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24/04/2024 | FRANCE | N°24/00021

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 24 avril 2024, 24/00021


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B







Ordonnance N°: 21



Ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'ANGERS du 16 Avril 2024



N° RG 24/00021 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FJ2H



ORDONNANCE

DU 24 AVRIL 2024





Nous, Marie-Christine PLAIRE COURTADE, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 18 mars 2024, assistée de S. LIVAJA, Greffier,



Statuant sur l'appel formé par :



Madame

[B] [W]

née le 31 Janvier 1966 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

actuellement hospitalisée au [5],



Comparante assistée de Me Philippe GOUPILLE, avocat au barreau d'AN...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ère CHAMBRE B

Ordonnance N°: 21

Ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'ANGERS du 16 Avril 2024

N° RG 24/00021 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FJ2H

ORDONNANCE

DU 24 AVRIL 2024

Nous, Marie-Christine PLAIRE COURTADE, Présidente de chambre à la Cour d'Appel d'ANGERS, agissant par délégation du Premier Président en date du 18 mars 2024, assistée de S. LIVAJA, Greffier,

Statuant sur l'appel formé par :

Madame [B] [W]

née le 31 Janvier 1966 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

actuellement hospitalisée au [5],

Comparante assistée de Me Philippe GOUPILLE, avocat au barreau d'ANGERS, commis d'office,

APPELÉ A LA CAUSE :

Monsieur LE DIRECTEUR DU [5]

centre hospitalier spécialisé

[Adresse 7]

[Localité 1]

Non comparant, ni représenté,

Après débats à l'audience publique tenue au Palais de Justice le 24 Avril 2024, il a été indiqué que la décision serait prononcée dans l'après-midi, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Sur décision du directeur de l'établissement public de santé mentale d'[Localité 3] ([5]) en date du 6 avril 2024, Mme [B] [W], née le 31 janvier 1966, a été admise en soins psychiatriques sans consentement sur péril imminent au visa de l'article L3212-1 II 2° du Code de la santé publique.

Cette décision a été prise sur la base d'un certificat médical rédigé le 6 avril 2024 par le docteur [R] [U], n'exerçant pas au sein du [5], relevant que l'intéressée régulièrement suivie en psychiatrie pour un trouble bipolaire responsable d'hospitalisations pour état délirant maniaque, présente 'des troubles du comportement se caractérisant notamment par une agitation, une sthénicité, un discours délirant avec adhésion totale, qu'eIle présentait une hypersynthonie du contact, qu'elle était totalement inconsciente de ses troubles et refusait tout soin'.

Ce praticien a conclu que les troubles mentaux ainsi constatés rendent impossible son consentement et justifient des soins immédiats assortis d'une surveillance complète dans un établissement de santé portant sur une admission en soins psychiatriques sans consentement.

Les démarches de recherche et d'information de tiers en vue d'une admission en soins psychiatriques en péril imminent ont été vaines, le docteur [U] comme le fils de Mme [W] - qui vit avec elle- ayant indiqué que ce dernier était 'un persécuteur désigné et ne pouvait signer une demande d'hospitalisation'.

Au vu de certificats médicaux des 24 et 72 heures dressés respectivement les 6 et 8 avril 2024 par les docteurs [Z] [D] et [S] [N] [K], psychiatres de l'établissement de soins, le directeur du centre hospitalier spécialisé du [5] à [Localité 6] a, le 8 avril 2024, décidé du maintien de la mesure de soins psychiatriques sans consentement de Mme [B] [W], dans cet établissement sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le 11 avril 2024, le Directeur du centre hospitalier spécialisé du [5] à [Localité 6] a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Angers d'une requête aux fins de statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète au visa de l'article L 3211- 12-1 du Code de la santé publique en joignant l'avis motivé du 10 avril 2024 émis par le docteur [S] [N] [K] psychiatre de l'établissement.

Suivant ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Angers, en date du 16 avril 2024, notifiée le même jour, la poursuite de l'hospitalisation complète de Mme [B] [W] a été autorisée.

