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30/05/2024 | FRANCE | N°22/00296

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sécurité sociale, 30 mai 2024, 22/00296


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale











ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00296 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FACT.



Jugement Au fond, origine Pole social du TJ du MANS, décision attaquée en date du 27 Avril 2022, enregistrée sous le n°





ARRÊT DU 30 Mai 2024





APPELANT :



Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 1]



représenté par Maître Dimitri PINCENT de la SELEURL PINCENT AVOCATS,

avocat au barreau de PARIS - N° du dossier [Z]







INTIMEE :



Organisme LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V) Dénomination sociale complète : La CAISSE INTER...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00296 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FACT.

Jugement Au fond, origine Pole social du TJ du MANS, décision attaquée en date du 27 Avril 2022, enregistrée sous le n°

ARRÊT DU 30 Mai 2024

APPELANT :

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Maître Dimitri PINCENT de la SELEURL PINCENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS - N° du dossier [Z]

INTIMEE :

Organisme LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D' ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V) Dénomination sociale complète : La CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE (C.I.P.A.V), institution régie par les dispositions du Livre VI, Titre 4, du code de la Sécurité Sociale, sise, [Adresse 3] à [Localité 5], prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me BOUCHAUD, avocat substituant Maître Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS - N° du dossier 224683

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Clarisse PORTMANN

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 30 Mai 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE

M. [Y] [Z] est affilié à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance d'assurance vieillesse (CIPAV) depuis le 1er avril 2011. Il a versé à ce titre des cotisations à l'URSSAF.

Le 24 mars 2020, il s'est procuré à partir du site Internet GIP Info Retraite un relevé de situation individuelle au titre de la retraite de base et de la retraite complémentaire.

Par courrier en date du 7 juillet 2020, M. [Y] [Z] a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV d'une contestation de ses droits à retraite, qui a déclaré irrecevable sa demande en l'absence de saisine préalable des services de la CIPAV.

Le 7 juillet 2021, M. [Y] [Z] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire du Mans.

Par jugement en date du 27 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire du Mans a :

- déclaré irrecevable le recours de M. [Y] [Z] en condamnation de la CIPAV à rectifier ses points de retraite complémentaire et de base pour les années 2011 à 2019, avec astreinte à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ;

- débouté M. [Y] [Z] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;

- débouté M. [Y] [Z] et la CIPAV de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Y] [Z] aux dépens.

Par déclaration électronique en date du 24 mai 2022, M. [Y] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Le dossier a été appelé à l'audience du conseiller rapporteur du 14 mars 2024, toutes les parties étant présentes ou représentées.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions reçues au greffe le 2 août 2023, régulièrement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. [Y] [Z] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

statuant à nouveau :

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire qu'il a acquis sur la période 2011 à 2019 selon le détail suivant :

* 40 points en 2011,

* 40 points en 2012,

* 36 points en 2013,

* 72 points en 2014,

*72 points en 2015,

*72 points en 2016,

*72 points en 2017,

*36 points en 2018,

*36 points en 2019 ;

- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base qu'il a acquis sur la période 2015 à 2019 selon le détail suivant :

* 177,4 points en 2011,

* 432,8 points en 2012,

* 409,3 points en 2013,

* 400,1 points en 2014,

*435,6 points en 2015,

*422,5 points en 2016,

*419 points en 2017,

*339,3 points en 2018,

*336,6 points en 2019 ;

- condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 € par jour de retard ;

- en cas de décision d'irrecevabilité sur les exercices 2015 à 2019, condamner la CIPAV à lui verser une indemnité supplémentaire de 3000 € par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l'obligation légale d'information de la caisse, soit 15'000 € pour les années 2015 à 2019 ;

- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

- condamner la CIPAV à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de son appel, M. [Y] [Z] fait valoir que la CIPAV est légalement tenue de mettre à jour le relevé de situation individuelle de ses adhérents qui est par définition provisoire et qui fait grief. Il rappelle qu'il a respecté ses obligations en procédant à ses déclarations auprès de l'URSSAF et en versant des cotisations alors que la caisse n'a pas rempli les siennes en s'abstenant de créditer ses droits à retraite.

