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14/03/2024 | FRANCE | N°21/02214

France | France, Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 14 mars 2024, 21/02214


COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B







MCC/ILAF

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 21/02214 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E4YM



jugement du 30 Août 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 21/00120



ARRET DU 14 MARS 2024



APPELANT :



M. [R] [N]

né le [Date naissance 12] 1955 à [Localité 47]

[Adresse 2]

[Localité 31]



Représenté par Me Eric GUYOT, avocat au barreau de L

AVAL



INTIMES :



Mme [JV] [N]

née le [Date naissance 20] 1963 à [Localité 47]

[Adresse 30]

[Localité 36]



M. [PE] [N]

né le [Date naissance 27] 1960 à [Localité 47]

[Adresse 42]

[Localité 32]...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

MCC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 21/02214 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E4YM

jugement du 30 Août 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 21/00120

ARRET DU 14 MARS 2024

APPELANT :

M. [R] [N]

né le [Date naissance 12] 1955 à [Localité 47]

[Adresse 2]

[Localité 31]

Représenté par Me Eric GUYOT, avocat au barreau de LAVAL

INTIMES :

Mme [JV] [N]

née le [Date naissance 20] 1963 à [Localité 47]

[Adresse 30]

[Localité 36]

M. [PE] [N]

né le [Date naissance 27] 1960 à [Localité 47]

[Adresse 42]

[Localité 32]

Mme [BZ] [N] épouse [F]

née le [Date naissance 28] 1953 à [Localité 49]

[Adresse 45]

[Localité 35]

Mme [P] [N] épouse [ER]

née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 47]

[Adresse 1]

[Localité 33]

Mme [GJ] [N] épouse [S]

née le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 47]

[Adresse 4]

[Localité 38]

M. [Y] [N]

né le [Date naissance 14] 1956 à [Localité 47]

[Localité 40]

[Localité 34]

Représentés par Me Eric CESBRON de la SELARL SELARL BFC AVOCATS, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 21900415

Monsieur [X] [N]

né le [Date naissance 21] 1964 à [Localité 47]

[Adresse 29]

[Localité 31]

Assigné n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 14 Décembre 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme PLAIRE COURTADE, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant Mme PARINGAUX, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PLAIRE COURTADE, présidente de chambre

Mme PARINGAUX, conseillère

Mme BOURGOUIN, conseillère

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 14 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine PLAIRE COURTADE, présidente de chambre et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [G] [N] est décédé le [Date décès 10] 2005. Mme [M] [MM], épouse [N] est décédée le [Date décès 37] 2018. Ils laissent pour leur succéder leurs 8 enfants : Mmes [BZ], [P], [GJ] et [JV] [N] et MM [R], [Y], [PE] et [X] [N].

Ne parvenant par un accord amiable de règlement des successions, par actes extra-judiciaires délivrés le 2 octobre 2019, les consorts [JV], [PE], [BZ], [P], [GJ] et [Y] [N] ont attrait MM.'[R] et [X] [N] devant le tribunal de grande instance de Laval aux fins de voir procéder à la liquidation et au partage desdites successions.

Les consorts [N] ont demandé de :

- dire et juger que les consorts [N] sont recevables et bien fondés en leurs demandes ;

En conséquence :

- ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et de partage de la succession née du décès de M. [G] [N] et de la succession née du décès de Mme [MM] ;

- désigner tel notaire qu'il plaira au tribunal sous la surveillance de tel magistrat du tribunal judiciaire de Laval ;

- dire et juger irrecevable la pièce adverse n° 13 sur le fondement de l'article 1353 du Code civil ;

- dire et juger irrecevables et mal fondées les demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires de M. [R] [N] et l'en débouter avec toutes suites et conséquences de droit et/ou fait ;

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

M. [R] [N] a, quant à lui, sollicité de :

- débouter les demandeurs de leur demande tendant à dire et juger irrecevable la pièce n°13 du concluant ; subsidiairement, dire irrecevable la pièce adverse n° 28 ;

- ordonner le rapport à la succession née du décès de M. [G] [N] et de Mme [MM] :

' de la donation consentie au profit de M. [Y] [N] par diminution de la valeur vénale à hauteur de 113 673 euros lors de la cession de la propriété de [Localité 40] le 3 janvier 2002 ; subsidiairement ordonner avant-dire droit une expertise de la propriété pour déterminer sa valeur vénale à l'époque de la vente au 3 janvier 2002 ;

' des six dons manuels de 7 622.45 euros consentis en 2002 à Mmes'[JV], [BZ], [P], et [GJ] [N] et MM''[PE] et [X] [N] ;

- ordonner que les dépens soient employés en frais privilégiés de partage, avec distraction au profit de maître Guyot, avocat, aux offres et affirmations de droit.