Par lettre simple adressée par le [5] au greffe de la cour d'appel d'Angers, portant la date d'expédition du 17 avril 2024, reçue au greffe de la cour le 19 avril 2024, Mme [B] [W] a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions. Au soutien de son appel, elle a dit 'souhaiter retrouver sa liberté ; se comporter normalement et demandé que ses droits soient reconnus en Guyane pour qu'on verse à elle et ses enfants ce qu'on lui doit' .

A l'audience publique du 24 avril 2024, Mme [B] [W] a comparu. Elle était assistée de Maître Goupille, avocat au barreau d'Angers.

Mme [W] a exposé qu'elle connaît un état dépressif latent depuis avant la naissance de ses enfants ; que cet état est le fait de son ex-compagnon, père de ses enfants, qui a commis sur elle des violences et pour lesquelles elle a déposé plusieurs plaintes ; qu'il 'est de mèche' avec un notaire en Guyane ; qu'il la persécute toujours et agi en manipulant ses enfants ; qu'il l'a mise dernièrement en difficulté financière en la privant de la pension alimentaire antérieurement versée pour son fils parce qu'il est âgé de 19 ans.

Elle a soutenu qu'elle adhère aux soins qui lui sont proposés ; que ceux-ci ont été diminué.

Maître Goupille a été entendu en ses observations tendant à la main-levée de la mesure de soins contraints dont Mme [B] [W] est l'objet. En la forme, il a dit ne pas avoir d'observation sur la procédure.

Au fond, il a souligné l'amélioration de la situation de sa cliente qui devrait pouvoir sortir rapidement.

Par avis écrit du 23 avril 2024 mis à disposition des parties et communiqué oralement au conseil de Mme [B] [W] lors de l'audience, le procureur général conclut à la recevabilité de l'appel et à la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Dûment convoqué, M. le directeur du centre hospitalier spécialisé du [5] de [Localité 6] est absent. La présente décision est par conséquent réputée contradictoire.

Dans un avis motivé du 23 avril 2024 transmis au greffe de la cour le même jour et communiqué oralement aux parties présentes à l'audience, le docteur [S] [N] [K], psychiatre au centre hospitalier spécialisé du [5] de [Localité 6], s'est prononcée sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète de Mme [B] [W]. Cet avis a été mis à disposition des parties.

SUR QUOI

- Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de Mme [B] [W] a été relevé dans les formes et délais prévus par les articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique.

Il est donc parfaitement recevable.

- Sur la poursuite des soins

Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1°- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement,

2°- son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.

Selon l'article L 3211-12-1 I et II du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre, ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette décision. Cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

L'article L 3211-12 du code de la santé publique dispose encore que le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi à tout moment aux fins d'ordonner à bref délai la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre..., quelle qu'en soit la forme.

Enfin, il est admis que le juge qui se prononce sur le maintien de l'hospitalisation complète doit apprécier le bien fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués et ne peut substituer son avis à l'évaluation par des médecins des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Sur le bien-fondé de la poursuite des soins, les pièces versées au dossier notamment les certificats médicaux circonstanciés légalement exigés établissent :

- que Mme [B] [W] a été hospitalisée après que son fils a appelé les secours car elle aurait tenté de Ie mordre dans un délire persécutif selon lequel il essayerait de la spolier, qu'à sa prise en charge au CHU, il a été nécessaire de la contentionner en raison de son agitation et d'un risque de passage à l'acte agressif, ces éléments ayant été repris dans le certificat médical établi par le docteur [R] [U].

Ce médecin a constaté qu'elle se présente 'agitée, sthénique, volontiers insultante et agressive en parole ; le discours est délirant, non systématisé, plurithématique (serait à la tête d'une équipe de médiums d'Etat, déjouerait un cyberattentat au CHU, serait également médecin, business angel... Persécutée par des satanistes, et aussi enceinte de l'experte juridique qui l'assisterait pour faire valoir ses droits contre sa famille qui veut la marier de force...) ; d'adhésion totale et de mécanisme surtout intuitif. Elle présente une hypersyntonie du contact et un ludisme. Elle est totalement inconsciente des troubles, refuse tout soin psychique hospitalier pourtant manifestement nécessaire au vu de son état'.

