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15/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951400

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Ct0173, 15 mai 2006, JURITEXT000006951400


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRET No DU QUINZE MAI DEUX MILLE SIX AFFAIRE No : 04/00010 Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 09 décembre 2003, section commerce. APPELANT Monsieur Christian REIMONENQ Lotissement SIAPAP X... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Me Gérard DERUSSY (TOQUE 48) (avocat au barreau de la GUADELOUPE). INTIMÉE S.A. CARAIBES AIR TRANSPORT Aéroport du Raizet 97139 LES ABYMES Représentée par Me FANFANT, substituant la SCP WINTER DURENNEL (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRET No DU QUINZE MAI DEUX MILLE SIX AFFAIRE No : 04/00010 Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 09 décembre 2003, section commerce. APPELANT Monsieur Christian REIMONENQ Lotissement SIAPAP X... 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Me Gérard DERUSSY (TOQUE 48) (avocat au barreau de la GUADELOUPE). INTIMÉE S.A. CARAIBES AIR TRANSPORT Aéroport du Raizet 97139 LES ABYMES Représentée par Me FANFANT, substituant la SCP WINTER DURENNEL (TOQUE 83) (avocat au barreau de la GUADELOUPE).

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 939, 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Décembre 2005, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Guy POILANE, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, mise en délibéré au 20 Février 2006, successivement prorogé au 03 avril et 15 Mai 2006.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Guy POILANE, Conseiller, Président,

M. Hubert LEVET, Conseiller,

Mme Isabelle Y..., Conseillère,

GREFFIER lors des débats : Mme Marie-Anne Z..., Adjointe Administrative faisant fonction de Greffier, serment préalablement prêté. ARRET :

Contradictoire, prononcé en audience publique le 15 Mai 2006, signé par M. Guy POILANE, Conseiller, Président, et par M. Michel A..., Greffier Premier Grade, présent lors du prononcé. FAITS ET PROCEDURE :

Christian REIMONENQ a été engagé par la société NOUVELLE AIR GUADELOUPE (SNAG), le 1er août 1995, en qualité de co-pilote, suivant un contrat de travail écrit à durée indéterminée.

Par suite de modifications de la raison sociale de l'employeur, il est, en dernier lieu, employé par la société CARABES AIR TRANSPORT (C.A.T.).

Par courrier en date du 10 août 2000, il est convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour inaptitude physique, fixé au 22 août 2000.

Suivant courrier recommandé avec avis de réception en date du 4 septembre 2000, Christian REIMONENQ a été licencié pour un motif ainsi énoncé :

"Le 22 février 2000, le médecin du travail a considéré que vous êtes inapte (il faut lire : apte) à la fonction de pilote mais inapte à exercer la moindre activité sur votre poste de travail actuel (DORNIER 228) en raison de l'ambiance thermique au sol excessive. Depuis cette date, une fiche d'inaptitude du 16 mars 2000 est venue confirmer celle du 22 février 2000.

Notre société n'exploite que ce type d'appareil.

Aucune possibilité de reclassement au sein du groupe n'existe, puisqu'aucune garantie n'existe sur le délai de réparation des pannes des systèmes de refroidissement des appareils exploités par la société AIR CARABES, ce qui entraîne de temps à autre l'obligation

de voler dans des conditions thermiques excessives sur les appareils de ladite société également."

Contestant le bien-fondé de ce licenciement, Christian REIMONENQ a saisi, le 24 octobre 2000, la juridiction prud'homale, de diverses demandes.

Par jugement contradictoire de départage en date du 9 septembre 2003, le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre a : - déclaré régulier le licenciement de Christian REIMONENQ pour cause d'inaptitude physique, - débouté Christian REIMONENQ de l'intégralité de ses prétentions, - débouté la C.A.T. de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC.

Le premier juge estime principalement que l'employeur a démontré l'impossibilité de tout reclassement du salarié.

Par des conclusions d'appel reçues le 12 octobre 2005 puis développées oralement lors de l'audience, Christian REIMONENQ demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, de constater que la société C.A.T. n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, de dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

[* 152 449 ç indemnité pour licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse,

*] 6 817,22 ç préavis,

[* 636,27 ç congés-payés 1999,

*] 2 726,89 ç congés-payés 2000, outre la condamnation de la société C.A.T. à lui payer la somme de 3 000 ç au titre de l'article 700 du NCPC.

