service difficile et de la légèreté blâmable de l'employeur quant à l'usage discriminatoire de son pouvoir disciplinaire. S'il est vrai que Guy X... fournit des éléments médicaux mettant en évidence clairement (y compris par la médecine du travail) son état de difficultés sur le plan psychique, il n'en reste pas moins qu'il n'a pas sollicité la nullité de son licenciement sur le fondement de l'article susvisé et que les faits de harcèlement qu'il met en évidence ne se seraient déroulés que sur un laps de temps réduit excluant le caractère " répété " exigé par le texte. Au regard de ce qui vient d'être exposé et de l'économie générale de ce litige et de son traitement judiciaire, la demande d'indemnisation spécifique pour harcèlement moral est rejetée, ce d'autant plus que la cour a intégré les circonstances du licenciement dans l'évaluation du préjudice né de la rupture et légalement indemnisé par l'application de l'article L. 122-14-4 du code du travail.
Sur la remise de documents :
Il y a lieu de faire droit à cette demande par voie de réformation du jugement mais sans l'assortir d'astreinte.

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande qu'il soit alloué à Guy X... la somme de 2 500 € au titre de l'article susvisé. Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne la somme de 500 € accordée au même titre au salarié.
La société SOREC AUTOS, qui succombe, est condamnée aux éventuels dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Au fond :
Confirme la décision entreprise mais seulement en ce qu'elle condamné la société SOREC AUTOS à payer à Guy X... les sommes de 14 437, 71 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1 443, 47 € au titre des congés-payés afférents au préavis, 985, 74 € au titre d'un remboursement de frais professionnels, 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et consacré le principe de l'octroi d'une indemnité conventionnelle de licenciement,
La réforme pour le surplus et statuant à nouveau :
Annule la mesure de mise à pied en date du 1er septembre 2000,
Condamne la société SOREC AUTOS à payer à Guy X... les sommes suivantes :
* 45 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail, * 5 577, 41 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, * 1 676, 94 € au titre d'un rappel de salaire pour le mois d'août 2000, * 731, 76 € au titre de la prime d'objectifs pour le mois d'août 2000, * 7 622 € au titre du préjudice moral lié à la mesure disciplinaire annulée, * 3 177, 65 € au titre d'un rappel de primes d'objectifs, * 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'illicéité de la clause de non-concurrence,
Ordonne la remise par la société SOREC AUTOS à Guy X... du bulletin de salaire de juillet 2001 et de l'attestation ASSEDIC rectifiée,

Y ajoutant :
Déboute Guy X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Condamne la société SOREC AUTOS à payer à Guy X... la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Ordonne le remboursement par la société SOREC AUTOS à l'ASSEDIC des sommes versées au salarié dans le cadre du chômage, dans la limite de six mois, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4, alinéa deux, du code du travail,
Laisse les éventuels de la procédure dépens à la charge de la société SOREC AUTOS.
ET ONT SIGNÉ LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 224
Date de la décision : 15/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 05 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2008-09-15;224 ?
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