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26/11/2007 | FRANCE | N°278

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Ct0193, 26 novembre 2007, 278


CHAMBRE SOCIALE ARRET No 278 DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT
AFFAIRE No : 06 / 02121
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 26 septembre 2006, section encadrement.
APPELANT
Monsieur André X...... ... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Me Thierry AMOURET (TOQUE 63) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉE
S. A. R. L. MEDIASERV 38, rue de la Chapelle ZI de JARRY 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me GONAND, substituant la SCP WINTER-DURENNEL ET PREVOT (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
COMP

OSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 939, 945-1 d...

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 278 DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT
AFFAIRE No : 06 / 02121
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 26 septembre 2006, section encadrement.
APPELANT
Monsieur André X...... ... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Me Thierry AMOURET (TOQUE 63) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉE
S. A. R. L. MEDIASERV 38, rue de la Chapelle ZI de JARRY 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me GONAND, substituant la SCP WINTER-DURENNEL ET PREVOT (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 939, 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Guy POILANE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, mise en délibéré au 12 Novembre 2007, prorogé au 26 Novembre 2007.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Guy POILANE, Conseiller, Président, M. Hubert LEVET, Conseiller, M. Pierre FAGALDE, Conseiller,
GREFFIER lors des débats : M. Michel PANTOBE, Greffier du Premier Grade.
ARRET :
Contradictoire, prononcé en audience publique le 26 Novembre 2007, signé par M. Guy POILANE, Conseiller, Président, et par Mme Marie-Anne CHAIBRIANT, Adjointe Administrative faisant fonction de Greffier, serment préalablement prêté, présent lors du prononcé.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :
André X... a créé, en 1989, la société MEDIASERV.
En 1995, il engage l'entreprise sur le marché de l'Internet et en devient fournisseur d'accès.
Après une période pendant laquelle il assure le management de sa société avec une équipe d'une dizaine de personnes, il accepte, le 16 août 1999, un partenariat avec le groupe LORET qui fait alors une entrée majoritaire dans le capital de MEDIASERV.
André X... et son épouse sont maintenus dans le personnel de la nouvelle entité commerciale ; il lui est attribué la fonction de directeur avec une reprise d'ancienneté à partir du 10 septembre 1995.
Le 16 juillet 2001, André X... signe une fiche de définition de fonction de " responsable des ventes solutions Internet Entreprises ".
Du 23 juillet au 5 août 2001, il est en arrêt de maladie.
Le 13 septembre 2001, il reçoit un avertissement disciplinaire mettant en cause ses capacités professionnelles et indiquant qu'il n'avait pas atteint ses objectifs contractuels.
Le 21 septembre 2001, il est convoqué par acte d'huissier de justice à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 28 septembre 2001.
Le 3 octobre 2001, toujours par acte d'huissier, il reçoit une lettre de licenciement énonçant les motifs suivants :
"- incapacité à encadrer votre équipe ;- absence totale d'organisation en terme de management : pas de suivi de planning des commerciaux, pas de planification de réunions d'équipe de vente, pas de suivi individuel, pas d'offre du jour, pas de compte-rendu ;- absence de suivi des clients existants ;- pas de visite grands comptes et de suivi particulier de ces comptes ;- résultats très éloignés des objectifs contractuels. "
Contestant le bien-fondé de cette mesure, André X... va saisir la juridiction prud'homale, le 8 mars 2002, de diverses demandes.
Par jugement contradictoire en date du 26 septembre 2006, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre a :
- dit que le licenciement d'André X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse,- qu'il n'y a pas de conditions vexatoires dans ce licenciement,- que la Convention collective nationale des Télécommunications est applicable à la société MEDIASERV,- condamné la société MEDIASERV à verser à André X... :
- les sommes non perçues au titre de son arrêt maladie du 23 juillet au 5 août 2001, différence entre la rémunération nette et le montant de ses indemnités journalières de sécurité sociale, soit :
* 1 240, 35 € pour le mois de juillet 2001, * 518, 69 € pour le mois d'août 2001, * 6 275, 86 € indemnité conventionnelle de licenciement, * 500 € au titre de l'article 700 du NCPC,
- ordonné l'exécution provisoire de cette décision,- débouté André X... du surplus de ses demandes.
Appel a été interjeté par André X..., suivant démarche au greffe de la cour en date du 14 novembre 2006, de cette décision qui lui a été notifiée le 31 octobre 2006.
Par des conclusions d'appel remises le 22 mai 2007 puis soutenues oralement lors de l'audience, André X... demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société MEDIASERV à lui verser, et ce en application de la Convention collective des Télécommunications, 1 240, 35 € pour le mois de juillet 2001, 1 518, 69 € pour le mois d'août 2001 au titre de son arrêt maladie du 23 juillet au 5 août 2001, 6 275, 86 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 500 € au titre de l'article 700 du NCPC, de l'infirmer pour le reste et, statuant à nouveau, de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner la société MEDIASERV à lui payer :
* 22 867, 35 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 40 000 € au titre des conditions vexatoires, * 50 000 € au titre du harcèlement moral, outre l'octroi de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Suivant des conclusions responsives remises le 19 juillet 2007 puis soutenues oralement à l'audience, la société MEDIASERV demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement d'André X... procédait d'une cause réelle et sérieuse, dit qu'il n'y a pas de conditions vexatoires au licenciement, rejeté la demande au titre du harcèlement moral, d'infirmer ce même jugement en ce qu'il a condamné la société MEDIASERV au paiement de 1 240, 35 € au titre du mois de juillet 2001, 518, 69 € au titre du mois d'août 2001 et 6 275, 86 € et statuant à nouveau, de débouter André X... de toutes ses demandes, outre l'octroi de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les moyens de fait et de droit présentés par les parties dans les écritures susvisées seront repris par la Cour, pour les besoins de la démonstration juridique dans l'exposé qui va suivre.
SUR CE :
Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.
Sur le licenciement :
Il est constant que par lettre du 5 septembre 2001, la société MEDIASERV a délivré à André X... un avertissement à caractère disciplinaire qualifié de " blâme ", sans aucun élément chiffré, lui reprochant néanmoins d'être dans une situation qui ne saurait lui permettre d'atteindre les objectifs sur lesquels les parties " sont d'accord " (sans dire ce qu'ils sont) pour le " deuxième semestre 2001 ". Les objectifs du deuxième semestre 2001 ont fait l'objet effectivement d'un accord signé entre les parties le 16 juillet 2001. Ils portent sur un montant de chiffre d'affaires à réaliser d'une part et d'autre part sur un nombre de contrats à conclure, de rendez-vous, de propositions commerciales et de prospections téléphoniques à réaliser. Sachant que le salarié était en arrêt pour maladie du 23 juillet au 5 août 2001, l'avertissement ainsi délivré a une portée limitée mais il épuise néanmoins le pouvoir disciplinaire (sur la questions des objectifs) de l'employeur à l'encontre d'André X... à la date du 5 septembre 2001.