Par jugement en date du 30 août 2021, le tribunal judiciaire de Laval a notamment :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions de M. [G] [N] décédé le [Date décès 10] 2005 et de Mme [MM] décédée le [Date décès 37] 2018 ;

- désigné pour y procéder le président de la chambre interdépartementale des notaires délégué pour le département de la Mayenne, avec faculté de délégation, pour procéder à ces opérations et le juge commis aux partages du tribunal judiciaire de Laval pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés';

- dit qu'en cas d'empêchement du notaire, il pourra être pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête ;

- dit que les parties devront communiquer au greffe du tribunal le nom du notaire ainsi commis ;

- rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

- ordonné le rapport par Mmes [JV], [BZ], [P] et [GJ] [N] et MM. [PE] et [X] [N] de la somme de 7'622,45 euros à chacune des successions de M. [G] [N] et de Mme'[MM] ;

- rejeté la demande tendant à voir prononcer l'irrecevabilité de la pièce n°13 du défendeur ;

- débouté M. [R] [N] de sa demande reconventionnelle tendant à rapporter aux successions la donation déguisée faite à l'occasion de la vente du 3 janvier 2002 ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage sans possibilité de distraction au profit des avocats ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit du présent jugement.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Angers le 12 octobre 2021, M. [R] [N] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

"-'débouté M. [R] [N] de sa demande reconventionnelle tendant à rapporter aux successions la donation déguisée faite à l'occasion de la vente du 3 janvier 2002 et de sa demande subsidiaire aux fins d'expertise judiciaire'.'

Mmes [JV], [BZ], [P] et [GJ] [N] et MM.'[PE] et [Y] [N] ont constitué avocat le 19 octobre 2021.

Par acte d'huissier de justice en date du 11 janvier 2022, M. [R] [N] a fait signifier à M. [X] [N] sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant. L'acte a été signifié à sa personne.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 novembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées le 2'novembre 2023 et signifiées le 7 novembre 2023 à M. [X] [N], M.'[R] [N], demande à la présente juridiction de :

- recevoir M. [R] [N] en son appel ;

Y faisant droit :

- infirmer le jugement rendu le 30 août 2021 par le tribunal judiciaire de Laval, en ce qu'il a débouté M. [R] [N] de sa demande de rapport aux successions des époux [N] de la donation consentie au profit de M. [Y] [N] par diminution de la valeur vénale à hauteur de 113 673 euros lors de la cession de la propriété de [Localité 40] le 3 janvier 2002 ; ainsi que de sa demande subsidiaire d'expertise ;

En conséquence :

- ordonner le rapport aux successions nées du décès de M. [G] [N] et de Mme [MM], de la donation consentie au profit de M. [Y] [N] par diminution de la valeur vénale à hauteur de 113 673 euros lors de la cession de la propriété de [Localité 40] le 3 janvier 2002 ;

- subsidiairement ordonner avant-dire droit une expertise de la propriété pour déterminer sa valeur vénale à l'époque de la vente au 3 janvier 2020 ;

En toute hypothèse :

- condamner solidairement Mmes [JV], [BZ], [P] et [GJ] [N] et MM. [PE] et [Y] [N], aux dépens d'appel et à payer à M. [R] [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- requis de maître Guyot, avocat, soit transmis par voie électronique à maître [E], de la Selarl [39] en application de l'article 748-3 du code de procédure civile, l'avis de réception tenant lieu de visa signature.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe, notifiées le 3'novembre 2023, Mmes [JV], [BZ], [P] et [GJ] [N] et MM. [PE] et [Y] [N], demandent à la présente juridiction de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Laval en date du 30 août 2021 en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

- ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et de partage de la succession née du décès de M. [G] [N] et de la succession née du décès de Mme [MM] ;

- désigner tel notaire il plaira au tribunal sous la surveillance de tel magistrat du tribunal de grande instance de Laval ;

- dire et juger irrecevables et mal fondés les demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires de M. [R] [N] et l'en débouter avec toutes suites et conséquences de droit et/ou de fait ;

- condamner M. [R] [N] à payer et porter à chacun des Consorts [N] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. [R] [N] aux entiers dépens d'appel.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la donation

Aux termes des dispositions de l'article 843 alinéa 1 du Code civil, 'Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale'.

M. [R] [N] expose que M. [Y] [N] a bénéficié d'une donation à l'occasion de la vente à lui faite par ses parents pour 53 357 euros de la ferme de [Localité 41] à [Localité 47] suivant acte authentique du 3 janvier 2002'; qu'il résulte d'un rapport d'expertise effectué par M. [C], expert agricole, que la propriété avait une valeur de 167 030 euros, soit une donation de 113 673 euros.

Il soutient que dans l'acte de vente du 3 janvier 2002, il est indiqué que la surface totale du bien vendu est de 25 hectares, 18 ares et 30 centiares, dont partie bâtie ; que dans son rapport, M. [C] observe qu'indépendamment des zones bâties, les terres représentent une surface de 23 hectares 28 ares 30'centiares, qui, sur la base d'un prix [48] de 3 049 euros par hectare, correspondent à une valeur de 70 990 euros ; que M. [W] qui dispose d'un bail sur 17 hectares 55 ares et 90 centiares a libéré les lieux à compter du 1er'novembre 2002 ; que c'est donc bien le prix des terres libres qui doit être retenu ; que même en retenant le barème des terres louées dont la durée du bail restant à courir est supérieur à deux ans, la valeur des terres labourables serait entre 1 520 et 3 350 euros/ha et celle des prairies naturelles entre 1 370 et 2 740 euros ; que l'expert foncier a noté que les terres sont de bonne qualité et que leur valeur se situe entre dominante et maximum, de sorte qu'en considérant les terres comme louées pour plus de deux ans, leur valeur minimale serait de 2 440 euros/ha, soit, pour 23 283 ha, une valeur vénale de 56 810 euros, déjà supérieure au prix de vente de 2002 (53 357 euros), alors même qu'il n'est pas tenu compte de la valeur des bâtiments et du terrain non agricole ; qu'à la date de la cession, le 3 janvier 2002 après compromis du 13 novembre 2001, la valeur retenue ne peut être que celle qui a été constatée au cours de l'année 2001 ; que les terres sont en nature de prairies naturelles sur seulement 3,963 hectares et en nature de terres labourables sur 19,39 hectares.

Il ajoute que l'acte de vente du 3 janvier 2002 donne au bien vendu la surface de 25 hectares 18 ares 30 centiares ; qu'en retranchant les 23,83 hectares de terrain agricole ayant fait l'objet d'une évaluation supra, il reste 1,9 hectares de terrain bâti et constructible ; qu'indépendamment des terres agricoles, la propriété vendue à M. [Y] [N] comporte : une maison en pierre et couverte en ardoises mesurant environ 135,20 m2, un grenier aménageable ; une petite maison en pierres, couverte d'ardoises, de 45 m2 ; une étable en pierres, couverte d'ardoises, d'environ 245 m2 ; un hangar métallique de 600 m2 ; une loge, à valeur d'usage ; un terrain de 1 1975 hectare ; que M. [C] évalue le corps de ferme principal et le terrain attenant à 76 225 euros ; la petite maison annexe à 15 245 euros, et le hangar à 4 570 euros soit 96 040 euros ; que cette estimation est corroborée par les prix de différentes ventes de biens similaires réalisées dans le passé.

