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29/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951325

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Ct0173, 29 mai 2006, JURITEXT000006951325


Malgré le fait qu'un salarié soit "matériellement" à l'origine de la rupture de son contrat de travail par une lettre de démission, dès lors qu'il est établi que la rupture résulte de manquements de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles, il s'agit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRET No DU VINGT NEUF MAI DEUX MILLE SIX AFFAIRE No : 04/01378 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de BASSE-TERRE du 23 septembre 2004, section commerce. APPELANTE M. Stéphan X... exerçant à l

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Malgré le fait qu'un salarié soit "matériellement" à l'origine de la rupture de son contrat de travail par une lettre de démission, dès lors qu'il est établi que la rupture résulte de manquements de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles, il s'agit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRET No DU VINGT NEUF MAI DEUX MILLE SIX AFFAIRE No : 04/01378 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de BASSE-TERRE du 23 septembre 2004, section commerce. APPELANTE M. Stéphan X... exerçant à l'enseigne "RESTAURANT LE GOMMIER" Grande Saline 97133 ST- BARTHELEMY Représenté par Me Félix RODES (TOQUE 80) (avocat au barreau de la GUADELOUPE). INTIMÉ Monsieur Sylvain VERDUN Villa " Y... du Vent" Pointe Milou 97133 ST- BARTHELEMY Représenté par la SCP WINTER DURENNEL (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

COMPOSITION DE LA COUR :

A l'audience publique du 09 Janvier 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Mars 2006, successivement prorogé au 24 avril 2006, 22 mai 2006 et au 29 mai 2006, devant la Cour composée de :

M. Guy POILANE, Conseiller, Président,

M. Hubert LEVET, Conseiller,

Mme Claudine Z..., Vice-Présidente Placée, qui en ont délibéré. GREFFIER lors des débats : M. Michel A..., Greffier Premier Grade. ARRET :

Contradictoire, prononcé en audience publique le 29 Mai 2006, signé par M. Guy POILANE, Conseiller, Président, et par Mme Marie-Anne B..., Adjointe Administrative faisant fonction de

Greffier, serment préalablement prêté, présent lors du prononcé. FAITS ET PROCEDURE :

Sylvain VERDUN a été engagé par Stéphan X..., exerçant à l'enseigne du restaurant "LE GOMMIER", le 18 décembre 2001, en qualité de cuisinier, suivant un contrat de travail écrit à durée indéterminée. Il avait été lié précédemment au même employeur par un contrat à durée déterminée du 20 mars 2001 au 31 août 2001. Il affirme cependant avoir commencé son travail, pour la deuxième embauche, en octobre 2001.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 31 mai 2002, l'employeur lui adresse une mise en demeure "sous 48 heures de justifier de son absence remontant au 29 mai précédent, en ajoutant que "passé ce délai nous considérerons que vous êtes démissionnaire". Le 11 juin 2002, Sylvain VERDUN adresse à son employeur (sur la demande de celui-ci) une lettre de démission rédigée en ces termes :

" Je soussigné VERDUN Sylvain, vous présente ma démission pour raison d'incompatibilité dans mes relations avec Maryse CHINON.

Pour ce qui est du préavis d'un mois prévu dans notre contrat, je pense qu'il est caduc du fait que vous me devez 18 jours ouvrables de récupération pour les jours de congés hebdomadaires que je n'ai pas pris du 15 décembre au 15 avril.

De plus, le restaurant sera fermé du 15 juin à fin juin.

Je tiens à vous signaler que je n'ai pas reçu un centime de congés-payés pour la période du 20 mars 2001 au 30 mars 2002.

Je suis à votre disposition pour un arrangement à l'amiable."

Considérant que la rupture du contrat de travail était imputable à Stéphan X..., Sylvain VERDUN va saisir, le 17 février 2003, la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Par jugement réputé contradictoire en date du 23 septembre 2004, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a : - dit que la démission s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, - condamné le restaurant "LE GOMMIER", pris en la personne de son gérant, à payer à Sylvain VERDUN les sommes suivantes :

[* 2 215,41 ç congés-payés,

*] 13 720,44 ç licenciement abusif,

[* 9 908,60 ç repos hebdomadaire,

*] 750 ç article 700 du NCPC, - ordonné la remise à Sylvain VERDUN l'attestation ASSEDIC conforme au salaire réellement perçu.