La convocation à l'entretien préalable au licenciement interviendra le 21 septembre 2001, soit environ quinze jours après l'avertissement disciplinaire évoqué plus haut. Le motif de non-atteinte des objectifs repris dans la lettre de licenciement qui sera établie le 3 octobre 2001 ne saurait être retenu puisque la société MEDIASERV ne peut démontrer en quoi, pendant les quinze jours considérés, l'ensemble des objectifs arrêtés pour le deuxième semestre 2001 n'auraient pas été atteints.
La motivation restante de la rupture porte sur des reproches qui confinent à l'insuffisance professionnelle et qui, en tant que tels, au vu de la carrière d'André X... dont tout atteste qu'il est à l'origine de l'activité pour laquelle il est désormais salarié de la nouvelle entité commerciale MEDIASERV, mériteraient d'être analysés autrement que par la production de quelques pages d'agenda électronique. En effet, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des éléments objectifs, surtout dans un milieu professionnel en recherche de développement et innovant quant aux méthodes de management et de marketing (nous sommes en 2001). La lecture d'un seul agenda ne saurait convaincre le juge des multiples reproches formulés in abstracto par un employeur trois mois à peine après la mise en place d'une feuille de route dont on ne sait si elle est réalisable et quels moyens l'accompagnent. La fiche du 16 juillet 2001 définissant les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre sur un semestre n'est pas exploitable pour vérifier le bien-fondé du licenciement d'André X... ; de surcroît, le responsable des ventes qu'il était ne travaillait pas seul et les objectifs fixés par l'employeur en terme de contrats signés, rendez-vous qualifiés, propositions commerciales et prospections téléphoniques concernaient l'ensemble de l'équipe dont on ne sait rien des agendas respectifs de ses membres sur la période considérée. C'est donc à tort que le premier juge a estimé, sur les seules affirmations de l'employeur et la lecture d'un agenda produit par lui, que le licenciement d'André X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, la rupture étant déclarée illégitime avec toutes les conséquences de droit.
Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :
Il est réclamé par André X... la somme de 22 867, 35 € à titre de dommages-intérêts.
L'employeur conclut au débouté, sans offre subsidiaire.
La Cour constate que la demande indemnitaire d'André X... correspond au minimum prévu par la loi dans le cadre d'un licenciement illégitime concernant un salarié qui a plus de deux ans d'ancienneté et travaille dans une entreprise comportant plus de dix salariés. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande et d'accorder à André X... la somme de 22 867, 35 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail.
Sur le préjudice moral né des circonstances vexatoires du licenciement :
L'appelant, estimant avoir été victime d'un préjudice distinct de celui indemnisé légalement à la suite de la rupture illégitime de son contrat de travail, réclame une somme de 40 000 € destinée à réparer ses aspects vexatoires liés tant à la procédure en elle-même qu'à la " publicité " postérieure qui en a été faite.
L'employeur conclut au rejet de cette demande.
La Cour constate que la société MEDIASERV, connaissant parfaitement l'adresse de son salarié cadre, a cru bon, excédant en cela ses obligations légales, de lui faire parvenir par voie d'huissier (qui a utilisé à cette fin des imprimés destinés aux débiteurs de sommes d'argent) à la fois la convocation à l'entretien préalable et la lettre de licenciement. De telles pratiques, non prévues par les textes d'ordre public ici applicables, ne peuvent avoir pour but que de déstabiliser, voire discréditer abusivement le salarié auquel elles s'appliquent et s'analysent bien comme étant de nature purement vexatoires. Il en est de même pour la publicité faite au licenciement considéré dans un journal local (FRANCE-ANTILLES du 20 novembre 2001) intitulé " grand ménage chez MEDIASERV " dans lequel la procédure de licenciement par " notification d'huissier du " fondateur " André X... et de son épouse est mentionnée, laissant penser qu'il s'agit de motifs inavouables et ne pouvant avoir été communiqués à la presse, compte tenu de leur confidentialité intrinsèque à ce stade que par la direction de l'entreprise. Le caractère vexatoire de ce comportement de la société MEDIASERV à l'encontre de son salarié licencié est souligné par un autre article paru dans un journal martiniquais en décembre 2001 dans lequel la société MEDIASERV est présentée comme étant présente en Guadeloupe " depuis deux ans " et maintenant " en Martinique ", alors qu'elle a été fondée en 1989 par André X.... C'est donc à bon droit que cette demande est présentée par l'appelant, la société MEDIASERV étant condamnée à lui verser, à titre d'indemnisation de son préjudice liée aux circonstances exceptionnellement vexatoires de son licenciement, la somme de 15 000 €, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral :
André X... entend rattacher aux dispositions de l'article L. 122-49 du code du travail, comme constituant un harcèlement moral répréhensible, l'ensemble des conséquences du choix qu'il a fait, en 1999, d'un investisseur devenu prépondérant, à savoir le groupe LORET. Force est de constater que la position devenu minoritaire de l'appelant, en dépit de sa qualité de fondateur de l'entreprise, dirigée au surplus avec celle qui deviendra son épouse, s'est accompagnée d'une volonté manifestée de plus en plus clairement par l'investisseur LORET de l'évincer. Le harcèlement dont il se plaint postérieurement à la rupture de son contrat de travail ne peut être dissocié du processus de son licenciement et d'une nouvelle gouvernance instituée par les dirigeants devenus majoritaires dans la société. Ce harcèlement ne revêt pas les conditions prévues par l'article L. 122-49 du code du travail, le comportement de l'employeur ayant été sanctionné dans le cadre du licenciement déclaré illégitime, indemnisé non seulement en tant que tel mais aussi en tant qu'entouré de circonstances anormales à caractère vexatoire. Cette demande est rejetée par voie de confirmation.
Sur le rappel de salaire pendant l'arrêt-maladie :
Il y a lieu de confirmer la décision du premier juge sur ce point, la convention collective nationale des Télécommunications prévoyant un complément de salaire en cas d'arrêt pour maladie. C'est en vain que l'employeur voudrait imposer au salarié de démontrer qu'il a bien respecté le délai de prévenance de 48 heures, dans la mesure où le versement des salaires de juillet et d'août 2001 prennent clairement en compte cette absence pour maladie.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
Là aussi, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fait une juste application des dispositions conventionnelles en cette matière.