Au fond, il détaille dans ses écritures le revenu de référence à prendre en compte, soit le chiffre d'affaires ainsi que les calculs menant à la revalorisation des points de retraite de base et de retraite complémentaire.

Enfin, il invoque l'existence d'un préjudice moral pour manquement de la CIPAV à son obligation d'information et en raison du comportement fautif de celle-ci dont le but est de décourager les auto-entrepreneurs dans leur démarche à faire respecter leurs droits à la retraite.

**

Par conclusions reçues au greffe le 29 février 2024, régulièrement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la CIPAV conclut :

- à la confirmation du jugement ;

à titre principal,

- déclarer irrecevable le recours de M. [Y] [Z] ;

à titre subsidiaire,

- juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire ;

- attribuer à M. [Y] [Z] les points de retraite de base suivants :

* 117,1 points en 2011,

* 285,6 points en 2012,

* 270,2 points en 2013,

* 264 points en 2014,

*287,5 points en 2015,

*278,5 points en 2016,

*286 points en 2017,

*226,4 points en 2018,

*224,8 points en 2019 ;

- attribuer à M. [Y] [Z] les points de retraite complémentaire suivants :

* 10 points en 2011,

* 10 points en 2012,

* 9 points en 2013,

* 27 points en 2014,

*27 points en 2015,

*40 points en 2016,

*39 points en 2017,

*31 points en 2018,

*30 points en 2019 ;

- débouter M. [Y] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [Y] [Z] à lui payer la somme de 600 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la CIPAV fait valoir que le relevé de situation individuelle du site Internet GIP Info Retraite ne constitue pas une décision de la caisse au sens des dispositions de l'article R. 142 '1 du code de la sécurité sociale. Elle considère que la saisine directe de la commission de recours amiable sans formulation préalable d'une demande auprès de ses services, est irrecevable. Elle ajoute que le relevé individuel ne porte aucune mention pour les années 2016 à 2019 et qu'il ne peut constituer au surplus une décision de l'organisme social.

À titre subsidiaire, la CIPAV détaille dans ses écritures les modalités de restitution des cotisations du régime d'auto-entrepreneur, ainsi que les revenus à prendre en compte dans le calcul des points de retraite.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours

Aux termes de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige, les réclamations relevant de l'article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d'administration ou de l'instance régionale de chaque organisme.

Selon les dispositions combinées de l'article L. 161-17, R.161-11 et D.161-2-1-4 du même code, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d'être pris en compte pour la détermination des droits à pension. Il en résulte que l'assuré est recevable, s'il l'estime erroné, à contester devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale le report des durées d'affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé (2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956).

Si le relevé de situation individuelle délivré à l'assuré mentionne « données non disponibles » ou « absence de données carrière », il fait alors état d'une absence de données et ne peut caractériser une ou des décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d'un assuré social, à la différence d'un relevé dont les mentions feraient apparaître une absence des droits. En cas d'absence de données, l'assuré ne peut former une réclamation en se fondant sur un tel relevé qui ne matérialise aucune décision de la CIPAV et son recours direct auprès de la commission de recours amiable puis ensuite devant la juridiction du contentieux général de la sécurité social est irrecevable (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-12.784).

En l'espèce, le relevé de carrière versé aux débats édité le 24 mars 2020 fait mention des points de retraite de base et de retraite complémentaire suivants pour le régime géré par la CIPAV :

- 2011 : 117,1 points pour la retraite de base et 10 points pour la retraite complémentaire;

- 2012 : 285,6 points pour la retraite de base et 10 points pour la retraite complémentaire;

- 2013 : 270,2 points pour la retraite de base et 9 points pour la retraite complémentaire;

- 2014 : 264 points pour la retraite de base et 27 points pour la retraite complémentaire.

Le relevé de situation individuelle ne comporte aucune mention pour les années 2015 à 2019. Ces années n'y figurent même pas.

Il en résulte que le recours de M. [Z] est parfaitement recevable pour les années 2011 à 2014 puisque le relevé de situation individuelle dûment renseigné comporte pour chacune de ces années l'indication du nombre de points pris en compte pour la détermination des droits à pension et caractérise une décision prise par la caisse pour l'ensemble de ces années. En revanche, le recours est irrecevable pour les années 2015 à 2019.