Mmes [JV], [BZ], [P] et [GJ] [N] et Mrs. [PE] et [Y] [N] exposent que l'acte de vente en date du 3 janvier 2002 a été dressé par maître [T], notaire, qui n'a émis aucune observation en ce qui concerne le prix de vente, qui est un professionnel de l'immobilier qui vérifie si le prix de vente correspond à la réalité du marché au regard du bien en question ; que ce corps de ferme a été mis en vente en vain et il a été proposé à chacun des enfants qui ne souhaitaient pas en faire l'acquisition jusqu'à ce que M. [Y] [N] l'accepte, étant de retour dans le département de la Mayenne ; que ce corps de ferme était dans un état quelque peu délabré et M. [Y] [N] a dû y faire faire de nombreux travaux pour le rendre réellement habitable et ce au vu et au su de chacun de ses frères et s'urs.

Ils ajoutent que l'expertise par M. [C] a été faite le 25 septembre 2002, alors que l'immeuble était déjà la propriété de M. [Y] [N] ; que ni M. [R] [N] ni M. [C] n'avaient donc le droit de pénétrer dans cet immeuble sans y avoir été au préalable autorisé par le propriétaire ou le Président du Tribunal compétent ; qu'il est faux de dire qu'il lui avaient remis un jeu de clé ; qu'il y a violation de domicile qui rend nul ce rapport.

Ils disent encore que M. [C] expose que 'le corps de ferme est en cours de rénovation et que l'ensemble doit être évalué libre de location et que cet ensemble peut faire l'objet de lotissements", ce qui constitue en soi une erreur puisque cet immeuble a été vendu à M. [Y] [N], non pas pour y faire un lotissement, mais en vue de son habitation par lui et sa famille après rénovation ; que l'acte de vente stipule d'ailleurs que certaines terres sont louées'; qu'il ne semble pas que M. [C] soit entré dans le corps de ferme ni dans la petite maison qu'il qualifie de dépendance, ce qui fausse son évaluation puisqu'il n'a pas tenu compte de l'état de l'intérieur et de l'importance des travaux nécessaires et qui seront finalement réalisés par M. [Y] [N] ; qu'en ce qui concerne les terres, M. [C] n'a pas tenu compte de la valeur vénale moyenne des terres agricoles pour l'année 2001 ; qu'il est pour le moins incertain qu'il se réfère à un prix de terres libres alors qu'il existait deux baux ruraux consentis par les vendeurs à deux cultivateurs.

Ils soutiennent ensuite que le compromis d'achat de la ferme a été signé le 13 novembre 2001 ; que la valeur de la ferme au moment de la signature du compromis était à calculer à partir de la valeur vénale des terres labourables et des prairies naturelles pour les terres agricoles louées en 2000, publiée au journal officiel du 30 septembre 2001 ; qu'il a été tenu compte de la "dominante"'; que l'évaluation était de 304 750 Francs, soit 46 459 euros auxquels on ajoute les frais de 29 000 francs (4 421 euros ), soit 50 880 euros ; que le prix de vente qui ne correspondait pas uniquement aux terres mais à l'ensemble de l'immeuble et tenait compte des nombreux travaux qui étaient indispensables pour pouvoir y résider, est conforme.

Sur ce,

Il appartient à celui qui se prévaut d'une donation déguisée, soit en l'espèce, M.'[R] [N], de démontrer la simulation, de caractériser la volonté de dissimulation du cédant et d'établir la preuve de son intention libérale.

Aux termes des dispositions de l'article 860 du Code civil, 'Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation'.

M. [R] [N] remet en cause la valeur de l'ensemble immobilier dit la ferme de [Localité 41] à [Localité 47], cédé par ses parents pour la somme de 53 357 euros suivant acte authentique passé par-devant maître [T], notaire le 3 janvier 2002 en s'appuyant :

- sur un rapport d'expertise établi par M. [C] le 15 novembre 2002 ;

- sur un barème d'évaluation des terres par la [48] ;

- sur des ventes immobilières réalisées dans un temps proche de la vente litigieuse ;

- des attestations de témoins.

Il convient d'abord de rappeler que l'acte de vente a été passé par-devant notaire, professionnel de l'immobilier, soumis à une obligation d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets des actes qu'il établit.

Sur le rapport d'expertise de M. [C]

L'article 9 du Code de procédure civile dispose que 'Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.

Le document produit en pièce 2 et intitulé 'rapport d'expertise' a été établi par M. [KU] [C], expert agricole et foncier et immobilier, expert auprès de la cour d'appel d'Angers.