- que selon certificat médical du 6 avril 2024, le docteur [Z] [D], médecin psychiatre au [5], a indiqué que Mme [W] est " suivie de longue date pour un trouble schizoaffectif ; nouvelle hospitalisation dans un contexte d'inquiétude de la famille depuis quelques semaines vis-à-vis de comportements désorganisés sans rupture du traitement (traitement néanmoins probablement sous dose au long cours par réticence de la patiente à augmenter la posologie) ; à l'entretien de ce jour, calme, propos persécutifs habituels, anosognosie complète ; refuse l'échange ; note thymique dépressive marquée dans le discours avec expression d'un vécu de désespoir par rapport à sa situation qu'elle vit comme une impasse'. Le médecin a alors conclu à la nécessité d'une hospitalisation complète en soins sans consentement afin de poursuivre l'évaluation, réévaluer les possibilités thérapeutiques et apaiser les relations intra familiales.

- que le docteur [S] [N] [K] dans le certificat de 72 heures, le 8 avril 2024, indique que Mme [W] est 'd'un contact correct mais présente une irritabilité notable, une tachypsychie, un trouble du cours et du contenu de la pensée: logorrhée, coq à l'âne, diffluence, propos délirants mégalomaniaque, persécutif et de filiation. Elle est anosognosique et rationalise ses troubles'.

- que le certificat médical établi par le docteur [S] [N] [K] le 10 avril 2024 indique que le maintien en hospitalisation complète sans consentement se justifie en ce que ' la patiente suivie de longue date pour un trouble schizo-affectif, ré hospitalisée pour comportements désorganisés ; qu'elle n'est pas en rupture de traitement mais manifeste une réticence habituelle aux adaptations nécessaires ; qu'elle présente une élation de l'humeur se manifestant par une logorrhée inépuisable, une familiarité et une irritabilité ; qu'elle est peu accessible, verbalise un discours désorganisé et délirant, poly-thématique ; qu'elle est anosognosique, se montre peu coopérante, nécessitant des temps d'apaisement en chambre ; qu'on ne peut actuellement compter sur une adhésion aux soins de Ia part de Mme [W].'

Qu'enfin, dans le dernier certificat médical en date du 23 avril 2024, le docteur [S] [N] [K] expose que 'actuellement, Mme [W] est calme, le discours est moins désorganisé, les échanges sont plus adaptés mais encore empreints d'un vécu persécutif qu'elle rationalise et qui contribue a une bascule de l'humeur sur un versant plus dépressif.

Elle ne manifeste pas d'opposition active aux soins mais ne prend pas Ia mesure des troubles qui alertent son entourage du fait de ses rationalisations; ainsi son adhésion aux soins reste fragile.

Un temps de stabilisation clinique, possiblement de courte durée, est nécessaire.

Ne pouvant encore compter sur une coopération stable de la part de Mme [W], I'hospitalisation complète sans consentement nous apparaît encore justifiée.'

Ces considérations médicales circonstanciées et actualisées tenant à l'existence et la persistance des troubles objectivés sous la forme d'un délire de persécution imposant toujours des soins, et la persistance d'une fragilité de l'adhésion aux soins sont autant d'éléments qui rendent nécessaire la poursuite des soins psychiatriques de Mme [B] [W] dans un cadre contraint, les troubles mentaux rendant impossible son consentement.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée puisque l'atteinte portée à l'exercice des libertés constitutionnelles garanties est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état de santé mental de Mme [B] [W] et à la mise en oeuvre du traitement requis.

- Sur les dépens

Conformément aux dispositions des articles R. 93 et R. 93-2 du code de procédure pénale, il convient de laisser les dépens à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

Le Délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

DÉCLARONS l'appel recevable en la forme ;

Au fond, REJETONS l'appel formé par Mme [B] [W] ;

CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 16 avril 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Angers autorisant la poursuite de l'hospitalisation complète sans consentement de Mme [B] [W] ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIER LA DÉLÉGUÉE

DU PREMIER PRÉSIDENT

S. LIVAJA M.C. PLAIRE COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 24/00021
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;24.00021 ?
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