Il convient dans ces conditions de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur le calcul des points de retraite complémentaire

Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret nº 79-262 du 21 mars 1979 que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l'article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspondent l'attribution d'un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l'intéressé déterminée en fonction de son revenu d'activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de cet organisme. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret nº 2012-1522 du 28 décembre 2012, chacune d'entre elles portant attribution d'un nombre de points déterminé.

Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV), que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.542).

Ainsi, quelle que soit la période invoquée, c'est à tort que la CIPAV a fondé le décompte des points de retraite complémentaire de M. [Z] d'une part sur les dispositions définissant les modalités de la compensation financière de l'Etat, qui sont au surplus étrangères aux rapports entre la caisse et ses cotisants auto-entrepreneurs et d'autre part sur ses statuts, qui, en tout état de cause, se situent dans la hiérarchie des normes à un niveau inférieur aux dispositions légales et réglementaires. C'est également en vain que la CIPAV se prévaut du non-respect du principe de proportionnalité entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis et de l'existence d'une rupture d'égalité entre les auto-entrepreneurs et ses autres adhérents, dès lors que cet éventuel non-respect résulte du dispositif légal mis en place au profit des micro-entrepreneurs notamment dans une politique incitative de création d'entreprises.

De plus, il résulte de l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successivement applicables au litige, devenu l'article L. 613-7 (entré en vigueur le 14 juin 2018), que les cotisations et contributions sociales des auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV sont calculées à partir d'un taux de cotisation spécifique forfaitaire pour les garanties considérées au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire et de base, l'assiette retenue correspondant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent.

S'agissant de l'assiette de calcul, la CIPAV ne saurait valablement se référer aux bénéfices non commerciaux déclarés, au lieu du chiffre d'affaires, pour déterminer, à la baisse après un abattement de 34%, le revenu d'activité, et par conséquent, la classe de cotisation de l'affilié, l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale n'étant pas applicable aux travailleurs indépendants relevant du régime micro-social.

La CIPAV ne peut davantage se prévaloir de l'article 3.12 de ses statuts, qui prévoit que :

« La cotisation peut sur demande expresse de l'adhérent être réduite de 25, 50 ou 75 % en fonction du revenu professionnel de l'année précédente. Les tranches de revenus correspondant à ces taux de réduction sont déterminées chaque année par le conseil d'administration de la CIPAV », pour pratiquer à tort, au cours de cette période, une réfaction sur la cotisation fixée par décret de la classe dont dépend l'assuré.

A cet égard, il est de surcroît observé qu'une telle réduction suppose une demande expresse de l'assuré, demande qui en l'espèce ne ressort d'aucun élément au dossier et pour cause : contrairement à un professionnel libéral soumis au régime social de droit commun qui peut opter pour la réduction de sa cotisation de retraite complémentaire, le micro-entrepreneur s'acquitte d'une cotisation forfaitaire couvrant l'ensemble des cotisations sociales obligatoires, de sorte qu'il ne dispose pas d'une telle option pour voir opérer une réfaction sur son forfait social qui correspondrait à sa seule cotisation de retraite complémentaire.

Dans ces conditions, le décompte opéré par la CIPAV pour les années 2011 à 2014 ne peut pas être validé.

Il convient de faire droit à la demande de M. [Z] et de condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire comme suit :

- 40 points en 2011,

- 40 points en 2012,

- 36 points en 2013,

- 72 points en 2014.

Sur la retraite de base

Les parties s'accordent sur la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs mais s'opposent sur l'abattement de 34 % appliqué par la CIPAV sur le chiffre d'affaires.

Pour les raisons déjà développées, la CIPAV n'est pas fondée à retenir, au cours de la période considérée, une assiette de revenus fondée sur le bénéfice non commercial (BNC) et pratiquer ainsi à tort un abattement de 34 %.

Le décompte de la CIPAV ne peut donc être entériné. Il convient de faire droit à la demande de M. [Z] et de condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base comme suit :

- 177,4 points en 2011,

- 432,8 points en 2012,

- 409,3 points en 2013,

- 400,1 points en 2014.