Il exerçait alors en qualité de gérant d'appartements, de copropriétés, de fermes en vue de leur locations, ventes et expertises.

Il a été requis par M. [R] [N] et a visité la propriété le 25 septembre 2002 avant d'établir son rapport le 15 novembre 2002.

La description des lieux correspond à celle portée à l'acte de vente.

Il est constant que cette évaluation a été réalisée postérieurement à l'acquisition par M. [Y] [N] de la propriété et qu'elle a manifestement amené l'expert requis à pénétrer sur les terrains mais plus encore dans les bâtiments puisque l'intérieur y est décrit.

Or, comme l'a souligné le premier juge, le seul fait que M. [R] [N] détienne un jeu de clé - que M. [Y] [N] nie par ailleurs lui avoir remis - ne l'autorisait nullement à s'y introduire sans autorisation du propriétaire ou de la justice.

Aucune de ces deux autorisations n'est démontrée ni même visée dans le rapport établi par M. [C].

Or, une preuve obtenue à la suite d'une violation de domicile est irrecevable (Civ. 3e, 10 mars 2010, no 09-13.082).

Le rapport établi par M. [C] le 15 novembre 2002 doit être écarté des débats.

Sur l'évaluation par la [48]

M. [R] [N] produit un arrêté du Ministère de l'agriculture en date du 13'novembre 2002 portant fixation du barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en 2001, la zone étant classée en polyculture.

Il convient de rappeler préalablement qu'étaient données en bail à ferme :

- à M. et Mme [W], des parcelles de terre sises commune de [Localité 47], près le lieudit [Localité 40] cadastrées section B n° [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 22],, [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25] et [Cadastre 26] pour une surface de 17 ha 55a et 90 ca. M. [R] [N] produit un courrier de M. [W] daté du 7 mai 2002 par lequel il dit son intention de laisser les terres louées à compter du 1er novembre 2002

- à M. et Mme [L], des parcelles de terre sises commune de [Localité 47], près le lieu dit [Localité 40] cadastrées section B n° [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 11] pour une contenance de 6ha 17 a et 10 ca.

A la lecture de l'acte authentique de vente, restent les parcelles [Cadastre 13] à [Cadastre 15], dites respectivement [Localité 41] (34a 80ca), [Localité 44] (10a 20ca), [Adresse 46] (35a 80ca), [Localité 43] (64a et 50ca).

Le barème concernant les terres ne peut être que celui des 'terres louées dont la durée du bail restant à courir est supérieure à deux ans', M. et Mme [W] étant bien fermiers à la date de la vente.

Le courrier annonçant la fin du bail est postérieur à la vente et d'ailleurs adressé à M. [Y] [N].

Les intimés soutiennent justement que la valeur des terres connue à la date de la vente n'était pas celle de l'arrêté du 13 novembre 2002 mais bien celui antérieur à celle-ci au 30 septembre 2001.

Ils ne produisent que la fraction de cet arrêté afférent aux terres louées.

Il en résulte que la dominante est 15 000 francs/ha pour les terres labourables et 11 500 francs/ha pour les prairies naturelles.

L'acte de vente ne distingue pas les deux types de terre.

La valeur globale des terres est donc comprise entre (23 X 15 000 = 345 000 francs) et (23 X 11 500 = 264 000 francs), soit entre 52 595 et 40 323 euros.

La valeur haute doit être écartée puisque toutes les parties conviennent que les terres n'était pas toutes labourables (les intimés les estiment à hauteur de moitié et l'appelant à hauteur de 4 hectares), ces montants sont donc inférieurs au prix convenu, le surplus devant représenter les bâtiments.

M. [R] [N] produit un dossier photographique qui n'est pas horodaté. Si les bâtiments sont en eux-mêmes de belle facture, l'état des toits n'est pas connu et l'intérieur du bien habitable est d'un confort sommaire et ancien voire vétuste.

M. [R] [N] produit des attestations de M. [K] [H], de M. [UO] [YA], de M. [U] [A], de Mme [Z] [ER] qui ont acheté des biens immobiliers sur des communes avoisinantes, mais qui ne permettent aucunement de comparaison utile avec les immeubles litigieux, les ventes s'étant faites à des dates diverses et non concomitantes (trois postérieures de plusieurs années et une très antérieure) et l'état des biens étant inconnu.