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande qu'il soit accordé à André X... la somme de 2 000 € au titre de l'article susvisé ; la décision entreprise est confirmée en ce qui concerne la condamnation prononcée sur ce même fondement en première instance.
La société MEDIASEV, qui succombe, est condamnée aux éventuels dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Au fond :
Confirme la décision entreprise mais seulement en ce qu'elle a condamné la société MEDIASERV à payer à André X... les sommes de 1 240, 35 € au titre de rappel de salaire net pour le mois de juillet 2001, 518, 69 € au titre de rappel de salaire net pour le mois d'août 2001, 6 275, 86 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et débouté le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral,
La réforme pour le surplus et statuant à nouveau :
Condamne la société MEDIASERV à payer à André X... les sommes suivantes :
* 22 867, 35 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail, * 15 000 € à titre de dommages-intérêts indemnisant le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail,
Y ajoutant :
Condamne la société MEDIASERV à payer à André X... la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Ordonne le remboursement par la société MEDIASERV à l'ASSEDIC des indemnités de chômage versées par cet organisme à André X... à la suite du licenciement, dans la limite de six mois en application de l'article L. 122-14-4, alinéa deuxième, du code du travail,
Laisse les éventuels dépens de la procédure à la charge de la société MEDIASERV.
ET ONT SIGNÉ LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Ct0193
Numéro d'arrêt : 278
Date de la décision : 26/11/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, 26 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2007-11-26;278 ?
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