Sur la remise d'un relevé de situation individuelle conforme

La CIPAV est condamnée à transmettre à M. [Z] un relevé de situation individuelle rectifié pour les années 2011 à 2014 dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, aucune circonstance ne démontrant la nécessité d'assortir cette condamnation du prononcé d'une astreinte.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral généré par la minoration des droits à la retraite

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et l'article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'article 9 du code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, M. [Z] réclame la somme de 3000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la minoration de ses droits à la retraite et du stress généré par le sentiment d'impuissance à obtenir rectification de ses droits.

S'il est exact qu'un différend juridique sur des modalités de calcul de droits à pension ne peut à lui seul constituer une faute notamment au regard de l'abondante jurisprudence suscitée par ces questions, force est de constater qu'au jour de l'introduction du litige, l'arrêt de la Cour de cassation était déjà intervenu mais que la CIPAV a persisté et persiste encore en 2024 dans l'application d'une position juridiquement erronée exerçant des recours sur ce même fondement, déjà écarté par la Cour de cassation.

Cette circonstance crée une insécurité totale pour le cotisant lequel est confronté à un positionnement injustifié de l'organisme de sécurité sociale et est obligé de systématiquement exercer un recours contentieux alors que la règle est clairement établie depuis plusieurs années et doit être appliquée par la CIPAV. Dans ces conditions, le comportement de la CIPAV, organisme de sécurité social chargé d'une mission de service public est fautif et doit être sanctionné.

La CIPAV est donc condamnée à verser à M. [Z] la somme de 1000 € au titre du préjudice moral.

La CIPAV étant parfaitement informée des modalités de calcul des points de retraite de base et complémentaire, il lui a appartient d'elle-même de procéder aux modifications des modalités de calcul pour les années 2015 à 2019 sans que M. [Z] soit obligé d'exercer un nouveau recours jurictionnel.

Sur la demande de réparation pour préjudice moral résultant de l'absence de renseignement sur le relevé de situation individuelle pour les années 2015 à 2019

L'action de M. [Z] pour absence de mention au titre des années 2015 à 2019 sur le relevé de situation individuelle a été déclaré irrecevable, au motif que M. [Z] aurait dû interroger préalablement à tout recours la CIPAV sur le nombre de points de retraite qui lui a été attribué au titre de ces années.

Par conséquent, M. [Z] n'est pas fondé à reprocher à la CIPAV un tel manquement et à solliciter des dommages et intérêts en raison de l'absence de données pour les années 2015 à 2019.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La CIPAV est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser à M. [Z] la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 en cause d'appel.

La demande qu'elle a présentée sur ce dernier fondement est rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 27 avril 2022 par le tribunal judiciaire du Mans en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande de M. [Y] [Z] au titre des points de retraite de base et complémentaire pour les années 2011 à 2014 ;

DÉCLARE irrecevable la demande de M. [Y] [Z] au titre des points de retraite de base et complémentaire pour les années 2015 à 2019 ;

CONDAMNE la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse à rectifier les points de retraite complémentaire de M. [Y] [Z] comme suit :

- 40 points en 2011,

- 40 points en 2012,

- 36 points en 2013,

- 72 points en 2014 ;

CONDAMNE la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse à rectifier les points de retraite de base de M. [Y] [Z] comme suit :

- 177,4 points en 2011,

- 432,8 points en 2012,

- 409,3 points en 2013,

- 400,1 points en 2014 ;

CONDAMNE la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse à transmettre à M. [Y] [Z] un relevé de situation individuelle rectifié pour les années 2011 à 2014 dans un délai d'un mois à compter de la présente décision ;

CONDAMNE la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse à payer à M. [Y] [Z] la somme de 1000 € au titre du préjudice moral ;

DÉBOUTE M. [Y] [Z] de sa demandes de dommages et intérêts pour manquement de la CIPAV à son obligation légale d'information ;

CONDAMNE la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse à payer à M. [Y] [Z] la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande présentée par la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Clarisse PORTMANN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 22/00296
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.00296 ?
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