Par des conclusions remises, en dernier lieu, le 21 octobre 2005, puis soutenues oralement à l'audience, la S.A. CARABES AIR TRANSPORT demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en déboutant Christian REIMONENQ de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 000 ç au titre de l'article 700 du NCPC.

La société C.A.T. estime avoir rempli son obligation de reclassement en se plaçant dans les limites des préconisations de la médecine du travail (affectation sur des avions ATR).

Les moyens de fait et de droit présentés par les parties dans les écritures susvisés seront repris intégralement par la cour dans l'exposé des motifs qui va suivre.

SUR CE :

Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.

Sur la légitimité du licenciement :

Il résulte des dispositions de l'article L.122-14-2 du Code du travail que les motifs énoncés dans la lettre de rupture fixent les limites du litige. La lettre de licenciement en date du 4 septembre 2000 qui a été adressée par la société C.A.T. à Christian REIMONENQ porte un seul motif qui est celui de l'inaptitude de celui-ci à la fonction de pilote sur aéronef de marque DORNIER, type 228, en raison

de " l'ambiance thermique au sol excessive". L'employeur ajoute qu'il n'exploite que ce type d'appareil et, d'une manière qui laisse perplexe, qu'aucune " possibilité de reclassement au sein du groupe n'existe puisqu'aucune garantie n'existe sur le délai de réparation des pannes des systèmes de refroidissement des appareils exploités par la société AIR CARABES , ce qui entraîne de temps à autre l'obligation de voler dans des conditions thermiques excessives sur les appareils de ladite société également". Il convient donc, après le premier juge, d'examiner la motivation de la rupture mais aussi, ce qui est fondamental en matière d'inaptitude physique, la manière dont l'employeur, qui exploite plusieurs sociétés de transports aériens, a entendu mettre en oeuvre son obligation légale de reclassement conformément aux dispositions de l'article L.122-24-4 du Code du travail.

Il est établi que la motivation du licenciement repose sur une inaptitude physique de Christian REIMONENQ, non pas en ce qui concerne le pilotage des avions au sens strict mais plus précisément sur sa capacité physique à supporter certaines conditions de son travail en raison de l'absence de système de refroidissement du poste de pilotage des aéronefs DORNIER sur lesquels il est exclusivement affecté et dont "l'ambiance thermique" au sol lors de la phase préparatoire au décollage est extrême (plus de 38 o, selon le rapport du médecin du travail), ce qui provoque chez lui des affections respiratoires. Dés lors, l'employeur se devait de mettre en oeuvre un processus de reclassement en étudiant, au sein du groupe dont il affirme faire partie (AIR CARABES ; voir la lettre de licenciement), toutes les possibilités offertes à Christian REIMONENQ en vue de son maintien dans l'entreprise. Le salarié avait déjà sollicité de son employeur un aménagement du temps de travail en proposant d'effectuer

les vols se situant en début et en fin de journée, à un moment où l'air au sol est plus frais. Si l'on s'en tient aux termes de la lettre de licenciement, la société CARABES AIR TRANSPORT élimine d'emblée la possibilité de reclasser Christian REIMONENQ, notamment dans la société du groupe dénommée AIR CARABES au motif que cette dernière ne "garantit pas de délai de réparation" d'éventuelles pannes du système de refroidissement des cabines de pilotage des aéronefs qu'elle exploite. Ce faisant, l'employeur ne peut prétendre avoir répondu à son obligation de reclassement en invoquant, pour l'éluder, ses propres insuffisances dans la mise en place et l'entretien de dispositifs de refroidissement de l'air des cabines de pilotage conformes aux exigences mises en évidence dans le rapport de la médecine du travail. De même, la société CARABES AIR TRANSPORT ne peut invoquer un échec antérieur de Christian REIMONENQ à une formation sur des aéronefs ATR pour écarter toute possibilité de reclassement par la voie d'une formation à un autre poste, alors qu'il est, en toute hypothèse, possible de renouveler une telle formation sur ATR. Enfin, l'employeur se devait de répondre aux recommandations du médecin du travail (article L.241-10-1 du Code du travail) concernant les mesures d'adaptation du poste de travail (apport d'air frais dans la cabine de pilotage) de Christian REIMONENQ, ce qu'il n'a fait en aucune manière en violant cette disposition d'ordre public. Dés lors, c'est à tort que le premier juge a cru bon de retenir une impossibilité de reclassement liée à l'échec antérieur du salarié pour une formation au pilotage des aéronefs ATR alors que la société C.A.T. a, de son propre chef, limité ce même reclassement en invoquant son incapacité technique à résoudre tout problème de surchauffe dans les cabines de pilotage et en ne proposant à Christian REIMONENQ aucun autre poste y compris au sol au sein du groupe. Le jugement déféré est donc infirmé sur ce

point, le licenciement de Christian REIMONENQ étant déclaré illégitime.

Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :

Il est réclamé par Christian REIMONENQ une somme de 152 449 ç à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L.122-4-4 du Code du travail.

L'employeur, pour sa part, conclut subsidiairement à la limitation de cette réclamation au minimum légal, à défaut pour le salarié de justifier d'un préjudice permettant d'excéder ce minimum.

Il y a lieu, en l'espèce , de souligner que les circonstances de la rupture sont particulièrement péjoratives en ce qu'elles dénotent, de la part de l'employeur, une volonté d'éluder les dispositions légales protectrices du salarié dans le domaine de l'inaptitude physique médicalement définie. L'ancienneté du salarié (cinq ans), son âge au moment du licenciement ( 45 ans ) et la haute technicité de son emploi sont à prendre en compte dans l'évaluation du préjudice subi, au-delà de ce qui est réparé légalement, étant toutefois observé que Christian REIMONENQ ne fournit pas de renseignements sur son devenir professionnel postérieurement à la rupture. En conséquence, la société CARABES AIR TRANSPORT est condamnée à payer à Christian REINONENQ la somme de 75 000 ç à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.122-14-4 du Code du travail.

Sur la demande relative au préavis :

Il est constant en droit positif que, s'agissant d'un licenciement

pour inaptitude physique consacrée légalement, une indemnité compensatrice de préavis malgré la situation d'inaptitude du salarié doit être accordée à Christian REIMONENQ, à hauteur de trois mois de salaire, soit 6 817,22 ç que la société C.A.T. est condamnée à lui payer.

Sur les congés-payés :

Christian REIMONENQ sollicite, sur ce point, le paiement de la somme de 636,27 ç au titre des congés-payés 1999 et de celle de 2 726,89 ç au titre des congés-payés 2000.

L'employeur soutient, quant à lui, que l'intégralité des congés-payés lui a été réglée, comme le révèle le reçu pour solde de tout compte. Il est constaté que Christian REIMONENQ ne justifie en aucune manière de sa demande de rappel de congés-payés, tout en ne contestant pas le montant des sommes qui lui ont déjà été allouées à ce titre. Cependant, il y a lieu de condamner la société CARABES AIR TRANSPORT à lui payer la somme de 681,72 ç représentant les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, suivant la règle du dixième. Le salarié est débouté du surplus de sa demande.

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens :

L'équité commande qu'il soit alloué à Christian REIMONENQ la somme de 2 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure

Civile.

La société CARABES AIR TRANSPORT, qui succombe, est condamnée aux éventuels dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Au fond :

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Condamne la société CARABES AIR TRANSPORT à payer à Christian REIMONENQ les sommes suivantes :

[* 75 000 ç à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.122-14-4 du Code du travail,

*] 6 817,22 ç au titre de l'indemnité compensatrice de licenciement,

[* 681,72 ç au titre des congés-payés afférents,

*] 2 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Y ajoutant :

Ordonne le remboursement par la société CARABES AIR TRANSPORT à l'ASSEDIC des allocations de chômage versées au salarié à la suite du licenciement, dans la limite de six mois, en application des dispositions de l'article L.122-14-4, alinéa deux, du Code du travail,

Laisse les éventuels dépens de première instance et d'appel à la charge de la société CARABES AIR TRANSPORT.

ET ONT SIGNÉ LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951400
Date de la décision : 15/05/2006

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL

Méconnaît les articles L.122-24-4 et L.122-10-1 du code du travail la juridiction prud'homale qui constate, pour déclarer régulier le licenciement d'un salarié en raison de son inaptitude physique, l'impossibilité pour son employeur d'avoir pu le reclasser, sans rechercher si ce défaut de reclassement n'a pas pour origine un manquement de l'employeur aux obligations d'adaptation au poste de travail notamment au regard des prescriptions de la médecine du travail.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2006-05-15;juritext000006951400 ?
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