Le premier juge a considéré que la "démission" du salarié résulte de pratiques intimidantes de l'employeur ; qu'elle trouve sa cause dans des manquements de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles à l'égard de Sylvain VERDUN ; qu'il s'agit donc d'une rupture imputable à l'employeur.

Appel a été formé par Stéphan X..., suivant démarche au greffe de

première instance en date du 19 octobre 2004, de cette décision qui lui avait été notifiée le 15 octobre 2004.

Par des conclusions remises le 19 avril 2005, soutenues oralement à l'audience, Stéphan X..., exerçant à l'enseigne "LE GOMMIER", demande à la cour d'annuler, réformer et mettre à néant le jugement déféré, de dire et juger que Sylvain VERDUN a été rempli de ses droits, de le débouter de toutes ses demandes, outre l'octroi de la somme de 3 000 ç au titre de l'article 700 du NCPC.

Par des conclusions remises en dernier lieu le 17 novembre 2005 puis soutenues oralement à l'audience, Sylvain VERDUN demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et , formant appel incident, sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer :

[* 1 464 ç préavis,

*] 146 ç congés-payés afférents, outre la somme de 2 000 ç au titre de l'article 700 du NCPC.

Les moyens de fait et de droit présentés par les parties dans les conclusions susvisées seront reprises expressément par la cour dans l'exposé des motifs qui va suivre.

SUR CE :

Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.

Sur la nullité du jugement dont appel :

Stéphan X... excipe de la nullité du jugement déféré qui, selon lui, souffre d'une absence de motivation et ne répond pas aux moyens des parties. L'intimé ne conclut pas sur ce point.

L'examen de la décision entreprise montre suffisamment que les premiers juges ont apporté à leur raisonnement juridique les éléments de fait et de droit qui leur étaient soumis par les parties et ont ainsi satisfait aux exigences, notamment, des dispositions de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile. Cette exception de nullité est, en conséquence, rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail :

Il est constant que la démission du salarié ne se présume pas et qu'elle doit être l'expression d'une volonté claire et non équivoque de celui-ci. En l'espèce, malgré une mise en demeure de Stéphan X... quant à une absence de Sylvain VERDUN depuis deux jours en date du 31 mai 2002 contenant une menace de mesure disciplinaire jamais mise en oeuvre, le salarié a adressé, le 11 juin 2002, une lettre de démission motivée. L'analyse de cette motivation, comme le relève à bon droit le premier juge, permet de mettre en évidence plusieurs manquements de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles. En effet, Sylvain VERDUN fait grief à son employeur de ne pas lui avoir octroyé les heures de récupération auxquelles il avait droit d'une part et, d'autre part, de ne pas lui avoir fait bénéficier de congés-payés acquis en proportion du temps de travail accompli. La seule réponse de l'employeur à ces réclamations a été l'envoi d'un reçu pour solde de tout compte au salarié d'un montant incomplet qui a été contesté par lui le 22 juillet 2002. C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que la rupture devait

s'analyser en un licenciement dont la responsabilité incombe exclusivement à l'employeur et qui se révèle être à la fois irrégulier et illégitime. Le jugement déféré est, en conséquence, confirmé sur ce point, la cour y ajoutant la motivation qui précède. Sur l'indemnisation du licenciement :

Sylvain VERDUN sollicite, à ce titre, la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle lui a accordé la somme de 13 720,44 ç.

L'employeur conclut au débouté du salarié sur ce point, sans présenter d'observations subsidiaires sur ce montant.

Il y a lieu de tenir compte de la faible ancienneté de Sylvain VERDUN (un peu plus d'une année), de l'âge de ce dernier (32 ans au moment de la rupture) et également de l'absence de renseignements quant à son devenir professionnel pour lui allouer une somme de 4 000 ç en indemnisation de son préjudice, le jugement déféré étant réformé sur ce point pour tenir compte des exigences de l'article L.122-14-5 du Code du travail qui exige la caractérisation d'un préjudice lié à la rupture, au-delà de l'existence indiscutable d'effets dommageables suffisamment réparés par l'allocation de la somme précitée.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés-payés afférents :

Formant appel incident, l'intimé demande que lui soit octroyé une indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire, soit 1 464 ç, outre 146 ç pour les congés-payés afférents.