Des annonces immobilières ont également été produites datées de septembre 2022 pour des prix compris entre 57 930 euros (loge à rénover) à 228 674 euros (fermette rénovée de 220 m2, dépendance et terrain de 5 000m2).

Là encore, les descriptions des biens sélectionnés ne permettent pas de rapprocher utilement ces biens des immeubles litigieux, les prix indiqués étant les prix demandés non ceux obtenus et les biens étant situés en plusieurs communes du département.

M. [R] [N] produit enfin des attestations de Mme [UJ] [JB] et de Mme [RX] [V] qui ont visité la maison d'habitation des époux [G] et [M] [N] et disent qu'elle comportait l'eau courante, l'électricité et le chauffage, mais Mme [JB] s'est présentée en 1994 et Mme [JB] en 1999.

Ces dates sont donc antérieures à la vente.

Les intimés ont de leur côté produit le témoignage de Mme [J] [O] laquelle a occupé la maison de [Localité 40] du juillet 2001 à avril 2002, soit une date proche de la vente.

Elle indique que la maison ne disposait pas de chauffage et qu'elle utilisait un poêle à pétrole, que l'immeuble était très humide, qu'il n'y avait pas d'isolation et que la maison était très froide, que l'installation électrique était très vétuste.

Mme [D] [B] dit avoir visité la maison avant qu'elle ne soit vendue.

Elle évoque 'une maison ancienne, non habitée depuis un certain temps, n'ayant pas été entretenue ni modernisée depuis des années ... difficilement habitable en l'état car aucun confort (pas de chauffage, coin cuisine non équipé, odeur de renfermé, boiseries des portes et fenêtres très endommagées ... toiture en ardoise très endommagée, murs avec un crépis détérioré...une mare non entretenue, une longère avec des portes en bois très abîmées, rongées en bas, des portes hautes coulissantes en tôle rouillées '.

M. [I] [B], qui a participé aux travaux de nettoyage et rénovation après l'acquisition, témoigne 'de plafonds remplis de vieilles céréales et de rongeurs morts, de murs avec des traces d'humidité, de défaut de sanitaire ayant justifié l'installation de toilettes sèches, d'une toiture percée de partout ... la maison n'était pas habitable en l'état'.

M. [Y] [N] justifie de manière exhaustive des travaux réalisés sur l'immeuble.

Ils concernent du gros oeuvre touchant tant à l'électricité qu'à la plomberie ou à la couverture pour un montant avoisinant les 280 000 euros.

Il en résulte que si M. [R] [N], à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre aucunement que le prix de la propriété aurait été sous évalué lors de sa vente, les intimés rapportent eux des éléments confortant que les immeubles se trouvaient dans un état de grande vétusté et inhabitables.

Enfin, on doit faire état d'un courrier des intimés en date du 28 mars 2019 adressé au notaire liquidateur, rappelant que la vente a été initiée par leur parents, le prix fixé par eux et porté à la connaissance de l'ensemble des héritiers sans observation.

M. [R] [N] qui a consulté un conseil le 10 janvier 2003 pour s'informer d'un recours possible contre cette vente, n'a pris aucune disposition pour solliciter à titre conservatoire une expertise contradictoire.

Le juge a justement estimé qu'il ne lui appartient pas d'ordonner une expertise pour pallier la carence du demandeur dans la charge de la preuve.

M. [R] [N] n'ayant pas amené plus d'élément en appel, le jugement sera confirmé sur ce point.

Le jugement qui a débouté M. [R] [N] de sa demande de rapport à la succession d'une donation indirecte sera confirmé.

Sur les frais et dépens

M. [R] [N] qui succombe sera condamné aux dépens et à payer aux intimés ayant constitué avocat, la somme globale de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Laval du 30 août 2021 en toutes ses dispositions contestées ;

CONDAMNE M. [R] [N] à payer à Mmes [JV], [BZ], [P] et [GJ] [N] et MM. [PE] et [Y] [N] la somme globale de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [R] [N] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. BOUNABI M.C. PLAIRE COURTADE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 1ère chambre section b
Numéro d'arrêt : 21/02214
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.02214 ?
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