COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT No 827 DU 01 OCTOBRE 2007
R. G : 05 / 02146
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 01 décembre 2005, enregistrée sous le n 04 / 608
APPELANT :
Monsieur Charley René C... ... 97120 SAINT-CLAUDE Représenté par Me Félix RODES TOQUE 80), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMEES :
Madame Marie Céline Y... ... 97120 SAINT-CLAUDE Représentée par Me Vathana BOUTROY-XIENG (TOQUE 82), avocat au barreau de GUADELOUPE
SOCIETE CIRA-TOPO dont le siège social est Carmel 97100 BASSE TERRE Représentée par la SCP PAYEN-PRADINES (T74), avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 juin 2007, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président, M. Marc SALVATICO, Conseiller, rapporteur, Mme Anne DESMURE, Conseillère, qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 01 octobre 2007.
GREFFIER :
Lors des débats : Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC. Signé par M. Robert PARNEIX, Président de Chambre, Président et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte notarié des 21 août,04 et 24 septembre 1975, les consorts B... ont vendu à Charley C... une portion de terre à usage agricole, cadastrée AM no168 et située dans la commune de Saint-Claude, lieudit « ... ».
Par acte notarié des 9,12 et 16 janvier 1976, les consorts B... ont vendu à Marie-Céline Y... et aux époux Michel D..., acquéreurs solidaires, une portion de terre à usage agricole, cadastrée section AM no 166 et 167 et située dans la commune de Saint-Claude, lieudit « ... ».
Par acte notarié du 17 mars 1998, il a été procédé au partage de cette portion de terre : le lot no 1, à savoir la parcelle cadastrés AM no 167, a été attribué aux époux Michel D... ; le lot no 2, à savoir les parcelles cadastrées AM no 356 et 357, a été attribué à Madame veuve Y....
Par acte notarié du 8 juin 1999, les époux D... ont vendu à Bernard Y... la portion de terre cadastrée section AM no 167.
Par jugement du 1er décembre 2005, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a, pour l'essentiel, débouté Charley C... de l'intégralité de ses demandes, constaté l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds appartenant à Marie-Céline Y... et Michel D..., ordonné à Charley C... d'enlever la clôture qu'il avait édifiée au milieu de ladite servitude de passage, et ce, sous astreinte de 76,22 euros par jour de retard.
Par acte déposé au greffe de la cour le 28 décembre 2005, Charley C... a déclaré interjeter appel de ce jugement à l'encontre de Marie-Céline Y... et de la société CIRA-TOPO.
Par conclusions déposées au greffe le 5 juillet 2006, l'appelant demande à la cour de déclarer les prétentions de Marie-Céline Y... tant irrecevables que mal fondées, lui donner acte de ce qu'il a exécuté la partie du jugement querellé concernant le grillage et la servitude, l'infirmer en ce qui concerne le reste des prétentions, d'ordonner à Marie-Céline Y... et à la société CIRA-TOPO de cesser d'exercer à son encontre des voies de fait en pénétrant sur son héritage, de condamner, enfin, Marie-Céline Y... et la société CIRA-TOPO solidairement à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions il soutient qu'il a exécuté partiellement le jugement dont appel et que Marie-Céline Y... ne peut se prévaloir d'une quelconque servitude de passage.
Par conclusions déposées au greffe le 22 février 2007, Marie-Céline Y... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris ; statuant à nouveau, de condamner Charley C... à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC et, les entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions elle allègue que le titre de propriété de Charley C... mentionne expressément la servitude qu'elle invoque, de même que le plan de bornage. Elle fait remarquer également que la prétendue voie de fait dont elle se serait rendue coupable correspond, en réalité, à des opérations de délimitation et de matérialisation des bornes concernant la servitude de passage expressément autorisées par le Code civil. Enfin, elle déclare que c'est, au contraire, l'appelant qui s'est rendu coupable d'une voie de fait en posant une clôture en plein milieu de la servitude de passage.
Par conclusions déposées au greffe le 22 mars 2007, la société CIRA-TOPO demande à la cour de déclarer Charley C... mal fondé en son appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; y ajoutant, de condamner Charley C... au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.
Pour cela, elle fait valoir les mêmes arguments déjà soutenus par Marie-Céline Y... concernant l'existence de la servitude.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 24 mai 2007.
SUR CE,
MOTIFS DE LA DECISION
Le litige porte sur l'existence ou non d'une servitude de passage au profit des fonds cadastrés AM no 167,356 et 347 appartenant à Marie-Céline Y... et à son fils Bernard Y..., et grevant le fonds AM no 168 appartenant à Charley C....
Il est de jurisprudence constante que la création ou l'existence d'une servitude au profit d'un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant ; peu importe qu'il n'en soit pas fait mention dans les titres de propriété du fonds dominant.
Or, dans le titre de propriété de Charley C..., il avait été clairement stipulé dans la clause intitulée « constitution de servitude », qu'est constitué « au profit de la portion de terre (…) vendue, et à charge du surplus de la propriété « Champflore », une servitude active de passage qui s'exercera sur une portion de terre de dix ares vingt centiares, comprise entre la portion de terre objet des présentes et celle du docteur E..., puis sur un chemin de cinq mètres de largeur aboutissant à la route départementale no 11, dite du Parnasse ».
Il ressort des termes employés dans cet acte de vente qu'il existe deux servitudes distinctes quant à la propriété de Charley C... : l'une constituée à son profit et l'autre la grevant au profit du reste de la parcelle plus vaste, dont elle est issue, qui appartenait aux consorts B....
En outre, cette interprétation est confirmée par le fait que la formulation qui a été employée dans le titre de propriété de Charley C... a été reprise à l'identique dans l'acte de vente des 9,12 et 16 janvier 1976 pour décrire l'état des servitudes quant à la propriété Y...-D... (désormais propriété divise de Marie-Céline Y... et de son fils Bernard Y...) laquelle est également issue de cette parcelle plus vaste qui appartenait aux consorts B.... De surcroît, les premiers juges avaient relevé pertinemment que le plan de bornage produit par Marie-Céline Y... mentionne ce passage commun.
En conséquence, il résulte clairement de toutes ces précisions qu'il existe, au profit de la propriété de Marie-Céline Y... et de celle de Bernard Y... une servitude de passage grevant la propriété de Charley C....
Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné à ce dernier d'enlever la clôture qu'il avait posée au milieu de ladite servitude de passage.
Cependant, l'appelant ayant pu légitimement se tromper sur l'existence de la servitude grevant son fonds étant donné l'ambiguïté des termes employés dans son titre de propriété, l'abus d'action ne sera pas retenu. Dans ces conditions, la cour ne saurait octroyer de dommages et intérêts à l'intimée.
Par ailleurs, l'équité commande, en l'espèce, que Marie-Céline Y... et la société CIRA-TOPO soient indemnisées des frais irrépétibles qu'elles ont dû engager dans la présente procédure.
Les dépens suivant la succombance, Charley C... devra intégralement les supporter.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déboute Marie-Céline Y... de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne Charley C... à payer à Marie-Céline Y... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
Condamne Charley C... à payer à la société CIRA-TOPO la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
Condamne Charley C... aux entiers dépens.
Et le président a signé avec la greffière.