Au vu des dispositions de l'article L.122-6 du Code du travail et de l'absence de contestation de l'employeur sur ce point, il y a lieu de faire droit à cette réclamation.

Sur l'indemnité compensatrice de congés-payés :

Il est demandé par Sylvain VERDUN à la cour de confirmer le jugement déféré sur ce point.

L'employeur, quant à lui, soutient que le salarié a reconnu par écrit avoir été rempli de ses droits de ce chef.

Sachant qu'il appartient exclusivement, et par tous moyens, à l'employeur de rapporter la preuve qu'il s'est acquitté de son obligation en ce qui concerne les congés-payés et qu'il ne satisfait ici nullement à cette obligation, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Sylvain VERDUN la somme de 2 215,41 ç de ce chef pour la dernière période de référence.

Sur l'indemnité dénommée "compensatrice de repos hebdomadaire" :

L'intimé sollicite la confirmation du jugement à ce titre.

L'employeur conclut au débouté de cette demande, par voie d'infirmation en notant qu'elle est dépourvue de tout fondement.

Là aussi, s'il appartient bien à Stéphan X... de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de fournir, comme le prévoit le contrat de travail, une compensation au fait que le salarié n'a pas pris ledit repos (article III de l'avenant signé par les parties le

18 décembre 2001), il y a lieu de constater que la demande porte, en réalité sur des heures supplémentaires et non sur quelque repos compensateur que ce soit comme l'ont retenu à tort les premiers juges. La lecture des conclusions d'appel de l'intimé suffit à s'en convaincre, ainsi que les calculs des heures majorées qu'il présente. Dés lors, au visa des dispositions de l'article L.212-1-1 du Code du travail, la cour ne peut que constater que le salarié procède par affirmations et n'apporte pas le moindre élément à l'appui de sa demande permettant de la confronter utilement à la position de l'employeur qui se réfère à l'horaire contractuel ; ainsi, il n'est pas permis au juge de se former une conviction sans base tangible fournie par le salarié (relevé de ses heures, même informel) pour l'examen d'une telle demande. Il y a donc lieu, après avoir requalifié cette réclamation, de la rejeter en application de l'article précité ; le jugement est réformé sur ce point.

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens :

L'équité commande qu'il soit alloué à Sylvain VERDUN la somme de 1 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; le jugement est confirmé quant à la somme allouée à ce titre en première instance.

Stéphan X..., qui succombe pour partie en son appel est condamné aux éventuels dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare les appels principal et incident recevables en la forme,

Rejette l'exception de nullité du jugement déféré,

Au fond :

Confirme la décision entreprise mais seulement en ce qu'elle a déclaré que la démission de Sylvain VERDUN s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné Stéphan X... exerçant à l'enseigne "RESTAURANT LE GOMMIER" à payer à Sylvain VERDUN les sommes de 2 215,41 ç à titre d'indemnité compensatrice de congés-payés et de 700 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamne Stéphan X..., exerçant à l'enseigne " RESTAURANT LE GOMMIER" à payer à Sylvain VERDUN la somme de 4 000 ç à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.122-14-5 du Code du travail,

Déboute Sylvain VERDUN de sa demande en paiement d'heures supplémentaires,

Y ajoutant :

Condamne Stéphan X..., exerçant à l'enseigne "RESTAURANT LE GOMMIER" à payer à Sylvain VERDUN les sommes suivantes :

* 1 464 ç au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 146 ç au titre des congés-payés afférents,

* 1 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Laisse les éventuels dépens de première instance et d'appel à la charge de Stéphan X...

ET ONT SIGNÉ LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951325
Date de la décision : 29/05/2006

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL

Malgré le fait qu'un salarié soit "matériellement" à l'origine de la rupture de son contrat de travail par une lettre de démission, dès lors qu'il est établi que la rupture résulte de manquements de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles, il s'agit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2006-05-29;juritext000006951325 ?
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